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Lettre au Président Bouteflika
A Son Excellence Abdelaziz Bouteflika
Président de la République
Palais Présidentiel
Alger, Algérie

Excellence,

Human Rights Watch, organisation indépendante des droits de l'Homme, s'adresse à vous afin d'exprimer sa profonde consternation suite à l'arrestation de M. Mohamed Smain, Président du Bureau de Relizane de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH), ainsi que les mesures policières de harcèlement dont il est l'objet depuis qu'une plainte pour diffamation a été émise contre lui. Mesures s'ajoutant à toute une série d'actes de harcèlement dont il est l'objet depuis plusieurs mois déjà.

M. Smain est connu pour ses activités à Oran et Relizane en faveur des familles de disparus, ainsi que pour son action pour que la vérité soit faite sur les violations des droits de l'Homme en Algérie. Il est l'un des principaux dénociateurs des exactions qu'auraient commises les milices dirigées par deux Présidents d'Assemblées populaires communales de la wilaya de Relizane, dont l'un est El-Hadj Fergane. Ces exactions, dont des sequestrations, assassinats et disparitions, ont été couvertes par la presse algérienne en avril 1998, mais n'ont, à notre connaissance, jamais abouti à l'inculpations des présumés coupables, qui restent ainsi en liberté. Ces dernières semaines, M. Smain a publiquement accusé les milices d'avoir déplacé des charniers afin de faire disparaître les preuves attestant les graves violations des droits de l'Homme.

Le 3 février 2001, M. Smain a alerté la presse sur la découverte et l'exhumation par la gendarmerie de charniers qui contiendrait les victims de la milice d'El-Hadj Fergane. Des journalistes s'étaient alors rendus sur les lieux et des journaux locaux ont publié des articles le 6 février. Deux jours après, M. Smain avait été interpellé et interrogé par les services de securité.

Le 20 février, à son arrivée à l'aéroport d'Oran, où il devait prendre l'avion pour Paris, M. Smain a été interpellé pendant 90 minutes. Les services de sécurité ont saisi son passeport et les documents qu'il transportait, relatifs à des cas de personnes disparues, et les ont photocopiés avant de les lui remettre et lui permettre de prendre son vol.

Le 23 février, de retour de France, où il a rencontré des responsables d'organisations internationales des droits de l'Homme, M. Smain a été arreté à l'aéroport d'Oran et placé en garde à vue au commissariat d'Oran. Il est libéré le 25 février et mis sous contrôle judiciaire, après confiscation de ses passeport, carte d'identité nationale et permis de conduire. Depuis, il doit se presenter chaque semaine à la brigade de la gendarmerie et ne quitter Relizane que sur autorisation du juge d'instruction.

Le procureur a fait appel de la décision du juge d'instruction de libérer M. Smain et demande sa mise sous mandat de dépôt.

Ces mesures lui sont imposées suite à une plainte pour diffamation que El Hadj Fergane a déposée contre lui. Selon la Code pénal algérien, la diffamation criminelle est punie par des amendes et des peines de prison fermes.

Bien que nous défendions le droit des personnes de porter plainte pour diffamation, l'incarcération d'une personne accusée de diffamation, soit avant ou après jugement, est une grave atteinte à la liberté d'expression.

Dans le cas de M. Smaïn, sa détention pendant deux jours la semaine dernière, la confiscation de ses documents et sa mise sous contrôle judiciaire semblent rentrer dans le cadre de mesures visant à l'intimider du fait de son engagement en faveur des droits de l'Homme au niveau national et international. Nous rappelons que M. Smain avait été arreté en mai 2000 puis relaché après confiscation des photos qu'il venait de prendre d'un charnier récemment découvert.

Human Rights Watch demande respectueusement que cessent ces mesures de harcèlement qui visent M. Smain en raison de son engagement en faveur des droits de l'Homme. Sans prendre position sur la plainte de diffamation à son égard, nous demandons que des mesures soient prises afin de garantir la liberté d'action de M. Smain, y compris le droit de circuler librement en Algérie ainsi que de quitter le pays.

Nous vous prions de bien vouloir agréer, Excellence, l'expression de nos sentiments distingués.

Hanny Megally
Executive Director
Middle East and North Africa Division

cc: M. Yazid Zerhouni, Ministre de l'Intérieur
M. Ahmed Ouyahia, Ministre de la Justice
M. Idriss Jazairy, Ambassadeur auprès des Etats-Unis

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