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Sierra Leone: pas de "route sûre" à travers les zones rebelles
L'ouverture d'un couloir humanitaire dans la région ne protègerait pas les réfugiés
(Freetown, Sierra Leone, le 3 avril, 2001) Des attaques rebelles contre les réfugiés revenant chez eux en Sierra Leone soulèvent des doutes à propos du nouveau plan des Nations Unies pour une "route sûre" à travers les territoires contrôlés par les rebelles, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.


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HRW Press Release, February 28, 2001

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Communiqué de presse, le 13 Septembre 2000

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"Ce soi-disant 'passage sûr' est loin de l'être. Les Nations Unies ne doivent pas prêter leur autorité à un dessein qui n'entraînera que des souffrances supplémentaires pour ces réfugiés déjà traumatisés."

Peter Takirambudde
Directeur Exécutif de la division africaine
Human Rights Watch


 
Les chercheurs de Human Rights Watch ont établi que les rebelles du Front Révolutionnaire Uni (RUF) ont violé, tué, et kidnappé des réfugiés provenant de Sierra Leone qui fuyaient les conditions épouvantables rencontrées dans les camps de réfugiés en Guinée. Ces découvertes soulèvent de sérieuses questions quant à la viabilité de cette route soi-disant "sûre", ce couloir humanitaire traversant les territoires rebelles, proposé en février par le Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Human Rights Watch a documenté des abus perpétrés contre les réfugiés dans les régions de Koinadugu, Kailahun et de Kono à l'Est de la Sierra Leone durant la période allant de décembre 2000 jusqu'à la mi-mars 2001. L'organisation a ajouté que les soldats du RUF attaquent les réfugiés de Sierra Leone lorsque ceux-ci cheminent pendant des jours, voire des mois, essayant d'atteindre les villes, comme celles de Kenema, Kabala et Daru, tenues par le gouvernement.

" Ce soi-disant 'passage sûr' est loin de l'être, " a souligné Peter Takirambudde, Directeur Exécutif de la division africaine de Human Rights Watch. " Les Nations Unies ne doivent pas prêter leur autorité à un dessein qui n'entraînera que des souffrances supplémentaires pour ces réfugiés déjà traumatisés. "

Depuis septembre 2000, lorsque les attaques à travers les frontières se sont multipliées entre les forces gouvernementales, les milices et les rebelles de Sierra Leone, de Guinée, et du Liberia, les réfugiés de Sierra Leone retournant dans leur patrie ont été assiégés dans des camps de réfugiés en Guinée. Le gouvernement guinéen estime que des centaines de personnes sont mortes dans les régions frontalières lors de cette violence, et que plus de 100.000 réfugiés sierra-léonais, libériens ainsi que des milliers de Guinéens ont été déplacés à l'intérieur du pays.
En février 2001, Ruud Lubbers, récemment nommé Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a visité la sous-région afin d'évaluer la crise des réfugiés décrite par le HCR comme étant le pire au monde. Après avoir rencontré des leaders de Guinée, du Liberia et de Sierra Leone, il a proposé le relogement des réfugiés dans des camps situés plus à l'intérieur de la Guinée. Ruud Lubbers a également suggéré une stratégie de " route sûre, " permettant aux réfugiés de retourner en Sierra Leone soit par voie de terre traversant les zones rebelles, soit par bateau de la capitale guinéenne de Conakry jusqu'à Freetown, capitale de la Sierra Leone, contrôlée par le gouvernement. Le HCR a établi le contact avec le RUF dans l'intention d'obtenir un engagement du RUF de laisser passer les réfugiés sans danger.

Depuis février, des dizaines de milliers de réfugiés ont été éloignés de la région frontalière par le HCR. Selon ce dernier, en date du 23 mars 2001, quelques 59.000 réfugiés sierra-léonais, pour la plupart de leur propre gré, étaient revenus depuis septembre 2000 de Guinée en Sierra Leone. Quelques 40.000 d'entre eux sont revenus en bateau de Conakry, et quelques 13'000 autres à pied à Lungi, au Nord de Freetown. On estime que quelques 5.000 d'entre eux sont passés à travers des zones en proie à la violence contrôlées par le RUF. Cependant, plus de 135.000 réfugiés demeurent bloqués dans les camps guinéens situés dans la région assiégée du "Bec de perroquet" adjacente aux territoires de Sierra Leone contrôlés par le RUF. Depuis septembre et en raison d'attaques rebelles dans la région frontalière, les réfugiés en pleine détresse dans ces camps restés vulnérables étaient quasiment inaccessibles aux agences humanitaires,.

