Skip to main content

Rapport de Human Rights Watch soumis au Comité des droits de l’enfant de l’ONU concernant le Rwanda

83e groupe de travail pré-session, 2019

Ce rapport se concentre sur la question de la protection des enfants en détention et de la protection des étudiants, des enseignants et des écoles pendant les conflits armés.

Détention et mauvais traitements des enfants (articles 19 et 37)

Depuis 2006, Human Rights Watch documente la détention et les mauvais traitements des enfants au centre de transit de Gikondo, où des enfants vivant ou travaillant dans la rue, des vendeurs ambulants, des travailleurs du sexe, des sans-abri, des personnes suspectées de petite délinquance ou d’infractions graves et d’autres personnes supposées faire partie de ces groupes ont été détenus.[1] Pour un rapport en 2015, Human Rights Watch a interrogé 57 anciens détenus qui avaient été enfermés à Gikondo entre 2011 et 2015 : 27 hommes et garçons et 30 femmes et filles. Dix garçons et trois filles étaient âgés de 18 ans ou moins au moment des entretiens ; le plus jeune avait 13 ans. Pour un rapport en 2016, Human Rights Watch a interrogé 43 anciens détenus de Gikondo et de trois autres centres de transit dans d’autres régions du Rwanda : Muhanga (district de Muhanga), Mbazi (district de Huye) et Mudende (district de Rubavu).[2] Cela incluait des entretiens avec 13 enfants âgés de 10 à 17 ans, qui avaient été détenus à Muhanga et à Mbazi, entre juin 2015 et mai 2016.

En février 2019, Human Rights Watch s’est entretenu avec six enfants récemment libérés du centre de transit de Gikondo et a confirmé que les mauvais traitements et les conditions de détention décrits dans ses rapports précédents, y compris des passages à tabac, d’autres mauvais traitements et des arrestations apparemment arbitraires, sont toujours d’actualité.[3]

Centre de transit de Gikondo

Bien que les représentants du gouvernement rwandais désignent le centre sous le nom de centre de transit de Gikondo,[4] Gikondo est utilisé comme un centre de détention depuis 2005 au moins.[5]

Gikondo a été fermé temporairement en 2006, mais il a été rouvert en 2007.[6] Les conditions à Gikondo se sont dégradées entre 2006 et 2015 alors qu’un nombre accru de personnes y ont été illégalement détenues et ont subi des abus humiliants dans un environnement rude. En août 2014, le bureau du maire de Kigali et la Commission nationale pour les enfants ont annoncé lors d’une réunion que les enfants ne resteraient pas au centre de transit de Gikondo et que si un enfant y arrivait, « l’enfant doit immédiatement être envoyé dans un autre endroit plus approprié ».[7] Cette décision opportune était une reconnaissance du fait que les enfants n’avaient pas leur place dans cet établissement. Cependant, au cours des recherches menées pour son rapport de 2016, Human Rights Watch a été informé que des enfants étaient toujours détenus à Gikondo et dans d’autres centres de transit dans le pays et, sur la base des conversations avec des enfants en 2019, Human Rights Watch a confirmé que des enfants sont toujours détenus à Gikondo et y font l’objet de mauvais traitements.

Conditions de détention
Les rafles par la police de personnes indigentes dans les rues de Kigali sont souvent la première étape vers une détention illégale et des traitements inhumains et dégradants à Gikondo. Le caractère arbitraire des arrestations est cohérent avec l’absence totale de respect des procédures régulières qui se poursuit une fois que les personnes sont détenues à Gikondo.[8] Les enfants sont souvent arrêtés par la police et passent plusieurs jours en détention sans chef d’inculpation avant d’être envoyés à Gikondo.

Lors d’entretiens en 2015 et 2016, d’anciens détenus de Gikondo ont expliqué à Human Rights Watch que jusqu’à 800 personnes à la fois pouvaient être détenues dans le centre, dans plusieurs grandes salles. Certains ont indiqué que jusqu’à 400 détenus pouvaient être enfermés dans une seule salle. La durée de détention à Gikondo pouvait aller de quelques jours à plusieurs mois. Dans la plupart des cas documentés par Human Rights Watch, les enfants étaient détenus à Gikondo sans chef d’inculpation et sans avoir bénéficié d’une procédure régulière en violation de leurs droits.[9]

Les mauvais traitements et les passages à tabac de détenus par la police ou par d’autres détenus, agissant sur les ordres ou avec l’assentiment de la police, sont fréquents à Gikondo. D’anciens détenus ont parlé de passages à tabac récurrents pour des actes aussi insignifiants que parler trop fort ou ne pas faire la queue pour utiliser les toilettes.

