HUMAN RIGHTS
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Rwanda

Résumé par pays

Comme les années précédentes, en 2006 les autorités rwandaises ont contrôlé étroitement l’espace politique du pays. Certaines élections locales ont été entachées par des accusations de fraude ou autres pratiques déloyales. Bien que de nombreux citoyens aient bénéficié d’une relative sécurité, des centaines d’autres ont été détenus illégalement et certains d’entre eux ont été victimes de mauvais traitements physiques de la part de la police ou de membres des Forces de défense locales. Le Rwanda a bénéficié de certaines observations positives de la part d’une mission d’experts du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), mais a été critiqué pour ses limitations de l’espace politique et pour sa non reconnaissance de la diversité ethnique.

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Les tribunaux populaires, ou « juridictions gacaca », destinés à combiner pratiques coutumières et justice punitive en matière de résolution de conflit pour le génocide de 1994, ont commencé à fonctionner dans tout le Rwanda en 2006, mais certains n’ont pas observé les règles de procédure. Dans les tribunaux conventionnels, plusieurs affaires notables dont celle concernant l’ancien président, Pasteur Bizimungu, n’ont pas été conformes aux normes internationales de procès équitable. Dans une autre affaire, un prêtre a été condamné à 12 ans de prison pour avoir minimisé le génocide.  
 
Les juridictions gacaca  
En juillet 2006, les juridictions gacaca, occupées précédemment à collecter des informations à propos du génocide, ont commencé à tenir des procès dans tout le pays. La mise en place de cours d’appel s’est faite attendre, limitant la possibilité de recours pour ceux qui s’estimaient jugés à tort. Parmi les quelques 700 000 personnes accusées, plus de 47 000 occupaient des postes administratifs locaux et 45 000 sont eux-mêmes juges dans les gacaca. Les autorités ont pour objectif d’en terminer avec les procès d’ici à 2007, et certains tribunaux consacrent quelques heures seulement à l’audience de chaque affaire. Dans l’espoir de bénéficier de condamnations plus légères, 50 000 personnes environ ont avoué leurs crimes, mais des centaines d’entre elles ont vu leurs aveux rejetés comme mensongers ou incomplets et se sont vues refuser toute réduction de condamnation, la peine maximum infligée ayant été de 30 ans. La population carcérale semble avoir augmenté plutôt que diminué comme c’était le but lors de la mise en place des juridictions gacaca.  
 
Les juridictions étaient censées tirer leur légitimité de la participation populaire, mais beaucoup de Rwandais ne leur font pas confiance et boycottent même les audiences ou y participent sous la menace. Les tribunaux ont incarcéré des dizaines de témoins et d’accusés pour avoir refusé de faire des aveux complets ou de dire la vérité, et dans certains cas sans avoir suivi la procédure pour déterminer leur véritable culpabilité. Dans certains cas, les juges ont utilisé leur pouvoir pour régler des comptes personnels ou politiques : par exemple, un tribunal a incarcéré pour 11 mois le journaliste Jean-Léonard Rugambage sous de fausses accusations semble-t-il après qu’il ait publié un article sur la corruption dans les juridictions gacaca. Dans cette affaire, comme dans d’autres où les juges ont agi d’une manière non conforme, des responsables des gacaca sont intervenus et ont estimé que les procédures d’arrestation avaient été illégales. Du fait que les tribunaux gacaca ne statuent pas sur les accusations pour les crimes commis par des soldats du Front patriotique rwandais (FPR), qui est maintenant la force politique dominante au Rwanda, le système semble rendre une justice partisane.  
 
En 2005, près de 20 000 Rwandais ont fui au Burundi et bien d’autres encore ont fui en 2006, et pour beaucoup d’entre eux parce qu’ils craignaient l’action des juridictions gacaca. Dans un cas exceptionnel, un homme Tutsi a dit qu’il avait fui parce qu’un administrateur local faisait pression sur lui pour qu’il porte une fausse accusation de génocide. Très peu d’entre eux ont reçu asile au Burundi, et tous sauf 5000 environ étaient retournés au Rwanda à octobre 2006.  
 
