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Union européenne

Événements de 2017

Des secouristes de SOS MEDITERRANEE aident une Somalienne à se hisser de leur bateau gonflable à coque rigide (RHIB) sur l'Aquarius. 11 octobre 2017.

© 2017 ANTHONY JEAN/SOS MEDITERRANEE

Union européenne

Les populistes xénophobes hostiles aux droits humains ayant façonné la vie politique même lorsqu’ils ne sont pas parvenus à s’imposer par les urnes, les gouvernements européens se sont montrés déterminés à tenir les migrants éloignés à tout prix. Toutefois, la réaction face à la crise polonaise semble indiquer que les dirigeants de l’Union européenne commencent à reconnaître que l’avenir de l’union dépend de la volonté de défendre les droits humains et l’État de droit.

Migration et asile

L’UE et ses États membres ont redoublé d’efforts pour empêcher les arrivées de migrants et pour déléguer la responsabilité du contrôle de la migration à des pays hors des frontières de l’union. En Libye, en particulier, l’UE a poursuivi une stratégie d’endiguement en coopération avec les autorités libyennes, en dépit des preuves accablantes de brutalités régulières et répandues à l’encontre des demandeurs d’asile et autres migrants détenus arbitrairement par lesdites autorités ou privés de leur liberté de toute autre façon. La Libye n’a pas signé la Convention sur les réfugiés et ne dispose pas d’un régime d’asile opérationnel.

À la mi-novembre 2017, seules un peu plus de 150 000 personnes avaient rejoint l’Europe par voie maritime, soit moins de la moitié du nombre d’arrivées pour la même période en 2016, les arrivées sur les îles grecques ayant considérablement diminué et les départs en bateau à partir de la Libye ayant enregistré un fléchissement. Les migrations par bateau en Méditerranée occidentale, du Maroc vers l’Espagne, ont connu une augmentation significative, bien que les chiffres globaux demeurent peu élevés. La route des Balkans occidentaux est restée en grande partie fermée, aidée en cela par un système de contrôle abusif aux frontières hongroises et par le refoulement des migrants opéré par la Croatie.

La Méditerranée s’est à nouveau montrée meurtrière, avec près de 3 000 morts ou disparus au 15 novembre 2017. Les organisations non gouvernementales (ONG) ont effectué près de 40 % de tous les sauvetages en Méditerranée centrale au cours du premier semestre de 2017, mais en septembre, plusieurs ONG avaient suspendu leurs activités en raison de problèmes de sécurité et d’une augmentation des interceptions par les garde-côtes libyens, parfois dangereuses et accompagnées de violences. Appuyée par les institutions européennes, l’Italie a imposé aux ONG un code de conduite régissant les sauvetages à la suite d’une campagne visant à délégitimer, voire à criminaliser, leurs efforts.

En dépit des appels en faveur d’une plus grande ouverture des voies de migration sûres et légales, dont le regroupement familial et les visas humanitaires, les institutions et États membres de l’UE n’ont réalisé des progrès que sur le plan de la relocalisation des réfugiés reconnus. La Commission européenne a annoncé en septembre que les États membres avaient relocalisé 22 518 réfugiés au cours des deux dernières années, et elle a recommandé un plan pour en relocaliser 50 000 de plus en Europe au cours des deux années à venir. Les États membres ont tardé à répondre à l’appel antérieur de la commission réclamant des engagements en matière de réinstallation.

Les États membres moins affectés par les arrivées directes sont demeurés peu enclins à partager la responsabilité d’accueillir des demandeurs d’asile. Le programme contraignant de deux ans destiné à relocaliser près de 100 000 demandeurs d’asile arrivés en Grèce et en Italie a officiellement pris fin en septembre, mais seules 29 401 personnes avaient effectivement été transférées, soit moins d’un tiers de l’objectif final. Certains pays ont toutefois continué à les relocaliser et plus de 2 000 personnes supplémentaires avaient été relocalisées à la mi-novembre. En juin, la Commission européenne a engagé des procédures d’infraction contre la Hongrie, la Pologne et la République tchèque pour non-respect du programme. En septembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rejeté les recours introduits par la Hongrie et la Slovaquie contre le mécanisme de relocalisation.

Les pays de l’UE ont continué de renvoyer des demandeurs d’asile vers l’Italie et ont repris les retours vers la Grèce, en vertu du règlement de Dublin qui exige dans la plupart des cas que le premier pays d’entrée de l’UE assume la responsabilité du traitement des demandes d’asile. En mars, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé que la Hongrie avait violé ses obligations en matière de droits humains en plaçant en rétention des demandeurs d’asile et en les renvoyant en Serbie en invoquant l’argument du « pays tiers sûr » et, en avril, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a appelé à la suspension des retours vers la Hongrie au titre du Règlement de Dublin. L’Allemagne a officiellement suspendu ces retours fin août, et un certain nombre d’autres pays de l’UE ont adopté une approche similaire.

Peu de progrès ont été enregistrés en ce qui concerne la réforme de la législation de l’UE en matière d’asile. Certaines propositions discutables faciliteraient le rejet sommaire des demandes d’asile, l’expulsion des personnes vers des pays non membres de l’UE en s’appuyant sur le concept du « pays tiers sûr », ainsi que la révocation du statut de réfugié. Dans l’intervalle, les demandeurs d’asile ont continué de connaître des taux de reconnaissance extrêmement variables en fonction des pays de l’union. 

Discrimination et intolérance

Tout au long de l’année 2017, les partis populistes extrémistes ont exercé une influence externe sur la politique européenne. Alors qu’ils sont arrivés deuxièmes et non premiers lors des scrutins présidentiels en France et en Autriche et lors des élections parlementaires aux Pays-Bas, les populistes de la droite radicale ont fait leur entrée au parlement allemand et ont fini par rejoindre la coalition gouvernementale en Autriche à la suite des élections d’octobre. Pire encore, des éléments de leur programme politique anti-immigration, anti-réfugiés et anti-musulmans continuent d’être adoptés par les partis politiques traditionnels dans bon nombre de pays de l’UE.

Le sentiment et la violence racistes, xénophobes et anti-musulmans ont persisté à travers toute l’Europe. Les musulmans ont fait face à une hostilité et une intolérance généralisées. Les actes antisémites, notamment les crimes haineux, demeurent extrêmement préoccupants.

Dans son rapport annuel de juin, la Commission du Conseil de l’Europe contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a relevé que le populisme nationaliste et le discours de haine xénophobe s’étaient immiscés dans la sphère politique traditionnelle de la région. Dans un rapport publié en avril, l’Agence des droits fondamentaux de l’UE (FRA) a observé que bon nombre de crimes haineux commis dans l’UE continuaient à ne pas être dénoncés et demeuraient invisibles, privant les victimes de réparation, et elle a vivement recommandé aux États membres d’améliorer l’accès des victimes à la justice.