Un garçon de 11 ans qui a été détenu à Gikondo en 2019 a raconté à Human Rights Watch comment il a été accusé d’être un vagabond et a été frappé. « Nous étions tous frappés », a-t-il expliqué. « Quand vous commettez une faute involontaire, vous pouvez recevoir plus de 20 coups sur les fesses avec un grand bâton. »[10]

Des détenus ont décrit à Human Rights Watch des conditions qui ne peuvent qu’être qualifiées de déplorables et dégradantes. Les détenus n’avaient pas accès aux ressources de première nécessité, comme un approvisionnement régulier et en quantité raisonnable de nourriture et d’eau potable, et étaient souvent enfermés dans des espaces exigus. Les détenus dormaient sur le sol, parfois sans matelas.[11]

Enfants en détention
Jusqu’à la fin de l’année 2014, les enfants représentaient une proportion significative des détenus à Gikondo. Les détenus ont parlé d’une salle où les enfants des rues, les vagabonds et les vendeurs ambulants sont enfermés ensemble. Entre 2011 et 2014, Human Rights Watch a documenté la présence d’adultes dans cette salle, avec les enfants.[12]

De plus, Human Rights Watch s’est entretenu avec six enfants âgés de 11 à 15 ans en février 2019 qui ont confirmé qu’ils avaient été détenus à Gikondo pendant des périodes allant de deux semaines à quatre mois. Certains n’ont été relâchés qu’en janvier 2019. Les conditions de détention qu’ils ont décrites restent proches de celles précédemment documentées.[13]

Enfants en bas âge détenus avec leurs mères
En 2015, Human Rights Watch a documenté comment de nombreuses femmes, en particulier des vendeuses ambulantes, ont été arrêtées avec leurs enfants en bas âge. Human Rights Watch a interrogé dix femmes qui ont été détenues à Gikondo avec leurs enfants en bas âge, dont certains avaient moins d’un an et les plus âgés avaient quatre ans.[14] Une femme qui a été détenue à Gikondo à quatre reprises a raconté à Human Rights Watch qu’à chaque fois, elle a dû garder sa fille la plus jeune avec elle, parce qu’il n’y avait personne pour s’occuper d’elle.[15] Des sources au Rwanda ont informé Human Rights Watch de cas de mères avec leurs jeunes enfants détenus à Gikondo en 2019.

Les conditions à Gikondo sont particulièrement inadaptées aux enfants en bas âge. D’anciens détenus ont indiqué à Human Rights Watch que même si les enfants en bas âge recevaient de la nourriture supplémentaire, la quantité n’était pas suffisante. On ne leur donnait pas de lait ni de nourriture pour bébé. Une ancienne détenue a raconté à Human Rights Watch : « Les enfants recevaient du porridge une fois par jour, mais il était mauvais et coupé à l’eau. Parfois, il n’y avait pas de porridge, donc on leur donnait l’eau de cuisson des haricots. »[16]

Les détenues avec des enfants en bas âge ou des bébés étaient souvent battues si leur enfant faisait ses besoins sur le sol. Les déjections d’enfant de détenue sur le sol étaient considérées comme un délit grave à Gikondo. Les détenus ont décrit ne pas avoir accès à l’eau dans la salle et être autorisés à quitter la salle pour utiliser les toilettes uniquement à heures fixes.

Libération de Gikondo
Certains enfants ont indiqué à Human Rights Watch qu’en général, la police au centre de détention les recensait avant de les libérer ; cependant, la plupart d’eux ont expliqué qu’on leur a simplement dit de partir. Certains anciens détenus ont raconté qu’ils ont été transférés vers des centres de réhabilitation, mais beaucoup ont été simplement libérés et sont retournés dans les rues après que la police a lu leurs noms sur une liste et leur a dit de partir.[17] Quelques-uns des enfants interrogés par Human Rights Watch en 2019 ont expliqué qu’ils ont été ramenés à l’endroit où ils avaient été arrêtés.[18]

Centres de transit à Mudende, Mbazi, Muhanga
D’après les recherches menées en 2016, la majorité des détenus enfants et adultes dans les centres de Mudende, Mbazi et Muhanga n’étaient pas autorisés à quitter leur salle, sauf pour aller aux toilettes deux fois par jour. Le plus souvent, la nourriture se limitait à une tasse de maïs par jour et plusieurs anciens détenus se sont plaints du manque d’eau potable et de l’impossibilité de se laver.

