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Questions et réponses sur les poursuites judiciaires contre Hissène Habré

Pourquoi Hissène Habré est-il poursuivi en Belgique?  
 
Hissène Habré vit au Sénégal, où il a été inculpé en 2000 de complicité de crimes contre l’humanité, d’actes de torture et de barbarie. Cependant, les tribunaux sénégalais ont, par la suite, décidé qu’Habré ne pouvait pas être jugé au Sénégal pour des crimes commis au Tchad. Parallèlement à la procédure engagée au Sénégal, vingt-et-une victimes, dont trois citoyens belges, ont déposé des plaintes contre Hissène Habré en Belgique en application de la loi belge de compétence universelle, qui autorisait ce pays à poursuivre les auteurs de graves crimes de droit international quelque soit le lieu où ces derniers avaient été commis.

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La loi belge de compétence universelle n’a-t-elle pas été abrogée?  
 
Oui, en juillet et août 2003, sous la pression des États-Unis, le Parlement belge a abrogé sa loi de compétence universelle. La majorité des plaintes déposées en application de cette loi ont alors été rejetées. Une disposition transitoire a toutefois permis de maintenir les affaires pour lesquelles des actes d’instruction avaient déjà été effectués et qui concernaient des plaignants belges. L’affaire Habré a satisfait ces critères puisque le juge d’instruction avait déjà mené une mission d’enquête au Tchad et que trois des plaignants étaient de nationalité belge.  
 
Quels sont les chefs d’inculpation contre Habré?  
 
Hissène Habré a été inculpé par le juge d’instruction Daniel Fransen de crimes contre l’humanité et pour d’autres violations massives des droits de l’homme. Le régime Habré a été marqué par des violations massives des droits de l’homme et des crimes à grande échelle, notamment des campagnes périodiques de violence à l’encontre de différents groupes ethniques dont les leaders étaient perçus comme des menaces. Le nombre exact des victimes d’Hissène Habré demeure à ce jour inconnu. En 1992, une Commission d’Enquête nationale a accusé le gouvernement Habré de 40 000 assassinats politiques et de torture systématique.  
 
Quelles sont les preuves dont dispose la justice belge contre Hissène Habré?  
 
Il existe de nombreuses preuves testimoniales et documentaires contre Hissène Habré. En mai 2001, Human Rights Watch a découvert des milliers de documents de la toute puissante police politique de Habré, la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS), dans les anciens locaux de celle-ci, à N’Djaména. Ces documents retracent en détail comment Hissène Habré avait placé la DDS sous son contrôle direct et avait planifié et organisé des campagnes de répression ethnique contre son propre peuple. En février et mars 2002, le Juge Fransen s’est rendu au Tchad dans le cadre d’une commission rogatoire internationale. Accompagné du substitut du procureur du roi au Parquet de Bruxelles, de quatre officiers de police judiciaire et de sa greffière, le Juge Fransen a interrogé plaignants, victimes, témoins et même d’anciens complices de Habré. L’équipe a aussi visité d’anciens centres de détention et d’anciens lieux de massacres, et a saisi des centaines de copies des archives de la DDS trouvées par Human Rights Watch. De nombreuses victimes se sont également rendues en Belgique pour y être entendues.  
 
Pourquoi Hissène Habré n’a-t-il pas fui le Sénégal?  
 
A la suite à l’abandon des poursuites contre Hissène Habré au Sénégal sur le fondement de l’incompétence des juridictions sénégalaises, le Président du Sénégal Abdoulaye Wade a demandé à l’ancien tyran de quitter le pays. Craignant de voir Habré se réfugier sur le territoire d’un Etat peu soucieux du respect du droit international et où il deviendrait inaccessible à la justice, les victimes ont déposé un recours devant le Comité des Nations Unies contre la Torture, qui a alors prié le Sénégal de « ne pas expulser Hissène Habré et de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que Hissène Habré ne quitte le territoire du Sénégal autrement qu’en vertu d’une procédure d’extradition ». À la suite d’une demande similaire du Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi Annan, le Président Wade a accepté de garder Habré sur le sol sénégalais.  
 
Qu’arrivera-t-il par la suite?  
 
La Belgique va demander l’extradition de Hissène Habré. Cette demande d’extradition sera soumise au gouvernement sénégalais. Dans un délai de trois semaines, la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Dakar devra se prononcer sur la légalité de cette requête. Hissène Habré aura le droit de contester le bien fondé de cette demande d’extradition. Si la Cour déclare qu’Hissène Habré peut être extradé, le Président Wade disposera d’un mois pour signer un décret d’extradition.  
 
Existe-il un traité d’extradition entre le Sénégal et la Belgique?  
 
