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Mexique: les victimes de viol se voient refuser l’avortement légal

Procureurs et professionnels de santé insultent et menacent les femmes et les jeunes filles

(Ville de Mexico, le 7 mars 2006)- Les officiels mexicains refusent catégoriquement de reconnaître aux victimes de viol le droit à l’avortement légal et sécurisé, et ils laissent impunis le viol et les violences sexuelles tant au sein qu’à l’extérieur de la famille, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.

« Les femmes enceintes victimes de viol sont doublement insultées. D’abord par ceux qui ont commis le viol, et ensuite par les officiels qui les ignorent, les insultent et leur interdisent le droit à un avortement légal. »
Kenneth Roth, Directeur Exécutif de Human Rights Watch
  

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Le rapport de 92 pages intitulé «
The Second Assault: Obstructing Access to Legal Abortion after Rape in Mexico » (La deuxième agression : obstruction à l’accès pour l’avortement légal au Mexique après un viol), décrit l’irrespect, la suspicion et l’apathie auxquels font face les victimes, tombées enceintes suite à un viol, de la part des procureurs publics et du personnel médical. Le rapport expose aussi l’impunité constante et croissante dont jouissent le viol et les autres formes de violences sexuelles au Mexique.  
 
« Les femmes enceintes victimes de viol sont doublement insultées », a déclaré Kenneth Roth, le Directeur Exécutif de Human Rights Watch. « D’abord par ceux qui ont commis le viol, et ensuite par les officiels qui les ignorent, les insultent et leur interdisent le droit à un avortement légal ».  
 
L’avortement est d’une façon générale illégal au Mexique. Cependant, les victimes de viol ont, selon les codes pénaux des Etats, droit à l’avortement légal et sécurisé. Hélas, les femmes et les jeunes filles qui vont voir les autorités pour utiliser ce droit font face à de multiples obstacles, estime Human Rights Watch.  
 
Un certain nombre d’agences (particulièrement le bureau du Procureur général d’Etat, les hôpitaux publics et les services sociaux), dans différents états mexicains, emploient des techniques très agressives pour décourager les victimes et retarder leur droit d’avorter légalement. Une assistante sociale de Jalisco, s’est par exemple employée, à l’aide de vidéos, à montrer le bien-fondé de la position anti-abortive à une jeune fille de 13 ans ayant été violée et mise enceinte par un membre de sa famille. Certains procureurs ont menacé de prison les victimes de viol qui souhaitaient procéder à un avortement légal et plusieurs médecins ont affirmé aux femmes et aux jeunes filles qu’un avortement, sans raison valable, les tuerait.  
 
En conséquence, beaucoup de victimes de viol cherchent à résoudre ce problème en recourant à l’avortement clandestin qui met en danger à la fois leur santé et leur vie. De la même manière, des filles encore très jeunes, violées par leur père ou par un autre membre de la famille, n’ont d’autre choix que de mener à terme ces grossesses imposées.  
 
« Le gouvernement mexicain a besoin de s’assurer que les victimes de viol n’aient pas à endurer des avortements clandestins dangereux ni des grossesses imposées », a ajouté Roth. « Un responsable officiel qui n’informe pas les victimes de viol des procédures existantes pour obtenir un avortement volontaire légal se rend coupable de violation des droits de l’homme et devrait être puni ».  
 
Quand l’avortement est criminalisé, certains droits humains comme le droit à l’égalité, à la non-discrimination, à la vie, à la santé et à l’intégrité physique, sont menacés. Depuis 1994, les représentants des droits de l’homme aux Nations Unies ont exprimé leur inquiétude particulière concernant les pays où l’accès à l’avortement est restreint pour les cas de victimes enceintes suite à un viol ou pour cause d’inceste. Human Rights Watch soutient le droit de toutes les femmes à décider librement des questions relatives à leur avortement, sans qu’il n’y ait d’interférence de la part de l’état ou autre.  
 
Selon les estimations du gouvernement mexicain, plus de 120 000 femmes et jeunes filles sont violées chaque année au Mexique. Cependant, les sondages du gouvernement indiquent qu’une Mexicaine sur dix est victime d’agressions physiques chaque année. Au niveau mondial, 30 à 40% des cas d’agressions physiques sont des viols. Cela suggère que les statistiques réelles par année du nombre de viols pourraient dépasser le million au Mexique.  
 
Le cadre légal mexicain ne protège pas suffisamment les femmes et les jeunes filles contre les violences sexuelles. Jusque récemment, la Cour Suprême mexicaine a soutenu que les viols entre conjoints n’étaient pas considérés comme un délit s’ils servaient un but reproductif. Cette décision n’a été rejetée par la cour qu’en novembre. Certains états ne considèrent toujours pas la violence domestique comme un acte criminel, ou le font uniquement dans le cas de violences répétées.  
 