Dans son évaluation du mois d’août sur les stratégies visant à aider les Roms, la Commission européenne a estimé que jusqu’à 80 % des Roms étaient confrontés au risque de pauvreté sur le territoire de l’EU, appelant à intensifier les efforts pour améliorer leur accès à la scolarité et à l’emploi.

Au mois d’août, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muižnieks, a identifié le droit de vivre dans la société et la désinstitutionalisation, le droit à la capacité juridique et le droit à une éducation inclusive comme principaux problèmes affectant les personnes qui présentent des déficiences psychosociales ou intellectuelles en Europe. En septembre, M. Muižnieks a appelé à mettre fin à la ségrégation scolaire que subissent les enfants présentant des déficiences, les enfants roms, ainsi que les réfugiés et migrants mineurs.

Une décision prise en mars par la CJUE appuyant l’interdiction du port du voile au travail dans le secteur privé a sérieusement porté atteinte au droit des femmes à l’égalité et à la non-discrimination. En juillet, la CEDH a confirmé l’interdiction par la Belgique du port de la burqa et du voile intégral islamique.

Dans une résolution adoptée en juin, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a appelé à mettre un terme à l’impunité pour les violences sexuelles et le harcèlement de rue des femmes en poursuivant les auteurs de tels actes. En juin, l’UE a signé la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes. Onze États membres de l’UE — dont le Royaume-Uni, la Grèce et la Hongrie — doivent encore ratifier ladite convention.

En mai, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, a noté que les attaques à l’encontre des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) en Europe sont encore communes, soulignant la nécessité de lois sévères et efficaces contre la discrimination. En avril, la CEDH a jugé que la stérilisation imposée aux personnes transgenres en vue d’une reconnaissance de leur genre constituait une violation de leurs droits humains.

Terrorisme et lutte contre le terrorisme

Les attentats perpétrés en Belgique, en Espagne, en Finlande, en France, en Grèce, au Royaume-Uni et en Suède en 2017 ont tué plus de 60 personnes et fait des centaines de blessés. Tous ceux qui ont causé un grand nombre de victimes ont été revendiqués par l’État islamique (EI). Certains incidents ont été attribués ou revendiqués par des mouvements armés d’extrême droite ou d’extrême gauche, ou par des organisations régionales séparatistes armées. Au cours de l’année, des attaques visant spécifiquement des policiers ou des soldats ont eu lieu en Espagne, en France, en Pologne, au Royaume-Uni et en Suède.

L’Allemagne, la France et les Pays-Bas ont adopté des lois permettant à l’exécutif, ou élargissant le pouvoir dont il jouit déjà, d’ordonner des contrôles administratifs réduisant la liberté de circulation et d’association des personnes considérées comme présentant une menace pour la sécurité nationale.

En mars, une nouvelle directive de l’UE visant à combattre le terrorisme et renforçant le cadre existant de l’UE a été approuvée par les gouvernements. Elle requiert des États qu’ils érigent en infraction pénale « la provocation publique à commettre une infraction terroriste » ainsi que divers actes préparatoires qui n’impliquent pas une participation directe à des attentats. Les associations de défense des droits humains ont exprimé leur inquiétude face aux protections insuffisantes et à la terminologie trop vague de la directive, ainsi qu’à son incidence sur la liberté d’expression.

Au cours de l’année, en France et en Espagne, des personnes ont été reconnues coupables d’infractions terroristes pour avoir posté des commentaires en ligne qui ont été considérés comme une glorification ou une apologie du terrorisme, dans certains cas sans aucune preuve de lien direct avec une incitation à la violence.

En juin, la Commission européenne a accéléré les programmes existants destinés à lutter contre la radicalisation et à supprimer le contenu en ligne lié au terrorisme. Un plan d’action franco-britannique publié le même mois incluait des propositions visant à supprimer le matériel extrémiste en ligne et à avoir accès au contenu crypté, soulevant des inquiétudes quant à la liberté d’expression et au droit à la vie privée.

Les enquêtes judiciaires sur la complicité présumée des autorités polonaises et lituaniennes sont restées au point mort. Le pourvoi en cassation contre la décision rendue en 2016 par le ministère public de clore l’enquête sur la complicité présumée du Royaume-Uni dans les transferts illégaux opérés par l’Agence centrale américaine de renseignement (CIA) vers la Libye demeure en instance, à l’instar de l’affaire portée devant la CEDH à l’encontre de la Lituanie et de la Roumanie pour leur complicité dans les actes de torture et les détentions secrètes auxquels s’est livrée la CIA.

Allemagne

Les arrivées de demandeurs d’asile et de migrants ont connu une baisse pour la deuxième année consécutive. Au 31 juillet, 105 000 nouveaux demandeurs d’asile avaient été enregistrés. Les autorités ont statué sur plus de 408 000 demandes d’asile au cours du premier semestre de l’année, dont beaucoup étaient en instance depuis l’année précédente. En août, l’Allemagne avait accepté 1 730 réfugiés réinstallés, dont 1 700 Syriens. Fin septembre, l’Allemagne avait relocalisé 3 641 demandeurs d’asile provenant d’Italie et 4 838 de Grèce.

Au cours des six premiers mois de l’année 2017, les autorités ont enregistré 143 attaques contre des foyers de demandeurs d’asile et 642 attaques visant des réfugiés et des demandeurs d’asile en dehors de leur logement.

Au cours de l’année, le parlement fédéral allemand a approuvé une série de mesures de surveillance qui suscitent des inquiétudes par rapport au droit à la vie privée et à la liberté d’expression. L’une de ces mesures, qui autoriserait les forces de police à installer des logiciels malveillants dans des téléphones portables, des tablettes et des ordinateurs afin de contourner les systèmes de cryptage, n’était pas encore entrée en vigueur à l’heure où ont été écrites ces lignes. Une deuxième est partiellement entrée en vigueur en octobre, obligeant les réseaux sociaux à retirer le « contenu illégal », terme mal défini incluant les discours haineux, ou à s’exposer à de lourdes amendes. Une troisième, entrée en vigueur en juillet, permet aux autorités policières aux frontières d’examiner les données contenues dans les téléphones portables des réfugiés et migrants, sans décision de justice préalable et sans suspicion raisonnable d’infraction pénale ni consentement.

Une modification de la Loi sur la police judiciaire fédérale, en vigueur depuis juillet, autorise le marquage électronique préventif et l’imposition de restrictions à la libre circulation des personnes considérées comme présentant un risque pour la sécurité nationale (« Gefährder ») mais n’ayant pas encore commis d’infraction. Un pouvoir en matière d’immigration qui autorise des restrictions similaires visant les ressortissants étrangers en attente d’expulsion est également entré en vigueur en juillet.

