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Côte d’Ivoire

Au cours de l'année 2005, l'impasse politique entre le gouvernement ivoirien et les rebelles des Forces Nouvelles basés au nord a débouché sur une multiplication des atteintes aux droits humains commises par les forces de sécurité ivoiriennes, les rebelles et les milices associées aux deux camps. Toute l'année, des exécutions extrajudiciaires, des actes de tortures, des détentions arbitraires, des extorsions et pillages ainsi que le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats par tous les camps ont constamment été dénoncés. Deux vagues de violences meurtrières à caractère ethnique ont coûté la vie à une centaine de personnes. En 2005, aucun effort significatif n'a été consenti par le gouvernement ivoirien, les rebelles ou la communauté internationale pour combattre la culture de l'impunité qui règne de façon omniprésente dans le pays.

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Rapport Mondial

Les initiatives visant à désamorcer la crise politico-militaire ont connu un nouvel échec, celui du troisième accord de paix négocié au niveau international, l'Accord de Pretoria conclu sous l'égide de l'Union africaine et signé en avril 2005. Afin d'éviter une crise constitutionnelle à la fin du mandat de cinq ans du président en exercice Gbagbo, l'Union africaine (U.A.) a proposé, en octobre, un plan appelant à ce que Gbagbo reste à la tête du pays pour une période supplémentaire d'un an maximum. Le nouveau plan –qui n'a pas été signé par les factions belligérantes—appelle également à la nomination d'un nouveau premier ministre acceptable pour toutes les parties, qui contribuerait à assurer la mise en œuvre de réformes cruciales, notamment des lois relatives à la nationalité et la naturalisation ainsi qu'aux pouvoirs et à la composition de la Commission électorale indépendante. Néanmoins, alors que le plan a par la suite été avalisé par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, il a été rejeté par les rebelles et les partis politiques d'opposition.  
 
A la fin de l'année, la mise à l'écart apparente des rebelles dans le processus politique—ainsi que les divisions internes au sein des forces de sécurité ivoiriennes en fonction de l'appartenance ethnique—ont soulevé de sérieuses inquiétudes quant à la reprise du conflit armé ou la possibilité d'un coup d'Etat. La perspective d'une reprise de l'offensive militaire par l'un des camps est très préoccupante sur le plan des droits humains étant donné que le gouvernement recourt massivement à des milices indisciplinées et à des campagnes de dénigrement dans les médias pour attiser la violence à l'encontre des personnes perçues comme des opposants. La capacité des dirigeants rebelles à commander et contrôler réellement leurs forces et celle des casques bleus de l'ONU à protéger les groupes de civils vulnérables constituent deux inconnues tout aussi alarmantes.  
 
A mesure que la crise politique s'amplifiait, les institutions dont bénéficiaient jadis les citoyens ivoiriens ordinaires—le système d'éducation publique, les services de soins de santé et l'appareil judiciaire—n'ont cessé de se détériorer, aboutissant à une situation problématique, en particulier dans le nord sous contrôle rebelle. Quelque quatre mille soldats français surveillent une zone tampon dite “zone de confiance” qui sépare le sud contrôlé par le gouvernement et le nord du pays aux mains des rebelles. Une mission de maintien de la paix des Nations Unies forte de six mille effectifs, l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), mise sur pied en avril 2004, est déployée dans tout le pays. Les problèmes au cœur du conflit ivoirien—l'exploitation de l'origine ethnique à des fins politiques, les rivalités autour de la terre et des ressources naturelles ainsi que la corruption—restent sans solution.  
 