Faire face au divisionnisme et à l'idéologie génocidaire  
Dans la poursuite de leur campagne contre le « divisionnisme » et « l’idéologie génocidaire, » les autorités ont dressé une liste de centaines de personnes soupçonnées de telles idées. Interdit par la constitution, le « divisionnisme » est défini de façon large et vague dans une loi de 2001. Un prêtre a été condamné à 12 ans de prison en septembre 2006 pour avoir minimisé le génocide. Dans un sermon, il avait suggéré que c’était mal de traiter de « chiens » les personnes ayant participé au génocide. Pendant le procès, le procureur aurait dit que ceux qui étaient coupables de génocide n’étaient pas humains et devraient être appelés, à proprement parler, des « chiens ».  
 
Résultats du système judiciaire et inquiétudes relatives à des procès équitables  
De 2002 à 2004, les tribunaux rwandais se sont retrouvés de fait au point mort lorsque les réformes visant à accroître leur efficacité ont été mises en oeuvre. Au cours des premiers mois de 2006, l’activité judiciaire a été de nouveau paralysée parce que des réformes administratives importantes, entrées en vigueur le 1er janvier, signifiaient que les divisions territoriales ne correspondaient plus aux juridictions. Lorsque les tribunaux ont repris leur travail en 2006, plus de 12 000 affaires pénales étaient en instance, et 70 000 environ des cas de génocide les plus graves étaient aussi programmés pour être jugés dans les tribunaux conventionnels.  
 
En janvier 2006, la Cour suprême a entendu en appel l’ancien président Pasteur Bizimungu, l’ancien ministre Charles Ntakirutinka, et six co-accusés condamnés lors d’un procès en 2004. Après avoir passé deux ans en détention préventive, Bizimungu et Ntakirutinka avaient été jugés pour association de malfaiteurs, diffusion de rumeurs incitant à la rébellion, et complot pour renverser le gouvernement ; les six co-accusés étaient inculpés d’association de malfaiteurs. La conduite et le résultat du procès avaient soulevé des questions en matière d’équité : un témoin de l’accusation a dit au tribunal qu’il avait été battu par la police et détenu pendant deux ans pour l’obliger à témoigner, et l’un des co-accusés a aussi été menacé afin de l’amener à faire un faux témoignage contre les autres ; le tribunal a refusé d’autoriser les accusés et leur avocat à procéder au contre-interrogatoire complet des témoins ; et l’accusation reposait largement sur le témoignage d’un seul témoin qui s’est contredit à plusieurs reprises et qui a été contesté par sept témoins de la défense. En 2004, le tribunal avait condamné Bizimungu à 15 ans de prison, Ntakirutinka à 10 ans, et les autres à cinq ans chacun. Dans sa décision de janvier 2006, la Cour suprême est revenue sur la condamnation des six co-accusés mais elle a maintenu les condamnations de Bizimungu et de Ntakirutinka.  
 
Dans une autre affaire largement fondée sur le témoignage d’un seul témoin, l’ancien chef de la Sécurité extérieure, le Col. Patrick Karegeya, a été reconnu coupable de désertion et d’insubordination, dégradé et condamné à 20 mois de prison militaire. Karegeya avait été détenu sans inculpation pendant cinq mois en 2005.  
 
En 2006, un tribunal d’instance des Etats-Unis a rejeté les aveux de trois Rwandais accusés du meurtre de citoyens des Etats-Unis à Bwindi, en Ouganda, en 1999. Le juge a statué que les aveux avaient été extorqués par la police rwandaise et les agents de renseignement au moyen de « conditions anormales et d’abus » pendant qu’ils détenaient les accusés au camp militaire de Kami. Le Département de la Justice des Etats-Unis a semblé peu susceptible de poursuivre l’affaire, laissant en suspens le sort des trois Rwandais qui avaient été drogués et amenés aux Etats-Unis en 2003 par des officiers américains dans une action d’extraterritorialité.  
 
 
Liberté d’expression et pressions sur la société civile  
Après de violentes critiques contre la presse de la part de hauts responsables, dont le Président Paul Kagamé, au cours des premiers mois de 2006, plusieurs journalistes ont été suivis par des hommes non identifiés, menacés par téléphone, ou détenus pour subir un interrogatoire officiel. Un journaliste a été battu par des hommes armés qui lui ont dit de prévenir un collègue qu’ils ne voulaient plus qu’il interfère avec leur travail. Comme au cours de l’année précédente, certains journalistes ont choisi de quitter le pays plutôt que de travailler dans de telles conditions.  
 