Les autorités allemandes ont poursuivi leurs enquêtes sur de graves crimes internationaux liés au conflit en Syrie et en Irak. Des procès pour crimes de guerre sont en cours ou se sont achevés contre des membres de l’État islamique, d’anciens membres du Front al-Nosra et divers groupes armés opposés au gouvernement syrien.

En juin, le Parlement fédéral a approuvé la reconnaissance du droit égal au mariage pour les couples de même sexe, et la loi est entrée en vigueur le 1er octobre.

Croatie

Entre janvier et août 2017, 1 262 personnes ont demandé l’asile en Croatie, dont des personnes renvoyées dans ce pays par d’autres États membres de l’UE au titre du règlement de l’UE en matière d’asile. Au moment de la rédaction du présent rapport, seuls 76 demandeurs d’asile avaient bénéficié d’un régime de protection en 2017. Fin septembre, la Croatie avait relocalisé 78 demandeurs d’asile en provenance de Grèce et d’Italie.

Au cours de l’année, la Croatie a refoulé des demandeurs d’asile et des migrants qui avaient pénétré sur son territoire à partir de la Serbie, et ce sans avoir examiné leurs demandes d’asile. En juillet, la CJUE a jugé que la Croatie avait enfreint la législation de l’UE en autorisant des demandeurs d’asile et des migrants à passer en Slovénie et en Autriche sans avoir d’abord examiné leurs demandes d’asile.

Les demandeurs d’asile et les réfugiés ont continué de se heurter à un isolement social et à des difficultés d’accès aux cours de langues, à l’éducation et à l’emploi. Les migrants et demandeurs d’asile mineurs non accompagnés continuent d’être placés dans des foyers pour enfants sans que des dispositions adéquates soient prises pour assurer leur protection et leur prise en charge. Sur les 30 mineurs non accompagnés enregistrés, un seul avait été inscrit à l’école pour l’année académique 2017/2018.

Les personnes présentant un handicap demeurent privées de leur capacité juridique et de leur droit à vivre dans la société. Des adultes ayant un handicap ont continué d’être placés en institution sans leur consentement.

Les membres des minorités nationales, en particulier la minorité ethnique serbe et les Roms, continuent d’être victimes de discrimination, d’intolérance ethnique et de discours haineux. Des milliers de Roms restent apatrides. Les enfants roms se heurtent à une véritable ségrégation dans les écoles.

L’appareil judiciaire croate a continué de progresser lentement dans les poursuites contre les responsables de crimes de guerre.

Espagne

Les autorités catalanes ont organisé un référendum sur l’indépendance le 1er octobre, alors que la Cour constitutionnelle espagnole avait ordonné sa suspension, le déclarant par la suite inconstitutionnel. Le scrutin a été marqué par le recours excessif à la force par la Garde civile et la police nationale.

Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme a vivement recommandé aux autorités espagnoles de garantir une enquête approfondie, indépendante et impartiale sur tous les actes de violence.

Les autorités centrales ont fait usage de leurs pouvoirs constitutionnels pour dissoudre le gouvernement régional catalan et imposer une mise sous tutelle de la région par le gouvernement central le 27 octobre, et elles ont convoqué des élections en décembre. En novembre, le parquet espagnol a engagé des poursuites judiciaires pour sédition et autres infractions à l’encontre de 14 représentants du gouvernement catalan dissous.

Les attentats perpétrés à Barcelone et à Cambrils en août par une cellule extrémiste armée ont fait 16 morts et plus de 100 blessés. Ils ont été revendiqués par l’État islamique. L’attaque de Barcelone était la plus meurtrière en Espagne depuis 2003.

Dans la foulée des attentats, les autorités publiques ont mis en garde contre l’islamophobie. Des incidents anti-musulmans ont été rapportés, notamment une agression visant un enfant marocain âgé de 14 ans. En mai, un Pakistanais a engagé une action en justice contre l’Espagne devant la CEDH pour utilisation du profilage ethnique par la police, un problème récurrent dans le pays.

Les migrants qui ont rejoint l’Espagne en plus grands nombres par la mer ont été confrontés à des conditions déplorables dans les locaux de police, ainsi qu’à des obstacles pour demander l’asile. Plus de 16 000 personnes sont arrivées par voie maritime au cours des dix premiers mois de l’année 2017, soit une augmentation importante par rapport à l’année précédente. Plus de 5 000 ont franchi les frontières terrestres à Ceuta et Melilla, dont beaucoup en escaladant les clôtures entourant les deux enclaves espagnoles.

En octobre, la CEDH a jugé que le refoulement sommaire de deux Africains sub-sahariens de Melilla vers le Maroc en 2014 constituait une expulsion collective. Cet arrêt signifie que l’Espagne devrait réformer une loi de 2015 officialisant cette pratique, laquelle a continué d’être appliquée périodiquement tout au long de l’année 2017. Les demandeurs d’asile arrivés dans les enclaves espagnoles, y compris les LGBT pourtant exposés au risque de mauvais traitements, ont été confrontés à des retards dans leur transfert vers le continent.

En janvier, une cour d’appel a rouvert l’enquête sur la mort, en février 2014, de 15 migrants dans les eaux de Ceuta après que des membres de la Garde civile eurent tiré des balles en caoutchouc et lancé des gaz lacrymogènes dans l’eau.

En septembre, l’Espagne n’avait relocalisé que 1 257 demandeurs d’asile sur les 9 323 qu’elle s’était engagée à transférer de Grèce et d’Italie. L’Espagne avait promis de réinstaller 1 449 réfugiés provenant de l’extérieur de l’UE, mais à l’heure de la rédaction de ce chapitre, elle n’en avait réinstallé que 631.

La CJUE a rendu deux arrêts contre l’Espagne, en décembre 2016 et en janvier 2017, pour pratiques hypothécaires abusives, ouvrant ainsi la voie aux consommateurs qui souhaitent intenter des procès contre les banques.

Estonie

Le nombre d’apatrides a continué de décroître en Estonie en 2017, bien que le taux de naturalisation soit très bas. Selon le Ministère de l’Intérieur, en 2016, seuls 1 450 apatrides ont acquis la nationalité estonienne par naturalisation et au 1er janvier 2017, 79 438 apatrides résidaient en Estonie alors qu’ils étaient 82 561 en janvier 2016. Les apatrides, dont la plupart sont des personnes d’origine Russe qui ont perdu leur nationalité en 1991 après la chute de l’Union soviétique, continuent de faire face à d’importants obstacles à leur intégration sociale et économique. Non seulement ils ne jouissent pas pleinement des droits politiques et à l’emploi, mais ils ne peuvent pas non plus entreprendre certaines carrières dans la fonction publique nationale et locale, la police et les douanes.

