HRW News
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Lettre au Président mauritanien Taya

3 septembre 2003

Président Maaouiya Ould Sid Ahmed Taya
La Présidence
BP 184 Nouakchott
Mauritanie


Cher Monsieur le Président,

Je vous écris pour vous faire part des préoccupations de Human Rights Watch quant aux arrestations politiquement motivées de représentants religieux, politiciens de l'opposition et activistes, la détention au secret d'officiers militaires, prétendus avoir participe a une tentative de coup d'état, et à l'imposition ces derniers mois de restrictions aux atteintes à la liberté d'expression et d'association.

Selon des informations recueillies de sources fiables par Human Rights Watch, depuis la fin avril, la police a arrêté plusieurs douzaines de personnes, y compris des membres de partis politique d'opposition, des activistes de la société civile, des imams, et des érudits, prétendument membres d'un mouvement islamiste. Pendant plusieurs mois, les déclarations du gouvernement et rapports publiés par les médias contrôlé par le gouvernement ont affirmé, sans cependant fournir de preuve crédible, la présence de mouvements terroristes en Mauritanie. Les arrestations ont été justifiées en terme de la nécessité de supprimer le terrorisme, mais paraissent être plutôt destinées à réduire au silence ceux qui sont critique du gouvernement. Depuis le début de l'année, il y a eu en Mauritanie des manifestations contre la guerre en Irak et le support inconditionnel du gouvernement mauritanien au gouvernement des Etats Unis.

Le 29 mai, neuf membres du parti politique Nouhoud, arrêtés entre le 29 avril et le 3 mai, ont été condamnés pour " constitution d'association non-autorisée et reconstitution d'un parti politique après sa dissolution", suite à un procès injuste durant lequel le président de la cour a refusé d'entendre les avocats qu'ils avaient choisi librement. E secrétaire général et son assistant ont été condamné à six mois de prison avec sursis, et les autres accusés à trois mois, et ont ensuite été relâchés. Le 3 juin, trente quatre civils, principalement des imams, arrêtés à des dates différentes au cours du moi de mai étaient inculpés par le Procureur et mis en dépôt par le juge d'instruction dans la prison des mineurs à Nouakchott. L'instruction du dossier traîne depuis lors, et cela en violation du code d'instruction criminelle. Les personnes détenues font face à des accusations de " complot contre le régime constitutionnel, incitation à l'atteinte à l'ordre public intérieur et extérieur et constitution d'association non autorisée. " Le 21 août, sept civils, principalement des étudiants, ont été emprisonnés sous le même chef d'inculpation. Un d'entre eux est une femme qui a subit une fausse couche pendant sa détention préventive. Bien que toutes les personnes détenues aient été libérées le 25 août, aucune preuve soumise à la court jusqu'à présent ne semble fournir de motifs raisonnables pour les poursuites judiciaires et le jugement de ces civils pour quelque infraction criminelle.

Nous saluons la libération le 24 août de Chbih Ould Cheikh Melainine, qui a été condamné en 2001, suite à un procès injuste, pour une accusation de participation dans un présumé complot de coup. Cependant, deux membres de son parti d'opposition, le Front Populaire -Mokhtar Ould Haibetna and Bouba Ould Hassan - qui ont été condamnés en même temps, servent toujours leur peine de dix ans. Il semble qu'il y avait très peu voire pas du tout de preuve substantielle pour justifier de leurs inculpations. Human Rights Watch demande leur libération inconditionnelle.

Suite à une tentative présumée de coup à Nouakchott le 8 juin, une centaine d'officiers militaires ont été arrêtés les 9 et 10 juin et détenus sans chef d'inculpation sous les lois de sécurité de l'état. Ils étaient détenus sans accès à un avocat ou à leur famille. Environ nonante des officiers détenus ont été relâchés le 6 août, mais un nombre incertain sont toujours tenus au secret à des endroits inconnus, sans accès à un avocat. Leur détention prolongée sans inculpation est en contravention des règles de procès équitable, ainsi que du Code de procédure pénale qui prévoit pour une détention maximale de trente jours sans inculpation en cas de violation de la sécurité de l'état.

Une inculpation criminelle peut être appropriée, selon les preuves avancées, mais les militaires concernes devraient être inculpes et juges sans délai, donné le droit à une représentation légale et les facilites pour préparer leur défense, connaître les preuves avancées contre eux et la possibilité de faire appel de toute décision dans une cour supérieure. Une détention sans inculpation ne peut être justifiée, et les lois permettant une telle détention devraient être abolies.

Toutes les personnes détenues doivent être protégées contre la torture et tout autre traitement ou punition cruel, inhumain ou dégradant en respect de l'Article 13(4) de la Constitution mauritanienne et du droit international des droits de l'Homme. Le manque d'accès aux militaires qui sont en détention soulève de sérieuses préoccupations quant à leur traitement, étant donné les rapports passes faisant état de conditions inhumaines de détention en Mauritanie.

Enfin, Human Rights Watch condamne la recrudescence des restrictions à la liberté d'expression et d'association imposées aux organisation non-gouvernementales, en ce compris les groupes de droits humains, et les médias ces derniers mois. Les organisations indépendantes de protection de droits humains ne peuvent fonctionner de manière efficace en Mauritanie car elles sont refusées d'enregistrement par le gouvernement. Au début du mois d'août, une délégation de l'ordre des avocats s'est vue refuser tout entretien avec le secrétaire général du ministère de la Justice tant que Maître Fatimata Mbaye, Présidente intérim de l'Association Mauritanienne des Droits de l'Homme, était présente. Plusieurs organisations caritatives telles que, l'Office de bienfaisance des Emirats, l'Institut des études de sciences religieuses et de langues arabes et l'Office international islamique de secours (OIS) ont également été fermées et des journaux indépendants sans motif raisonnable. De plus, les journaux indépendants sont fréquemment empêchés de publier des articles critiques des politiques du gouvernement, selon un système qui donne au ministre de l'intérieur le pouvoir de censurer la presse en avance de publication.

D'avance nous vous remercions pour l'attention portée à nos préoccupations et vous prions d'accepter l'expression de notre plus haute considération,

Peter Takirambudde
Directeur exécutif
Division Afrique