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Rapport Mondial 2002: Tunisie FREE    Recevez des Nouvelles 
Lettre à Colin Powell pressant les Etats-Unis d'agir en faveur d'un prisonnier politique tunisien
31 juillet 2002

A l'Honorable Colin L. Powell
Secrétaire d'Etat
Département d'Etat des Etats-Unis
Washington D.C. 20520

Cher Monsieur le Secrétaire,

Human Rights Watch s'adresse à vous pour que les Etats-Unis d'interviennent avec fermeté en faveur de la libération de Hamma Hammami, prisonnier politique tunisien, ainsi que de toutes les autres personnes emprisonnées en Tunisie pour leurs opinions politiques et leurs activités politiques pacifiques.

Monsieur Hammami purge actuellement une peine de trois ans et deux mois pour des activités liées au parti politique dont il est le porte-parole, le Parti communiste des ouvriers tunisiens (PCOT). Le gouvernement tunisien a refusé de reconnaître ce parti et a emprisonné nombre de ses membres au cours de ces dernières années. Samir Taamallah et Abdeljabbar Maddouri, co-inculpés de Monsieur Hammami, sont parmi les personnes purgeant actuellement leur peine.

Les persécutions à l'encontre de Monsieur Hammami sont une cause de préoccupation dans la communauté des droits humains. Ayant observé, aux côtés de diplomates américains, son procès par contumace en 1999 et son procès en appel en mars 2002, Human Rights Watch peut affirmer le caractère inéquitable de la procédure ainsi que l'absence de tout élément dans le dossier impliquant Monsieur Hammami et ses co-inculpés dans des actes de violence ou des appels à la violence. Ils ont été condamnés pour les chefs d'accusation suivants, entre autres : maintien d'une association non-reconnue, en l'occurrence le PCOT, diffusion de tracts et de fausses informations susceptibles de troubler l'ordre public, et incitation à violer les lois du pays.

Nous considérons ce cas comme une opportunité importante pour les Etats-Unis d'agir en accord avec la promesse du Président Bush, selon laquelle l'engagement américain au Moyen Orient et en Afrique du Nord à la suite des événements du 11 septembre comprendrait non seulement une plus grande coopération pour la sécurité, mais aussi des efforts intensifiés en faveur des droits humains.

Nous sommes préoccupés par le fait que seul le premier aspect ait été démontré jusqu'ici en ce qui concerne la Tunisie. Le 4 juillet 2002, l'ambassadeur américain Rust M. Deming a déclaré selon Associated Press : " Nous avons confiance dans les services de sécurité tunisiens….Nous avons beaucoup appris de l'expérience tunisienne en matière de lutte contre le terrorisme ". L'ambassadeur a décrit les relations bilatérales comme " exemplaires " dans une interview publiée à peu près à la même époque dans la Revue Méditerranée. A la suite de votre rencontre le 19 avril avec Habib Ben Yahia, Ministre des Affaires étrangères, Richard Boucher, porte-parole du Département d'Etat, a fait l'éloge de la Tunisie qu'il a qualifié de " solide défenseur de notre campagne contre le terrorisme ".

De telles déclarations, en l'absence de toute expression publique d'inquiétude quant aux droits de l'homme, risquent d'être interpretées par les autorités tunisiennes comme l'acquiescement des Etats-Unis à leur utilisation de la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme comme couverture pour réduire au silence toutes les critiques contre le gouvernement, qu'elles soient islamistes, de gauche, libérales, de la part des défenseurs des droits de l'homme ou des fonctionnaires qui dénoncent les dérives du système.

L'ambassadeur Deming a paraît-il évoqué en privé auprès des autorités tunisiennes le cas de Monsieur Hammami, dont l'épouse Radhia Nasraoui, avocate des droits de l'homme, fait la grève de la faim depuis le 26 juin pour réclamer sa libération et la fin du harcèlement de la police contre la famille. De même, nous n'ignorons pas que les Rapports du département d' Etat sur les pratiques concernant les droits de l'homme du Département d'Etat évoquent chaque année les fortes limitations du gouvernement tunisien sur les droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion, et le droit à un procès équitable.

Cependant, étant donné le danger que les autorités tunisiennes puissent interpréter à tort l'éloge de la coopération bilatérale pour la sécurité comme une approbation des mesures répressives, les Etats-Unis doivent faire davantage de pression pour des améliorations des droits humains, et demander, notamment, la libération de Monsieur Hammami, de ses co-inculpés et de tous les autres Tunisiens qui ont été emprisonnés pour leurs critiques pacifiques du gouvernement et de ses politiques. Ceci implique, de notre point de vue, de porter cette question au niveau le plus élevé des autorités tunisiennes et publiquement si nécessaire.

Je vous remercie de votre attention et suis dans l'attente de prendre connaissance des mesures prises par les Etats-Unis pour encourager un plus grand respect des droits de l'homme de la part du gouvernement tunisien.

Bien sincèrement,

Hanny Megally

Copie à : William J.Burns, Secrétaire adjoint
Lorne W. Craner, Secrétaire adjoint
Rust M. Deming, Ambassadeur