Bien que l’Estonie ait accompli certains progrès en réduisant le nombre d’enfants apatrides au cours des dernières années, le gouvernement ne s’est que partiellement attaqué au problème. Les enfants âgés de 15 à 18 ans et ceux nés hors des frontières estoniennes de parents qui sont des résidents apatrides en Estonie ne peuvent pas encore obtenir automatiquement la nationalité. En février 2017, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a recommandé à l’Estonie « d’accélérer le processus de naturalisation des enfants âgés de 15 à 18 ans dont la nationalité est indéterminée ».

En janvier 2017, l’Estonie est devenue la première ex-république soviétique à reconnaître les mariages entre personnes de même sexe contractés à l’étranger. En juillet 2017, le pays a organisé sa première Pride Parade en 10 ans. En dépit de ces avancées significatives, il reste encore au gouvernement à appliquer la Loi de 2016 sur la cohabitation qui accorderait aux personnes de même sexe ayant contracté une union civile les mêmes droits qu’aux couples mariés, y compris le droit à la propriété et à l’adoption.

Au 25 septembre 2017, le gouvernement avait relocalisé 141 demandeurs d’asile dans le cadre du mécanisme de relocalisation de l’UE.

France

La France continue de s’appuyer sur des pouvoirs antiterroristes abusifs introduits au lendemain des attentats de novembre 2015.

L’état d’urgence qui a permis de faire usage de certains pouvoirs en matière de sécurité sans garanties suffisantes a été prolongé en décembre 2016 et juillet 2017. Il a pris fin le 1er novembre lorsque la nouvelle loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme est entrée en vigueur, après son adoption par le parlement en octobre.

En dépit des inquiétudes largement exprimées par les organisations de défense des droits humains, tant en France qu’à l’étranger, la loi incorpore dans le droit commun certains pouvoirs utilisés dans le cadre de l’état d’urgence. Certains de ces pouvoirs ont débouché sur de sérieux abus, comme le pouvoir de limiter les mouvements d’une personne considérée comme une menace à la sécurité nationale à une zone géographique déterminée, et celui de procéder à des perquisitions sans autorisation judiciaire.

Le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) et une vaste coalition d’ONG ont critiqué la loi pour avoir accordé à l’exécutif le pouvoir de restreindre la liberté de culte, de réunion, de circulation, ainsi que le droit à la vie privée, sans garanties judiciaires suffisantes.

Un rapport du Défenseur des droits, publié en janvier, a confirmé les conclusions de la CNCDH publiées quelques mois plus tôt, selon lesquelles les jeunes hommes issus des minorités visibles étaient surreprésentés dans les contrôles de police et qu’ils avaient 20 fois plus de chance de se faire contrôler par la police que le reste de la population. La nouvelle loi sur la sécurité étend les pouvoirs de contrôle de la police, aux frontières et dans les zones frontalières, y compris dans les gares internationales, faisant craindre que le recours aux contrôles d’identité discriminatoires n’augmente.

Un rapport publié en avril par la CNCDH fait état d’une diminution de 44,7 % des incidents antisémites et antimusulmans en 2016 par rapport à 2015.

Selon les estimations, la région de Calais comptait en octobre entre 500 et 1 000 migrants, nombre qui inclurait jusqu’à 200 mineurs non accompagnés, malgré le démantèlement du sordide camp informel fin 2016. Le Défenseur des droits et les organisations locales ont dénoncé les conditions de vie déplorables des migrants dans cette zone, ainsi que le harcèlement et les abus policiers à l’encontre des migrants et des travailleurs humanitaires, concluant que ces actes avaient contribué à des « conditions de vie inhumaines ». Le rapport d’une enquête ordonnée par le ministre de l’Intérieur, publié en octobre, a établi que les forces de l’ordre avaient commis des abus à l’encontre des migrants à Calais.

En dépit de plusieurs décisions de justice, les autorités locales de Calais ont continué de faire obstacle au travail des associations humanitaires et ont refusé de fournir de l’eau et des sanitaires. Fin octobre, le gouvernement central avait ouvert quatre nouveaux centres d’accueil provisoires et mis en place des robinets, des toilettes et des douches.

Fin septembre, la France avait relocalisé 377 demandeurs d’asile depuis l’Italie et 4 091 depuis la Grèce.

Dans un rapport annuel publié en mars 2017, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a relevé que les femmes incarcérées rencontraient des difficultés « d’accès aux soins psychiatriques ».

En février, la France est devenue le premier membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU à adopter la Déclaration sur la sécurité dans les écoles.

Grèce

Un plan de la Commission européenne pour la Grèce datant de décembre 2016 recommandait des mesures plus dures visant à accroître le nombre de renvois de demandeurs d’asile vers la Turquie, notamment en affaiblissant les mécanismes de protection des groupes vulnérables, en étendant la rétention et en restreignant les droits de recours. La Grèce a dès lors accru sa capacité de rétention et forcé les personnes considérées comme « vulnérables » à rester sur les îles de la mer Égée jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur leur demande d’asile.

Malgré certaines avancées, l’accès à l’asile reste difficile et soumis à de longs délais, tandis que le taux peu élevé de reconnaissance du statut de réfugié sur les îles s’est avéré particulièrement préoccupant.

La politique adoptée dans le cadre de l’accord entre l’UE et la Turquie consistant à contenir les demandeurs d’asile sur les îles a réduit des milliers de personnes à vivre entassées dans des conditions effroyables, tout en privant la plupart d’entre elles d’un accès aux procédures d’asile appropriées ou à la protection accordée aux réfugiés.

Selon les données du HCR, en octobre, la Grèce continentale comptait plus de 46 000 demandeurs d’asile et migrants et les îles en comptaient 13 652.

Le fait que les autorités grecques n’aient pas correctement identifié les demandeurs d’asile vulnérables pour les transférer sur le continent a privé ces derniers d’un accès aux soins et aux services dont ils ont besoin.

Les politiques mises en place, les conditions, l’incertitude et la lenteur des prises de décisions ont contribué à la détérioration de la santé mentale de certains demandeurs d’asile et autres migrants sur les îles, tout en créant des tensions qui ont parfois dégénéré en violence.

La police grecque a été critiquée pour son usage excessif de la force à l’encontre des demandeurs d’asile lors d’une manifestation au hotspot de Lesbos en juillet, ainsi que pour les mauvais traitements infligés à certaines personnes arrêtées après les heurts qui se sont ensuivis. Une enquête était en cours au moment de la rédaction du présent rapport.

