III. Les lois et procédures antiterroristes en FranceLapproche judiciaire préventiveAu cours des 30 dernières années, la France sest principalement reposée sur son système de justice pénale pour combattre le terrorisme. En 1981, le gouvernement du Président François Mitterrand a aboli la Cour de sûreté de lÉtat, juridiction dexception qui avait jugé toutes les affaires liées à la sécurité nationale depuis 1963. La cour, composée de trois magistrats civils et de deux officiers de larmée, tenait ses procès en secret, sans aucun droit de recours. Lannée suivant son abolition, le parlement français a modifié le Code de procédure pénale de façon à garantir le principe selon lequel en temps de paix, les crimes commis contre « les intérêts fondamentaux de la nation » doivent être jugés par les juridictions de droit commun.10 Bien que lapproche préventive française se fonde sur le système de juridictions de droit commun, les enquêtes et poursuites en lien avec le terrorisme font lobjet de procédures dexception et sont gérées par des procureurs et des juges spécialisés. Depuis le milieu des années 1980, tous les dossiers de terrorisme sont centralisés à Paris auprès de procureurs et de juges dinstruction spécialisés qui travaillent en étroite collaboration avec les services de renseignement nationaux. La loi fondamentale relative à la lutte contre le terrorisme, adoptée en 1986, a façonné le système judiciaire centralisé qui traite les infractions liées au terrorisme et définit aujourdhui le modèle français. La loi 86-1020 du 9 septembre 1986 a créé un corps spécialisé de juges dinstruction et de procureurs basés à Parisle service central de lutte antiterroriste, communément appelé « 14ème section du parquet »pour traiter tous les dossiers de terrorisme. Pour les crimes de terrorisme, la loi de 1986 a également institué les procès devant des magistrats professionnels à la cour dassises de Paris, ce qui constitue une exception à la règle du procès de cour dassises devant un jury populaire.11 La loi a prolongé la durée maximale de la garde à vue jusquà 96 heures (quatre jours) dans les affaires liées au terrorisme.12 La clé de voûte de lapproche antiterroriste du système judiciaire français est le délit dassociation de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, qui a une définition très large. Ce délit, introduit par la Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996, habilite les autorités à prendre des mesures préventives bien avant la commission dun crime. La vaste majorité des personnes soupçonnées de terrorisme sont détenues et poursuivies sous ce chef daccusation. Selon les statistiques gouvernementales, sur les 358 personnes incarcérées en septembre 2005 pour des infractions en rapport avec le terrorismedéjà condamnées ou dans lattente dun procès300 avaient été accusées dassociation de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.13 Comme la déclaré à la mi-octobre 2005 Christophe Chaboud, patron de lUnité de coordination de la lutte antiterroriste du Ministère de lIntérieur, « Notre stratégie est celle de la neutralisation préventive judiciaire. Les lois antiterroristes mises en place en 1986 puis en 1996, font notre force. On a créé les outils pour neutraliser les groupes opérationnels avant qu'ils ne passent à l'action. »14 Cette infraction est définie comme étant le fait de « participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme mentionnés aux articles précédents ».15 Dans la plupart des cas, il sagit dun délit jugé par un tribunal correctionnel et passible dune peine maximale de 10 ans de réclusion. Une loi de 2006 a fait de ce délit un crime passible dune peine maximale de 20 ans de réclusion lorsque lassociation de malfaiteurs a été formée dans le but de préparer les actes suivants : atteintes à la vie et à lintégrité de la personne, enlèvement, séquestration, ainsi que le détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport.16 La peine prévue pour le responsable dune association de malfaiteurs a été portée à 30 ans au lieu de 20.17 La loi de 2006, adoptée en réponse aux attentats perpétrés à Londres le 7 juillet 2005, a également prolongé le délai maximum de la garde à vue dans les affaires de terrorisme, le faisant passer à six jours sous certaines conditions.18 Quatre autres textes législatifs importants adoptés depuis 2001 sont venus renforcer les mesures antiterroristes. Ces lois ont étendu les pouvoirs octroyés à la police pour mener des inspections de véhicules et de bâtiments, imposé lobligation aux services dInternet et de télécommunications de conserver et de divulguer des données, exigé la communication de codes de cryptage lorsque cela savère nécessaire dans le cadre dune enquête sur le terrorisme, renforcé les mesures de sécurité dans les aéroports et ports de mer, accru les mesures de surveillance en général et institué de nouvelles mesures visant à lutter contre le financement du terrorisme.19 Le Code pénal dresse également une liste dinfractions qui constituent des actes de terrorisme « lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ».20 Par ailleurs toute infraction criminelle fait lobjet dune peine plus lourde lorsque sa commission est liée à une intention terroriste. Par exemple, une atteinte à la vie, passible dune peine demprisonnement maximale de 30 ans, peut donner lieu à la réclusion à perpétuité si elle est perpétrée en relation avec un acte terroriste.21 Une approche « flexible »Les responsables du contre-terrorisme et les autorités gouvernementales évoquent labsence dattentat terroriste en France depuis le milieu des années 1990 comme preuve de lefficacité du système. Selon bon nombre de personnes, la clé du succès a été la volonté et la capacité dadapter les lois et procédures pénales de façon à répondre aux exigences particulières de la lutte contre le terrorisme international. Elles estiment que cest précisément la flexibilité du système français de justice pénale qui a écarté le besoin de recourir à des mesures extrajudiciaires ou administratives pour combattre le terrorisme.22 Lors dun entretien avec Human Rights Watch, Jean-Louis Bruguière, le juge antiterroriste le plus célèbre et le plus controversé de France (aujourdhui retraité), a fait valoir que lapproche judiciaire française soutenait la comparaison avec les exactions commises par les États-Unis à leur centre de détention de Guantanamo et avec celles commises par le Royaume-Uni, où les étrangers soupçonnés de terrorisme ont été détenus sans limite de temps et sans inculpation de 2001 à 2004, jusquà ce que la Haute Cour déclare ces mesures illégales.23 Selon Bruguière,
La flexibilité et la faculté dadaptation peuvent constituer des éléments critiques dans une stratégie antiterroriste efficace mais elles ne doivent pas étirer lÉtat de droit jusquau point de rupture. Une approche appropriée de justice pénale doit se fonder sur des garanties procédurales fondamentales qui assurent le droit à un procès équitable et sont enclenchées dès le début dune enquête criminelle. Le rôle du juge dinstruction dans les affaires de terrorismeLe rôle et le pouvoir des juges dinstruction spécialisés dans la lutte contre le terrorismequun analyste a qualifiés d « adversaires bien informés, indépendants et impitoyables du terrorisme sous toutes ses formes »ne peuvent être sous-estimés.25 Il y a actuellement sept juges dinstruction spécialisés dans les affaires de terrorisme.26 Bruguière était le plus connu dentre eux. Il était à la tête de léquipe de juges spécialisés dans la lutte antiterroriste lorsquil sest retiré en 2007 après 20 années de service.27 Pendant quil était en fonction, Bruguière a acquis une réputation pour le dévouement rigoriste dont il faisait preuve dans son travail. Connu sous le surnom de « sheriff » et d « amiral », Bruguière a affirmé en 2004 quil avait arrêté plus de 500 personnes au cours de la décennie précédente.28 Le pouvoir considérable du juge dinstruction dans le système français se trouve renforcé dans les affaires de terrorisme. Selon la logique suivie, un juge spécialisé, expérimenté, titulaire dune habilitation de sécurité, sera capable, à partir de toutes les informations pertinentes, notamment les données sensibles émanant des services de renseignement, détablir un lien entre tous les éléments : déceler lexistence dun réseau terroriste, alors même que les actes matériels démontrant cette existence sont limités à des infractions de droit commun (par exemple la falsification de documents didentité), et déterminer lidentité des membres du réseau.29 Néanmoins, les avocats de la défense se plaignent des méthodes utilisées pour mener les enquêtes judiciaires dans les dossiers de terrorisme, leur reprochant de miner sérieusement le droit de tout accusé à une défense effective.30 Ce droit est une pierre angulaire du droit à un procès équitable. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ainsi que la Convention européenne des Droits de lHomme énoncent les garanties minimales nécessaires pour assurer le droit à un procès équitable à toutes les personnes accusées dune infraction criminelle. Ces garanties comprennent notamment laccès confidentiel à un conseil dans un délai raisonnable et le fait de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de la défense. Un autre élément essentiel est le respect du principe de « légalité des armes », qui exige que laccusation et la défense aient des chances égales pour préparer et présenter leur cause, obligeant notamment laccusation à divulguer toutes les informations matérielles.31 Demandes dactes rejetéesPresque tous les avocats de la défense avec lesquels nous nous sommes entretenus se sont plaints du fait que les juges dinstruction rejetaient régulièrement les demandes quils déposaient pour entreprendre des actes denquête au cours de linstruction. Lexpérience de Sébastien Bono lorsquil a défendu Christian Ganczarski est juste quelque peu extrême : seule lune de ses 24 demandes dactes denquête a été acceptée (une commission rogatoire internationale en Arabie saoudite).32 Ganczarski est un ressortissant allemand soupçonné dêtre une figure importante dAl-Qaida. Il a été arrêté en France en juin 2003 après avoir été expulsé dArabie saoudite dans le cadre de ce que son avocat a qualifié « dextradition déguisée ». Il comparaîtra devant la cour dassises de Paris pour implication dans un attentat suicide perpétré contre une synagogue en Tunisie en 2002 et qui a fait 21 victimes. Lune des 23 demandes rejetées était une demande émise par lavocat de Ganczarski pour recevoir une véritable copie, et non pas seulement une transcription, de lenregistrement dune conversation ayant eu lieu le matin de lattentat contre la synagogue entre Ganczarski et Nizar Naouar, le kamikaze qui a perpétré lattentat. Lavocat dun jeune homme accusé dassociation de malfaiteurs, qui a demandé que son identité ne soit pas révélée car laffaire est encore à linstruction, a déclaré que les trois demandes quil avait déposées jusquà présent avaient été rejetées. Deux dentre elles demandaient une déposition commune des accusés et lextradition dAlgérie dune personne dont les aveux présumés sont essentiels dans laffaire contre son client. Ont également été rejetées des demandes pour la restitution dune somme dargent relativement peu élevée confisquée lors de larrestation de son client (celui-ci est sorti de prison et se trouve sous contrôle judiciaire après avoir passé un an en détention provisoire), ainsi que pour lautorisation de remettre une copie du dossier à son client, qui était encore en détention provisoire à ce moment-là. Sans cette autorisation, les avocats de la défense nont pas le droit de remettre à leurs clients une copie dun quelconque élément du dossier ; ils ne peuvent que montrer, lire ou résumer les documents. Le juge dinstruction a rejeté la requête aux motifs que son client risquait dutiliser les informations pour faire pression sur dautres personnes impliquées dans laffaire.33 Limpossibilité de communiquer le dossier à laccusé a un impact négatif sur la capacité de lavocat à préparer une défense efficace, car selon lavocat, « le dossier est très large, il y a des choses qui peuvent nous échapper mais que le client pourrait considérer importantes ».34 La commission parlementaire qui a mené une enquête sur laffaire dOutreau a recommandé que tous les suspects faisant lobjet dune information judiciaire, y compris ceux qui se trouvent en détention provisoire, aient le droit illimité davoir communication de leur dossier.35 Les requêtes décrites ici ne sont pas à proprement parler des demandes dactes denquête. Comme il est mentionné plus haut, les avocats peuvent interjeter appel de toute décision prise par un juge dinstruction devant la chambre de linstruction. Le président de la chambre a le pouvoir de rejeter lappel par ordonnance motivée ou de saisir la chambre de linstruction dans son ensemble ; cette décision nest pas susceptible de recours.36 Toutes les demandes discutées plus haut ont été rejetées par le président de la chambre de linstruction. Dossiers ingérablesLes avocats de la défense font valoir que la longueur et la complexité de linstruction dans les affaires de terrorisme entravent considérablement leur capacité à préparer une défense effective. Comme il est expliqué plus en détail ci-après, les enquêtes relatives au terrorisme islamiste supposent souvent des investigations complexes, très longues, dans des réseaux présumés de personnes de même sensibilité, débouchant souvent sur de volumineux dossiers qui décrivent les écoutes téléphoniques, les déplacements, les réunions ainsi que les opinions dun grand nombre de personnes. Selon lavocat Dominique Tricaud, cela signifie que les dossiers sont construits sur « une idée, une mouvance, et non plus sur les accusés. Et alors la défense devient impossible ».37 Henri de Beauregard, un avocat commis doffice pour défendre lun des accusés dans un grand procès pour terrorisme impliquant huit personnes, sest plaint lors du procès quil navait pas été en mesure de défendre efficacement son client :
A la mi-2007, de Beauregard a déposé plainte contre la France devant la Cour européenne des Droits de lHomme pour violation de larticle 6(1)droit à un procès équitableet de larticle 6(3)droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Au moment où sont écrites ces lignes, la Cour na pas encore rendu darrêt au sujet de la recevabilité de la plainte. Pendant que lenquête est en cours, les avocats peuvent consulter le dossier au Palais de Justice (dans des conditions dexiguïté) ou demander des copies sur papier aux frais de lÉtat. Mais ils se sont plaints du fait que, dans le cas des grandes enquêtes sur le terrorisme, même sils obtenaient ces copies, ils ne disposeraient pas de suffisamment despace dans leur bureau pour entreposer le dossier complet. Les avocats ont le droit de recevoir une copie du dossier complet sur CD-ROM une fois que la phase dinstruction est terminée ; étant donné que les copies électroniques permettent de mener des recherches par mot-clé et de recouper les informations de manière relativement aisée, laccès à une copie électronique plus tôt dans la procédure faciliterait une préparation adéquate et pertinente de la défense. IV. Lassociation de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste
Ce chapitre examine cinq préoccupations connexes soulevées par le délit dassociation de malfaiteurs. Premièrement, cette infraction manque de précision juridique, permettant difficilement aux personnes de savoir quelle conduite est interdite et donnant trop de latitude aux forces de lordre pour des actions arbitraires. Deuxièmement, les décisions darrêter des suspects et douvrir une instruction officielle à leur sujet se fondent sur des critères peu exigeants en matière de preuve et sur une approche qui favorise la possibilité dopérer de grands coups de filet. Troisièmement, il y a présomption en faveur de la détention provisoire, en dépit du fait que les décisions sont prises par un juge différent, le juge des libertés et de la détention, les suspects étant soumis à de très longues périodes de détention provisoire tandis que les autorités judiciaires mènent des enquêtes complexes sur de multiples suspects. Quatrièmement, lutilisation importante de données émanant des services de renseignement lors de linstruction, les juges entretenant des relations étroites avec les services de renseignement, soulève des préoccupations quant à limpartialité procédurale et la fiabilité des preuves obtenues de pays tiers où la torture et les mauvais traitements sont monnaie courante. Enfin, certaines condamnations semblent reposer sur des éléments de preuve ténus. Le manque de précision juridiqueComme il est déjà mentionné au Chapitre III, le Code pénal français définit lassociation de malfaiteurs comme étant « le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme mentionnés aux articles précédents ».40 Les éléments du crime développés dans la jurisprudence sont notamment les suivants : lexistence dun groupement de plusieurs personnes unies dans lintention de perpétrer un acte criminel collectif ; chaque membre doit avoir pleinement conscience de cette intention et du fait quil sagit dune entreprise criminelle ; et cette intention doit être démontrée par un ou plusieurs faits matériels. Il nest pas nécessaire que lun des participants accomplisse une action concrète pour mettre à exécution un acte terroriste. Dès le départ, la définition dassociation de malfaiteurs a soulevé des préoccupations considérables quant au manque de précision juridique. Le principe bien établi de légalité, consacré dans larticle 7 de la Convention européenne des Droits de lHomme, exige que les législations pénales soient suffisamment claires et bien définies pour que les personnes soient capables dadapter leur conduite de façon à éviter toute infraction et pour que linterprétation judiciaire créative des tribunaux soient dune portée limitée.41 Human Rights Watch constate que la Commission européenne des droits de lhomme en place à lépoque a déclaré irrecevable une plainte de 1997 qui faisait valoir, entre autres, que la définition de lassociation de malfaiteurs violait larticle 7 de la Convention européenne.42 Cette décision est basée sur larticle 421-1 du Code pénalétablissant avec précision les infractions qui constituent des actes de terrorisme, notamment le meurtre, lenlèvement et la possession illégale darmes, lorsqu'elles sont intentionnellement commises dans le but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreurainsi que sur larticle 450-1 qui fournit une définition générale de lassociation de malfaiteurs en relation avec un crime ou délit. Larticle 421-2-1 qui définit lassociation de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste comme un acte terroriste autonome navait pas encore été inclus dans le Code pénal au moment des actes en question dans cette affaire.43 Dans un rapport datant de 1999, « La porte ouverte à larbitraire », la Fédération Internationale des Droits de lHomme (FIDH) a qualifié larticle 421-2-1 de « loi dincrimination large » et en a conclu quil prêtait à une « interprétation et application arbitraires » :
Tant la lettre de la loi que la jurisprudence établissant une interprétation étendue de lassociation de malfaiteurs sont demeurées inchangées depuis le rapport de la FIDH et les recherches de Human Rights Watch semblent indiquer que ce chef daccusation continue dêtre utilisé pour arrêter, placer en détention et même condamner sur la base de preuves ténues. Le procureur antiterroriste Philippe Maitre a expliqué que la loi relative à lassociation de malfaiteurs criminalise les actes préparatoires les plus éloignés de la commission réelle dun acte terroriste. Dessinant trois cercles concentriques sur un morceau de papier, Maitre a présenté le cercle central comme étant lacte terroriste, le deuxième cercle comme étant la complicité directeà savoir les actes qui contribuent immédiatement et directement à la commission du crimeet le cercle extérieur comme étant tous les autres actes, quels quils soient et aussi éloignés soient-ils dans le temps et lespace, qui ont contribué à une entreprise terroriste. Même si ces actes ne constituent pas en soi des crimes, « le fait même davoir composé une entreprise est le comportement qui est incriminé. Les conséquences sont tellement graves en matière de terrorisme que tout comportement qui tourne autour de cet objectif est réprimé ».45 Le manque de précision dans la loi empêche de voir clairement quel comportement est susceptible de donner lieu à une sanction criminelle et les libertés dexpression et dassociation qui constitueraient normalement des droits protégés en vertu du droit international des droits humainsquelle que soit leur nature offensivepeuvent être utilisées comme preuve dintention criminelle. Lobligation de formuler une loi avec suffisamment de précision pour permettre à une personne dadapter son comportement est importante non seulement au regard de larticle 7 mais également en raison de limpact que la loi pourrait avoir sur lexercice légitime des droits à la liberté dassociation, dexpression, de religion et à la vie privée (articles 8 11 de la Convention européenne des Droits de lHomme). Ces droits ne sont pas absolus et peuvent faire lobjet dune ingérence prévue par la loi mais cette ingérence risque dêtre arbitraire si les lois ouvertement étendues accordent un pouvoir excessif aux autorités ou ne prévoient pas les sauvegardes adéquates quant à la façon dont ce pouvoir est exercé.46 Nos recherches révèlent que linterprétation de la loi relative à lassociation de malfaiteurs et la conduite des enquêtes sur le terrorisme soulèvent des préoccupations quant à lingérence illégitime dans ces droits protégés, en particulier la liberté dexpression et la liberté dassociation. Contrairement aux enquêtes menées sur le séparatisme basque violentlETA étant une organisation structurée aux objectifs et tactiques clairement identifiables, la plupart des enquêtes portant sur des activités terroristes islamistes présumées en France sont basées sur la cartographie de réseaux de contacts. Cela peut aboutir à larrestation et la mise en examen de proches parents, damis, de voisins, de membres de la même mosquée, de collègues de travail, ou de personnes qui fréquentent un restaurant déterminé. De même, il semble y avoir une trop grande marge de manuvre pour engager une action en justice à lencontre de personnes qui partagent des vues extrémistes et peuvent même exprimer leur soutien au djihad, par exemple, mais qui nont pas distinctement fait la démarche de sengager sur la voie de la violence terroriste. Un juge des libertés et de la détention avec lequel nous nous sommes entretenus a qualifié lassociation de malfaiteurs dinfraction « impalpable », « difficile à définir », avec « des éléments constitutifs très larges », ajoutant que dans bon nombre de dossiers liés au terrorisme islamiste, le seul élément était les contacts au sein dun groupe de personnes. Le juge a mentionné une affaire de 2007 impliquant un groupe de six ou sept jeunes musulmans qui parlaient de partir se battre en Irak. « Ils se voyaient, et certains avaient des contacts avec quelquun qui était parti pour lIraq. Et alors, est-ce quon est devant un réseau ? Le fait davoir des contacts, on se dit peut-être quil y a dautres choses derrière ».47 Le juge a envoyé la plupart de ces jeunes en détention provisoire, tandis que deux ou trois dentre eux ont été placés sous contrôle judiciaire. Le juge ne sait pas ce quil est advenu de laffaire et nest plus en charge du dossier.48 Un ancien JLD a décrit le genre de dossiers quil a vus : « des petits magrébins français, entre 20 et 25 ans, qui avaient pour idéal de retrouver lidéal islamique. Des petits poissons, les petits gars avec le poster de Ben Laden dans leurs chambres. On leur reprochait surtout de faire des stages dentraînement ailleurs, rien en France, ce qui était déjà problématique. On envoie en prison en matière antiterroriste pour des raisons très faibles. Il y avait des preuves mais de quoi ? On trouvait des numéros dans les portables, des voyages, une culture religieuse intense, consultation de certains sites Internet ».49 Derrière la décision darrêter, des critères peu exigeants en matière de preuve
Linterprétation étendue de ce qui peut constituer une participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste se traduit en des critères peu exigeants en matière de preuve pour larrestation et la décision de mettre en examen un suspect. Un grand coup de filetLune des caractéristiques des enquêtes relatives aux délits dassociation de malfaiteurs a été larrestation en grand nombre de personnes susceptibles davoir un lien quelconque avec un réseau terroriste présumé. Selon Laurent Bonelli, sociologue et expert dans le domaine des services de renseignement antiterroristes, la stratégie du coup de filet ou du coup de pied dans la fourmilière est fondée sur la foi des praticiens du contre-terrorisme en « sa capacité à déstabiliser des réseaux et à mettre à mal une logistique. Et peu lui importe si une bonne partie des prévenus est ensuite innocentée après avoir passé un ou deux ans en détention préventive ».51 Les arrestations et perquisitions sont ordonnées et supervisées par les juges dinstruction. Lancien juge Bruguière a expliqué que le juge dinstruction contrôle ces actions « en temps réel »les policiers qui procèdent aux arrestations appelant le juge pour recevoir ses instructions, par exemple pour savoir sils doivent interpeller dautres personnes outre les cibles initiales de lopération.52 Dans certains cas, les responsables de la lutte contre le terrorisme se sont livrés à des rafles spectaculaires. Le 9 novembre 1993, dans le cadre dune action policière ayant pour nom de code « opération Chrysanthème », 110 personnes seront interrogées et 87 placées en garde à vue pour suspicion dimplication dans le terrorisme. Seules trois feront finalement lobjet dune instruction officielle. En novembre 1994, 93 personnes seront arrêtées en un seul jour, marquant le début dune série darrestations qui se poursuivront pendant deux années et qui viseront des membres présumés dun réseau de soutien aux combattants islamistes en Algérie. Le 25 juin 1995, 131 personnes seront arrêtées dans cinq villes différentes de France, à nouveau sur présomption dimplication dans une activité terroriste. En définitive, 138 personnes seront jugées en 1998 pour association avec un groupe terroriste, désigné en France sous le nom de « réseau Chalabi ». En raison dun manque despace au tribunal central, le procès extrêmement controversé se déroulera dans le gymnase dune prison située en périphérie parisienne. Cinquante et une personnes seront relaxées, dans certains cas après une détention provisoire longue de trois ans, tandis que 87 seront reconnues coupables. Quatre autres seront acquittées en appel. Parmi les condamnés, 39 recevront des peines de moins de deux ans tandis que les quatre principaux accusés, dont Mohamed Chalabi, le chef présumé, seront condamnés à des peines allant de six à huit ans. Le 26 mai 1998, près de 80 personnes seront arrêtées dans plusieurs pays européens dans le cadre dune opération coordonnée en vue de prévenir ce qui sera qualifié de complot visant à commettre un attentat terroriste en France lors de la Coupe du monde de football de 1998. Cinquante-trois personnes seront appréhendées ce jour-là ; 40 dentre elles seront libérées dans les 48 heures. En définitive, 24 personnes passeront en jugement et seules huit dentre elles seront reconnues coupables dassociation de malfaiteurs en 2000. Leurs peines demprisonnement iront de quatre mois à quatre ans. Selon un responsable de la lutte contre le terrorisme, le recours aux arrestations massives durant cette période reflétait le besoin de rassembler des informations au sujet des réseaux islamistes radicaux : « On était obligés dinterpeller les gens pour avoir des informations quon navait pas. Quelquefois un numéro sur le portable suffisait. Tout pour récupérer les réseaux, pour prendre les portables, ordinateurs On ne faisait pas ça avec les Corses et les Basques [car on avait déjà beaucoup dinformations sur eux]. »53 Il soutient que cette technique nest plus nécessaire pour obtenir des renseignements sur les réseaux islamistes radicaux et que lorsquelle est utilisée, cest généralement pour des motifs politiques : « Il y a de linstrumentalisation politique. Ça arrive que le politicien dise aux services, vous devez interpeller quelquun tel ou tel jour, même si on na pas déléments. »54 Un responsable antiterroriste travaillant pour les services secrets français, les Renseignements Généraux (RG), a confirmé cela, se souvenant dune enquête quil avait reçu lordre de mener en labsence de preuves et qui avait abouti à larrestation de trois personnes. Celles-ci ont été libérées quelques jours plus tard : « Il y a des tas dhistoires de ce genredes tas de gens arrêtés, cela fait la une et puis il ny a rien. Je le sais parce que je lai vu. Il y a des raisons politiques, des intérêts circonstanciels. Cest traumatisant pour les enfants et pour les communautés. »55 Bien que les rafles spectaculaires soient devenues moins courantes aujourdhui, des exceptions ont été constatées récemment. Le 17 juin 2003, par exemple, des policiers ont effectué une descente dans les locaux des Moudjahidin du Peuple dIran (MKO, un groupement iranien armé dopposition en exil) et arrêté 165 personnes, dont Maryam Radjavi, lépouse du dirigeant du groupe Massoud Radjavi. Seules 17 personnes ont finalement fait lobjet dune information judiciaire pour des délits liés au terrorisme. Dans une opération de moindre ampleur, la police a interpellé 14 membres présumés des Tigres de libération de lEelam Tamoul (LTTE, un groupe séparatiste armé du Sri Lanka) en avril 2007 et cinq autres en septembre 2007 pour association de malfaiteurs. En février 2007, 14 membres présumés du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont été arrêtés en une seule journée. Après quatre jours en garde à vue et deux semaines en détention provisoire, ces 14 personnes ont toutes été remises en liberté provisoire. Elles restent mises en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Aujourdhui, la majorité des enquêtes antiterroristes durent longtemps et donnent lieu à de nombreuses arrestations étalées sur une période de temps considérable. Lenquête et les poursuites engagées à lencontre de la dénommée « filière tchétchène » en sont une illustration. Plus de soixante personnes ont été interpellées entre 2002 et 2005, dont seize couples, mais seules 27 personnes ont en définitive été traduites en justice.56 Quatorze des épouses ou partenaires de suspects ont été placées en garde à vue pendant trois ou quatre jours et ont été libérées par la suite sans faire lobjet daucune inculpation. Rachida Alam, par exemple, a été soumise à 25 heures dinterrogatoire pendant les trois jours quelle a passés en garde à vue en mai 2004. Pendant ce temps, elle na eu pas eu accès à un avocat ni le droit den consulter un. Diabétique, Alam a été emmenée trois fois à lhôpital du centre de détention avant que le médecin nordonne finalement quelle y reste.57 Sur les deux femmes poursuivies en justice, lune a été reconnue coupable tandis que lautre a été relaxée après avoir passé un an en détention provisoire avec sa fille en bas âge. Dans les couples concernés, huit des maris ont été reconnus coupables lors de leur procès, un a été relaxé et les sept autres ont bénéficié dun non-lieu dans cette affaire. Le bureau des statistiques du Ministère de lIntérieur a déclaré à Human Rights Watch quil était incapable de fournir des données sur le nombre darrestations pour association de malfaiteurs, sur le nombre de personnes mises en examen ou sur le nombre de celles placées en détention provisoire.58 Une étude dEuropol a révélé que 130 islamistes présumés avaient été arrêtés en France au cours des 10 premiers mois de lannée 2005. 