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Algérie

Événements de 2018

Des policiers anti-émeute se retrouvent face à des médecins résidents algériens lors d’une manifestation tenue partiellement sous forme de « sit-in » à Alger, le 12 février 2018. 

© 2018 Ramzi Boudina/Reuters

L'année 2018 n'a donné lieu à aucune amélioration globale de la situation des droits humains en Algérie. Les autorités ont imposé des restrictions à la liberté d'expression et aux libertés d'association et de réunion, ainsi qu'à celle de manifester pacifiquement, et ont arrêté et poursuivi en justice des blogueurs et des activistes des droits humains sous diverses accusations telles qu'« incitation à un rassemblement non autorisé », « intelligence avec une puissance étrangère » et diffamation d'agents de l'État. Les autorités ont également expulsé des milliers de migrants sans respecter le principe de régularité des procédures et poursuivi en justice des membres de la minorité religieuse des Ahmadis sous des accusations relatives à l'exercice de leur religion.

Les autorités ont continué de faire obstacle à l'accréditation légale d'organisations non gouvernementales algériennes de défense des droits humains et ont maintenu leur refus d'accéder aux demandes de visite du pays présentées par plusieurs experts et membres de mécanismes de protection des droits humains des Nations Unies, comme les rapporteurs spéciaux sur la torture et sur les libertés de réunion pacifique et d'association, et les membres des Groupes d'experts de l'ONU sur les disparitions forcées ou involontaires et sur les détentions arbitraires.

Liberté de réunion

Les autorités ont continué de violer régulièrement le droit à la liberté de réunion. Le code pénal punit l'organisation ou la participation à des manifestations non autorisées sur la voie publique, d'une peine pouvant aller jusqu'à un an de prison (article 98).

En octobre 2017, un tribunal de la ville de Ghardaïa a retenu divers chefs d'accusation contre six activistes politiques et des droits humains, pour avoir manifesté devant le tribunal contre le procès engagé contre un avocat spécialisé dans les droits humains en 2016. Le 26 juin, ce tribunal les a acquittés.

Tout au long des mois d'août et septembre, les autorités ont empêché la tenue de réunions publiques prévues à Alger, Constantine et Bejaïa et organisées par le mouvement Mouwatana, une organisation qui milite pour des réformes démocratiques et est opposée à un cinquième mandat pour le président Abdelaziz Bouteflika.

Liberté d'association 

Une loi de 2012 sur les associations exige que celles-ci, y compris celles qui s'étaient déjà fait agréer avec succès, refassent une demande d'agrément et obtiennent un récépissé d'enregistrement auprès du ministère de l'Intérieur avant de pouvoir fonctionner légalement.

Le 27 février 2018, les autorités algériennes ont posé les scellés sur les locaux de deux associations de défense des droits des femmes, l'Association féministe pour l’épanouissement de la personne et l’exercice de la citoyenneté (AFEPEC) et Femmes algériennes revendiquant leurs droits (FARD), au motif qu'elles n'étaient pas agréées. Les autorités ne leur avaient pas délivré de récépissé pour leur réenregistrement, les laissant ainsi dans une situation de vide juridique. Une semaine plus tard, les autorités ont autorisé provisoirement ces organisations à reprendre leurs activités. Le 20 mai, un tribunal administratif a ordonné au gouverneur d'émettre un récépissé d'enregistrement pour FARD, ce qu'il a fait le 29 septembre.

D'autres associations, comme la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), le Rassemblement action jeunesse (RAJ), et la division algérienne d'Amnesty International, sont parmi un certain nombre d'associations précédemment agréées dont les demandes de ré-enregistrement n'ont pas reçu de réponse.

Liberté d'expression

Le 21 juin, une cour d'appel de Bejaïa a condamné un blogueur, Merzoug Touati, à sept ans de prison pour incitation à participer à une réunion illégale, pour avoir exhorté à la tenue de manifestations publiques contre une nouvelle loi de finances, et pour « intelligence avec une puissance étrangère en vue de nuire à l'Algérie ». Ce dernier chef d'accusation se rapporte à une interview d'un porte-parole du gouvernement israélien qu'il avait publiée. Touati est détenu depuis le 22 janvier 2017, à la prison d'Oued Ghir à Bejaïa.

La Cour d'appel de Relizane a confirmé, le 6 juin, une peine de deux ans de prison contre un autre blogueur, Abdullah Benaoum, pour des écrits publiés sur les réseaux sociaux dans lesquels il accusait les autorités et l'armée algérienne d'être responsables de plusieurs massacres de civils et de la disparition de milliers de personnes lors de la guerre civile des années 1990 en Algérie. Ces inculpations étaient basées à la fois sur des articles du code pénal interdisant la diffamation des institutions et sur l'article 46 de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui interdit l’instrumentalisation des blessures de la « tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne » ou pour ternir son image sur le plan international. Benaoum purgeait sa peine au moment de la rédaction de ce rapport.

Le 7 août 2018, un tribunal de Ghardaïa a condamné Salim Yezza, un blogueur membre du Collectif des Amazigh, un groupe basé en France, à un an de prison avec sursis pour provocation à un attroupement et diffusion d'incitations à la haine et à la discrimination dans une publication Facebook de 2014 dans laquelle il critiquait la discrimination exercée par le gouvernement à l'encontre des Mozabites, qui font partie de la minorité amazigh ou berbère de l'Algérie. Les autorités ont arrêté Yezza le 14 juillet à l'aéroport de Biskra alors qu'il s'apprêtait à retourner à Paris après une visite. Il a passé trois semaines en prison avant d'être remis en liberté.