En septembre, le Conseil d’État a jugé que deux demandeurs d’asile syriens pouvaient être renvoyés en Turquie en toute sécurité sans que leurs requêtes n’aient été entendues, ouvrant ainsi la voie à des expulsions à grande échelle de Syriens dans le cadre de l’accord conclu par l’UE. L’impact plus large de cette décision n’avait pas encore été ressenti sur les îles à l’heure où ces lignes ont été écrites, et aucun demandeur d’asile n’avait été renvoyé au titre des conditions autorisées dans la décision.

Au 31 octobre, plus de 1 390 migrants avaient été expulsés vers la Turquie, après que leurs demandes eurent été rejetées sur le fond, ou parce qu’ils n’avaient pas déposé de demande d’asile ou avaient accepté de rentrer volontairement. En juin, le médiateur grec a ouvert une enquête sur des accusations de refoulements, y compris de ressortissants turcs, à la frontière terrestre gréco-turque.

Selon les estimations, 3 150 migrants mineurs non accompagnés étaient entrés en Grèce au 31 octobre. En juillet, le médiateur grec a dénoncé la rétention prolongée de mineurs non accompagnés aux postes de police et dans les camps de réfugiés en attente de leur placement dans des centres d’accueil saturés. Au moment de la rédaction du présent rapport, selon les estimations, 2 016 mineurs étaient en attente d’un placement dans un lieu d’hébergement approprié, dont 107 qui se trouvaient en rétention.

La Grèce a mis en place des cours préparatoires se tenant l’après-midi, visant à intégrer les demandeurs d’asile et migrants mineurs dans des écoles publiques en Grèce continentale, mais elle a omis d’étendre ce système aux centaines d’enfants se trouvant sur les îles. À l’heure où ont été écrites ces lignes, le Ministère de l’Éducation prévoyait d’étendre les cours aux enfants sur les îles, mais les programmes excluaient les mineurs de plus de 15 ans et ceux qui vivaient dans les camps.

Des groupes d’extrême droite ont régulièrement mené des attaques contre des demandeurs d’asile sur l’île de Chios. En avril, deux hommes ont été condamnés pour des infractions aggravées par des motivations racistes en lien avec les incidents.

Dans une décision historique rendue en mars, la CEDH a ordonné à la Grèce de verser quelque 600 000€ de dommages pour ne pas avoir protégé contre le travail forcé 42 cueilleurs de fraises migrants sur qui les contremaîtres de la ferme avaient tiré en 2013 alors qu’ils protestaient à propos de salaires non payés.

En septembre, le parlement a adopté une nouvelle loi sur la reconnaissance légale du genre, supprimant les exigences médicales prévues pour qu’une personne puisse légalement changer de genre.

Hongrie

La Hongrie a enregistré une diminution des demandes d’asile en 2017, avec, selon les chiffres du HCR, 3 035 demandeurs d’asile enregistrés durant les dix premiers mois de l’année, contre plus de 26 000 au cours de la même période en 2016. La plupart des demandeurs d’asile en 2017 provenaient d’Afghanistan, d’Irak et de Syrie.

Une loi adoptée en mars autorise la rétention automatique de tous les demandeurs d’asile, y compris des enfants de plus de 14 ans, dans deux zones de transit à la frontière de la Hongrie avec la Serbie pendant toute la durée de la procédure de demande d’asile. Outre de récentes modifications restrictives à la loi sur l’asile qui empêchent les demandeurs d’asile d’avoir accès à une procédure d’asile digne de ce nom, les autorités ont limité à 20 par jour le nombre d’entrées de demandeurs d’asile, laissant des milliers de personnes bloquées en Serbie dans des conditions déplorables.

En septembre, le Haut-Commissaire de l’ONU pour les réfugiés, Filippo Grande, a appelé la Hongrie à améliorer l’accès des demandeurs d’asile et à démanteler les zones de transit aux frontières.

La construction par la Hongrie d’une deuxième ligne de clôtures le long de sa frontière avec la Serbie en avril, ainsi que les refoulements violents ou autres formes de blocage des demandeurs d’asile à la frontière ont également contribué à la chute importante du nombre d’arrivées.

À la mi-novembre, selon le HCR, 455 demandeurs d’asile étaient retenus dans les deux zones de transit, y compris 243 enfants dont 19 mineurs non accompagnés.

Le gouvernement a entamé une campagne visant à discréditer les organisations de la société civile, en particulier celles financées par le philanthrope George Soros, les qualifiant de traîtresses payées par l’étranger, afin de salir la réputation de Soros lui-même.

En février, le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits de l’homme s’est inquiété de la stigmatisation permanente des défenseurs des droits humains par le gouvernement.

En avril, le gouvernement a promulgué une loi forçant toutes les organisations de la société civile qui bénéficient de financements étrangers de plus de 27 000$US par an à s’enregistrer auprès des autorités en tant qu’associations financées par l’étranger et à communiquer ce fait dans toutes leurs publications. Le non-respect de cette obligation entraîne une amende et pourrait déboucher à terme sur une radiation. À ce jour, plus de 200 organisations ont refusé de s’enregistrer alors que 20 se sont conformées à cette loi.

En août, un groupe composé de 23 organisations, comprenant d’importantes associations de défense des droits humains, a porté plainte devant la cour constitutionnelle, contestant la loi. La Commission européenne a engagé une procédure d’infraction contre la Hongrie en avril du fait de ladite loi.

Également en avril, le parlement a adopté une loi visant l’Université d’Europe centrale à Budapest, introduisant des conditions qui rendraient ses activités impossibles en Hongrie et porteraient atteinte à la liberté académique. La loi a déclenché un mouvement de protestation à Budapest et a suscité d’importantes critiques au niveau international, notamment de la part du Département d’État américain et de la Commission européenne, laquelle a par ailleurs engagé une procédure d’infraction à l’encontre de la Hongrie.

En mai, le Parlement européen a adopté une résolution qui qualifie la situation des droits humains en Hongrie de risque clair de violation des valeurs de l’UE, appelant au lancement de la procédure prévue à l'article 7 du traité de l’UE.

De nombreux médias se trouvent sous le contrôle de l’État ou appartiennent à des personnes entretenant des liens étroits avec le gouvernement. En septembre, une publication en ligne pro-gouvernementale, 888.hu, a publié une liste reprenant le nom de huit journalistes, les accusant d’être porteurs d’un projet étranger parrainé par Soros.

Les Roms ont continué de faire l’objet de discrimination dans les domaines du logement, de l’éducation et du service public de soins de santé. En mai, la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction à l’encontre de la Hongrie pour discrimination récurrente envers les enfants roms dans le système scolaire.

Dans un rapport présenté au Conseil des droits de l’homme en juin, le Groupe de travail de l’ONU chargé de la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et dans la pratique a mis en évidence la question de la violence domestique en Hongrie et il a instamment demandé aux autorités de ratifier la Convention d’Istanbul et d’améliorer la formation des forces de l’ordre.