30 dentre eux ont été placés en détention provisoire.59 En 2006, 139 islamistes présumés ont été interpellés, selon un rapport dEuropol (soit plus de la moitié de tous les islamistes présumés arrêtés cette année-là au sein de lUE), ce nombre se réduisant à 91 en 2007.60 Les rapports dEuropol pour 2006 et 2007 ne contiennent pas de statistiques sur les placements en détention provisoire. Nicolas Sarkozy a signalé en novembre 2005 que plus de 367 personnes avaient été arrêtées pour suspicion de terrorisme depuis début 2002 ; moins de 100 dentre elles avaient été mises en examen et incarcérées.61 La présomption en faveur de la détention
Jusquen janvier 2001, les juges dinstruction avaient le pouvoir de placer des suspects en détention provisoire. Aujourdhui ce pouvoir repose uniquement dans les mains de magistrats spéciaux, les juges des libertés et de la détention (JLD), institués en 2000 dans le cadre dune réforme du Code de procédure pénale.64 Ils décident du placement en détention provisoire après une première comparution du suspect devant le juge dinstruction. Ils statuent également sur les requêtes de laccusation visant à renouveler la détention et sur les appels formés par la défense à lencontre des décisions des juges dinstruction de rejeter les demandes de mise en liberté provisoire (voir plus loin). Bien quil nexiste pas de JLD spécialisés en terrorisme, le fait que tous les dossiers de terrorisme sont centralisés à Paris signifie que les sept JLD couvrant Paris sont appelés à prendre des décisions concernant la garde à vue dans tous ces dossiers. Aux termes du droit français, la détention provisoire peut être ordonnée et prolongée si la privation de liberté est considérée comme lunique moyen de conserver les preuves matérielles ; dempêcher une pression sur les témoins ou les victimes ; dempêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses complices ; de protéger la personne mise en examen ; de garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ; ou de mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement.65 En matière correctionnelle, lorsque la peine demprisonnement maximale est de 10 ans, la durée de la détention provisoire initiale est de quatre mois. Cette période peut être renouvelée, la durée totale de la détention pouvant aller jusquà trois ans maximum dans les affaires de terrorisme (la chambre de linstruction peut, à titre exceptionnel, prolonger la détention provisoire de quatre mois au-delà du délai de trois ans).66 En matière criminelle, lorsque le crime commis est passible dune peine supérieure à 10 ans de réclusion, la détention provisoire est imposée initialement pour une période dun an, renouvelable par périodes de six mois, la durée de détention maximale allant jusquà quatre ans dans les affaires de terrorisme (la chambre de linstruction peut, à titre exceptionnel, prolonger la détention provisoire de deux fois quatre mois au-delà du délai de quatre ans).67 Au moment de prendre une décision initiale sur le placement en détention provisoire, et chaque fois que la détention doit être renouvelée, le JLD doit tenir une audience où il entend la personne mise en examen et le ministère public. La première audience tenue pour statuer sur le placement en détention provisoire ne peut avoir lieu que si la personne mise en examen est représentée par un avocat. Les audiences ultérieures visant à déterminer la prolongation de la détention provisoire peuvent toutefois avoir lieu que lavocat de la personne mise en examen soit présent ou non. Néanmoins, lavocat doit être dûment informé des audiences prévues dans un délai raisonnable. Le JLD ne tient pas daudience lorsquil examine une demande de mise en liberté provisoire introduite par la défense. Le juge dinstruction conserve un pouvoir considérable en matière de garde à vue. Par exemple, il peut ordonner, à nimporte quel moment, la libération dun détenu sous contrôle judiciaire ou sans conditions, soit suite à une demande de mise en liberté provisoire, soit de sa propre initiative. Les mesures de contrôle judicaire peuvent comprendre : lassignation à domicile ; linterdiction de se déplacer en dehors de limites territoriales déterminées ; linterdiction de rencontrer certaines personnes ou de se rendre en certains lieux ; le port dun bracelet électronique (avec laccord du suspect) ; le dépôt dune somme en cautionnement au tribunal ; et la remise des documents justificatifs didentité, notamment du passeport.68 Si un juge dinstruction soppose à une demande de mise en liberté provisoire, il doit transmettre lappel au JLD dans les cinq jours. Le JLD statue dans un délai de trois jours sans entendre les parties.69 Les demandes de mise en liberté provisoire ne peuvent être adressées directement au JLD. Théoriquement, le JLD constitue une amélioration importante et une sauvegarde cruciale contre la détention arbitraire. Dans la pratique toutefois, lintroduction de ce second niveau de contrôle ne semble pas avoir fait une grande différence. Un rapport parlementaire de 2006 a révélé quen 2004, dans 89,7 pour cent des cas, les JLD avaient suivi lavis du juge dinstruction.70 « Cest une garantie trompe-lil », a déploré Emmanuelle Perreux, présidente du Syndicat de la magistrature. « Il faut simaginer son rôle. Il a en face de lui le parquet et le juge dinstruction qui veulent la détention, et lui est tout seul, il na que le dossier pour motiver sa décision. »71 Dans les cas de placement en détention provisoire ou de renouvellement de la détention au cours dune procédure dinstruction dans une affaire de terrorisme, le JLD est généralement confronté à un dossier comportant des milliers de pages. Il ne dispose pas de suffisamment de temps pour procéder à la lecture du dossier complet et ne tente même pas de le faire. Comme la expliqué un JLD : « On na pas besoin de lire tout le dossier. On nest pas là pour juger les faits, sinon pour apprécier si on a besoin, pour les exigences de lenquête, de placer en détention. Nous avons la saisine du juge dinstruction. On peut lire les résumés des faits, les deux ou trois derniers tomes du dossier. »72 Une réforme adoptée en mars 2007 a accordé au JLD le pouvoir de reporter de quatre jours maximum le débat contradictoire où il statuera sur le placement en détention provisoire, précisément pour avoir davantage de temps pour étudier le dossier.73 Le rapport parlementaire sur la réforme a mis en évidence le fait que le JLD « doit faire reposer sa décision sur le fond du dossier et non sur les seuls critères de la détention provisoire Le JLD a précisément été créé pour apporter un double regard sur la procédure, y compris sur les éléments à charge et à décharge, et non pour opérer une simple vérification juridique du respect des critères de placement en détention ».74 Lun des JLD avec lesquels nous nous sommes entretenus ne sest pas immédiatement souvenu de cette réforme et a ensuite dit que le pouvoir de reporter laudience navait probablement jamais été exercé par aucun des JLD lannée où il avait été institué.75 Lors de conversations avec un ancien juge des libertés et de la détention et deux JLD en fonction, il est ressorti que dans les dossiers de terrorisme, une tendance à la prudence, exacerbée par un manque de recul et par la longueur et la complexité des enquêtes, crée une présomption en faveur de la détention. Les trois juges avec lesquels nous nous sommes entretenus ont déclaré que le taux de détention provisoire était probablement plus élevé dans les affaires de terrorisme, bien quaucun dentre eux nait pu sappuyer sur des statistiques officielles. Un JLD a laissé entendre que les juges des libertés et de la détention suivaient les demandes de détention provisoire des juges dinstruction et des procureurs dans la vaste majorité des cas, et certainement dans les affaires de terrorisme.76 Les trois juges ont tous parlé ouvertement des pressions, quils simposent parfois eux-mêmes, les poussant à pêcher par excès de prudence et à ordonner la détention dans les affaires de terrorisme. « Nous avons peur de remettre en liberté et de nous tromper. Je ne maccorde pas la même liberté dappréciation quen dautres affaires. Dans les dossiers de droit commun, je me tiens à ce que les enquêteurs ont déjà trouvé. En terrorisme, on va se demander ce quils pourraient encore trouver »,77 a expliqué lun deux. Lancien JLD cité plus haut lorsquil parlait « des petits poissons, des petits gars avec le poster de Ben Laden dans leurs chambres » a néanmoins admis avoir senti ces pressions poussant à pencher en faveur de la détention : « Nous avons reconnu que [la détention] cétait en partie pour les effrayer. Mais aussi que cétait très difficile de prendre le risque de les remettre en liberté. »78 Les juges dinstruction, les juges des libertés et de la détention et les procureurs proviennent du même corps judiciaire et suivent la même formation. Au cours dune carrière dans ladministration de la justice, une même personne peut remplir les trois rôles différents. Les JLD sont nommés et supervisés par le président du Tribunal de Grande Instance. Tous les JLD avec lesquels nous nous sommes entretenus avaient été juges dinstruction, lun deux avait également été procureur. Cette « interchangeabilité », comme la expliqué un juge, fait quil est difficile pour les JLD de garder la distance nécessaire. « Le JLD est une très bonne idée mais dans un système où les magistrats appartiennent au même corps, le JLD na pas toute lindépendance souhaitable Il y a trop desprit de corps. Il ne sagit pas de pression mais de cet esprit de corps qui se traduit en solidarité. »79 En fait, les cas de pression directe pourraient exister. Un ancien JLD a confié à Human Rights Watch quil avait dû sexpliquer devant ses supérieurs lorsquil ne sétait pas conformé aux souhaits émis par un juge dinstruction à propos dune détention provisoire dans une affaire de terrorisme :
Lintéressé, Djamel Hamouni, a passé trois ans sous contrôle judiciaire avant quun autre juge dinstruction lève les ordonnances et lautorise à quitter le pays en novembre 2007. Au cours de ces trois années, il lui était interdit de quitter la région lyonnaise, il devait se présenter à la police chaque semaine et nétait pas en mesure de travailler. Au moment de la rédaction du présent rapport, il se trouve en Algérie en attente dun visa pour retourner au Japon et voir sa famille pour la première fois en trois ans et demi.81 Le fait quil nexiste aucune garantie de continuité au niveau du JLD en charge dun dossier pose un autre problème. Deux ou trois JLD sont de service pour gérer les nouveaux dossiersceux des personnes qui viennent de terminer leur délai de garde à vue. Mais cest le chef de la section des JLD qui attribue le dossier lorsquil sagit des renouvellements et des demandes de mise en liberté provisoire. Aucune règle ni ligne directrice nest appliquée pour veiller à ce que ce soit le JLD qui a placé quelquun en détention la première fois qui décide du renouvellement ou de la remise en liberté. Les données des services de renseignement et les preuves de tortureLes données émanant des services de renseignement, y compris les informations provenant de pays tiers, sont souvent au cur des enquêtes sur les délits dassociation de malfaiteurs. La plupart, si pas toutes les enquêtes sont effectivement ouvertes sur la base dinformations émanant des services de renseignement. Lors des procédures judiciaires, les données fournies par ces services jouent un rôle légitime au niveau de lefficacité des poursuites liées aux délits de terrorisme. Mais les relations étroites qui existent entre les juges dinstruction spécialisés et les services de sécurité soulèvent des préoccupations quant à la question de savoir si les juges regardent ces données comme déventuelles preuves quil convient daborder avec le scepticisme nécessaire et en se souciant des droits de laccusé. Lutilisation de preuves obtenues de pays tiers où la torture et les mauvais traitements sont monnaie courante soulève des préoccupations particulières, notamment quant à la nature de la coopération entre les services de sécurité français et ceux de ces pays. Certaines personnes poursuivies en France qui ont affirmé de façon crédible avoir été torturées dans des pays tiers pour leur arracher des aveux ont réussi à ce que ces aveux soient rejetés en tant quéléments de preuve. Mais dans certains cas, les tribunaux semblent avoir autorisé comme preuves des déclarations qui auraient été obtenues de tiers sous la torture. Et les déplacements effectués par les juges dinstruction dans des pays tiers au triste bilan en matière de torture afin de vérifier les données à utiliser dans le cadre de poursuites en France soulèvent des questions quant à la volonté des juges français de fermer les yeux sur les allégations dexactions. La coopération de lappareil judiciaire avec les services de sécuritéTant les experts nationaux quinternationaux de la lutte antiterroriste mettent laccent sur la coopération entre les juges dinstruction spécialisés et les services de sécurité français. Un responsable de la lutte contre le terrorisme a expliqué à Human Rights Watch : « Cest la spécificité française : les juges et les policiers travaillent ensemble tous les jours. Il y a une espèce de confiance là. Le passage entre le renseignement et lenquête judiciaire est très facile. Le juge est un allié, pas un adversaire, et cela est une grande facilitation. »82 Les juges dinstruction coopèrent