Se basant sur ses découvertes vis-à-vis de la brutalité continue du RUF contre les réfugiés, Human Rights Watch croit que la protection des réfugiés serait sérieusement mise en péril si le HCR continuait à vouloir mettre en vigueur ses plans pour établir un "passage sûr". Malgré les assurances reçues par le HCR pendant ses réunions avec des leaders du RUF en Sierra Leone, le HCR devrait décourager toute forme de voyage que pourraient effectuer les réfugiés par voie de terre à travers des territoires rebelles contrôlés par le RUF.

Au lieu de ceci, la protection et le déplacement des réfugiés vers des camps plus sûrs en Guinée, plus éloignés des frontières, devraient être prioritaires pour le HCR. Afin de pouvoir prendre une décision quant à leur retour, les réfugiés devraient être informés de manière complète et objective, et ceux désirant retourner en Sierra Leone devraient être aidés pour leur transport vers Conakry d'où ils peuvent retourner en sûreté en bateau à Freetown.

La communauté internationale, y compris le HCR, devrait assister les réfugiés revenant en Sierra Leone. Beaucoup d'entre eux rejoignent les camps de personnes déplacées, déjà surpeuplés, autour de Freetown.
Parmi les réfugiés retournant en Sierra Leone qui ont donné à Human Rights Watch des comptes rendus détaillés d'abus sérieux perpétrés par les rebelles, de nombreux hommes ayant traversé la riche région diamantifère de Kono et le bastion rebelle de Kailahun ont décrit le recrutement d'hommes et de garçons robustes (quelques uns d'entre eux ayant tout juste quinze ans) afin qu'ils se battent aux côtés des forces rebelles, qu'ils travaillent de manière forcée dans les mines de diamants et dans l'armée rebelle. Quatre hommes ont été tués pour avoir refusé d'être recrutés, pour avoir désobéi ou parce qu'ils étaient incapables de travailler. Human Rights Watch a interviewé une vielle dame dont le fils de 25 ans avait été tué devant elle en décembre 2000, après avoir refusé d'être recruté. Une femme décrivait comment son mari avait été exécuté en décembre pour avoir refusé de la remettre aux rebelles, tandis qu'une autre femme décrivait la façon dont son mari, malade, avait été battu à mort à la mi-mars 2001 sans aucune raison apparente.

De nombreuses femmes rentrées en Sierra Leone ont décrit la manière dont elles ont été violées, abusées sexuellement, et enlevées pendant leurs périples. Human Rights Watch a interviewé six femmes qui avaient été violées et d'autres encore qui avaient été prises ou retenues dans des bases rebelles, parfois quelques heures durant et d'autres fois pendant plusieurs mois. Une femme a décrit le viol collectif perpétré par des rebelles du RUF dont elle a été victime à Kailahun à la fin du mois de janvier 2001, après qu'elle et cinq autres femmes avaient été choisies parmi un groupe de réfugiés détenus par les rebelles à un poste de contrôle. Human Rights Watch a également interviewé un homme qui a réussi à s'échapper à la mi-janvier après deux mois de travail forcé mais qui a dû laisser sa femme dans une base rebelle à Kono.

Selon des témoins, le RUF a systématiquement passé au crible les réfugiés, les obligeant parfois à se rendre sur d'autres sites où ils ont été poussés à s'installer au sein des territoires rebelles. Des réfugiés réinstallés en Sierra Leone ayant été détenus disent qu'ils ont été enlevés durant quelques heures voire plusieurs semaines. En plus des abus qu'ils ont souffert le long du chemin, les réfugiés décrivent avoir été dévalisés.

Pour voir les témoignages de quelques réfugiés, victimes d'abus rebelles, visitez:
http://www.hrw.org/press/2001/04/sl-testimonies.htm