En juin, la cour d’appel de Budapest a ordonné un nouveau procès pour un Syrien condamné à 10 ans de prison pour terrorisme en novembre 2016, pour avoir jeté des pierres au cours d’affrontements ayant eu lieu à la frontière serbo-croate en 2015 entre les forces de sécurité hongroises et des migrants et demandeurs d’asile.

Italie

Selon le HCR, plus de 114 000 migrants et demandeurs d’asile avaient rejoint l’Italie par la mer à la mi-novembre, mettant à rude épreuve le système d’accueil du pays. Le gouvernement a adopté des politiques plus sévères sur fond de débat politique toxique sur la migration.

Au cours des sept premiers mois de l’année, le nombre de nouvelles demandes d’asile a presque doublé par rapport à 2016, et les autorités ont octroyé une certaine forme de protection dans 43 % des cas. La majorité des demandeurs ont reçu un permis de séjour humanitaire temporaire, notamment pour avoir subi des mauvais traitements en tant que migrants en Libye.

En février, le gouvernement a introduit des mesures visant à accélérer la procédure d’asile, notamment en limitant les recours contre les décisions négatives. Il a également annoncé l’intention d’ouvrir de nouveaux centres de rétention pour migrants à travers le pays.

Le gouvernement central a rencontré des problèmes pour pouvoir héberger les demandeurs d’asile à travers tout le pays, bon nombre de communautés refusant les centres d’accueil sur leur territoire. De nombreux centres d’accueil n’offrent pas de soins ni de soutien aux victimes de violences sexuelles ou d’autres violences traumatisantes. L’absence de soutien sur le long terme de l’Italie aux personnes bénéficiant d’une protection internationale s’est révélée au grand jour en août dernier, lorsque la police a violemment expulsé des centaines de réfugiés érythréens sans abri d’un bâtiment qu’ils occupaient à Rome.

Les enfants ont représenté 15 % des nouvelles arrivées et beaucoup d’entre eux voyageaient seuls. En mars, le parlement a adopté une loi visant à renforcer les protections offertes aux enfants non accompagnés, notamment en privilégiant leur placement au sein de familles d’accueil plutôt qu’en institution et en veillant à ce qu’un tuteur légal soit désigné pour chaque enfant.

Une proposition gouvernementale ayant pour but de faciliter l’octroi de la nationalité aux personnes nées en Italie s’est heurtée à une vive opposition et demeurait bloquée au parlement à l’heure où ont été écrites ces lignes.

En juillet, le parlement a adopté une loi érigeant enfin la torture en infraction pénale, mais la définition adoptée et le délai de prescription ne répondent pas aux normes internationales.

En septembre, le Comité du Conseil de l’Europe pour la prévention de la torture a publié un rapport qui appelle les autorités à remédier au problème de surpopulation carcérale et aux conditions pénitentiaires et à améliorer la qualité des enquêtes sur les mauvais traitements présumés infligés par des agents des forces de l’ordre.

En juillet, la Comité des droits des femmes de l’ONU a recommandé l’adoption de mesures plus rigoureuses contre la violence basée sur le genre, notamment une amélioration de l’identification et de la protection dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile et la mise en place de mécanismes appropriés contre la traite.

Lettonie

En 2017, la Lettonie a fait peu de progrès en ce qui concerne la réduction de sa population apatride qui, selon le HCR, était de 242 736 personnes fin 2016. Les apatrides, dont la plupart sont des personnes d’origine russe, ne jouissent pas pleinement de leurs droits politiques et continuent de faire l’objet de discrimination sociale et économique. Il leur est également impossible d’entreprendre certaines carrières dans la fonction publique, parmi d’autres professions, et leurs droits à la propriété sont restreints.

En septembre, le parlement a rejeté des amendements à la loi lettonne sur la citoyenneté, présentés par le président du pays en début de mois, qui permettraient à tous les enfants nés en Lettonie de recevoir automatiquement la nationalité lettonne, à moins que leurs parents ne demandent une dérogation ou qu’ils n’aient déjà une autre nationalité. En vertu de la législation actuelle, les non-Lettons peuvent enregistrer leurs enfants en tant que citoyens lettons, mais ce processus n’est pas automatique.

Le Centre linguistique d’État letton continue de sanctionner les personnes qui n’utilisent pas le letton dans leurs communications professionnelles. Au cours de l’année 2016, le centre a infligé 160 avertissements et amendes, soit une forte diminution par rapport à l’année précédente. Pour la deuxième année consécutive, le maire de Riga figurait parmi les personnes condamnées à une amende.

En décembre 2016, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muižnieks, a publié des recommandations à la suite de sa visite effectuée en Lettonie en septembre 2016, appelant les autorités lettonnes à garantir une plus grande protection aux femmes, aux enfants et aux personnes LGBT. La Lettonie doit encore ratifier la Convention d’Istanbul, qu’elle a signée en 2016.

Fin septembre, la Lettonie avait accepté un total de 321 demandeurs d’asile se trouvant en Italie et en Grèce, dans le cadre du programme de relocalisation de l’UE.

Pays-Bas

La rhétorique anti-migrants et anti-musulmans a imprégné les programmes électoraux des partis traditionnels lors de la campagne pour l’élection générale de mars. Le premier ministre en exercice a publié une lettre ouverte aux électeurs, disant aux immigrés qui n’acceptent pas les valeurs néerlandaises « de se comporter normalement ou de partir ».

Le soutien conditionnel et limité dans le temps apporté par le gouvernement néerlandais aux demandeurs d’asile déboutés continue de susciter des inquiétudes. En juillet, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU a critiqué une loi qui subordonne l’accès des demandeurs d’asile déboutés au logement, à l’éducation et à l’aide sociale à leur « volonté manifeste de retourner dans leur pays d’origine ».

En 2017, l’Agence centrale pour l’accueil des demandeurs d’asile (COA) a réduit sa capacité d’hébergement de 48 700 à 31 000 places et a fermé 45 centres, affirmant que cela reflétait une diminution du nombre de demandeurs d’asile.

En mars, de nouveaux pouvoirs antiterroristes sont entrés en vigueur, autorisant les autorités à imposer des restrictions aux personnes soupçonnées d’implication dans des activités terroristes, comme l’obligation de pointer au commissariat, la limitation de leur liberté de circulation à un certain périmètre géographique, l’interdiction d’avoir des contacts avec certaines personnes et l’interdiction de quitter le pays, et étendant par ailleurs le pouvoir de déchoir de leur nationalité les ressortissants néerlandais dès l’âge de 16 ans lorsqu’ils se trouvent à l’étranger et sont soupçonnés d’avoir rejoint un groupe terroriste. En août, le ministre de la Justice par intérim a confirmé que le pouvoir de déchoir de la nationalité néerlandaise une personne reconnue coupable d’une infraction terroriste avait été utilisé pour la première fois.