étroitement avec la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) et les Renseignements Généraux. Les deux agences font partie du Ministère de lIntérieur. La DST est à la fois une agence qui recueille des renseignements et une force de police judiciaire, ce qui signifie que les agents de la DST peuvent être affectés à des enquêtes criminelles pour assister les juges dinstruction. Dans la pratique, ceci se traduit par un échange continu dinformations et une planification stratégique conjointe entre les juges dinstruction et les agents des services de sécurité.83 La facilité avec laquelle les données sensibles émanant des renseignements sont utilisées dans les procédures judiciaires sans compromettre les sources et les méthodes de renseignement fait la fierté des responsables français de la lutte antiterroriste et suscite apparemment lenvie de leurs homologues dans dautres pays. Le Ministère de lIntérieur britannique, par exemple, a étudié le système français des juges dinstruction, sintéressant particulièrement à la façon dont les données des renseignements étaient présentées comme éléments de preuve.84 Avec son expertise, sa formation et son habilitation de sécurité, le juge dinstruction spécialisé constitue le filtre désigné de toutes les informations émanant des services de renseignement. Non seulement les rapports de ces services peuvent être versés au dossier (et utilisés ultérieurement lors du procès) sans que lon en connaisse les sources, mais les juges dinstruction peuvent aussi autoriser un nombre illimité dactes denquête, notamment des arrestations, sur la base des seules informations des renseignements. Par exemple, les arrestations opérées fin septembre et début octobre 2005 de personnes soupçonnées davoir projeté des attentats terroristes dans le métro parisien, contre le siège de la DST et/ou un aéroport de Paris en sont une bonne illustration et semblent sêtre basées en grande partie, si pas entièrement, sur des déclarations qui auraient été faites par un homme répondant au nom de Mhamed Benyamina alors quil était détenu par le Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS), les services secrets algériens. Benyamina, un Algérien résidant légalement à Trappes en France, a été arrêté à laéroport dOran, en Algérie, le 9 septembre 2005, alors quil sapprêtait à rentrer en France. Benyamina a expliqué à Amnesty International que des agents de la sécurité algérienne lui avaient dit que les autorités françaises avaient demandé quil soit arrêté. Un article paru en février 2006 dans le quotidien français Le Figaro, sinquiétant du fait que la France avait « livré » un islamiste présumé à lAlgérie pour le faire parler sous la torture, citait deux sources policières anonymes reconnaissant ce lien avec la France, tandis quune autre source proche de laffaire insistait sur le fait quAlger avait ses propres raisons de sintéresser à Benyamina.85 Benyamina a été détenu par le DRS pendant au moins cinq mois. Au cours de cette période, sa famille na reçu aucune information sur le lieu où il trouvait et il na été mis en examen ni en France, ni en Algérie. Il sagit donc dun cas de disparition forcée. Benyamina a expliqué quil avait été détenu dans une cellule exiguë et sale, sans fenêtre et sans électricité, que pendant les cinq mois il navait vu personne si ce nest ses interrogateurs, et quil ne pouvait utiliser la toilette que deux fois par jour.86 Il na jamais vu davocat ni eu loccasion de contester dune quelconque façon la légalité de sa détention. En mars 2006, aux dires des autorités algériennes, il a été placé en détention provisoire pour appartenance à une organisation terroriste internationale. Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a qualifié les cinq mois passés par Benyamina aux mains du DRS de détention illégale et arbitraire.87 Benyamina a confié à Amnesty International quil ne voulait pas parler de la façon dont il avait été traité pendant sa détention aux mains du DRS aussi longtemps quil restait en Algérie, par peur des représailles.88 Sur la base des dizaines de cas de torture et de mauvais traitements relevés par Amnesty International entre 2002 et 2006, tout semble indiquer que le DRS arrête et maintient systématiquement au secret les personnes soupçonnées de terrorisme, sans quelles aient accès à un avocat, dans des conditions qui les exposent particulièrement à des actes de torture et des mauvais traitements.89 Emmanuel Nieto et Stéphane Hadoux ont été arrêtés en France début octobre 2005 sur la base des déclarations faites par Benyamina lors de sa détention aux mains du DRS. Ces deux personnes affirment avoir subi des violences physiques et psychologiques lors de leur garde à vue (voir Chapitre V pour une description détaillée de lexpérience de Nieto). Selon leur avocat, Benyamina a par la suite innocenté Nieto et Hadoux dans des dépositions judiciaires officielles transmises au juge dinstruction français en septembre 2006. Cest sur la base de cette disculpation que lavocat a obtenu leur mise en liberté sous contrôle judiciaire en janvier 2007, après plus dun an en détention provisoire.90 Ils se trouvent toujours mis en examen. Cette affaire illustre bien les difficultés rencontrées par les accusés pour pouvoir réagir efficacement ou contester les données émanant des services de renseignement. Les avocats de Nieto et dautres personnes impliquées dans ce dossier ont demandé lextradition de Benyamina dAlgérie afin de pouvoir procéder à un contre-interrogatoire ; ces demandes ont été rejetées. Et alors que les agents des services de renseignement pourraient être appelés à témoigner au procèset pourront le faire tout en protégeant leur identité--, ils ne pourront pas se voir forcés de révéler leurs sources. Létude du Ministère de lIntérieur britannique mentionnée plus haut est arrivée à la conclusion qualors que « limpossibilité de contrôler ou de contester les données à la base des rapports des services de renseignement na jamais été remise en question en France », au Royaume-Uni, « le fait de priver la défense de lopportunité de réagir face à une partie éventuellement importante des arguments de laccusation aurait des implications au niveau de larticle 6 », faisant ici allusion à larticle de la Convention européenne des Droits de lHomme qui garantit le droit à un procès équitable. Lancien juge dinstruction Bruguière a expliqué que linclusion dans les enquêtes judiciaires dinformations émanant des services de renseignement se révélait cruciale dans la lutte contre le terrorisme et il a présenté lapproche française comme un modèle defficacité. « Il ny a pas de problème de divulgation ou de recevabilité de la preuve», a-t-il signalé. Il a toutefois souligné, à linstar du procureur antiterroriste Maitre, quen France, personne ne serait jamais condamné sur la base des seules informations des services de renseignement. Selon Bruguière, ces données « permettent plutôt dorienter une enquête vers des éléments matériels. Les renseignements doivent être corroborés par dautres éléments ».91 Cela signifie surtout que le juge dinstruction prendra des informations recueillies selon les méthodes des services de renseignement, en dehors du cadre dune enquête criminelle et de la supervision judiciaire qui y est associée, et quil les « judiciarisera » en ordonnant des actes denquête visant à trouver des éléments de preuve à lappui. Comme le souligne Garapon, le juge dinstruction joue un rôle « dinterface » entre les services de renseignement et laccusation car la phase dinstruction judiciaire lui permet de faire « dun renseignement utile une preuve parfaitement valide et transparente ».92 Dans un rapport de 2007 sur le contrôle démocratique des services de sécurité, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (connue sous le nom de Commission de Venise, un organe du Conseil de lEurope) a prévenu que le fait de compter sur le contrôle des services de sécurité par des juges spécialisés comme moyen de supervision comportait des risques, notamment que ces juges sidentifient trop aux agents de la sécurité et quils perdent leurs qualités dindépendance et de vision extérieure nécessaires pour quil y ait contrôle adéquat. Le rapport donne lexemple de la France et de lEspagne pour illustrer cette approche et met en garde contre le fait que « la conscience indispensable des droits des personnes suspectées risque progressivement de samenuiser au fil des années passées en vase clos, aux côtés des services de renseignement de sécurité ». 93 Jusquà il y a peu, la France figurait parmi les quelques démocraties occidentales qui navaient pas mis en place de mécanisme de contrôle parlementaire de ses services de renseignement. Une loi doctobre 2007 a créé une « délégation » parlementaire spéciale, composée de quatre députés et de quatre sénateurs.94 La délégation, dont les audiences se feront toujours à huis clos et dont les travaux sont couverts par le secret de la défense nationale, peut adresser des recommandations au premier ministre et au président. Elle a officiellement entamé ses travaux en février 2008. Lutilisation de preuves obtenues sous la tortureLune des préoccupations majeures soulevées par les relations étroites entre les juges dinstruction et les services de sécurité français est que les informations obtenues de pays tiers sous la torture ou au moyen de mauvais traitements interdits seront utilisées dans le cadre de procédures criminelles en France. Linterdiction absolue de la torture est un principe fermement établi en droit international coutumier et dans les traités internationaux auxquels la France est un État partie. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi que la Convention européenne des Droits de lHomme affirment tous ce principe fondamental. Linterdiction de la torture ne souffre pas dexceptions ni de dérogations et sétend à lutilisation des informations obtenues sous la torture dans le cadre de procédures légales. Larticle 15 de la Convention contre la torture dispose que toute déclaration dont il est établi qu'elle a été obtenue par la torture ne peut être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n'est contre la personne accusée de torture pour établir qu'une déclaration a été faite. En vertu de larticle 55 de la Constitution française, les traités internationaux ratifiés par la France ont une autorité supérieure à celle des lois nationales. Lutilisation déléments de preuve obtenus sous la torture ou au moyen de mauvais traitements est interdite non seulement parce quils ne sont pas fiables mais parce que, selon la Cour européenne, cette utilisation « ne ferait que légitimer indirectement le type de conduite moralement répréhensible que les auteurs de larticle 3 de la Convention ont cherché à interdire ou, comme la si bien dit la Cour suprême des États-Unis dans son arrêt en laffaire Rochin à conférer une apparence de légalité à la brutalité ».95 La coopération entre les services de renseignement et de sécurité de différents États est une composante capitale de la lutte contre le terrorisme. Lexistence dAlliance base (un centre basé à Paris, créé conjointement par les services secrets américains et français en 2002 et destiné à coordonner la lutte antiterroriste entre les services secrets occidentaux) est une illustration de la coopération étroite des services de renseignement français avec la majorité de leurs homologues des démocraties occidentales. La DST et les RG partagent également des informations et collaborent avec un large éventail de services secrets, y compris ceux qui ont la réputation de torturer.96 Un responsable du contre-terrorisme qui sest entretenu avec Human Rights Watch sous le couvert de lanonymat a expliqué que les services secrets français recevaient normalement des services de renseignement étrangers un produit raffiné, sous forme de résumé ou simplement de tuyau, plutôt que des informations brutes. Ils évaluent ensuite la fiabilité des informations en tenant compte des méthodes et de lefficacité connues des services étrangers concernés et tentent de recouper les informations. Ils essaient également de sassurer que les renseignements émanant dun partenaire de confiance, par exemple le Royaume-Uni, ne proviennent pas en réalité dune source douteuse, par exemple lOuzbékistan. Lagent a souligné que les renseignements obtenus illégalement, notamment par la torture ou les mauvais traitements, étaient inacceptables car ils ne sont pas fiables et seraient en fin de compte déclarés irrecevables au tribunal.97 Dans la pratique, le contrôle de la justice sur cette phase des opérations est inexistant. Comme la expliqué Bruguière, les juges dinstruction ne reçoivent des renseignements que de la DST, et non pas directement des sources dans les pays tiers : « Linterface [avec les autres services secrets], cest eux qui la font, et ils ne me disent pas doù viennent leurs informations On ne sait pas si les méthodes utilisées sont humaines ou techniques, [même pas] si les informations viennent dun pays tiers »98 Le procureur antiterroriste Philippe Maitre a confirmé ce fait, expliquant : « Il ny a pas de contrôle de la justice sur les services de renseignement. Cest la procédure judiciaire qui vérifie linformation qui commence par des renseignements Lorigine des renseignements nimporte pas et on ne la connaît pas forcément. »99 Dans ces circonstances, il est difficile de voir comment le juge dinstruction peut exercer un quelconque contrôle sur la légitimité des méthodes utilisées et la véracité des informations obtenues lorsquil détermine sil convient douvrir une enquête officielle ou dautoriser certains actes denquête. Mais en fait, un juge dinstruction peut pleinement « judiciariser » les renseignements provenant de létranger en instituant une commission rogatoire internationale chargée de demander des informations officielles aux autorités judiciaires dun pays déterminé. Le juge peut se rendre dans le pays concerné afin de participer à des interrogatoires ou dy assister en tant quobservateur. Les informations recueillies dans ces circonstances, indépendamment des conditions dincarcération et du traitement du détenu avant et après la commission rogatoire internationale, jouissent dune légitimité considérable. Les cas mentionnés ci-après illustrent la façon dont les preuves obtenues sous la torture ou au moyen de mauvais traitements interdits dans des pays tiers ont été utilisées en France dans le cadre de procédures criminelles. Les personnes soumises à des mauvais traitements interdits dans un pays tiers et poursuivies ensuite en France ont lopportunité de contester lutilisation de ces preuves, parfois avec succès, comme il est illustré plus bas. Par contre, si la victime nest pas lun des accusés, la marge de manuvre pour contester les informations susceptibles davoir été obtenues illégalement est très réduite. Plusieurs de ces cas illustrent également les préoccupations soulevées par les contacts directs existant entre les juges dinstruction et des pays ayant une piètre réputation sur le plan de la torture. Ces cas soulèvent des questions quant à la volonté des juges dinstruction de fermer les yeux sur les allégations dexactions.