La plupart des 13 enfants interrogés par Human Rights Watch en 2016 ont expliqué qu’ils vivaient ou travaillaient dans la rue.[19] À Muhanga, les enfants étaient détenus dans le même centre que les adultes, alors qu’à Mbazi, ils étaient enfermés dans un bâtiment séparé, dans des conditions légèrement meilleures. Ils ont reçu une alimentation plus variée et en plus grande quantité et ils pouvaient se déplacer plus librement, mais des adultes qui visitaient la pièce des enfants ont dit que les enfants manquaient d’hygiène appropriée et ne recevaient aucune éducation.

La plupart ont indiqué avoir été arrêtés parce qu’ils ne pouvaient pas présenter de documents d’identité ou qu’ils étaient des vendeurs ambulants ou des enfants des rues. Deux garçons ont dit qu’ils s’étaient rendus au centre de transit de Mbazi volontairement, en quête d’une vie meilleure. L’un d’eux s’est enfui quelques jours après son arrivée. Un travailleur social a sorti l’autre garçon du centre, où il n’y avait pas d’activités, pour le placer à nouveau à l’école.[20]

Beaucoup ont signalé avoir été frappés. La plupart des enfants interrogés qui avaient séjourné à Muhanga ont raconté à Human Rights Watch qu’ils ont été battus par les policiers qui géraient le centre ou par d’autres détenus.

La réponse du gouvernement rwandais

En 2015 et 2016, la Commission nationale des droits de la personne ainsi que des membres du parlement rwandais ont confirmé certaines des conclusions de Human Rights Watch et ont approuvé une recommandation pour un cadre juridique actualisé pour tous les « centres de transit ».[21]

Nouveau cadre juridique pour Gikondo
Un mois après que Human Rights Watch a publié son rapport de 2015 sur le centre de transit de Gikondo, le Conseil de la ville de Kigali a adopté une nouvelle directive sur le Centre de transit de réhabilitation de Kigali – nom officiel du centre de transit de Gikondo – stipulant les objectifs et les procédures du centre.[22] La directive répertorie les droits de ceux qui sont conduits au centre, y compris le droit de ne pas être soumis à des sévices corporels, du harcèlement ou des discriminations, le droit à l’accès à l’hygiène et aux soins médicaux et le droit à des visites.

Cependant, au lieu d’éliminer la détention arbitraire, la directive semble intégrer des pratiques de détention qui pourraient être en contradiction avec les obligations du Rwanda en matière de droits humains. La directive ne reflète pas les obligations du gouvernement de prendre en compte les besoins spécifiques des femmes et des enfants (y compris les nourrissons), comme cela est stipulé dans les normes et le droit internationaux. D’autre part, la directive n’interdit pas la détention d’enfants et d’adultes dans les mêmes installations ou ne mentionne pas de traitements spéciaux ou d’autres types d’établissements pour les femmes avec des nourrissons et des enfants en bas âge.

De plus, les conditions à l’intérieur de Gikondo n’ont pas changé fondamentalement depuis l’adoption de la directive. On note quelques progrès concernant la santé et l’hygiène, et il semble que les femmes ne sont plus frappées aussi régulièrement qu’avant, mais les recherches menées tout récemment, en janvier 2019, suggèrent que les conditions restent très mauvaises et que les enfants sont toujours détenus de manière arbitraire.[23]

Instauration du Service national de réhabilitation
Dans son rapport annuel de 2014-2015, la Commission nationale des droits de la personne a décrit ses visites dans 28 centres de transit au Rwanda. Elle a confirmé plusieurs problèmes dans les centres de transit, mais a conclu que les droits humains étaient respectés. Malgré son indépendance officielle, la commission exprime rarement des critiques fortes ou fondamentales vis-à-vis du bilan en matière de droits humains du gouvernement rwandais. En mars 2016, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a fait part de ses inquiétudes concernant la sélection des membres de la commission et son manque d’indépendance perçu.[24] Dans son rapport annuel de 2016-2017, la Commission nationale des droits de la personne a conclu que les 14 centres de transit qu’elle a surveillés entre octobre 2016 et février 2017 ont dans l’ensemble respecté les droits humains et que les détenus ont bénéficié du droit à des soins médicaux, à de la nourriture, à des visites et à un environnement sûr.[25]

Les rapports sur les centres de transit de la Commission nationale des droits de la personne devraient être considérés avec prudence, en raison du manque d’indépendance de la commission, mais pas seulement. D’anciens détenus de Gikondo ont indiqué que la police contrôlait étroitement les visites par des personnes extérieures et les préparaient à l’avance à donner une image artificiellement positive du centre.

