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Canada

Événements de 2020

Des habitants de Montréal, au Canada, brandissaient des pancartes lors d'une manifestation le 14 avril 2019 contre le projet de « loi 21 ». Cette loi controversée, qui a fini par être adoptée par la province du Québec, interdit à certains fonctionnaires de porter des symboles religieux sur leur lieu de travail.

© 2019 Graham Hughes/Canadian Press via AP

Le gouvernement du Premier ministre Justin Trudeau, réélu en octobre 2019, a fait des efforts pour faire progresser les droits humains au Canada, mais de graves défis de longue date perdurent. Un grand nombre d’entre eux concernent les droits des peuples autochtones, notamment les violations de leur droit à de l’eau potable, la violence à l’encontre des femmes et des filles autochtones et les violations du droit à l’alimentation de ces communautés du fait de l’absence de mesures visant à atténuer les répercussions du changement climatique.

Le Canada est également aux prises avec de graves problèmes de droits humains à l’étranger, liés aux pratiques abusives des entreprises canadiennes d’extraction minière et à la non-suspension par le gouvernement canadien de la vente d’armes à la coalition menée par l’Arabie Saoudite au Yémen en dépit des appels des Nations Unies de s’abstenir de fournir armes et soutien militaire aux parties au conflit. Le gouvernement Trudeau n’a pas non plus pris de mesures concrètes pour rapatrier des dizaines de Canadiens dont la plupart sont des enfants, détenus de manière illégale depuis plus de deux ans, et cela dans des conditions mettant leur vie en danger, dans des prisons et camps du nord-est de la Syrie pour personnes soupçonnées d’être combattants de l’EI et leurs familles.

Droits des peoples autochtones

Une discrimination systémique de longue date à l’encontre des peuples autochtones persiste au Canada. L’eau fournie à de nombreuses communautés des Premières Nations vivant sur des terres pourtant connues comme réserves d’eau, est contaminée, difficile d’accès ou à risques en raison de systèmes d’épuration des eaux défectueux. La mauvaise qualité de l’eau et le manque d’assainissement ont un effet préjudiciable et négatif sur les populations à risques, dont les enfants. Si les plus graves problèmes de santé publique, maladies hydriques et décès qui s’ensuivent, ont été dans l’ensemble évités par les avis concernant la qualité de l’eau, les coûts sociaux et l’impact sur les droits humains de la crise de l’eau sont considérables.

Le gouvernement provincial de l’Ontario comme le gouvernement fédéral n’ont jamais rien fait pour remédier aux conséquences sanitaires de dizaines d’années de contamination au mercure dans la communauté autochtone de Grassy Narrows. Alors que le gouvernement fédéral s’est engagé en avril, à financer la construction d’un centre de traitement pour empoisonnement au mercure à Grassy Narrows, il lui reste encore à indemniser la majorité des membres de la communauté touchée qui continuent à vivre avec les répercussions de l’exposition au mercure sur la santé physique et mentale.

Le changement climatique exacerbe aussi un problème croissant de pauvreté alimentaire et ses effets néfastes sur la santé des peuples autochtones du Canada. Le réchauffement des températures et l’imprévisibilité croissante des conditions météorologiques hypothèquent les ressources alimentaires traditionnelles et augmentent la difficulté et le danger liés à cette recherche de nourriture dans les milieux naturels. En conséquence, les ménages doivent compléter leur régime traditionnel en achetant davantage de nourriture. Mais le prix d’une alimentation équilibrée, fruits et légumes par exemple, est prohibitif dans les régions reculées. Le Canada se réchauffant environ deux fois plus vite que la moyenne planétaire, les répercussions nuisibles du changement climatique que subissent les populations autochtones au Canada laissent prévoir des conséquences encore plus désastreuses à l’avenir.

Les recherches menées par Human Rights Watch ont révélé l’insuffisance flagrante des mesures mises en place pour soutenir l’adaptation des Premières Nations aux répercussions actuelles et anticipées du changement climatique. Les politiques fédérales et provinciales en matière de changement climatique n’ont tenu aucun compte de l’incidence du changement climatique sur le droit à l’alimentation des Premières Nations. Les subventions alimentaires et les ressources sanitaires qui pourraient aider à contrer les répercussions actuelles et prévues sont rarement disponibles, insuffisantes ou ne parviennent pas à ceux qui en ont le plus besoin.