Djamel BeghalDjamel Beghal est un Algérien de 43 ans qui a passé les six dernières années en isolement cellulaire dans une prison française. Il a été condamné en mars 2005 à 10 ans demprisonnement, soit la peine maximale pour le délit dassociation de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. La Cour dAppel a ensuite confirmé la peine et a ajouté lobligation de purger les deux tiers de cette peine avant davoir le droit dêtre remis en liberté. En décembre 2006, Beghal a été déchu de la nationalité française quil avait acquise et il a été notifié de son expulsion du territoire dès sa libération de prison. Beghal a été reconnu coupable dassociation de malfaiteurs en grande partie sur la base de déclarations quil avait faites sous la torture et en subissant des mauvais traitements interdits aux Émirats Arabes Unis en septembre 2001. Tous les documents officiels du tribunal relatifs à laffaire stipulent que Beghal a été arrêté à laéroport de Dubaï le 7 septembre 2001 car il utilisait un faux passeport français. Beghal venait du Pakistan et transitait par les EAU pour se rendre au Maroc. Il avait apparemment été identifié, bien que lon ne sache pas trop par qui, comme étant un agent dAl-Qaida impliqué dans des projets dattentats contre des intérêts américains en France. Il a affirmé avoir été arrêté à son hôtel, des heures après être arrivé à Dubaï, par cinq ou six hommes portant des lunettes de soleil.100 Il a été extradé en France le 1er octobre 2001. Dans une déclaration écrite, Beghal a décrit le traitement difficilement supportable quil a subi pendant sa détention aux EAU, notamment :
Le 1er octobre 2001, après un long voyage en avion depuis Dubaï au cours duquel il a été « suspendu telle une chauve-souris, menotté aux crochets des suspentes des parachutistes, dans le froid glacial des hautes altitudes »,102 Beghal a été emmené directement devant le juge dinstruction et soumis à sept heures dinterrogatoire.103 Son avocat commis doffice ne lui a pas conseillé de garder le silence et na pas non plus réclamé un report de laudience. À cette occasion, Beghal a nié tout projet dattentat terroriste contre des intérêts américains en France. Il a décrit au juge les conditions de détention et les mauvais traitements subis aux EAU. Lexamen médicolégal ordonné par le juge immédiatement après linterrogatoire a révélé certaines traces de mauvais traitements dénoncés par Beghalnotamment un hématome au bras gauche, ainsi que des marques sur sa cheville gauche et la plante du pied et une légère enflure dun orteil au pied gaucheet le médecin a noté un « retentissement post-traumatique aux faits allégués ».104 La 10ème chambre du Tribunal Correctionnel a néanmoins autorisé lutilisation en tant quéléments de preuve de toutes les déclarations faites par Beghal aux EAU, y compris ses aveux présumés où il déclare quun haut responsable dAl-Qaida dénommé Abou Zubeida lavait chargé dorganiser un attentat contre lambassade des États-Unis en France.105 Appliquant un raisonnement circulaire, le tribunal a établi que : « Même si Djamel Beghal reviendra progressivement, et définitivement à laudience, sur ses déclarations faites aux Émirats Arabes Unis, force sera de constater que lessentiel de celles-ci, de toute évidence confirmé lors de son interrogatoire de première comparution, sera, en tout état de cause, confirmé par les nombreuses investigations entreprises. »106 Ces investigations comprennent la reconstitution par la DST des déplacements de Beghal ; des opérations policières en France, en Belgique et en Espagne qui sont venues confirmer les contacts entre des membres présumés du groupe ; ainsi que les dépositions faites en garde à vue par plusieurs personnes, dont Nizar Trabelsi. Trabelsi est un ressortissant tunisien qui a été arrêté en Belgique le 13 septembre 2001 et a finalement été condamné en 2003 pour avoir projeté un attentat contre une base aérienne de lOTAN en Belgique. La possibilité selon laquelle Trabelsi était censé perpétrer un attentat contre lambassade américaine à Paris a été évoquée, accusation que lintéressé a toujours niée, alors quil a avoué lattentat projeté en Belgique.107 Le Tribunal Correctionnel a établi que Beghal était membre dun réseau terroriste en raison de ses contacts avec certaines personnes identifiées comme de hauts responsables dAl-Qaida. Le jugement cite des renseignements de la DST concernant les faits et gestes de Beghal, notamment le temps quil a passé dans des camps paramilitaires en Afghanistan ainsi que ses contacts avec des recruteurs présumés dAl- Qaida, Abou Qatada et Abou Doha, au Royaume-Uni, ce que Beghal a entièrement reconnu tant aux EAU quen France.108 Le tribunal français a conclu que Beghal aurait exécuté une mission terroriste en France sil navait pas été arrêté aux EAU.109 Lors de sa première comparution devant le juge dinstruction, Beghal a en fait confirmé quil connaissait certaines personnes identifiées comme étant des membres de mouvements islamistes radicaux, notamment Abou Qatada à Londres, ainsi que certains des co-accusés de Beghal et Nizar Trabelsi. Mais Beghal a nié avoir rencontré Abou Zubeida en Afghanistan et a déclaré que son séjour dans ce pays nétait pas lié à Al-Qaida. La Cour dAppel a confirmé la condamnation de Beghal en décembre 2005 bien quelle ait établi que la déposition provenant des EAU ne pouvait pas être retenue contre lui. Notant que le seul véritable élément de preuve relatif à un complot contre des intérêts américains à Paris était la déposition obtenue à Dubaï « dans des conditions non conformes au respect des droits de la défense », la 10ème chambre de la Cour dAppel a néanmoins conclu quun nombre amplement suffisant déléments indiquaient « limplication [de Beghal] dans la mouvance islamiste la plus radicale, celle soutenue par Al Qaïda, dont les objectifs de déstabilisation des régimes occidentaux soutenant les États-Unis et Israël sont avérés ».110 En février 2008, lavocat de Beghal a abouti à la conclusion que « la justice française ne sest pas fait honneur de la manière dont elle a mené le procès Beghal, depuis le moment où il a été amené ici jusquà maintenant. On se trouvait dans lobligation de prouver linnocence, dans un renversement de toutes les règles, et cétait impossible. Les choses étaient entendues dès le départ. En aucun moment on a pensé quune relaxe était possible. La conviction du juge était faite dès le départ. Il y avait des dizaines de tomes dans lesquels il ny avait rien dintéressant, mais il y avait une accumulation dinformations pour faire croire quil [Beghal] pouvait commettre un acte dans le futur ».111 Saïd ArifSaïd Arif était lune des figures principales au procès de la filière dite tchétchène. Laffaire impliquait 27 prévenus, dont la plupart étaient accusés davoir suivi une formation paramilitaire dans des camps situés dans les gorges de Pankissi en Géorgie, en vue de revenir en Europe pour perpétrer des attentats terroristes. Le groupe a été baptisé « filière tchétchène » car bon nombre de ses membres auraient envisagé daller se battre en Tchétchénie, bien quaucun de ceux passant en jugement ne laient à vrai dire fait.112 Arif, un ressortissant algérien âgé de 43 ans, a été arrêté à Damas par les services secrets syriens en juillet 2003. En labsence dun traité dextradition entre les deux pays, il a été amené en France en juin 2004 selon une procédure ad hoc. Un juge dinstruction français sest rendu à Damas en mai 2004 dans le cadre dune commission rogatoire internationale et a fourni aux autorités syriennes une liste de questions à poser à Arif. Ces questions étaient accompagnées de « réponses » indiquées entre parenthèses.113 Le juge français na pas participé ni assisté personnellement aux interrogatoires et, à notre connaissance, il na pas vu Arif en détention.114 Arif a allégué de façon crédible quil avait été torturé pendant toute lannée quil a passée en détention en Syrie :
En Syrie, la torture est un problème grave, attesté par de nombreuses sources. Elle est tout particulièrement utilisée lors des interrogatoires.116 Arif a démenti tout ce quil aurait dit pendant son incarcération en Syrie. Son avocat, Sébastien Bono, a fait valoir avec succès que tous les éléments de preuve émanant de sa détention en Syrie et versés au dossier par laccusation en tant quéléments à charge devraient être considérés irrecevables au procès. Le tribunal, ayant entendu le témoignage de la Fédération Internationale des Droits de lHomme, dAmnesty International et de lOrganisation Mondiale contre la Torture au sujet de lusage systématique et généralisé de la torture en Syrie, a reconnu quil était « vraisemblable que les déclarations effectuées par Saïd Arif en Syrie laient été sous la torture, et que ses aveux aient été obtenus par cette méthode ».117 En juin 2006, le tribunal a néanmoins déclaré Arif coupable dappartenance à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et la condamné à neuf ans de réclusion. Le jugement a établi quil avait été prouvé quArif était membre du réseau terroriste dAbou Doha, quil avait passé un certain temps en Afghanistan et avait été en contact avec des « dirigeants de la mouvance islamiste radicale », quil avait passé du temps dans les gorges de Pankissi en Géorgie où il avait été en contact permanent avec des membres dune cellule terroriste française, et quil se trouvait à Barcelone en mars 2002 au moment dune rencontre dislamistes radicaux « en vue de définir la nouvelle stratégie du djihad en Europe ».118 La présidente de la 10ème chambre du Tribunal Correctionnel qui a jugé le dossier, Jacqueline Rebeyrotte, a également présidé le procès du réseau dit de Francfort, accusé davoir projeté un attentat sur le marché de Noël de Strasbourg en 2000. Dans le verdict de 2004, qui a condamné 10 hommes, la magistrate (et ses deux assesseurs) a présenté Arif comme étant lune des « grosses pointures » et laissé entendre que son appartenance à un « mouvement islamiste radical » était une évidence.119 Les dépositions des co-accusés dArif, ainsi que des membres présumés de mouvements ou réseaux islamistes radicaux, ont joué un rôle primordial dans laffaire. La plupart de ceux qui ont fait des dépositions à lencontre de leurs co-accusés pendant leur garde à vue et, dans certains cas, devant le juge dinstruction se sont par la suite rétractés, invoquant le fait quils avaient subi des pressions physiques et/ou psychologiques lors de leur garde à vue.120 Les dépositions faites par Laurent Mourad Djoumakh, déclaré coupable davoir participé au projet dattentat sur le marché de Noël de Strasbourg, semblent avoir revêtu une importance particulière dans les arguments de laccusation et dans le verdict. Djoumakh a affirmé sous serment quArif était membre du réseau dAbou Doha et quil sétait rendu en Géorgie en 2001 en utilisant le passeport de Djoumakh.121 En mai 2007, la Cour dAppel a maintenu lexclusion de la déposition provenant de Syrie mais a confirmé la condamnation prononcée par le Tribunal Correctionnel, alourdissant la peine demprisonnement dArif pour la faire passer à 10 anssoit la peine maximaleavec lobligation de purger au moins les deux tiers de la peine. (Devant la Cour dAppel, le ministère public avait invoqué le fait que le Tribunal Correctionnel avait « abusivement » écarté les déclarations faites par Arif en Syrie car rien ne prouvait quArif avait été torturé, ajoutant que les Syriens navaient aucun intérêt à torturer Arif « puisquils ne sintéressaient pas à son cas et lont livré à la France très rapidement après son arrestation ».122 Après avoir réussi à faire écarter la déposition provenant de Syrie, lavocat dArif, Sébastien Bono, a dû en payer le prix. Le président de la chambre de la Cour dAppel a critiqué Bono pour avoir déclaré dans ses arguments écrits que les juges dinstruction français étaient complices de torture, qualifiant ces paroles de « manifestement infamantes et dépassant la liberté de parole de la défense ».123 En novembre 2007, le ministère public a demandé au Conseil de discipline de lOrdre des Avocats de Paris de censurer Bono pour ces accusations. En dépit de lavis du Bâtonnier estimant que les actions de Bono constituaient des efforts légitimes de la défense, le ministère public a engagé sa propre action disciplinaire à lencontre de Bono en janvier 2008. Aux termes de la loi, cela signifie que le Conseil de discipline de lOrdre des Avocats doit mener une enquête. Les sanctions éventuelles incluent la radiation permanente ou temporaire de lordre des avocats. La décision peut faire lobjet dun recours formé devant la même chambre de la Cour dAppel qui a statué dans laffaire de la filière tchétchène.124 Abou AttiyaUne partie des informations versées au dossier de la filière tchétchène semble provenir dun Jordanien connu sous le nom dAbou Attiya (qui ne se trouvait pas parmi les accusés lors du procès). Un rapport de la DST datant du 6 novembre 2002, au début de linstruction judiciaire, précisait quAbou Attiya était chargé de la préparation, en Géorgie, dattaques chimiques en Europe.125 Un juge dinstruction français sest rendu à Amman dans le cadre dune commission rogatoire internationale et a remis aux autorités jordaniennes des questions à lintention dAbou Attiya. Pour autant que nous sachions, le juge français na dirigé ni participé à aucun des interrogatoires. Il est fait allusion à Abou Attiya dans le verdict de juin 2006 de 305 pages ainsi que dans larrêt de la Cour dAppel de mai 2007. La Cour dAppel cite effectivement les déclarations faites par Abou Attiya lors de sa détention en Jordanie comme constituant lun des principaux éléments de preuve dun complot visant à commettre une attaque chimique en France.126 Lavocat de Zine Eddine Khalid, lun des accusés dans le procès de la filière tchétchène, a invoqué, devant la Cour dAppel, le fait que la déposition dAbou Attiya devait