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Espagne : violation des droits des migrants aux Canaries
La Présidence espagnole de l'UE doit s'attaquer au problème des droits des migrants
(New York, 21 février 2002) Le gouvernement espagnol viole les droits des migrants et des demandeurs d'asile arrivés illégalement sur les côtes espagnoles, indique un nouveau rapport publié aujourd'hui.

Dans ce rapport de 35 pages intitulé "The Other Face of the Canary Islands: Rights Violations Against Migrants and Asylum Seekers," Human Rights Watch dénonce les conditions de détention inférieures aux normes ainsi que les droits de procédure inadéquats garantis aux migrants et aux demandeurs d'asile à leur arrivée sur les îles espagnoles de Fuerteventura et de Lanzarote.


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"L'Espagne doit faire face à un réel défi aux Canaries. Toutefois, enfermer des gens dans des conditions aussi déplorables n'est pas une solution. Le contrôle de l'immigration doit s'accompagner d'une protection des droits fondamentaux des migrants."

Elizabeth Andersen
directrice exécutive de la division Europe et Asie Centrale de Human Rights Watch


 

Ces conditions de détention sont inférieures aux normes fixées par la législation nationale et le droit international et devraient conduire à une amélioration du traitement réservé aux migrants en Espagne et dans toute l'Europe, a déclaré Human Rights Watch.

Les centres de détention de Fuerteventura et de Lanzarote ne sont que des expédients permettant de répondre à l'augmentation rapide du nombre de migrants arrivés aux Canaries ces dernières années. Le nombre de clandestins interceptés à leur arrivée aux Canaries a connu une forte augmentation, passant de 2.241 en 2000 à 4.035 en 2001. Selon des chiffres plus récents, tout porte à croire que les migrants seront encore plus nombreux en 2002. Cinq cents arrivées ont en effet été enregistrées uniquement pour le mois de janvier 2002. Ces migrants viennent de l'Afrique du Nord, essentiellement du Maroc et du Sahara occidental, ainsi que de pays de l'Afrique subsaharienne comme le Cameroun, le Congo, la Gambie, le Ghana, la Guinée-Bissau, la Guinée Conakry, la Côte d'Ivoire, le Libéria, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo.

"L'Espagne doit faire face à un réel défi aux Canaries" a déclaré Elizabeth Andersen, directrice exécutive de la division Europe et Asie Centrale de Human Rights Watch. "Toutefois, enfermer des gens dans des conditions aussi déplorables n'est pas une solution. Le contrôle de l'immigration doit s'accompagner d'une protection des droits fondamentaux des migrants."

L'enquête réalisée par Human Rights Watch à la fin 2001 repose sur des entretiens avec une trentaine de migrants détenus dans ces centres ainsi qu'avec des avocats, des médecins, des organisations d'aide aux migrants et des représentants du gouvernement bien au courant de la situation.

Le rapport de Human Rights Watch décrit les conditions de détention des migrants et des demandeurs d'asile retenus dans deux anciennes installations aéroportuaires surpeuplées de Fuerteventura et Lanzarote. Il arrive que plus de 500 migrants soient détenus sur une superficie pouvant accueillir, selon la Croix-Rouge espagnole, 50 personnes. Les détenus sont coupés du reste du monde : il n'y a pas de téléphone et les visites sont interdites. Les détenus ne peuvent en aucun cas quitter les bâtiments. Ils ne peuvent pas faire d'exercice et ne profitent jamais de l'air frais ou des rayons du soleil. L'état des services de soins de santé et les conditions sanitaires sont également très préoccupants, surtout depuis que les médecins bénévoles ont arrêté d'y travailler en signe de protestation contre les conditions de détention.

Human Rights Watch a révélé que les migrants et les demandeurs d'asile arrivés clandestinement sur ces îles au moyen de petites embarcations ou de radeaux reçoivent automatiquement l'ordre de quitter le territoire et peuvent être détenus dans ces conditions inacceptables pendant une période pouvant aller jusqu'à quarante jours. Les détenus ne reçoivent pratiquement aucune information sur leurs droits, ont rarement accès à des interprètes ou des traducteurs - même lorsqu'on leur demande de signer les documents d'expulsion et n'ont pas réellement accès à une véritable représentation juridique et à un examen judiciaire personnalisé de leur cas. Les demandeurs d'asile sont confrontés à de nombreux obstacles dans leurs tentatives de demande d'asile.

Le rapport de Human Rights Watch énumère une série de mesures que le gouvernement espagnol pourrait prendre pour remédier à cette situation :

  • Chercher dès maintenant comment remédier à la forte surpopulation, notamment dans le centre de Fuerteventura et aux conditions de détention déplorables, notamment l'absence de communication, d'exercice et d'air frais ;

  • Fournir à tous les migrants et demandeurs d'asile des informations sur leurs droits en Espagne, dans une langue qu'ils comprennent ;

  • Autoriser les visites des installations aux organisations non-gouvernementales, aux agences de services juridiques et aux organisations humanitaires ;

  • Rechercher des alternatives à la détention, comme par exemple l'obligation de se présenter aux autorités, tant pour les adultes que les enfants, surtout à la lumière de la situation actuelle ;

  • Assurer la formation nécessaire des avocats et des autorités judiciaires espagnoles travaillant avec les migrants et les demandeurs d'asile aux Canaries sur la législation espagnole relative aux étrangers et au droit d'asile ;

  • Garantir aux migrants souhaitant demander l'asile les moyens pratiques d'introduire une telle demande ; et

  • Clarifier, au sein des agences gouvernementales responsables, y compris les ministères compétents, les différentes procédures pour la déportation de migrants, en vue de garantir aux migrants et aux demandeurs d'asile un traitement équitable et prévisible.

    Human Rights Watch a demandé aux Nations Unies, au Conseil de l'Europe et à l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, de remédier à cette situation préoccupante aux Canaries et partout en Europe où subsistent des conditions de détention similaires.

    "L'Espagne n'est pas le seul pays qui doit améliorer le traitement réservé aux migrants et aux demandeurs d'asile" explique Mme Andersen. "Il est nécessaire d'apporter une attention accrue aux effets de la politique européenne d'immigration sur les droits des migrants et des demandeurs d'asile.

    Nous espérons que l'Espagne, qui doit faire face sur son territoire à de tels défis, inscrira clairement les droits des migrants à l'ordre du jour de la politique européenne en matière d'immigration pendant la période où elle occupera la présidence européenne."

    Ce rapport sur les conditions de détention aux Iles Canaries fait partie d'une série d'études réalisées par Human Rights Watch sur le traitement des migrants en Europe. Human Rights Watch a publié cette année plusieurs rapports sur les conditions de détention en Grèce. Les rapports sur la mise en application de la nouvelle loi espagnole relative aux étrangers et sur le traitement des enfants marocains dans les villes espagnoles de Melilla et Ceuta seront publiés dans le courant de cette année.

    Rapport également disponible en espagnol à http://hrw.org/informes/2002/spain.html et en anglais à http://hrw.org/reports/2002/spain/.