Violences à l’égard des femmes et des filles autochtones

En juin, le gouvernement fédéral a promis de rendre public un plan d’action national à l’occasion du premier anniversaire de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. L’Enquête nationale a fait au gouvernement 231 recommandations visant à remédier aux niveaux endémiques de violence à l’égard des femmes et des filles autochtones au Canada. Le Premier ministre Trudeau s’était alors engagé à « donner suite aux appels à la justice énoncés dans le rapport de l’Enquête en prenant des mesures concrètes, cohérentes et menées par les peuples autochtones ». Pourtant, aucun plan d’action n’a été publié à l’heure où nous écrivons.

En mai, plus de 1 500 universitaires et activistes ont écrit à la ministre fédérale des affaires autochtones Carolyn Bennett exigeant d’elle de prendre des mesures pour répondre aux appels à la justice formulés dans l’enquête nationale. En juin, l’association des femmes autochtones du Canada a publié un rapport qui donnait au gouvernement fédéral une mauvaise note pour sa réaction aux recommandations de l’enquête nationale.

Détention liée à l’immigration

Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral du Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada et la division de l’immigration de la commission de l’immigration et du statut de réfugié se sont engagées dans l’élaboration de politiques visant à réformer le système de détention liée à l’immigration. Il faut que, lors de l’établissement de nouveaux règlements, les décideurs prennent en compte l’intérêt supérieur des enfants dans les décisions relatives à la détention liée à l’immigration. Il est de l’intérêt des enfants de rester au sein de leur famille dans un cadre Communautaire, non carcéral, or, selon les plus récentes statistiques publiées concernant 2019-2020, des enfants sont encore placés en détention pour accompagner leurs parents détenus. Personne ne sait très bien combien d’enfants sont séparés de leurs parents détenus.

À l’heure où nous écrivons, l’Agence des services frontaliers du Canada restait le seul organisme important d’application de la loi du pays sans aucune forme de surveillance civile indépendante.

Suite au début de la pandémie de Covid-19, en mars 2020, les candidats à l’immigration détenus au Québec ont entamé une grève de la faim pour protester contre l’absence de protection contre le Covid-19 dans les établissements de détention. Au cours des semaines suivantes, le gouvernement a libéré des détenus de l’immigration en nombres sans précédent en raison de préoccupations de santé publique. 

Responsabilité des entreprises

Bien qu’il compte près de la moitié des grandes entreprises extractives du monde, le Canada n’est toujours pas parvenu à mettre en œuvre les réformes promises pour tenir ces entreprises responsables des abus commis à l’étranger. L’Ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises (« Ombudsperson for Responsible Enterprise ») ne dispose pas actuellement du pouvoir d’enquêter indépendamment ou de faire rapport sur les violations des droits de la personne mettant en cause des entreprises extractives canadiennes et ses capacités de faire rendre des comptes aux parties responsables sont limitées. En mai, une pétition adressée à la Chambre des Communes a appelé le gouvernement à rendre indépendante la fonction d’Ombudsman et à lui redonner le pouvoir d’enquêter sur les allégations de violations des droits de la personne par des entreprises extractives canadiennes.

En février, la Cour Suprême a statué qu’un procès intenté par trois Erythréens disant avoir été victimes de travail forcé dans une mine partiellement détenue par Nevsun Resources pouvait être jugé par des tribunaux canadiens. Lors d’une enquête datant de 2013 sur cette mine, Human Rights Watch avait constaté qu’une entreprise de construction érythréenne, propriété du parti au pouvoir chargée de la construction d’une partie de l’infrastructure de la mine, exploitait des travailleurs conscrits affectés à cette tâche par le gouvernement. Cet arrêt historique de la Cour suprême pourrait ouvrir la voie pour les victimes de violations de leurs droits par des entreprises à l’étranger, à la poursuite au Canada de ces entreprises pour violations de la loi internationale sur les droits de la personne.