être exclue étant donné les conditions dans lesquelles elle avait été obtenue et « labsence de précision sur les sources dinformation de la DST. »127 Human Rights Watch a eu un entretien avec Abou Attiya en Jordanie en août 2007. Il a signalé que son nom complet était Adnan Muhammad Sadik Abou Najila. Il nous a confié quil avait été arrêté en Azerbaïdjan à la mi-août 2003 et transféré en Jordanie fin septembre 2003. Il a été détenu par le GID (les services secrets jordaniens) jusquau 30 décembre 2007, date à laquelle il a été libéré, après plus de quatre ans, sans inculpation. Le GID est connu pour ses arrestations arbitraires et les sévices infligés aux prisonniers.128 Lors des interrogatoires, « ils mont posé des questions sur les gens qui venaient dEurope. Ces personnes voulaient aller en Tchétchénie mais ne pouvaient pas ; je navais pas grand-chose à voir avec elles », nous a expliqué Abou Attiya. Il prétend navoir jamais avoué aucun projet visant à commettre des attentats en Europe. Abou Attiya a déclaré quil avait subi des privations de sommeil lorsquil était détenu par le GID et quil avait reçu des pilules et des injections. « Les injections me rendaient nerveux et me faisaient trembler, donc je narrivais pas à me concentrer. Les pilules étaient très petites, elles me rendaient nerveux et agité », a-t-il expliqué. Il na pas été autorisé à lire ses « aveux » avant de les signer.129 Interrogé par Human Rights Watch à propos des informations fournies par Abou Attiya et utilisées dans laffaire de la filière tchétchène, le juge dinstruction a répondu, « mais cétait une commission rogatoire internationale en Jordanie je nai participé quà des commissions rogatoires non violentes ».130 Au sujet du fait quAbou Attiya avait dénoncé des mauvais traitements lors de sa détention en Jordanie, le juge a dit, « jen sais rien, moi ».131 Les condamnations reposant sur des preuves ténuesLes affaires dassociation de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste sont jugées en collégialité par trois juges au Tribunal Correctionnel de Paris. Le tribunal ne dispose pas dune chambre spécifique pour entendre ces affaires, bien que la plupart soient jugées par la 13ème, la 14ème ou la 16ème chambre. Tous les appels formés contre les verdicts du Tribunal Correctionnel sont entendus par trois mêmes juges qui président la 10ème chambre de la Cour dAppel de Paris. Tant le ministère public que laccusé peuvent interjeter appel ; dans bon nombre des cas examinés par Human Rights Watch, la Cour dAppel a confirmé les condamnations et souvent alourdi les peines demprisonnement, et dans certains cas, elle a annulé le verdict de relaxe et a condamné les accusés. Dans le système de justice pénale français, le niveau de preuve est défini dans larticle 427 du Code de procédure pénale : les juges (et jurés) décident de linnocence ou de la culpabilité de laccusé daprès leur « intime conviction », dans un système où tous les types de preuve sont recevables (système de la « preuve libre »). Les chambres correctionnelles doivent rendre des jugements motivés expliquant leurs verdicts. Les juges et jurés de la cour dassises, qui jugent les crimes les plus graves, ne doivent pas rendre darrêts motivés. La Cour européenne des Droits de lHomme a établi que la norme de « lintime conviction » était, dans la pratique, équivalente à la norme pénale de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable » utilisée dans les juridictions de common law.132 Le Juge Jean-Claude Kross, haut magistrat présidant la 16ème chambre du Tribunal Correctionnel de Paris, a expliqué que « nous statuons au regard des éléments matériels et légaux qui sont contenus dans le dossier dinstruction, qui inclut lenquête de police ». Il a par ailleurs souligné limportance des débats contradictoires tenus en audience publique pour élucider les faits en rapport avec le dossier.133 Le Procureur adjoint au parquet de Paris, Philippe Maitre, a mis laccent sur le fait que tout doute devrait bénéficier à laccusé.134 Human Rights Watch na pas été en mesure dobtenir des statistiques sur la proportion de condamnations par rapport au nombre daccusés dans les affaires impliquant des réseaux terroristes islamistes présumés. Les cas pris isolément semblent indiquer que dans ces affaires souvent complexes impliquant de nombreux accusés, la majorité de ceux-ci sont reconnus coupables de quelque chose, soit du chef daccusation principal dassociation de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, soit de délits tels que le faux et usage de faux, indépendants de lintention terroriste. Les chiffres dEuropol indiquent quen 2007, la France a présenté un taux dacquittement de 5 pour cent dans les procès pour terrorisme : elle a enregistré 52 condamnations et 3 acquittements sur un total de 55 verdicts. Sur ces 55 verdicts, 31 concernaient des accusés appartenant à des groupes islamistes et 24 concernaient des accusés séparatistes. Le taux dacquittement pour 2006 était de 0 pour cent, 21 condamnations ayant été prononcées dans les 21 verdicts.135 Un certain nombre de personnes déclarées coupables dassociation de malfaiteurs sont condamnées à des peines qui semblent être égales à la durée de leur détention provisoire. Ceci peut refléter la détention souvent longue qui précède le procès dans les affaires de terrorisme mais peut-être aussi leffort fait pour « couvrir » la période déjà purgée afin déviter que cela ne donne lapparence dune détention injuste.136 Et parce que le droit français prévoit des réductions automatiques de peines de prison, ces personnes purgent en réalité des peines encore plus longues que si elles navaient commencé à purger leur peine quaprès leur condamnation.137 Hassan el Cheguer et Hakim Mokhfi ont tous deux été condamnés à quatre ans, avec un sursis dun an, pour appartenance à un réseau terroriste, après avoir passé exactement trois ans en détention provisoire. Au départ, ils étaient inculpés, à linstar de Ghulam Mustafa Rama, davoir fourni un soutien à Richard Reid, le citoyen britannique surnommé le « shoe bomber » (lhomme à la chaussure piégée) parce quil avait tenté de déclencher une bombe dissimulée dans sa chaussure sur un vol Paris-Miami en décembre 2001. Les procureurs ont fini par admettre que les preuves manquaient pour ce chef daccusation et ont plutôt invoqué le fait que Rama avait recruté les deux jeunes hommes pour le terrorisme. El Cheguer et Mokhfi ont avoué avoir passé trois semaines en septembre 2001 dans un camp dentraînement dirigé par une organisation islamiste appelée Lashkar-e-Toiba, dans le Cachemire sous administration pakistanaise. Ils ont affirmé navoir pas été pleinement informés et avaient été surpris et effrayés de découvrir sa vraie nature. Certaines de ces condamnations dune durée égale à la période déjà passée en détention semblent se baser sur des éléments de preuve nétablissant guère plus que des contacts entre certaines personnes. Une affaire de 2005 impliquant six accusés poursuivis pour appartenance à un réseau projetant un attentat contre des intérêts américains en France illustre bien cette préoccupation. La figure principale de laffaire était Djamel Beghal (voir plus haut notre analyse de laffaire). Deux des autres accusés étaient Rachid Benmessahel, qui a été condamné à trois ans de prison exactement, soit la période déjà passée en détention provisoire, et Johan Bonte, condamné à un an, après avoir passé trois ans en détention provisoire. Le jugementdans lequel sont consignés un grand nombre dappels téléphoniques et diverses rencontres entre les six accusés impliqués dans laffaire, dont Benmessahel et Bonte, établit sans lombre dun doute que ces hommes se connaissaient (Bonte est le beau-frère de Beghal).138 Mais il nétablit aucun lien avec un complot terroriste déterminé en France et permet de douter sérieusement du fait que ces hommes aient formé un réseau ou groupement avec une intention terroriste claire. Lépouse de Benmessahel a exprimé sa frustration par rapport à lenquête :
Deux ans après que Rachid Benmessahel eut été libéré de prison, il a été déchu de la nationalité française quil avait acquise et expulsé vers lAlgérie. Son épouse, une ressortissante française, et leurs trois enfants continuent à vivre en banlieue parisienne. Ibrahim Keita et Azdine Sayez ont été jugés en même temps que quatre autres personnes pour appartenance à un réseau apportant un soutien aux agents dAl-Qaida et recrutement pour le terrorisme. Trois des autres accusés ont été déclarés coupables davoir fourni un soutien financier et logistique aux deux Tunisiens qui ont tué le chef militaire du Front national islamique uni pour le salut de lAfghanistan, le Commandant Ahmed Shah Massoud, en septembre 2001. Un quatrième a été condamné à deux ans demprisonnement pour avoir organisé des camps dentraînement paramilitaire. Bien quil ait été jugé en même temps que ces hommes, Keita a été accusé davoir fourni un soutien à Willy Brigitte, un citoyen français qui a finalement été reconnu coupable davoir projeté un attentat terroriste en Australie. Keita, un musulman pieux, a partagé une petite chambre avec Brigitte à Paris dans des conditions spartiates : Keita y dormait pendant la journée et Brigitte pouvait lutiliser la nuit pendant que Keita travaillait comme camionneur. Ceci, ainsi que le fait quil a participé à ce quil a appelé des randonnées organisées par la mosquée quil fréquentait, semblent constituer le seul élément sur lequel repose laccusation dassociation de malfaiteurs. Après avoir passé un an et demi environ en détention provisoire, Keita a été relaxé par le Tribunal Correctionnel. Le ministère public a toutefois interjeté appel et la Cour dAppel a annulé la relaxe et condamné Keita à deux ans demprisonnement. Vu le temps déjà passé en détention et les réductions automatiques de peine, Keita nest pas retourné en prison. Son co-accusé Sayez semble avoir été arrêté et mis en examen pour guère plus que le fait dêtre propriétaire dune pizzeria halal fréquentée par bon nombre des autres accusés dans laffaire. Keita lui-même avait lhabitude de passer y prendre une pizza lorsquil travaillait comme livreur. Sayez a passé à peu près huit mois en détention provisoire avant dêtre relaxé. Mais comme dans le cas de Keita, sa relaxe a été annulée par la Cour dAppel et il a été condamné à deux ans de prison ; contrairement à Keita, il a été réarrêté et incarcéré pour compléter sa peine.140 Des juridictions étrangères ont jeté le doute sur les éléments de preuve à la base de certaines condamnations pour association de malfaiteurs. En 2002, un tribunal allemand a refusé dextrader Abdallah Kinai, un Algérien bénéficiant du statut de réfugié en Allemagne, vers la France pour quil y complète une peine demprisonnement de cinq ans. Kinai, aujourdhui âgé de 64 ans, avait dabord été arrêté le 26 mai 1998 en France dans le cadre de lopération mise sur pied pour prévenir un projet terroriste présumé visant la Coupe du Monde de football organisée en France cette même année. Kinai a finalement été accusé dêtre une figure importante au sein dun groupe formé pour fournir du matériel et un soutien logistique au GIA en Algérie, et davoir donné son approbation à un projet dassassinat de limam de la mosquée de Paris, Dalil Boubaker. Kinai a passé 11 mois en détention provisoire en France avant dêtre remis en liberté sous contrôle judiciaire. Le 12 décembre 2000, le Tribunal Correctionnel la relaxé de tous les chefs daccusation. Lors de son procès, 16 des 24 accusés ont été acquittés des chefs daccusation les plus graves liés à lappartenance à une association terroriste de malfaiteurs.141 Laccusation a toutefois interjeté appel de la relaxe et le 14 mars 2002, la Cour dAppel de Paris a déclaré Kinai coupable et la condamné à cinq ans de prison. Kinai était retourné en Allemagne après sa relaxe par le Tribunal Correctionnel et il a été interpellé à Stuttgart le 1er juillet 2002, dans lattente dune extradition vers la France pour purger sa peine de prison. Néanmoins, après un examen des documents relatifs à laffaire, la Haute Cour régionale de Stuttgart a annulé le mandat darrêt le 22 novembre 2002 et a définitivement déclaré irrecevable lextradition de Kinai vers la France le 7 avril 2003, invoquant un manque de motifs légaux expliquant la demande dextradition. En ce qui concerne lappartenance présumée à une association de malfaiteurs visant à commettre des actes de terrorisme, la Cour a établi qu « il est impossible de déterminer, à partir des documents fournis par les autorités françaises, si le réseau prétendument dirigé par les accusés remplit même les critères dune organisation criminelle ou terroriste il nexiste aucune allégation précise qui permettrait à la Cour de déterminer la structure organisationnelle de ce réseau ». Par rapport au projet présumé dassassinat de limam de la mosquée de Paris, la Cour a également estimé quelle ne pouvait pas déterminer lexistence dune quelconque infraction criminelle.142 Un tribunal canadien a également estimé non fondée une condamnation française pour association de malfaiteurs. Abdallah Ouzghar, qui a la double nationalité canadienne et marocaine, a été condamné par contumace en avril 2001 en France pour association de malfaiteurs et fabrication de faux passeports et a été condamné à une peine demprisonnement de cinq ans.143 Vingt-trois autres personnes ont été condamnées en même temps que lui pour appartenance au Groupe dit de Montréal. Ce groupe serait lié à Ahmed Ressam, condamné aux États-Unis en avril 2001 pour avoir tenté de faire entrer clandestinement des explosifs du Canada en vue de faire exploser laéroport international de Los Angeles. La France a demandé lextradition dOuzghar du Canada peu après les attentats du 11 septembre aux États-Unis, demande qui a abouti à son arrestation en octobre 2001 et à de longues procédures dextradition. En janvier 2007, un juge de Toronto a rejeté largument selon lequel Ouzghar était membre dun groupement terroriste international mais a autorisé son extradition sur la base des chefs daccusation mineurs (par exemple la fabrication de faux passeports). Un an plus tard, en janvier 2008, le Ministère canadien de la Justice a ignoré la conclusion du juge et a autorisé lextradition également pour le chef daccusation de terrorisme. En mai 2008, Ouzghar se trouvait toujours au Canada après sêtre pourvu en appel.144 En France, toute personne qui a fait lobjet dune détention provisoire et bénéficie ensuite dun non-lieu ou est relaxée ou acquittée au procès de tous les chefs daccusation retenus contre elle a droit à réparation.145 Saliha Lebik a passé un an en détention provisoire avec sa fillette en bas âge avant dêtre relaxée par le Tribunal Correctionnel en juin 2006 de tous les chefs daccusation retenus contre elle. Tant Lebik, épouse de lun des principaux accusés au procès de la filière tchétchène, que sa fille ont contracté la tuberculose en prison. Son époux, Mérouane Benahmed, a été déclaré coupable dassociation terroriste de malfaiteurs et condamné à la peine demprisonnement maximale de dix ans. La Cour dAppel a confirmé la relaxe de Lebik en mai 2007, ouvrant la voie à lobtention dune réparation. Au moment où sont écrites ces lignes, aucune décision na encore été rendue dans laction intentée par Lebik pour obtenir plus de 220 000 de dommages et intérêts.146 Les personnes reconnues coupables mais condamnées à des peines de prison plus courtes que la période passée en détention provisoire, comme Johan Bonte (voir plus haut), nont pas droit à réparation. 