Droits des femmes

Bien qu'en 2015 l'Algérie ait apporté des amendements à son code pénal qui criminalisent spécifiquement certaines formes de violence conjugale, ce code comporte encore des lacunes qui permettent d'annuler des condamnations ou de réduire les peines si les victimes pardonnent à leurs agresseurs. En dépit de l'adoption en 2005 de certains amendements qui ont amélioré les conditions d'obtention par les femmes du divorce et de la garde des enfants, le Code de la famille algérien continue d'être discriminatoire à l'égard des femmes, en exigeant d'elles qu'elles fondent leurs demandes de divorce devant les tribunaux sur des arguments spécifiques alors que les hommes ont le droit unilatéral de divorcer sans explication.

Par ailleurs, l'Algérie a conservé l'article 326 de son code pénal, qui permet à quiconque enlève une personne mineure d'échapper aux poursuites s'il épouse sa victime. Le code pénal ne définit pas le viol mais y fait référence comme constituant une atteinte à l'honneur. Lors du quatrième Examen périodique universel (EPU) de ses obligations aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a recommandé, en juillet 2018, que l'Algérie amende son code pénal afin d'y inclure une définition exhaustive du viol, abroge son article 326 et supprime les clauses concernant le pardon de la loi sur les violences conjugales.

Liberté de religion

L'Algérie continue de poursuivre en justice les membres de la minorité religieuse des Ahmadis pour l'exercice de leur foi. Plus de 315 Ahmadis ont été poursuivis en justice entre juin 2016 et mars 2018. Les peines sont allées de la simple amende à un an de prison. Les autorités exercent fréquemment des discriminations à l'encontre de la communauté des Ahmadis, qui compte environ 2 000 adhérents, poursuivant ses membres en justice pour l'un ou plusieurs des chefs d'accusation suivants : dénigrement du dogme ou des préceptes de l'Islam ; participation à une association non autorisée ; collecte de dons sans licence ; et possession et distribution de documents émanant de sources étrangères et constituant un danger pour la sécurité nationale.

Migrants

Depuis au moins décembre 2016, l'Algérie a rassemblé et expulsé en masse des milliers de migrants de différentes nationalités d'Afrique sub-saharienne, dont des femmes et des enfants. En 2018, les autorités algériennes ont continué d'effectuer des rafles dans les zones où des migrants sont réputés vivre, les arrêtant dans la rue ou sur des chantiers de construction, les emmenant en bus vers le sud, puis les expulsant par la frontière du Niger ou du Mali, la plupart du temps sans nourriture et avec très peu d'eau. 

Les autorités ont empêché la Ligue algérienne des droits de l'homme et d'autres associations qui ont dénoncé les expulsions arbitraires de migrants, de tenir comme chaque année leur Réunion nationale de la Plateforme migratoire, qui devait avoir lieu les 20 et 21 juillet à Oran, parce que les autorités affirmaient qu'elles n'étaient pas habilitées à organiser un événement public. Cette plateforme a été fondée en 2015 par des ONG algériennes pour améliorer la protection des migrants. 

Orientation et identité sexuelles

L'article 338 du code pénal algérien criminalise les « actes d’homosexualité », qui sont passibles d'une peine de prison pouvant aller jusqu'à deux ans. Lors d'une conférence de presse en septembre dans le cadre d'une visite de la chancelière allemande Angela Merkel, un journaliste a posé une question au Premier ministre, Ahmed Ouyahia, sur les droits des homosexuels. Ouyahia a répondu : « L’Algérie est une société qui a ses traditions […] Nous comptons continuer à avancer sur la base de nos valeurs. »

Responsabilité pour les crimes commis dans le passé

Lors du conflit armé des années 1990, les forces de sécurité, des milices qui étaient leurs alliées et des groupes islamistes armés qui combattaient le gouvernement ont tué plus de 100 000 personnes, selon les estimations, et en ont fait disparaître de force plusieurs milliers d'autres, dont le sort est toujours inconnu.

La loi de 2006 visant à la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale a instauré une immunité généralisée pour les personnes responsables de graves abus. Elle a également criminalisé les discours ou propos qui « dénigrent » les institutions de l'État ou les forces de sécurité au sujet de leur comportement lors de ce conflit.

Cette loi promettait par ailleurs des indemnisations pour les familles des personnes « disparues », mais elle ne les a pas aidées dans leurs efforts pour savoir ce qu'il était arrivé à ceux de leurs proches dont ils sont toujours sans nouvelles.

Principaux acteurs internationaux

Dans le cadre de son quatrième Examen périodique universel, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a recommandé en juillet 2018 que l'Algérie ouvre des enquêtes sérieuses sur les disparitions forcées, mette fin aux expulsions arbitraires et sommaires de migrants et de réfugiés, et accorde davantage de liberté d'expression, de réunion et de religion.

En avril 2018, le comité de l'ONU chargé de vérifier le respect par les États du Pacte international relatif à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles a recommandé que l'Algérie interdise les expulsions et les refoulements collectifs de migrants et de membres de leurs familles. Il a également recommandé que l'Algérie accorde aux migrants qui sont passibles d'expulsion le droit de contester cette mesure.

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