Non. Cependant, lorsqu’il n’existe pas de traité d’extradition entre deux pays, la loi d’extradition de droit commun de l’état requis doit s’appliquer. La loi sénégalaise de droit commun sur l’extradition va donc s’appliquer en l’espèce et ses critères devront être remplis: les actes pour lesquels l’extradition est demandée doivent être considérés comme criminels à la fois dans l’Etat requis (le Sénégal) et dans l’Etat requérant (la Belgique). De plus, l’Etat requérant doit être compétent pour juger ces crimes.  
 
Les pays ne refusent-ils pas d’extrader les auteurs « d’infractions politiques »?  
 
Le Sénégal, comme la plupart des Etats refusent l’extradition d’un suspect pour « crime politique, » notion qui inclue, notamment, le fait de prendre les armes ou de se rebeller contre un gouvernement en place. Le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et la torture ne peuvent en aucun cas être considérés comme des infractions politiques. Ainsi, la Convention contre le génocide dispose expressément que le génocide ne devra pas être considéré comme une infraction politique aux fins d’extradition. La Convention contre la Torture énonce implicitement le même principe en requérant que la torture soit incluse sur la liste des crimes extradables dans les traités d’extradition entre Etats parties.  
 
Pourquoi le Sénégal ne juge-t-il pas lui-même Hissène Habré?  
 
Le Sénégal peut et devrait juger lui-même Hissène Habré. En effet, un juge sénégalais avait inculpé Hissène Habré en application de la Convention des Nations Unies contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984, que le Sénégal a ratifiée en 1986, et qui oblige expressément tous les Etats parties soit à poursuivre, soit à extrader les auteurs présumés de torture présents sur leur territoire. Toutefois, la Cour de cassation sénégalaise a rejeté les plaintes contre Hissène Habré au motif que le Sénégal n’avait pas adopté de lois internes pour mettre en oeuvre la Convention contre la torture et que, dès lors, le Sénégal n’avait pas compétence pour poursuivre des crimes commis par un étranger à l’extérieur du pays. Cette décision a soulevé des protestations de la part des Nations Unies, de l’Union des Magistrats au Sénégal et de défenseurs des droits de l’homme à travers le monde. La plupart des observateurs ont soutenu que la Convention contre la Torture devait s’appliquer directement au Sénégal qui l’avait ratifiée nonobstant les lois de mise en oeuvre.  
 
Pourquoi Hissène Habré n’est-il pas extradé vers le Tchad?  
 
Le Tchad n’a jamais demandé officiellement l’extradition d’Hissène Habré. Même s’il l’avait fait, il existe des raisons majeures pour ne pas renvoyer Habré au Tchad. Considérant la situation au Tchad au regard des droits de l’homme, il y a un risque important à ce qu’Hissène Habré y soit maltraité ou même assassiné. De plus, l’appareil judiciaire tchadien ne permettrait pas la tenue d’un un procès équitable de Hissène Habré en accord avec les standards internationaux en la matière.  
 
Pourquoi Habré ne peut-il pas être poursuivi par la Cour Pénale Internationale?  
 
La CPI n’a pas de compétence rétroactive et peut donc seulement être saisie pour des faits commis après l’entrée en vigueur de son Statut le 1er juillet 2002.  
 
Si Hissène Habré est extradé vers la Belgique, quelle sera la suite de la procédure ?  
 
Après son arrivée en Belgique, Hissène Habré sera interrogé par le juge d’instruction en charge de son dossier et placé en détention. Pendant les cinq jours suivants, et, par la suite, tous les mois, la Chambre du conseil aura la possibilité de réviser la légalité de la détention de Hissène Habré. Une fois que le juge d’instruction aura terminé son enquête, et ce, dans un délai raisonnable, il transmettra le dossier au procureur, qui prendra ses réquisitions, puis à la Cour d’appel, qui décidera si un procès doit avoir lieu.  
 
Si le Sénégal n’extradait pas Habré, qu’arriverait-il?  
 
Hissène Habré resterait au Sénégal. Le Comité des Nations Unies contre la Torture condamnerait probablement le Sénégal pour violation de la Convention des Nations Unies contre la torture. Les victimes de Hissène Habré ont, quant à elles, déclaré qu’elles continueraient à faire pression sur le Sénégal pour qu’Hissène Habré réponde de ses crimes devant la justice. Les victimes n’hésiteront pas à demander une réforme de la loi sénégalaise en ce sens.  
 
Quel est le rôle de Human Rights Watch dans l’Affaire Habré?  
 
Human Rights Watch (HRW) supporte les victimes tchadiennes, représentées par l’Association tchadienne des Victimes des Crimes et Répressions Politiques (AVCRP), dans leur lutte pour que justice leur soit rendue. HRW a ainsi aidé à élaborer une stratégie pour poursuivre Habré, à recueillir des éléments de preuve, à obtenir des appuis politiques et à trouver des sources de financement. Reed Brody, de Human Rights Watch, coordonne le Comité international pour le jugement de Habré qui rassemble aussi des représentants de la Fédération internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et d’ONGs tchadiennes, sénégalaises et françaises.  

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