(New York, 31 mai 2002) S'exprimant pour la première fois, des auteurs
d'attaques armées commises en préalable à la dernière élection générale au Kenya
ont déclaré qu'ils étaient soutenus par des responsables du parti au pouvoir, a
révélé Human Rights Watch dans un rapport paru aujourd'hui.
La dispersion d'armes légères et la manipulation des tensions ethniques
constituent un mélange explosif. Le Kenya doit empêcher que
des armes n'arrivent dans les mains de certaines personnes qui pourraient les
utiliser pour perturber le vote.
Lisa Misol, chercheuse à la Division
Armes de Human Rights Watch
|
|
Le rapport de 119 pages intitulé Jouer avec le feu : prolifération des armes,
violence politique et droits humains au Kenya (Playing with Fire: Weapons
Proliferation, Political Violence, and Human Rights in Kenya) apporte des
informations sur le lien dangereux entre disponibilité en armes et attaques
ethniques au Kenya. Le rapport souligne la présence d'une violence armée, à
motivations politiques, sur la côte kenyane, lors du dernier cycle d'élections
générales en 1997. Le rapport appelle à des actions décisives pour prévenir une
nouvelle violence de cette sorte alors que le Kenya se prépare à des élections
générales, un peu plus tard dans l'année.
"La dispersion d'armes légères et la manipulation des tensions ethniques
constituent un mélange explosif," a déclaré Lisa Misol, chercheuse à la Division
Armes de Human Rights Watch et auteur du rapport. "Le Kenya doit empêcher que
des armes n'arrivent dans les mains de certaines personnes qui pourraient les
utiliser pour perturber le vote."
Pendant des années, le Kenya a servi de plaque tournante pour des livraisons
d'armes à destination de régions voisines, en proie à de violents conflits. Plus
récemment, le flux des armes a atteint le Kenya lui-même, augmentant la
probabilité d'un recours effectif aux armes ainsi que sa puissance mortelle.
Depuis la fin du régime de parti unique au Kenya, les années d'élection ont
régulièrement été caractérisées par une violence politique. Des politiciens
impliqués dans de précédents incidents de violence politique n'ont jamais eu à
répondre de leurs actes.
Human Rights Watch décrit en détail la violence politique armée, dans la
province côtière (Coast Province) du Kenya, mi-1997 ainsi que le rôle joué par
les responsables du parti au pouvoir pour entretenir cette violence. Une force
quasi-militaire composée d'attaquants bien organisés et bien armés a perpétré
des attaques brutales contre des civils originaires d'autres groupes ethniques,
dans les zones autour de Mombassa, dans la province côtière (Coast Province).
Lors d'entretiens avec Human Rights Watch, plusieurs individus impliqués dans
ces attaques ont reconnu leur participation directe à cette violence et ont
décrit comment elle était organisée. Ces récits de première main ainsi que
d'autres preuves indiquent que des hommes politiques locaux appartenant au parti
au pouvoir - avec le soutien de certains hommes politiques nationaux - ont pris
une part décisive dans l'organisation, l'appui et l'encouragement à la violence
afin de pousser certaines communautés ethniques à se déplacer parce que ces
dernières étaient perçues comme favorables à un vote pour l'opposition, lors des
élections générales qui se sont tenues fin 1997. Plus de cent personnes ont été
tuées et environ 100 000 autres déplacées. Le total des personnes déplacées
suite à la violence politique qui s'est produite depuis 1992 atteint maintenant
400 000.
Une commission gouvernementale d'enquête a été nommée en 1998 afin de se pencher
sur la violence ethnique au Kenya, depuis 1991. Après plusieurs mois d'audience,
la commission a soumis un rapport au Président Daniel arap Moi en août 1999 mais
le gouvernement a refusé de le rendre public.
"Le Kenya et la communauté internationale doivent agir et agir vite pour freiner
la dispersion de ces armes et traduire en justice les personnes qui ont
orchestré cette violence à des fins politiques," a déclaré Misol.
Human Rights Watch a appelé le gouvernement du Kenya à prendre des mesures pour
prévenir toute manifestation de violence ethnique à motivations politiques et
pour mettre un terme à l'impunité qui entoure les cas précédents de violence ; à
s'assurer que les structures locales de sécurité sont tenues pour responsables
de leurs actes et à renforcer les contrôles légaux, en particulier ceux portant
sur la fabrication, la possession et le transfert d'armes à feu et de munitions.
|