Après que la commission a présenté son rapport au parlement en octobre 2015 et après une visite parlementaire dans 11 centres de transit, les membres du parlement ont été cités dans les médias en mars 2016 qualifiant les centres de transit de « prisons » et s’exprimant contre la détention prolongée, y compris des enfants.[26]

En mars 2016, l’Assemblée nationale a avalisé une recommandation de la Commission nationale des droits de la personne de réviser un arrêté ministériel sur les centres de réhabilitation pour enfants.[27] Le parlement rwandais a adopté une loi établissant le Service national de réhabilitation en mars 2017, qui spécifie qu’« un centre de réhabilitation ou de transit peut être créé pour accueillir [les hommes, les femmes ou les enfants], après avoir démontré que les locaux sont séparément réservés aux différentes catégories ».[28]

Un arrêté ministériel d’avril 2018 sur la mission, l’organisation et le fonctionnement des centres de transit a établi que les personnes « qui ont fait des actes ou qui présentent des comportements déviants » peuvent y être admises. L’arrêté définit les comportement déviants comme des « exercices ou mauvais comportements tels que la prostitution, l’usage des stupéfiants, la mendicité, le vagabondage, le commerce ambulant informel ou tout autre comportement qui porte atteinte au public ».[29] Il stipule qu’une « personne compétente » peut appréhender un individu sur cette base, que les hommes, les femmes, les enfants de sexe masculin et de sexe féminin devraient tous être placés dans des installations différentes et qu’une personne ne peut pas rester enfermée pendant plus de deux mois dans le centre de transit.[30] Un arrêté présidentiel de juin 2018 a instauré la création de trois centres de réhabilitation, dont le centre de réhabilitation de Gitagata où des enfants et des femmes peuvent être transférés pour des consultations psychologiques, des soins médicaux et des activités d’éducation.[31]

Certains des enfants interrogés par Human Rights Watch en février 2019 ont expliqué qu’ils ont été détenus au centre de transit de Gikondo pendant une durée allant jusqu’à quatre mois et avaient dormi dans la salle des adultes. Deux ont aussi mentionné qu’ils avaient été transférés au centre de réhabilitation de Gitagata depuis Gikondo.[32]

Redevabilité pour les abus à l’encontre d’enfants en détention
Malgré les promesses publiques du ministre de la Justice de mener des enquêtes et d’agir à partir des signalements d’éventuelles violations des droits humains, et malgré de multiples demandes d’informations, Human Rights Watch n’a pas connaissance d’enquête, de poursuite judiciaire ou d’autres actions entreprises par les autorités rwandaises concernant les abus dans les centres de transit.[33]

Dans ses observations finales de 2013 sur les troisième et quatrième rapports périodiques du Rwanda, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a noté que « les enfants en situation de vulnérabilité, tels que les enfants des rues et les enfants victimes de prostitution, continuent d’être considérés comme des délinquants et d’être incarcérés dans un centre de détention non officiel à Gikondo, dans de mauvaises conditions et sans inculpation ».[34] Ce Comité a demandé au gouvernement rwandais de « fermer définitivement tous les lieux de détention non officiels, notamment le centre de Gikondo, [de] mettre fin à la détention arbitraire d’enfants ayant besoin de protection... et [de] mener des enquêtes approfondies sur les cas de détention arbitraire, de mauvais traitements et de sévices d’autres types qui ont lieu dans les centres ».[35]

En réponse, le gouvernement rwandais a déclaré que « Gikondo est un centre de transit [qui] permet à la police de prendre en charge des enfants des rues en attendant que leurs parents viennent les récupérer avant de les diriger vers des centres de réintégration pour leur éducation ».[36]

Human Rights Watch recommande au Comité de :

• Demander au gouvernement rwandais quelles mesures ont été prises pour fermer définitivement tous les lieux de détention non officiels, pour mettre fin à la détention arbitraire des enfants et pour engager des enquêtes approfondies sur les actes de détention arbitraire, les mauvais traitements et d’autres abus qui ont lieu dans les centres.

