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Rapport mondial 2002 : Nigeria FREE    Recevez des Nouvelles 
Nigeria : les massacres commis par l'armée restent impunis
Remise en question des progrès en matière de droits humains accomplis par Obasanjo
(New York, 1er avril 2002) A ce jour, le gouvernement nigérian n'a pas réussi à conduire une enquête sur le massacre de plus de deux cents civils non armés commis par l'armée nigériane dans l'état de Benue, en octobre 2001. Le gouvernement n'a pas non plus entamé de poursuites judiciaires sur cette affaire, a dénoncé Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.


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Les gouvernements occidentaux, en particulier les Etats Unis et le Royaume Uni, mettent une sourdine à leurs critiques sur ces abus afin de préserver leurs liens privilégiés avec le Nigeria dans la lutte contre le terrorisme et dans leur politique au Zimbabwe. Ils doivent faire preuve de plus de franchise sur le bilan en matière de droits humains du gouvernement Obasanjo.

Peter Takirambudde, directeur exécutif de la Division Afrique de Human Rights Watch


 
Human Rights Watch décrit les meurtres et les destructions généralisées perpétrés par des soldats dans plus de sept villes et villages de l'état de Benue comme une sorte de sanction collective : les soldats se sont vengés du meurtre de dix-neuf soldats attribué à des hommes armés appartenant au groupe ethnique tiv. "Les gouvernements occidentaux, en particulier les Etats Unis et le Royaume Uni, mettent une sourdine à leurs critiques sur ces abus afin de préserver leurs liens privilégiés avec le Nigeria dans la lutte contre le terrorisme et dans leur politique au Zimbabwe," a déclaré Peter Takirambudde, Directeur Exécutif de la Division Afrique de Human Rights Watch. "Ils doivent faire preuve de plus de franchise sur le bilan en matière de droits humains du gouvernement Obasanjo."

Le rapport de Human Rights Watch, "Revanche des militaires à Benue : une population attaquée" (Military Revenge in Benue: A Population Under Attack) contient les témoignages détaillés de témoins oculaires et de victimes collectés en décembre 2001, dans les différents villages et villes où des soldats se sont livrés à des meurtres et des destructions.

Les témoins ont décrit comment, dans plusieurs endroits, les soldats ont rassemblé la population et ont prétendu tenir une réunion pacifique avant d'ouvrir le feu sur la foule. Dans le seul village de Gbeji, plus de 150 personnes ont été tuées de sang froid ou brûlées vives. Dans le bourg de Zaki-Biam, entre vingt et trente personnes ont été tuées, principalement dans le marché et dans ses environs. Les soldats ont détruit des maisons, des magasins et des bâtiments publics dans plusieurs autres endroits, dont Vaase, Kyado, Tse-Adoor, Anyiin et Sankera.

Les témoignages ont montré que les soldats n'agissaient ni spontanément ni en état de légitime défense comme l'ont prétendu certains responsables gouvernementaux. Ils ont plutôt pris part à une opération planifiée et coordonnée. Ils sont entrés dans les villes et les villages avec la claire intention de tuer et de détruire. Dans plusieurs cas, les commandants ont donné le signal aux soldats d'ouvrir le feu. Des soldats ont explicitement indiqué que les Tiv dans leur ensemble devraient payer le prix de la mort des dix-neuf soldats. Par exemple, à Zaki-Biam, les soldats ont fait descendre les passagers d'un bus et leur ont demandé s'il y avait des personnes n'appartenant pas à l'ethnie tiv parmi eux. Lorsque les passagers ont répondu par la négative, ils ont séparé les hommes des femmes, ont ordonné aux hommes de s'allonger et ont commencé à leur tirer dessus. Environ dix personnes ont été tuées.

Le rapport de Human Rights Watch décrit aussi les abus en matière de droits humains commis par les militaires dans l'état de Benue, depuis octobre 2001. Des soldats cantonnés autour de la ville de Katsina-Ala qui n'ont pas été déplacés avant mars 2002 ont commis plusieurs viols et ont de façon répétée maltraité des civils, leur ont extorqué des biens et se sont livrés à des pillages. Des soldats ont régulièrement insulté des Tiv lorsque ceux-ci franchissaient des barrages militaires, déclarant une fois : "Vous êtes tiv, on va vous détruire."

Human Rights Watch a critiqué l'absence de toute enquête ou de toutes poursuites judiciaires relativement aux actes commis par des soldats dans l'état de Benue. Après des mois de silence, la commission d'enquête annoncée par le gouvernement en novembre a été inaugurée en mars seulement. Son mandat est vague. Il s'étend bien au-delà des événements survenus dans l'état de Benue pour couvrir les causes des conflits dans plusieurs autres états et ne contient aucune référence spécifique à la nécessité d'enquêter sur les meurtres commis par l'armée.

"Le Président Olusegun Obasanjo et d'autres autorités gouvernementales et militaires ont échoué à reconnaître la gravité des atrocités perpétrées par les soldats," a déclaré Takirambudde. "Nous sommes ici face à des cas clairs d'exécutions extrajudiciaires qui constituent des violations des obligations nationales et internationales du Nigeria."

Human Rights Watch a également critiqué le silence public adopté par les gouvernements étrangers au lendemain des massacres de Benue, mettant en évidence l'influence que les Etats Unis et le Royaume Uni en particulier auraient pu exercer sur le Nigeria, compte tenu de leurs liens diplomatiques privilégiés. Au cours de l'année fiscale 2001, les Etats Unis ont fourni une formation militaire aux forces armées nigérianes et ont continué à offrir différentes formes d'assistance militaire en 2002. Human Rights Watch appelle à ce que toutes les formes d'assistance de ce type soient liées à des progrès quantifiables en matière d'enquête sur les responsables des meurtres de Benue et de poursuites judiciaires à leur encontre ainsi qu'à l'encontre des personnes responsables d'une opération militaire de représailles de même nature menée à Odi, dans l'état méridional de Bayelsa, en novembre 1999 qui a coûté des centaines de vies.