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La répression prend une dangereuse tournure en Syrie
(New York, 7 Septembre, 2001) Les récentes offensives du gouvernement syrien à l’encontre d’opposants politiques emblématiques témoignent d’un inquiétant retour des pratiques d’arrestations arbitraires et d’intimidation, qui marquaient le régime de l’ancien président Hafez el-Assad, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

“La liberté d’expression est une condition indispensable de la transition vers une société libre. Or aujourd’hui, le gouvernement syrien bafoue grossièrement ce droit fondamental. Si cette tendance dangereuse se poursuit, elle menace d’étouffer la voix des citoyens qui appellent pacifiquement et ouvertement à des réformes politiques depuis que Bachar el-Assad a succédé à son père à la tête de l’État, l’année dernière,”

Hanny Megally: directeur exécutif de la division Moyen-Orient et Maghreb de Human Rights Watch


 
L’organisation a condamné l’arrestation, samedi 1er septembre, de Riyad Turk qui, à 71 ans, est le plus célèbre ancien prisonnier politique de Syrie. Arrêté en 1980, il a été incarcéré sans procès ni aucun chef d’accusation, avant d’être remis en liberté en mai 1998. On ignore actuellement où est détenu M. Turk ainsi que les chefs d’accusation qui, le cas échéant, auraient été retenus contre lui.

Depuis sa remise en liberté, M. Turk avait multiplié les prises de position publiques en faveur des réformes et de la démocratie. Après son arrestation, le quotidien Al Thawra, organe de presse contrôlé par l’État, lui a reproché d’avoir calomnié les autorités et diffusé de fausses nouvelles.

“La liberté d’expression est une condition indispensable de la transition vers une société libre,” a indiqué aujourd’hui Hanny Megally, directeur exécutif de la section Moyen-Orient et Maghreb de Human Rights Watch. “Or aujourd’hui, le gouvernement syrien bafoue grossièrement ce droit fondamental.”

Human Rights Watch a également dénoncé et condamné le maintien en détention du parlementaire indépendant Mamoun el-Homsi, arrêté le 9 août dernier, ainsi que la plainte déposée récemment contre le journaliste Nizzar Nayyouf, défenseur des droits de l’Homme qui avait été libéré en mai dernier après avoir purgé une peine de dix ans d’emprisonnement.

“Si cette tendance dangereuse se poursuit, elle menace d’étouffer la voix des citoyens qui appellent pacifiquement et ouvertement à des réformes politiques depuis que Bachar el-Assad a succédé à son père à la tête de l’État, l’année dernière,” a estimé M. Megally.

M. el-Homsi a entamé une grève de la faim le 7 août dernier pour attirer l’attention sur plusieurs revendications politiques, parmi lesquelles la levée de l’état d’urgence, en vigueur sans interruption en Syrie depuis 1963. Le député indépendant aurait été accusé “d’offense à la Constitution, d’opposition au gouvernement, et d’activités d’espionnage au profit d’une puissance étrangère”, ce qui pourrait lui valoir une peine maximale de quinze ans de prison.

Le 3 septembre, Anwar al-Bunni, l’avocat de Nizzar Nayyouf, a annoncé que son client avait été convoqué par un juge d’instruction pour répondre des accusations lui reprochant d’avoir tenté de modifier la Constitution syrienne par des moyens illégaux, fomenté des querelles sectaires et diffusé à l’étranger des informations portant préjudice à l’État. Cette plainte, a ajouté M. al-Bunni, émane des avocats du parti Baas. M. Nayyouf, qui se trouve en France pour des raisons d’ordre médical, a clairement demandé que répondent de leurs actes les responsables qui, par le passé, ont porté atteinte aux droits de l’homme, y compris les personnes impliquées dans le massacre de quelque 1 100 détenus désarmés dans la prison militaire de Tadmore en juin 1980, perpétré par un commando dirigé par Rifaat el-Assad, le frère de l’ancien président qui vit aujourd’hui en exil en Europe.

En Syrie, de jeunes groupes indépendants de défense des droits de l’homme et autres associations citoyennes, telles que les forums civiques populaires qui se réunissent dans des appartements privés, n’ont aucun statut légal et restent sujettes au harcèlement et à la menace de fermeture selon le bon vouloir des autorités. L’un de ces forums, accueilli par le parlementaire engagé Riyad Seif, s’est réuni le 5 septembre et aurait attiré près de 400 personnes. M. Seif a déclaré qu’il envisageait de tenir des réunions bimensuelles, bien que les autorités aient refusé à deux reprises d’accorder une autorisation légale à son association.

La législation syrienne ne prévoit par ailleurs aucune disposition autorisant l’organisation de partis politiques d’opposition. Les anciens prisonniers politiques qui se réunissent et s’expriment librement ont signalé à Human Rights Watch qu’ils sont constamment surveillés par les forces de sécurité et que certains membres de leurs familles ont été interrogées sur leurs activités politiques.

“Les pays démocratiques, tels que la France, qui entretiennent avec la Syrie d’étroites relations bilatérales, doivent dès maintenant s’employer à persuader le gouvernement d’inverser cette tendance inquiétante,” a souligné M. Megally. L’Union européenne, avec laquelle la Syrie négocie un Accord d’association de libre-échange, devrait également peser de tout son poids, a-t-il ajouté. La formulation de cet accord stipule expressément que le traité est conditionné au respect des droits de l’homme et des libertés démocratiques.

La Syrie est signataire de la Convention sur les droits civils et politiques, qui garantit la liberté d’expression et d’association. La Commission des Droits de l’homme des Nations unies a examiné en début d’année la position de la Syrie au regard de ce traité, et a recommandé en mars dernier à la Syrie de lever l’état d’urgence “au plus tôt”. Elle a critiqué la pratique de détention au secret avant procès, et a appelé la Syrie à veiller à ce que toute personne arrêtée ou détenue pour délit soit promptement entendue par un juge, et puisse disposer d’avocats et communiquer avec sa famille. Elle a également exprimé son inquiétude quant aux “limitations dont peut faire l’objet la création d’institutions et d’associations privées, y compris des organisations non gouvernementales indépendantes et des organisations des droits de l’homme”, et aux “restrictions imposées à la tenue de réunions publiques et de manifestations.”