En juillet, le parlement a franchi le dernier pas vers l’adoption d’une nouvelle loi radicale sur la surveillance, malgré les nombreuses critiques lui reprochant de violer le droit à la vie privée. Les associations nationales de défense des droits humains ont qualifié d’inadéquat l’organe créé par la loi pour superviser l’exercice des vastes pouvoirs conférés aux services de renseignement pour intercepter les communications.

Pologne

Le gouvernement a continué de mettre à mal l’État de droit et la protection des droits humains tout au long de l’année.

Tirant profit de sa majorité parlementaire, le gouvernement a introduit en juillet une série de lois menaçant l’indépendance du système judiciaire et l’État de droit. L’une de ces lois octroierait au ministre de la Justice le pouvoir de contrôler la nomination des juges. Une deuxième, approuvée le même mois, démettrait de leurs fonctions tous les juges siégeant à la cour suprême, à l’exception de ceux choisis par le gouvernement, ce qui, combiné à son pouvoir de nommer les juges, lui assurerait le contrôle de la cour.

Suite aux fortes critiques internationales, le président polonais a apposé son veto à ces deux lois et soumis ses propres propositions au parlement, lesquelles ne garantissent pas non plus l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le président a signé une troisième loi octroyant au ministre de la Justice le pouvoir de nommer les présidents des juridictions inférieures, d’abaisser l’âge de la retraite des juges et de démettre de ses fonctions le président de tout tribunal.

Les efforts visant à miner l’indépendance du pouvoir judiciaire se sont heurtés à une vive opposition au niveau international, notamment celle de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), du Conseil de l’Europe et du rapporteur spécial de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats.

La Commission européenne a engagé une procédure d’infraction à l’encontre de la Pologne en juillet au sujet de la loi sur les juridictions de droit commun. Elle a également formulé des recommandations complémentaires au titre du cadre pour l’État de droit et exprimé sa volonté de déclencher l’article 7 du Traité de l’UE si les autorités polonaises ne remédiaient pas à ces préoccupations. Les États membres de l’UE ont débattu de l’État de droit en Pologne à deux reprises cette année au Conseil des affaires générales, beaucoup exprimant leur soutien aux efforts de la commission mais sans que le conseil ne parvienne à une conclusion définitive. En novembre, le Parlement européen a adopté une résolution sur la Pologne afin de prendre les dispositions nécessaires pour que le parlement introduise officiellement une requête auprès du conseil aux fins de déclencher l’article 7 par rapport à la Pologne.

En septembre, le parlement polonais a adopté une loi aux effets préjudiciables pour les organisations de la société civile. Elle met en place un organe contrôlé par le gouvernement, chargé de superviser la répartition des fonds publics alloués aux ONG. Avant cette adoption, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE avait exprimé ses préoccupations au sujet de cette loi et prié instamment les législateurs de prévoir des garde-fous limitant l’ingérence du gouvernement dans le travail dudit organe. Les ONG financées par l’État qui travaillent sur les questions de l’asile et de la migration, des droits des femmes et des droits des LGBT ont fait état de difficultés et de retards au cours de l’année pour avoir accès aux fonds publics qui leur sont alloués.

Les demandeurs d’asile, pour la plupart originaires de la république russe de Tchétchénie et d’Asie centrale, qui sont arrivés au poste frontalier entre la Pologne et la Biélorussie, se sont systématiquement vu refuser le droit d’accès à la procédure d’asile polonaise et ont été sommairement refoulés vers la Biélorussie. Les autorités polonaises ont, à cinq reprises en 2017, ignoré les ordres contraignants de la CEDH leur enjoignant de prendre des mesures provisoires pour suspendre les renvois de demandeurs d’asile vers la Biélorussie.

En juin, le parlement polonais a adopté une loi restreignant l’accès à la contraception d’urgence, même dans les cas de viol.

Royaume-Uni

Plus de six mois après que le gouvernement eut officiellement enclenché le Brexit, de graves inquiétudes demeuraient quant à ce qu’il adviendrait, après la sortie du Royaume-Uni de l’UE, des droits et garanties qui découlent de la législation de l’UE et dont jouissent tous les résidents du Royaume-Uni. Un projet de loi visant à enlever la législation de l’UE du droit interne après le Brexit suscite une réelle préoccupation en raison des vastes pouvoirs qui pourraient être conférés à l’exécutif pour modifier des lois, sapant les droits sans aucun contrôle parlementaire, et excluant des droits aujourd’hui protégés en vertu de la Charte des droits fondamentaux de l’UE.

En juin, un incendie a détruit une tour d’habitation de Londres qui comptait une proportion importante de logements sociaux, soulevant des questions troublantes sur l’accomplissement, par l’État, de son devoir de garantir un logement sûr et adéquat. Soixante-et-onze personnes sont décédées et des centaines d’autres se sont retrouvées sans abri. Le gouvernement a mis sur pied une commission d’enquête chargée d’étudier les circonstances immédiates autour de l’incendie.

En dépit des accusations d’atteintes graves aux droits humains dans les centres de rétention pour migrants, le Royaume-Uni a persisté à ne pas imposer de durée maximale de rétention et a continué de maintenir en rétention des migrants et demandeurs d’asile mineurs.

En juin, le Royaume-Uni avait relocalisé 8 535 Syriens, remplissant une partie de son engagement à relocaliser 20 000 personnes d’ici 2020. Indépendamment de cela, en avril, le gouvernement est revenu sur la décision très critiquée qu’il avait prise en février de mettre un frein à un programme permettant de faire venir de pays européens au Royaume-Uni des demandeurs d’asile mineurs non accompagnés sans liens familiaux.

Aucune nouvelle législation antiterroriste n’a été proposée en réaction aux attentats perpétrés à Londres, à Manchester et en Irlande du Nord qui ont fait 36 morts et plus de 250 blessés. Les trois attaques qui ont causé le plus grand nombre de victimes ont été inspirées ou revendiquées par l’État islamique. Le gouvernement a invoqué ces attentats pour expliquer les pressions qu’il s’est employé à exercer sur les entreprises du web afin qu’elles suppriment les contenus jugés extrémistes.

Une affaire portée devant la CEDH sur les implications pour la vie privée de l’interception massive de communications et données demeurait en instance au moment de la rédaction du présent rapport.

L’Équipe d’enquête sur les allégations historiques relatives à l’Irak, organe créé pour enquêter sur les exactions que pourraient avoir commises les forces armées britanniques contre des civils en Irak entre 2003 et juillet 2009, a été dissoute par le gouvernement en juin 2017. L’examen préliminaire conduit par le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale sur les crimes de guerre présumés commis par le personnel britannique en Irak reste ouvert.

