Human Rights News
  FREE    Join the HRW Mailing List 
Communiqué du Comité International pour le Jugement d'Hissène Habré
Les victimes solliciteront tout pays qui accordera asile à Hissène Habré
(Le 10 avril 2001) Le Président du Sénégal, Abdoulaye Wade, vient de demander à Hissène Habré, l'ancien dictateur du Tchad vivant en exil à Dakar, de quitter le pays dans un délai d'un mois. Cette décision fait suite à l'abandon par la Cour de Cassation sénégalaise des poursuites engagées, il y a un peu plus d'un an, par des victimes d'Hissène Habré et l'Association des Victimes de Crimes et Répressions Politiques au Tchad (AVCRP). Dans ses déclarations, le Président Wade s'en est pris aux organisations de défense des droits de l'homme nationales et internationales qui soutiennent les victimes.

Le 20 mars dernier, la Cour de Cassation s'est déclarée incompétente pour juger des crimes commis par Hissène Habré au Tchad, du temps où il exerçait le pouvoir (1982-1990). A l'annonce de cette décision controversée, les victimes et parties civiles dans cette affaire avaient déclaré qu'elles continueraient à se battre pour que justice soit faite et qu'elles porteraient plainte contre le Sénégal devant le Comité des Nations Unies contre la Torture pour non-respect des ses engagements internationaux. Elles avaient également annoncé qu'une plainte contre Hissène Habré avait déjà été déposée en Belgique, plusieurs mois avant la décision de la Cour de Cassation, et qu'en conséquence, elles espéraient qu'une demande d'extradition serait prochainement adressée au Sénégal.

Les victimes et le Comité International pour le Jugement d'Hissène Habré qui les soutient, notent que la requête du Président sénégalais démontre que le monde devient de plus en plus petit pour les tortionnaires et dictateurs en quête de retraite paisible. C'est là un résultat concret qui atteste que la présence d'un ancien dirigeant accusé de torture et de crimes contre l'humanité est encombrante et indésirable.

Mais le Comité International pour le Jugement d'Hissène Habré tient également à exprimer ses inquiétudes à l'idée qu'Habré quitte le Sénégal, et à faire remarquer que :

· Demander à Hissène Habré de quitter le Sénégal, c'est prendre le risque qu'il trouve un autre lieu d'exil, encore moins soucieux des exigences de la justice.

· Hissène Habré n'est pas seulement un indésirable, il est surtout présumé responsable de crimes internationaux et il faut le juger. Une fois encore, une décision politique prime sur la voie légale. Obliger Hissène Habré à partir dans les conditions décrites par le Président Wade serait une violation supplémentaire par le Sénégal de ses obligations en vertu de la Convention des Nations Unies contre la torture. Celle-ci oblige en effet les Etats parties, soit à poursuivre, soit à extrader les tortionnaires présumés qui entrent sur leur territoire. Ayant refusé de poursuivre, le Sénégal doit à présent au moins collaborer à une éventuelle demande d'extradition du juge belge saisi par les victimes en novembre 2000. Faire partir Habré vers des terres inconnues et probablement plus hospitalières serait faire échec, une seconde fois, à la demande de justice des victimes, et pousser le Sénégal à violer, une seconde fois, ses obligations internationales.

· Le Sénégal qui se prévaut de sa position d'avant garde dans la ratification des traités internationaux, ne doit pas chercher à n'en tirer que des avantages sur le plan de son image extérieure. Il doit en assumer également toutes les responsabilités et l'une d'entre elles, est notamment d'empêcher qu'une personne inculpée d'actes de tortures, comme c'est le cas pour Hissène Habré, ne puisse se soustraire à la justice. La décision hautement politique prise par Abdoulaye Wade dans ce contexte ne fait au contraire que ternir l'image du Sénégal dans ce domaine.

· Si Habré quitte Dakar, le pays qui lui accordera asile se verra immédiatement sollicité par les victimes afin de juger ou d'extrader l'ancien dictateur.

Le Comité International pour le Jugement d'Hissène Habré est composé des représentants des organisations suivantes: l'Association des Victimes de Crimes et Répressions Politiques au Tchad, l'Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l'Homme (ATPDH), la Ligue Tchadienne des Droits de l'Homme (LTDH), Human Rights Watch, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme (FIDH), la Rencontre Africaine de Défense des Droits de l'Homme (RADDHO), l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme (Sénégal), Interights, AVRE, et Agir Ensemble pour les Droits de l'Homme.