Lutte contre le terrorisme

Suite à ses travaux de recherche effectués en juin, Human Rights Watch est parvenue à la conclusion que le Canada ne prend pas les mesures nécessaires pour aider et rapatrier des dizaines de canadiens illégalement détenus dans les prisons et les camps du nord-est de la Syrie pour personnes soupçonnées d’être combattants de l’EI et leurs familles. En octobre, le Canada a rapatrié de ces camps une orpheline âgée de a 5 ans, mais le Premier Ministre Trudeau a déclaré que le gouvernement n’avait aucune intention de ramener dans le pays le reste des Canadiens détenus depuis plus de deux ans dans des conditions profondément dégradantes et souvent inhumaines. Il resterait encore, d’après les estimations, 46 Canadiens détenus en Syrie du nord-est dont 8 hommes, 13 femmes et 25 enfants. Aucun de ces Canadiens n’a été accusé d’actes criminels, ni présenté devant un juge afin d’examiner la légalité et la nécessité de sa détention.

Les conditions sordides où vivent les détenus, dont crasse et insuffisance de l’hygiène et des soins médicaux, constituent un danger pour leur vie. Fin septembre, après qu’un détenu ait testé positif au Covid-19, l’Organisation mondiale de la santé a averti d’un « risque important » de transmission élevée dans les camps.

Liberté religieuse

En avril, la Cour suprême du Canada a refusé d’entendre un appel logé par des groupes de droits civils cherchant à empêcher la mise en œuvre de parties de la loi 21, loi adoptée en 2019 par la province de Québec, interdisant à certaines catégories de fonctionnaires de porter des signes religieux sur leur lieu de travail, en attendant une décision judiciaire sur sa constitutionnalité. La loi controversée interdisant le port de signes religieux (notamment le hijab, la kippah et le turban) par les enseignants, les fonctionnaires de police et les juges entre autres, interdit aussi à toute personne qui se couvre le visage pour des raisons religieuses, de recevoir des services gouvernementaux, dont les services de santé et de transport public. La Cour d’appel du Québec avait antérieurement refusé d’arrêter l’exécution de dispositions-clés de la loi en attendant la résolution des contestations judiciaires, partiellement en raison du fait qu’en promulguant la loi, le Québec avait invoqué de manière préemptive : la « disposition de dérogation » exceptionnelle de la constitution canadienne. La clause permet aux autorités provinciales ou fédérales de déroger temporairement à certaines garanties de la Charte des droits et libertés. Avec le refus de la Cour suprême d’entendre l’appel, la décision de la Cour provinciale reste en vigueur.

Principaux acteurs internationaux

En mai, six rapporteurs spéciaux des Nations Unies et membres de deux groupes de travail de l’ONU ont demandé au Canada d’obtenir d’urgence la libération et le rapatriement d’une orpheline canadienne âgée de 5 ans détenue dans un camp du nord-est de la Syrie pour personnes soupçonnées d’être combattants de l’EI et leurs familles. Les experts de l’ONU ont noté que « le Canada est au premier chef responsable de garantir qu’elle soit traitée avec humanité et respect de sa dignité et de ses droits en tant que personne » et ont exhorté le gouvernement Trudeau à « consolider et accentuer ses efforts pour permettre son retour dans des conditions de sécurité. »

Dans un rapport publié en septembre, le Rapporteur spécial de l’ONU sur les produits et déchets dangereux a demandé au Canada de « garantir que les normes environnementales appliquées dans les réserves soient aussi rigoureuses, sinon plus, que celles des terres provinciales territoriales ou fédérales environnantes, afin de garantir une égale protection des personnes autochtones ».

Politique étrangère

En septembre, le Canada a annoncé son intention d’intervenir avec les Pays-Bas dans la requête introduite par la Gambie auprès de la Cour internationale de justice alléguant que les atrocités commises par le Myanmar à l’encontre des Rohingya constituaient une violation de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

À la session de septembre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le Canada s’est joint à 32 autres gouvernements pour condamner le comportement de l’Arabie saoudite en matière de droits humains et pour l’appeler à libérer tous les dissidents politiques et activistes des droits des femmes, rendre des comptes pour les violations commises dans le passé et à mettre fin à la discrimination persistante à l’égard des femmes. Le Canada a également appuyé des déclarations communes condamnant les violations de droits par la Chine, et est l’un des membres d’un groupe central de l’ONU cherchant à remédier à la situation des droits humains au Yémen et au Sri Lanka.

Un rapport publié en septembre par le groupe d’experts éminents internationaux et régionaux de l’ONU sur le Yémen a pour la première fois nommé le Canada comme étant l’un des pays contribuant à attiser le conflit par ses transferts d’armes à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis. Le rapport exhortait tous les États à s’abstenir de fournir armes et appui militaire aux parties à ce conflit.

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