10 Ibid., art. 702 (modifié par la Loi n° 82-621 du 21 juillet 1982). 11 Le Conseil constitutionnel a conclu que le remplacement dun jury populaire par des juges professionnels dans les affaires liées au terrorisme constituait un moyen légitime déviter les pressions et les menaces. Décision n° 86-213 DC, 3 septembre 1986. 12 Le délai de garde à vue de 96 heures est également applicable aux personnes soupçonnées de trafic de drogue et de crime organisé. 13 Le terme « association de malfaiteurs » peut être utilisé pour de nombreux infractions. Dans le présent rapport, nous lutilisons pour nous référer exclusivement au délit dappartenance à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Cette statistique émane du Ministère de la Justice, comme rapporté dans Piotr Smolar, « Les prisons françaises comptent 358 détenus pour activisme », Le Monde, 9 septembre 2005. 14 Jacky Durant et Patricia Tourancheau, « La menace terroriste contre la France est élevée », Libération, 18 octobre 2006. 15 Code pénal (CP), art. 421-2-1. 16 La loi prévoit la peine la plus grave pour lappartenance à un groupe dont le but est de préparer des atteintes contre les personnes, comme précisé dans larticle 421-1 (les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, l'enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport); les destructions par substances explosives ou incendiaires réalisées dans des circonstances de temps ou de lieu susceptibles d'entraîner la mort d'une ou plusieurs personnes ; ou le fait d'introduire dans l'atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol, dans les aliments ou les composants alimentaires ou dans les eaux, une substance de nature à mettre en péril la santé de l'homme. Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers. En février 2008, personne navait encore été accusé du crime dassociation de malfaiteurs. Voir Assemblée Nationale, Rapport dinformation de la Commission des lois constitutionnelles sur la mise en application de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006, 5 février 2008. 17 Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006. 18 Ibid. 19 Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne ; Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ; Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ; et Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers. 20 CP, art. 421-1. Ces actes comprennent les atteintes à la vie et à l'intégrité de la personne, l'enlèvement, le détournement, ainsi que le vol et stockage de produits explosifs. Cet article a été incorporé au CP en 1996 et a été modifié en 1998 et de nouveau en 2001. 21 CP, art. 421-3. 22 Antoine Garapon, « Is There a French Advantage in the Fight Against Terrorism? » ARI. 23 Human Rights Watch, « U.K.: Law Lords Rule Indefinite Detention Breaches Human Rights », 16 décembre 2004, http://hrw.org/english/docs/2004/12/16/uk9890.htm. 24 Entretien de Human Rights Watch avec Jean-Louis Bruguière, ancien juge dinstruction, Paris, 26 février 2008. 25 Jeremy Shapiro et Bénédicte Suzan, « The French Experience of Counter-Terrorism », Survival, vol. 45, no.1, Printemps 2003, p. 78. 26 Il y a huit postes au sein de la division des juges dinstruction spécialisés dans la lutte contre le terrorisme ; au moment de la rédaction de ce rapport, seuls sept juges étaient en activité. Entretien de Human Rights Watch avec Philippe Maitre, procureur adjoint chargé de la lutte antiterroriste, Paris, le 27 février 2008. Les juges tendent à se spécialiser davantage en fonction des différents types de terrorisme (par exemple international ou islamiste, nationaliste ou séparatiste). 27 Début mars 2008, la Commission européenne a désigné Bruguière pour entreprendre une étude sur la mise en uvre dun accord de coopération entre lUnion européenne et les États-Unis dans la lutte contre le financement du terrorisme. « L'examen par l'UE du « programme de traque du financement du terrorisme » des États-Unis », communiqué de presse de la Commission européenne, 7 mars 2008, http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/08/400&format=HTML&aged=0&language=fr&guiLanguage=fr (consulté le 12 mars 2008). 28 Craig Whitlock, « French Push Limits in Fight on Terrorism », Washington Post, 2 novembre 2004. 29 Shapiro et Suzan, « The French experience of counterterrorism ». 30 Entretiens de Human Rights Watch avec Sébastien Bono, Paris, 21 juin 2007 et 28 février 2007 ; Henri de Beauregard, Paris, 6 juillet 2007 ; Fatouma Metmati, 13 décembre 2007 ; Bernard Dartevelle, Paris, 21 juin 2007 ; Nicolas Salomon, Paris, 5 juillet 2007 ; Sophie Sarre, Paris, 6 juillet 2007 ; Antoine Comte, Paris, 10 mai 2007 ; Dominique Tricaud, Paris, 10 décembre 2007. 31 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), adopté le 16 décembre 1966, G.A. Res. 2200A (XXI), 21 U.N. GAOR Supp. (No. 16) at 52, U.N. Doc. A/6316 (1966), 999 U.N.T.S. 171, entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par la France le 4 novembre 1980, art. 14 ; Convention de sauvegarde des Droits de lHomme et des Libertés fondamentales (Convention européenne des droits de lhomme), 213 U.N.T.S. 222, entrée en vigueur le 3 septembre 1953, modifiée par les Protocoles 3, 5, 8 et 11, lesquels sont entrés en vigueur respectivement le 21 septembre 1970, le 20 décembre 1971, le 1er janvier 1990 et le 1er novembre 1998, art. 6. Voir également les arrêts de la Cour européenne des Droits de lHomme : Affaire Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, arrêt du 27 octobre 1993, Série A n° 274, p. 19, § 33; Affaire Ankerl c. Suisse, arrêt du 23 octobre 1996, Recueil 1996-V, pp. 1567-68, § 38; Affaire Ruiz Mateos c. Espagne, arrêt du 24 juin 1993, Série A n° 262, p. 25, § 63; Affaire Nideröst-Huber c. Suisse, arrêt du 18 février 1997, Recueil 1997-I, p. 108, § 24; et Affaire Beer c. Autriche, n° 30428/96, § 17, 6.2.2001. 32 Entretien de Human Rights Watch avec Sébastien Bono, avocat de la défense, Paris, 28 février 2008. 33 Cette procédure est énoncée dans larticle 114 du Code de procédure pénale. 34 Entretien de Human Rights Watch, avocat de la défense qui a souhaité garder lanonymat, Paris, 28 février 2008. 35 Assemblée Nationale, Rapport n° 3125, 6 juin 2006, p. 397. 36 CPP, art. 186-1. 37 Entretien de Human Rights Watch avec Dominique Tricaud, avocat de la défense, Paris, 10 décembre 2007. 38 « Extraits dun procès antiterroriste des présumés membres de la cellule française du GICM (Groupe islamique combattant marocain) et présumés soutiens financier et logistique aux attentats de Casablanca », http://paris.indymedia.org/IMG/pdf/doc-46372.pdf (consulté le 28 janvier 2008). 39 Jon Boyle, « France trumpets anti-terror laws », Reuters, 25 août 2006. Publié en anglais, traduction de Human Rights Watch. 40 CP, art. 421-2-1. 41 Affaire Kokkinakis c. Grèce, arrêt du 25 mai 1993, Série A, n° 260-A, disponible sur www.echr.coe.int, para. 52. 42 Commission européenne des droits de lhomme, Affaire Karatas et Sari c. France, n° 38396/97, Décision partielle relative à la recevabilité, 21octobre 1998. 43 Laffaire impliquait deux ressortissants turcs, Dursun Karatas et Zerrin Sari, qui avaient été condamnés par contumace en France en 1997 pour association de malfaiteurs en raison de leur appartenance à un groupement marxiste-léniniste turc qualifié de terroriste par le tribunal. Il est intéressant de noter que le 7 février 2008, la Cour dAppel dAnvers (Belgique) a acquitté Karatas et Sari du chef dappartenance à une cellule terroriste. Voir Thomas Renard, « Presence of Turkish Terrorists in Belgium Leads to Dispute with Ankara », Terrorism Focus, vol. 5, numéro 13, 1er avril 2008, http://www.jamestown.org/terrorism/news/article.php?articleid=237070 (consulté le 8 mai 2008). 44 Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH), « France: La porte ouverte à larbitraire », n° 271-2, mars 1999, http://www.fidh.org/IMG/pdf/france.pdf (consulté le 10 octobre 2005), pp. 9-10. 45 Entretien de Human Rights Watch avec Philippe Maitre, 27 février 2008. 46 Voir CEDH, Affaire Klass et autres c. Allemagne, arrêt du 6 septembre 1978, Série A28 ; Affaire Rotaru c. Roumanie, arrêt du 4 mai 2000, Recueil des arrêts et décisions 2000-V ; Affaire Larissus et autres c. Grèce, arrêt du 24 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I ; et Affaire Église métropolitaine de Bessarabie, arrêt du 13 décembre 2001, Recueil des arrêts et décisions 2001-XII. Tous les arrêts sont disponibles sur www.echr.coe.int. 47 Entretien de Human Rights Watch avec JLD #3, Paris, 27 février 2008. 48 Ibid. 49 Entretien de Human Rights Watch avec JLD #1, Paris, 1er février 2008. 50 Entretien de Human Rights Watch avec Nicolas Salomon, avocat de la défense, Paris, 5 juillet 2007. 51Laurent Bonelli, « An anonymous and faceless Enemy. Intelligence, exception and suspicion after September 11, 2001 », Cultures and Conflits, no. 58 (2005), pp. 101-129. Bonelli est chercheur à lUniversité de Paris-X (Nanterre) et membre de léquipe française du programme de la Commission européenne « The Changing Landscape of European Security ». 52 Entretien de Human Rights Watch avec Jean-Louis Bruguière, 26 février 2008. 53 Entretien de Human Rights Watch avec un responsable de la lutte contre le terrorisme qui a souhaité garder lanonymat, Paris, 12 décembre 2007. 54 Ibid. 55 Entretien de Human Rights Watch avec un responsable des Renseignements Généraux qui a souhaité garder lanonymat, Paris, 30 juin 2006. 56 Sur les 27 personnes passées en jugement, 24 ont été reconnues coupables dassociation de malfaiteurs et trois ont été relaxées de ce chef daccusation. 57 Entretien de Human Rights Watch avec Rachida Alam, Paris, 29 janvier 2008. 58 Demande de renseignements téléphonique de Human Rights Watch auprès du Centre détudes statistiques sur la sécurité, Paris, 15 février 2008. 59 Europol, Terrorist Activity in the European Union, Situation and Trends Report, octobre 2004-octobre 2005, p. 23. 60 Europol, EU Terrorism Situation and Trend Report 2007, mars 2007, http://www.europol.europa.edu/publications/EU_Terrorism_Situation_and_Trend_Report_TE-SAT/TESAT2007.pdf (consulté le 21 février 2008), p. 16; et Europol, EU Terrorism Situation and Trend Report 2008, avril 2008, http://www.europol.europa.edu/publications/ EU_Terrorism_Situation_and_Trend_Report_TE-SAT/TESAT2008.pdf (consulté le 9 avril 2008), p. 11. 61 Nicolas Sarkozy, alors ministre de lintérieur, discours prononcé lors de la journée détude « Les Français face au terrorisme », 17 novembre 2005, http://www.interieur.gouv.fr/misill/sections/a_l_interieur/le_ministre/interventions/archives-sarkozy-2005-2007/17-11-2005-seminaire-terrorisme/view (consulté le 30 janvier 2006). 62 Antoine Garapon, « Les dispositifs antiterroristes de la France et des États-Unis », Revue Esprit (Paris), 2006, p. 137. 63 Entretien de Human Rights Watch avec William Bourdon, avocat de la défense, Paris, 5 octobre 2005. 64 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, art. 48. 65 CPP, art. 144. 66 Ibid., art. 706-24-3, conjointement à lart. 145-1. 67 Ibid., art. 145-2. 68 Ibid., art. 138. 69 Ibid., art. 148. 70 Assemblée Nationale, Rapport n° 3125, 6 juin 2006, p. 223. 71 Entretien de Human Rights Watch avec Emmanuelle Perreux, présidente du Syndicat de la magistrature, Paris, 31 janvier 2008. 72 Entretien de Human Rights Watch avec JLD #2, Paris, 26 février 2008. 73 Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007, article 10 modifiant larticle 145 du Code de procédure pénale. 74 Commission des lois constitutionnelles de lAssemblée Nationale, Rapport n° 3499 relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats par M. Philippe Houillon, député, 6 décembre 2006, http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rapports/r3499.pdf ( consulté le 10 mars 2008), p. 221. 75 Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec JLD #3, Paris, 28 mars 2008. La défense a également le droit de demander un report et le JLD a souligné que cela arrivait souvent, peut-être même un quart du temps, et que le JLD devait accorder le report dans ce cas. 76 Entretien de Human Rights Watch avec JLD #2, Paris, 26 février 2008. 