Exactions commises par les forces de sécurité de l'Etat  
En 2005, une multitude d'exécutions sommaires ont été perpétrées par la police, l'armée et le Centre de Commandement des Opérations de Sécurité (CCOS) —une nouvelle force de sécurité d'environ 1700 hommes, créée par décret présidentiel en juillet pour assurer la sécurité à Abidjan. La majorité de ces exécutions semblent avoir visé les personnes originaires du nord, les immigrés ouest-africains et les supposés sympathisants des rebelles, même si le gouvernement soutient qu'elles ont eu lieu dans le cadre de la lutte contre la criminalité de droit commun. La police, l'armée, le CCOS et, dans une moindre mesure, les milices armées se sont livrés, de façon systématique et généralisée, à des actes d'extorsion, de racket et d'intimidation, notamment sur des hommes d'affaires, des commerçants de rue et des automobilistes. Les personnes considérées comme étant des sympathisants des rebelles semblent avoir été particulièrement prises pour cible. Des officiers de l'armée ont régulièrement traversé la frontière pour recruter des Libériens, notamment des anciens enfants combattants, afin qu'ils rejoignent les rangs des milices ivoiriennes pro-gouvernementales. En juillet 2005, un groupe de soldats armés de la Garde républicaine ivoirienne a pris d'assaut les bureaux de la chaîne publique RTI à Abidjan, ordonnant à la direction de ne pas diffuser de séquences sur les membres de l'opposition.  
 
Exactions commises par les milices et les groupes pro-gouvernementaux  
En 2005, les milices et groupes pro-gouvernementaux, opérant parfois aux côtés des forces de sécurité de l'Etat, ont intimidé et à l'occasion attaqué des membres des partis de l'opposition, des journalistes et des militants des droits humains alignés sur les journaux proches de l'opposition et sur les casques bleus des Nations Unies. Un groupe estudiantin pro-gouvernemental violent, la Fédération des Etudiants et Scolaires de Côte d'Ivoire (FESCI), a perpétré de graves exactions, notamment des actes de torture et des viols sur des étudiants perçus comme étant des partisans de l'opposition. En juillet 2005, les Jeunes Patriotes, des milices pro-gouvernementales, ont brûlé des journaux d'opposition, menacé de tuer les vendeurs de journaux, encerclé et menacé les bureaux des journaux de l'opposition et pénétré de force dans les bâtiments d'une chaîne de télévision publique. A plusieurs reprises, les soldats de la paix et le personnel civil de l'ONU ont fait l'objet d'intimidations, ont été encerclés et se sont vus empêchés de patrouiller et de mener des enquêtes dans les zones sous contrôle gouvernemental.  
 
Exactions commises par les Forces Nouvelles  
Les rebelles des Forces Nouvelles extorquent systématiquement de l'argent et pillent les biens des civils, notamment le bétail et la nourriture, dans les villages situés dans les régions qu'ils contrôlent et dans la zone tampon. Les personnes soupçonnées de collaborer avec le gouvernement ou d'espionner pour son compte ont à plusieurs reprises été torturées et exécutées sommairement par les chefs rebelles. Dans le nord, les commandants rebelles exercent arbitrairement la justice, ce qui débouche sur de graves violations des droits humains: de nombreuses personnes accusées de crimes de droit commun sont arbitrairement détenues dans des prisons, des centres de détention non officiels et des camps militaires pendant des périodes souvent prolongées. Les Dozos, un groupe de défense civile basé sur la tradition tribale et opérant en coordination avec les Forces Nouvelles, a également perpétré de graves violations, notamment des extorsions, des détentions arbitraires, des actes de torture et des viols.  
 
Conflit entre les communautés à propos de la terre  
L'année 2005 a été émaillée par au moins deux épisodes de violences inter-communautaires entre groupes indigènes et travailleurs agricoles immigrés dans les zones de plantations de cacao et de café à l'ouest du pays. Les causes de ces violences sont multiples et sont à rechercher dans la complexe interaction des facteurs économiques, les litiges portant sur les droits fonciers, la prolifération de milices armées et la manipulation politique de l'ethnicité. En février 2005, seize personnes ont été tuées et des milliers déplacées lors d'affrontements provoqués par une attaque des milices pro-gouvernementales contre le village de Logouale aux mains des rebelles. En mai et juin 2005, au moins soixante-dix personnes ont été tuées et des milliers d'autres déplacées lors d'une vague de représailles meurtrières dans et aux alentours de la ville de Duékoué.  
 
Des comptes à rendre  
En 2005, ni le gouvernement ni les dirigeants rebelles n'ont pris de mesures concrètes visant à enquêter, poursuivre ou réclamer des comptes aux auteurs des crimes commis dernièrement, et encore moins à ceux qui ont perpétré des atrocités dans le passé, notamment lors des violences électorales de 2000, pendant la guerre civile de 2002-2003 et à l'occasion de la répression violente d'une manifestation de l'opposition en mars 2004.  
 