Bien que l’accès à l’avortement soit toujours restreint en Irlande du Nord, en juin, le ministre britannique de la Santé a annoncé que les femmes et les filles de la région qui se rendent en Angleterre chaque année pour avoir accès aux services d’avortement ne devraient plus avoir à payer pour le faire.

Politique étrangère

Alors que l’Union européenne et ses États membres continuaient d’affirmer leur attachement aux droits humains, leurs initiatives en matière de politique étrangère ont souvent été mises à mal par d’autres intérêts nationaux, notamment la sécurité, le commerce et l’accès aux ressources naturelles ; le désir d’empêcher les réfugiés, les demandeurs d’asile et autres migrants de rejoindre l’Europe ; et l’incapacité du Service européen pour l’action extérieure de fournir un leadership moral dans le domaine des droits humains.

En avril, les ministres des Affaires extérieures de l’UE ont adopté une stratégie sur la Syrie prévoyant la justice pour les crimes de guerre, la libération de milliers de prisonniers, des clarifications au sujet des disparitions forcées, la levée des sièges, ainsi que la fin des attaques illicites et de l’utilisation d’armes illégales, mais sans qu’aucune mesure efficace ne soit prise par l’UE pour mettre en œuvre cette stratégie. Également en avril, l’UE a co-organisé une conférence de bailleurs de fonds internationaux pour assurer un soutien continu aux réfugiés et aux pays d’accueil de la région. L’UE et ses États membres sont devenus les plus importants bailleurs de fonds du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé d’enquêter sur les atrocités commises en Syrie.

Les États membres de l’UE ont appuyé la mise en place, par le Conseil de sécurité de l’ONU, d’un mécanisme pour les crimes perpétrés par l’État islamique en Irak, sans toutefois insister pour que l’Irak devienne membre de la Cour pénale internationale (CPI), laquelle aurait compétence pour les crimes commis par toutes les parties.

L’UE et ses États membres ont continué de dénoncer l’expansion des colonies israéliennes, les déplacements de Palestiniens et les démolitions de leurs habitations et autres structures en Cisjordanie occupée, les considérant comme des violations du droit international et comme un obstacle à une paix durable. Dans les États arabes du Golfe, l’UE n’a pas insisté publiquement sur la libération de nombreux défenseurs des droits humains emprisonnés, dont des ressortissants de l’UE et un lauréat du prix Sakharov.

L’UE a souvent gardé le silence face aux violations graves des droits humains dans des pays situés le long de la route migratoire de la Méditerranée, tels que l’Égypte, la Libye et le Soudan, tout en faisant participer ces pays aux efforts visant à enrayer les flux migratoires.

L’UE et ses États membres ont renforcé les liens diplomatiques et commerciaux avec l’Iran et sont restés de fervents partisans de l’accord sur le nucléaire iranien. L’UE et l’Iran ont également entamé des discussions en vue d’instaurer un dialogue Iran-UE sur les droits humains. Néanmoins, dans l’ensemble, l’UE et ses États membres n’ont pas exploité leur poids politique et économique pour faire pression afin que soient libérés les journalistes et les défenseurs des droits humains emprisonnés et pour que le pays mette en œuvre de véritables réformes en matière de droits humains.

L’UE s’est inquiétée à plusieurs reprises de l’arrestation de défenseurs des droits humains, de journalistes et de membres de l’opposition politique en Turquie. Alors que le Parlement européen avait réagi aux développements négatifs en Turquie en votant une réduction du financement préalable à l’adhésion, des désaccords sont survenus entre les États membres sur la voie à suivre.

En dépit de différends entre États membres, l’UE a publié plusieurs déclarations publiques déplorant les mesures répressives qui bafouent les droits humains en Russie et affichant son soutien à la communauté de défenseurs des droits humains aux abois.

L’UE n’a pas profité des pourparlers sur un nouvel accord de partenariat avec l’Azerbaïdjan pour obtenir des améliorations concrètes sur le plan des droits humains.

Au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, l’UE a pris les commandes en ce qui concerne la création, et ensuite l’extension du mandat d’une Mission d’enquête chargée d’investiguer et de faire rapport sur les exactions perpétrées dans l’État birman de Rakhine (Arakan). Les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont condamné les atrocités commises dans cet État et exhorté le gouvernement birman à coopérer avec la mission, insistant sur le droit des réfugiés rohingyas à rentrer chez eux, et ils ont réclamé que les responsables de violations graves des droits humains soient amenés à répondre de leurs actes. Toutefois, à l’heure où ces lignes ont été écrites, l’UE n’avait pas encore adopté de sanctions ciblées à l’encontre des officiers de l’armée birmane responsables de crimes contre l’humanité. L’UE et ses États membres ont été les plus importants bailleurs de fonds humanitaires destinés à assister les réfugiés rohingyas au Bangladesh.

En juin, la Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a appelé la Chine à autoriser le lauréat du Prix Nobel, Liu Xiaobo, malade en phase terminale, à se rendre à l’étranger en compagnie de son épouse afin d’y recevoir un traitement médical, mais son appel n’a pas été entendu. Plusieurs États membres de l’UE se sont fait l’écho de cet appel et l’Allemagne a profité du Sommet du G20 à Hambourg pour faire pression sur le président chinois afin qu’il laisse partir Liu Xiaobo, mais la Chine a refusé. Entre-temps, l’UE n’a pas sérieusement contesté la vaste campagne de répression menée en Chine contre les dissidents et la liberté d’expression.

L’UE et le Parlement européen ont condamné la répression de l’opposition politique et de la liberté des médias au Cambodge, ainsi que la décision de dissoudre le Parti du sauvetage national du Cambodge, et ils ont déclaré que le respect des droits humains était une « condition préalable pour que le Cambodge continue de bénéficier de l’initiative préférentielle de l’UE ‘Tout sauf les armes’ ».

La Commissaire européenne au commerce a exprimé son inquiétude par rapport à la campagne anti-drogue des Philippines qui inclut des exécutions extrajudiciaires de toxicomanes et de trafiquants présumés. Le Parlement européen a adopté une résolution dénonçant ces exactions et il a appelé à la libération de la sénatrice Leila de Lima, qui a reçu la visite d’une délégation de parlementaires européens.

L’UE et ses États membres ont dénoncé les atteintes aux droits humains au Venezuela et imposé un embargo sur les armes et le matériel pouvant être utilisés pour la répression dans le pays. Les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont également adopté un cadre juridique visant à imposer des sanctions punitives ciblées à l’encontre des individus responsables d’abus, mais au moment de la rédaction du présent rapport, ils n’avaient placé aucun nom de personnes sur leur liste de personnes sanctionnées. Le Parlement européen a décerné le Prix Sakharov 2017 à l’opposition démocratique et aux prisonniers politiques du Venezuela.