77 Entretien de Human Rights Watch avec JLD #3, Paris, 27 février 2008. 78 Entretien de Human Rights Watch avec JLD #1, Paris, 1er février 2008. 79 Entretien de Human Rights Watch avec JLD #3, Paris, 27 février 2008. 80 Entretien de Human Rights Watch avec JLD #1, Paris, 1er février 2008. 81 Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec lavocat de Hamouni, Mahmoud Hebia, Lyon, 31 mars 2008. Hamouni a signalé à Human Rights Watch quun fonctionnaire de limmigration au Japon lavait informé par téléphone quil ne recevrait pas de visa à moins quil ne soit déclaré innocent par un tribunal français. Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Hamouni, Alger, 11 juin 2008. 82 Entretien de Human Rights Watch avec un responsable de la lutte antiterroriste qui a souhaité garder lanonymat, Paris, 12 décembre 2007. 83 Le conflit éventuel entre ces deux rôles a été mis en lumière en septembre 2006 lorsquun juge a suspendu le procès de six ex-détenus de Guantanamo après quil est apparu que des agents de la DST avaient interrogé ces hommes à Guantanamo. La défense a fait valoir que les interrogatoires étaient illégaux car les agents avaient agi en leur qualité dofficiers de police judiciaire, recueillant des informations utilisées plus tard pour justifier linstruction ouverte à lencontre des intéressés, mais sans divulguer les informations à la défense comme ils étaient tenus de le faire. Le juge a fini par accepter largument avancé par laccusation selon lequel les agents de la DST avaient agi en leur qualité dofficiers des renseignements et quil ny avait pas eu infraction aux règles de procédure en ce qui concerne la divulgation des preuves. 84 Voir Ministère de lInté rieur britannique, « Terrorist investigations and the French examining magistrates system », juillet 2007, http://www.security.homeoffice.gov.uk/news-publications/publication-search/counter-terrorism-bill-2007/examining-magistrates.pdf?view=Binary (consulté le 5 août 2007). 85 Jean Chichizola, « France-Algérie: Paris soupçonné davoir livré un islamiste à Alger », Le Figaro (Paris), 13 février 2006. 86 Amnesty International, « Algeria: Torture in the War on Terror, A Memorandum to the Algerian President », avril 2006, http://www.amnesty.org/en/library/asset/MDE28/008/2006/en/MDE280082006en.html (consulté le 10 janvier 2008). 87 Groupe de travail de lONU sur la détention arbitraire, Opinion n° 38/2006 (Algérie), adoptée le 21 novembre 2006, A/HRC/7/4/Add. 1, 16 janvier 2008. 88 Amnesty International, « Memorandum to the Algerian President ». 89 Amnesty International, « Des pouvoirs illimités: La pratique de la torture par la Sécurité militaire en Algérie », Index AI : MDE 28/004/2006, 10 juillet 2006, http://www.amnesty.org/en/library/asset/MDE28/004/2006/fr/dom-MDE280042006fr.pdf (consulté le 1er septembre 2006). 90 Entretien de Human Rights Watch avec un avocat de la défense qui a souhaité garder lanonymat, Paris, 28 février 2008. 91 Entretiens de Human Rights Watch avec Jean-Louis Bruguière, Paris, 26 février 2008; et Philippe Maitre, 27 février 2008. 92 Garapon, « Les dispositifs antiterroristes de la France et des États-Unis », Revue Esprit, p. 137. 93 Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), « Rapport sur le contrôle démocratique des services de sécurité », CDL-AD(2007)016, Strasbourg, 11 juin 2007, para. 213. 94 Loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007 portant création d'une délégation parlementaire au renseignement, art. 1. 95 Affaire Jalloh c. Allemagne [GC], n° 54810/00, arrêt du 11 juillet 2006, ECHR 2006-IX, disponible sur www.echr.coe.int, para. 105. 96 Entretien de Human Rights Watch avec deux responsables de la lutte antiterroriste qui ont souhaité garder lanonymat, Paris, 12 décembre 2007; entretien de Human Rights Watch avec un officier des RG qui a souhaité garder lanonymat, Paris, 30 juin 2006. 97 Entretien de Human Rights Watch avec deux responsables de la lutte antiterroriste qui ont souhaité garder lanonymat, 12 décembre 2007. 98 Entretien de Human Rights Watch avec Jean-Louis Bruguière, 26 février 2008. 99 Entretien de Human Rights Watch avec Philippe Maitre, 27 février 2008. 100 Entretien de Human Rights Watch avec Sakina Beghal et lavocat (qui a souhaité garder lanonymat) de Djamel Beghal, Paris, 26 février 2008. 101 Déclaration écrite de Djamel Beghal, 27 mars 2007, en possession de Human Rights Watch. 102 Ibid. 103 Les comptes rendus daudience indiquent que Beghal a été extradé vers la France le 1er octobre 2001 et que sa première comparution devant le Juge a eu lieu le 1er octobre 2001. 104 Tribunal de Grande Instance de Paris, 10ème Chambre, Jugement du 15 mars 2005, n° daffaire: 0125339022, Ministère Public c/Daoudi, Beghal, Bounour et autres (Jugement Beghal), p. 142. Le médecin a conclu que les marques que Beghal présentait au pied « évoquent des lésions mécaniques dappuis répétés et anciens ». En possession de Human Rights Watch. 105 Abou Zubeida est incarcéré au centre de détention de larmée américaine à Guantanamo. Il est accusé dêtre un haut responsable du recrutement au sein dAl-Qaida. 106 Jugement Beghal, p. 29. 107 « Terror Verdict for Soccer Pro », CBS/AP, 30 septembre 2003, http://www.cbsnews.com/stories/2003/09/30/attack/main575815.shtml (consulté le 26 mai 2008). 108 Abou Doha, un ressortissant algérien, se trouve actuellement incarcéré au Royaume-Uni sous la menace dune extradition vers les États-Unis où il est accusé dêtre le cerveau de lattentat manqué contre laéroport international de Los Angeles en 1999. Abou Qatada est un ressortissant jordanien aujourdhui sous le coup dune assignation à résidence au Royaume-Uni après quune cour dappel eut statué que son expulsion vers la Jordanie violerait les obligations qui incombent au Royaume-Uni aux termes de la Convention européenne des Droits de lHomme. Pour de plus amples informations sur cette affaire, voir « UK: Appeals Court Blocks National Security Deportations », communiqué de presse de Human Rights Watch, 9 avril 2008, http://hrw.org/english/docs/2008/04/08/uk18478.htm ; « UK: Abu Qatada Ruling Threatens Absolute Ban on Torture », communiqué de presse de Human Rights Watch, 1er mars 2007, http://hrw.org/english/docs/2007/03/01/uk15437.htm ; et « UK/Jordan: Torture Risk Makes Deportations Illegal: Agreement Bad Model for Region », communiqué de presse de Human Rights Watch, 16 août 2005, http://hrw.org/english/docs/2005/08/16/jordan11628.htm. 109 Jugement Beghal, p. 149. 110 Cour dAppel de Paris, 10ème chambre, section A, Arrêt du 14 décembre 2005, Dossier n° 05/02518, p. 17. En possession de Human Rights Watch. 111 Entretien de Human Rights Watch avec un avocat de la défense qui a souhaité garder lanonymat, Paris, 26 février 2008. 112 Tribunal de Grande Instance de Paris, 14ème chambre, Jugement du 14 juin 2006, n° daffaire : 0231239035, Ministère Public c/Marbah, Lebik, Benhamed et autres (Jugement de la filière tchétchène), p. 89. En possession de Human Rights Watch. 113 Document 3685, élément de preuve présenté au procès, cité dans les conclusions écrites de Bono, p. 71. En possession de Human Rights Watch. 114 Jugement de la filière tchétchène, p. 66. 115 Procès-verbal dinterrogatoire, 13 septembre 2004, Tribunal de Grande Instance de Paris, Réf. Gén : 02.312.3903/5, Réf. Cab. : 1449. En possession de Human Rights Watch. 116 Human Rights Watch, Rapport mondial 2008, chapitre sur la Syrie, http://hrw.org/englishwr2k8/docs/2008/01/31/syria17619.htm. Voir également Département dÉtat américain, Bureau de la démocratie, des droits humains et du travail, « Country Reports on Human Rights Practices 2007: Syria », 11 mars 2008, http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2007/100606.htm (consulté le 19 mai 2008). 117 Jugement de la filière tchétchène, p. 65. 118 Ibid., p. 189. 119 Citée dans les conclusions écrites de Bono, p. 26. Le jugement faisait également allusion à Mérouane Benahmed, un autre accusé au procès de la filière tchétchène, en utilisant les mêmes termes. Benahmed a été déclaré coupable dassociation de malfaiteurs et condamné à une peine de 10 ans demprisonnement. 120 Maamar Ouazane, par exemple, a affirmé au procès quil avait subi des violences psychologiques pendant sa garde à vue et sa détention provisoire. Il a déclaré au tribunal que le juge dinstruction lui avait garanti la liberté sil confirmait ses déclarations et quittait ensuite la France « pour échapper aux confrontations », sinon il « croupirait en prison ». Lavocat de Ouazane a dit à la cour quil navait pas le droit de commenter les déclarations de son client mais « souligne que [son client] a été mis en liberté rapidement ». De la Cour dAppel de Paris, arrêt du 22 mai 2007, dossier n° 06/05712, p. 77. En possession de Human Rights Watch. Ouazane, qui avait été placé en détention provisoire en janvier 2005, a été libéré en novembre 2005 par ordre du juge dinstruction. Il a finalement été déclaré coupable et condamné à une peine demprisonnement de deux ans et à une interdiction de cinq ans du territoire français ; la Cour dAppel a alourdi sa peine, la faisant passer à quatre ans demprisonnement et à une interdiction définitive du territoire français. Interrogé par Human Rights Watch à propos dOuazane, le juge dinstruction a rétorqué, « je ne répondrai pas à cette question. Tout a été fait dans un cadre légal avec son avocat ». Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un ancien juge dinstruction, 15 avril 2008. 121 Jugement de la filière tchétchène, p. 70. 122 Arrêt de la Cour dAppel du 22 mai 2007, p. 73. 123 Ibid., p. 89. 124 Correspondance électronique de Human Rights Watch avec Sébastien Bono, Paris, 19 mars 2008. 125 « Menace terroriste émanant dun groupe de moudjahidin ayant combattu en Tchétchénie, susceptible de constituer linfraction dassociation de malfaiteurs ayant pour objet de préparer des actes de terrorisme », rapport de la DST de Louis Caprioli, directeur adjoint de la DST, 6 novembre 2002, p. 12. En possession de Human Rights Watch. 126 Arrêt de la Cour dAppel du 22 mai 2007, p. 100. 127 Ibid., p. 81. La Cour dAppel a condamné Khalid à six ans de prison et à une interdiction définitive du territoire français. Le Tribunal Correctionnel avait condamné Khalid à cinq ans demprisonnement. 128 Voir Human Rights Watch, Suspicious Sweeps: the General Intelligence Department and Jordans Rule of Law Problem, vol. 18, no. 6(E), septembre 2006, http://www.hrw.org/reports/2006/jordan0906/jordan0906web.pdf ; et Human Rights Watch, Double Jeopardy: CIA Renditions to Jordan, ISBN: 1-56432-300-5, avril 2008, http://hrw.org/reports/2008/jordan0408. 129 Entretien de Human Rights Watch avec Adnan Muhammed Sadik Abou Najila, Swaqa, Jordanie, 21 août 2007. 130 Entretien de Human Rights Watch avec un ancien juge dinstruction, 26 février 2008. 131 Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un ancien juge dinstruction, 15 avril 2008. 132 Affaire Barbera, Messegue et Jabardo c. Espagne, arrêt du 6 décembre 1988, Série A no. 146, www.echr.coe.int, para. 77. 133 Correspondance électronique de Human Rights Watch avec le Juge Jean-Claude Kross, Paris, 21 février 2008. 134 Entretien de Human Rights Watch avec Philippe Maitre, 27 février 2008. 135 Europol, Rapports TE-SAT 2007 et 2008 (en anglais), respectivement p. 16 et p. 14. Le taux global dacquittement dans tous les types daffaires de terrorisme dans lensemble de lUE sélevait à 15 pour cent en 2006 et à 26 pour cent en 2007. 136 Entretien de Human Rights Watch avec William Bourdon, avocat de la défense, Paris, 5 octobre 2005. 137 Larticle 721 du CPP garantit que chaque personne condamnée à une peine demprisonnement bénéficie d'un crédit de réduction de peine à hauteur de trois mois pour la première année et de deux mois pour les années suivantes. Cela signifie quune personne condamnée à trois ans de prison bénéficiera automatiquement dune réduction de sept mois et ne devrait purger que deux ans et cinq mois. Le CPP prévoit également que les condamnés peuvent obtenir une réduction de peine supplémentaire pour bonne conduite (art. 721-1). 138 Jugement Beghal, pp. 63-79, pp.96-147. 139 Entretien de Human Rights Watch avec Salima Benmessahel, Paris, 29 janvier 2008. 140 Entretiens de Human Rights Watch avec Sébastien Bono, avocat de la défense, Paris, 3 juillet 2007 et 28 février 2008. 141 Neuf de ces seize personnes ont été relaxées de tous les chefs daccusation, à linstar de Kinai, tandis que les sept autres ont été condamnées pour des délits mineurs. 142 Arrêt du 7 avril 2003 de la Haute Cour régionale de Stuttgart, cité dans la plainte déposée contre la France par Abdallah Kinai à la Cour européenne des Droits de lHomme en août 2003 pour violations des articles 5, 6, 7 et 8. Quatre ans plus tard, le 11 septembre 2007, la Cour a jugé la plainte irrecevable. Original en allemand, traduction de Human Rights Watch. 143 Le droit français autorise la tenue dun nouveau procès lorsque la condamnation a été prononcée par contumace. 144 Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec John Norris, avocat dOuzghar, Toronto, 2 mai 2008. Laffaire soulève des problèmes de juridiction intéressants car tous les actes criminels présumés dOuzghar ont eu lieu au Canada. Comme la expliqué son avocat, « À lépoque, Ouzghar se trouve à Montréal. Un gars vient de Turquie et se retrouve avec le passeport dOuzghar. La falsification du passeport a eu lieu en Belgique et lhomme qui a essayé dutiliser le passeport dOuzghar a été interpellé à Taiwan alors quil se rendait au Canada. Il ny a absolument aucun lien avec la France. » 145 CPP, art. 149. 146 « Demande de réparation pour Madame Saliha Lebik et Mademoiselle Sarah Behahmed », 4 décembre 2007. En possession de Human Rights Watch. Correspondance électronique de Human Rights Watch avec Isabelle Coutant-Peyre, avocate de Saliha Lebik, Paris, 27 mai 2008. |