La plupart des organisations de défenses des droits humains et certains journalistes pratiquent l’autocensure, dans la crainte des représailles de responsables. Lorsque la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL) a fait état d’irrégularités électorales, elle a été sévèrement critiquée par le porte-parole de la Commission Electorale Nationale, qui a déclaré que la LDGL avait sans doute souhaité « des violences, des retards et des confusions » dans le processus électoral. Des agents du renseignement ont semble-t-il suivi de près les activités des organisations de défense des droits humains, et des dirigeants du RPF ont fait pression sur une organisation pour élire des personnes de leur choix à des postes de direction.  
 
Démocratie au niveau local  
En février et mars 2006, les Rwandais ont voté pour élire les autorités locales. Dans les élections aux niveaux administratifs les plus bas, les électeurs se mettaient en rang derrière les candidats de leur choix. Les élections pour des responsables au niveau supérieur se déroulaient à bulletin secret, mais les observateurs ont relevé de nombreuses irrégularités, par exemple le remplissage des urnes et l’intimidation de candidats. Les contestations sur les résultats ont mené à des affrontements entre les électeurs et les fonctionnaires électoraux dans certaines régions. Pour bon nombre d’élections, un seul candidat s’est présenté.  
 
En juin, des assaillants non identifiés ont agressé un maire de district qui s’était trouvé en conflit avec des personnalités importantes du RPF. Il a été ensuite forcé à démissionner et a fui le pays.  
 
Détentions illégales, tortures et mauvais traitements  
Des policiers et des membres des Forces de défense locales ont arrêté illégalement et maltraité des centaines de personnes, dont de nombreux enfants des rues et des membres d’autres groupes vulnérables à Kigali, la capitale, au cours des premiers mois de 2006. Gardés dans des entrepôts délabrés dans un centre de détention officieux, des centaines de détenus ont souffert de manque de nourriture, d’eau et de soins médicaux. Des enfants ont subi des sévices de la part de détenus adultes et des femmes ont fait état de viols commis par le personnel de sécurité. Après que Human Rights Watch ait publié un rapport sur le centre, les autorités l’ont fermé, obligeant la plupart des détenus à partir au milieu de la nuit.  
 
Expulsions et limitations sur l'utilisation de la terre  
Dans le cadre de la « modernisation » de Kigali, des maisons construites sans autorisation dans les secteurs pauvres de la ville ont été démolies. Bien que les autorités aient affirmé qu’un préavis de 15 jours avait été donné avant la démolition, beaucoup d’habitants ont dit que ce n’était pas vrai.  
 
Alors que le Rwanda progresse dans l’application d’une réforme agraire de grande ampleur adoptée en 2005, les responsables de deux districts ont ordonné aux habitants d’abattre leurs plantations de bananiers et de les remplacer par des arbres ornementaux ou par des cultures plus productives. A la suite des protestations publiques dans un district, les responsables ont dit que les habitants ne seraient pas forcés mais seulement « persuadés » de se soumettre.  
 
Les acteurs clés au niveau international  
En 2006, de nombreux bailleurs de fonds internationaux ont continué à apporter une aide financière et politique généreuse au Rwanda. Dans un exemple rare de critique portant sur une question de droits humains, la Commission européenne a exprimé des inquiétudes à propos de la détention illégale des enfants des rues.  
 
Le mécanisme d’évaluation par les pairs du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) a fait sur le Rwanda un rapport généralement favorable mais a critiqué son apparent « désir d’oblitérer les identités différentes, » comme celles de la minorité Batwa, et la « participation préparée aux affaires publiques comme déterminée par les autorités politiques. » Préoccupée par les limites imposées à l’espace politique, la mission d’évaluation a recommandé de reconnaître « le besoin pour les partis politiques et la société civile de fonctionner librement. » Après avoir salué les gacaca comme une innovation potentiellement utile, la mission a exprimé des inquiétudes à propos de l’étendue de leur légitimité auprès des Rwandais. La mission s’est également interrogée sur les raisons de l’augmentation du pourcentage de Rwandais vivant dans la pauvreté malgré cinq ans d’efforts censés avoir pour but l’amélioration de leur statut. Le Président Kagamé a riposté en critiquant la méthodologie de la mission et en défendant les pratiques controversées.

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