Les jeunes filles sont encore moins protégées par la loi que les femmes adultes. La plupart des codes pénaux des Etats du Mexique définissent l’inceste comme un acte sexuel consenti entre parents et enfants, ou entre frère et sœur, et ils punissent la victime mineure de la même façon que l’adulte, auteur du délit.  
 
L’avortement, donc, est illégal dans les cas d’inceste, comme défini par la loi mexicaine, car la loi décrit l’inceste comme un acte sexuel consenti et non pas un viol. En général, au Mexique, l’âge nubile pour les rapports sexuels est de 12 ans, et c’est seulement dans l’Etat de Mexico qu’il est au-dessus de 14 ans. Cela signifie que le statut de détournement de mineurs s’applique seulement à des filles qui sont souvent trop jeunes pour tomber enceintes.  
 
En théorie, l’acte sexuel non consenti entre des membres d’une même famille est puni comme le viol. Cependant, les procureurs n’inculpent pas toujours les auteurs d’inceste de viol, même dans le cas où la victime n’était pas clairement consentante ou qu’elle était plus jeune que l’âge nubile. A Guanajuato, par exemple, Human Rights Watch a interviewé une femme qui a été abusée sexuellement par son père depuis l’âge de six ans et qui a été inculpée d’« inceste ». Elle a eu deux enfants suite à ces viols.  
 
« Les lois d’Etat sur les violences domestiques et sexuelles ne se conforment pas suffisamment aux obligations internationales des droits de l’homme du Mexique », a indiqué Roth. « La définition de l’inceste comme un acte sexuel consenti est une insulte pour les milliers de jeunes filles qui souffrent de ces agressions quotidiennement Pas une, et surtout pas celles violées et mises enceintes par leurs pères ou leurs frères, ne devrait être obligée de mener sa grossesse à terme ».  
 
Sélections de témoignages :  
 
« Graciela Hernàndez » (les noms des victimes ont été changés pour les protéger), une jeune fille de 16 ans à Guanajuato, a été violée par son père chaque semaine pendant plus d’un an. Le rapport officiel légal de sa plainte contre son père en 2002 indique :  
Ensuite, mon père m’a emmenée dans un hôtel…Il m’a pénétrée, et cela me faisait très mal quand il me pénétrait. J’ai pleuré et j’ai dit à mon père qu’il me faisait mal…Je veux déclarer que je ne veux pas l’enfant que j’attends car je n’arriverai pas à l’aimer. Parce que c’est le bébé de mon père, je n’arriverai pas à l’aimer. (Les autorités n’ont pas autorisé un avortement légal.)  
 
« Lidia Muñoz », 25 ans, victime de viol, a été intimidée par le personnel médical dans un hôpital public de la ville de Mexique en 2005. Un représentant d’une ONG qui était présent a fait le récit suivant :  
Quand elle a eu l’autorisation et qu’elle est allée à l’hôpital pour se faire [avorter], le docteur chargé de ses soins lui a dit : « On aura beaucoup de problèmes, parce qu’on devra faire un certificat d’acte de décès [pour le fœtus avorté]. Vous devrez apporter un corbillard, [et] acheter un cercueil pour mettre le corps, parce qu’on ne peut pas avoir le corps ici ».  
 
« Marta Espinosa », 12 ans, une victime enceinte suite à un viol, au Yucatán, fut ignorée par plusieurs agences d’Etat quand elle a essayé d’obtenir un avortement légal. Un assistant social qui l’avait accompagnée raconte :  
Elle avait 12 ans, elle venait d’une région rurale…Le premier docteur l’avait vu [quand elle était] enceinte d’1 mois …Ensuite, le centre médical à 8 semaines… Quand elle est arrivée à Mérida (la capitale du Yucatán), elle était enceinte de 12 semaines…Je me suis présenté à la sécurité sociale, à [l’hôpital public]. Je suis allée dans les bureaux de ceux qui s’en occupent. Tout le monde a refusé. Ils ont dit : « Ce n’est pas possible ». Je leur ai montré l’article [du code pénal d’Etat] où il est écrit que l’avortement après un viol est prévu…Dans l’agence des services familiaux [où j’ai travaillé], ils voulaient qu’elle ait l’enfant par tous les moyens…Ils m’ont dit qu’elle était déjà enceinte de plusieurs mois, et j’ai dit : « A cause des mois où vous avez continué à dire non ». (Les autorités n’ont pas accordé d’avortement légal.)  
 

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