Pour leur part, le Conseil de Sécurité des Nations Unies et l'Union africaine se sont opposés à l'adoption d'initiatives concrètes visant soit à réclamer des comptes aux auteurs de tels actes en engageant des poursuites judiciaires, soit à réfréner les actions des supposés violateurs des droits humains en imposant des sanctions économiques et une interdiction de se déplacer à l'étranger. Le Conseil de Sécurité de l'ONU doit encore rendre publiques ou discuter les conclusions du rapport de la Commission d'enquête sur les graves violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme commises depuis septembre 2002. Ce document, qui a été remis au Secrétaire Général de l'ONU en novembre 2004, contient en annexe une liste secrète des personnes accusées d'atteintes aux droits humains qui pourraient un jour faire l'objet d'un procès. Le Conseil a également refusé de mettre en œuvre les sanctions économiques et l'interdiction de voyager, pourtant autorisées par la résolution 1572 adoptée en novembre 2004. Ladite résolution autorise le recours à des sanctions contre les Ivoiriens qui ont violé les droits humains, ont enfreint l'embargo sur les armes, ont incité publiquement à la haine ou ont paralysé le processus de paix.  
 
Bien que le procureur de la Cour Pénale Internationale ait annoncé en janvier 2005 qu'il enverrait une équipe en Côte d'Ivoire pour poser les jalons d'une éventuelle enquête sur les crimes de guerre, il ne l'avait pas encore fait à la fin de l'année. Le procureur donnait suite à une requête adressée à la CPI par le gouvernement ivoirien en septembre 2003.  
 
Les acteurs clés au niveau international  
Aucune personne, aucune instance internationale, aucun pays n'a semblé disposé ou capable d'exercer une influence suffisamment grande pour orienter les deux camps vers une résolution pacifique de la crise politique et militaire. Tout au long de l'année, le manque de progrès dans la mise en œuvre du nouvel accord de paix a exaspéré les principaux acteurs internationaux. Pourtant, l'Union africaine, qui a dirigé les pourparlers de paix en 2005, s'est montrée réticente à utiliser le seul outil efficace disponible – les sanctions des Nations Unies portant sur le gel des avoirs et l'interdiction de se déplacer – recourant à son pouvoir de veto pour s'y opposer. De même, les acteurs clés sur l'échiquier international n'ont pas été davantage enclins à adopter des mesures visant à combattre l'impunité alors que les Nations Unies se sont, à de multiples reprises, inquiétées des violations commises actuellement. Cette réticence–sous prétexte de préserver de futures perspectives de paix—semble avoir enhardi les auteurs de violations et alimenté l'intransigeance du gouvernement ivoirien et des Forces Nouvelles.  
 
Après que la pleine mise en œuvre de l'Accord de Pretoria se fut soldée par un échec pour les parties, aucun consensus n'a pu être atteint à propos de l'organe qui serait le plus approprié pour jouer le rôle de négociateur l'année prochaine. L'émissaire nommé par l'U.A., le Président sud-africain Thabo Mbeki, s'est heurté à l'énorme méfiance des rebelles qui l'accusaient d'être trop proche du gouvernement. Des membres importants de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)—le Burkina Faso et le Mali—ont fait l'objet de critiques du gouvernement qui leur reprochait d'appuyer les rebelles. La France, accusée de favoritisme par les deux camps, et les Nations Unies s'en sont remises aux institutions africaines. L'Union africaine a alors mis sur pied le Groupe de Travail international (GTI) qui sera présidé par le Ministre nigérian des affaires étrangères et composé de hauts responsables du Bénin, du Ghana, du Nigeria, du Niger, de l'Afrique du Sud, de la France, des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, du Fonds Monétaire International, de la Banque Mondiale, de l'Union européenne, de l'Union africaine et de l'organe régional qu'est la CEDEAO. Le GTI sera chargé de superviser la mise en œuvre de futurs accords.  
 
Bien que le Conseil de Sécurité des Nations Unies ait affiché une certaine frustration face aux deux parties au conflit, il s'est montré réticent à assumer un rôle de meneur et essayer de forcer à rendre des comptes ou adopter des sanctions. En juin 2005, il a toutefois autorisé un renfort de quelque 850 soldats.  

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