• Demander au gouvernement rwandais de clarifier si les « comportements déviants » constituent un délit en vertu de la loi rwandaise, d’expliquer comment l’arrestation et la détention dans les centres de transit constituent une « mesure de dernier ressort » et comment la période maximale de détention de deux mois peut être considérée comme une « durée aussi brève que possible », conformément à ses obligations en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant.[37]

• Demander au gouvernement rwandais quelles mesures ont été prises pour garantir que l’application de la loi sur le Service national de réhabilitation est conforme aux normes internationales en matière de droits humains et qu’elle ne conduit pas à la détention illégale d’enfants.

• Appeler à une fermeture immédiate des lieux de détention non officiels, dont le centre de transit de Gikondo et exhorter les autorités rwandaises à mettre fin aux rafles, arrestations, détentions arbitraires et aux passages à tabac des enfants des rues.

• Encourager vivement les autorités rwandaises à traduire en justice, dans des procès équitables et crédibles, les membres de la police nationale rwandaise et les autres individus responsables de la détention illégale, des mauvais traitements et des autres abus contre les enfants dans tous les lieux de détention non officiels et officiels.

• Inciter le gouvernement à prendre des mesures pour lutter contre la discrimination et la stigmatisation des enfants des rues, des vagabonds et des mendiants et pour soutenir les personnes vulnérables sur le plan économique grâce à des programmes de protection sociale, à l’éducation et à la formation professionnelle fiable.

Protection de l’éducation pendant les conflits armés (articles 28, 38 et 39)

La Déclaration sur la sécurité dans les écoles est un engagement politique intergouvernemental qui offre aux pays l’opportunité d’exprimer un soutien politique en faveur de la protection des étudiants, des enseignants et des écoles en temps de conflits armés ;[38] de l’importance de la poursuite de l’éducation pendant les conflits armés ; et de la mise en œuvre des Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés.[39]

Le Rwanda déploie un nombre important de troupes de maintien de la paix dans le monde entier, y compris actuellement au Soudan, en République centrafricaine et au Soudan du Sud – des pays où l’utilisation militaire des écoles a été documentée comme un problème. En date de mars 2019, 84 pays ont approuvé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Le Rwanda n’a pas encore ratifié cette déclaration importante.

En janvier 2019, le Rwanda comptait 5 209 soldats participant aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Ces soldats ont l’obligation de se conformer au Manuel destiné aux bataillons d’infanterie des Nations Unies (2012) du Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU, qui prévoit que « les militaires ne doivent pas utiliser les écoles dans le cadre de leurs opérations ».[40]

De plus, la politique de protection de l’enfance de 2017 du Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU, du Département de l’appui aux missions et du Département des affaires politiques stipule que : « Les opérations de maintien de la paix des Nations Unies devraient éviter toute action qui empêche les enfants d’accéder à l’éducation, y compris l’utilisation des locaux scolaires. Cela s’applique tout particulièrement au personnel en uniforme. De plus ... le personnel des opérations de maintien de la paix des Nations Unies ne devrait en aucune circonstance se servir des écoles à des fins militaires. »[41]

Human Rights Watch recommande au Comité de :

• Demander au gouvernement rwandais s’il dispose de lois ou de politiques réglementant l’utilisation des écoles et des universités par ses forces armées à des fins militaires.

• Demander au gouvernement rwandais si les dispositions des Nations Unies interdisant l’utilisation des écoles par les forces de maintien de la paix sont incluses dans les formations pré-déploiement destinées aux forces rwandaises.

• Encourager le Rwanda à ratifier la Déclaration sur la sécurité dans les écoles et à adopter des mesures concrètes pour dissuader l’usage militaire des écoles, y compris en transposant les Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés dans les cadres stratégiques et opérationnels militaires nationaux.

 

[1] « “Balayés loin des regards” : Enfants de la rue détenus illégalement à Kigali, Rwanda », Human Rights Watch, mai 2006, hrw.org/french/backgrounder/2006/rwanda0506/rwanda0506fr.pdf et « “Pourquoi ne pas appeler cet endroit une prison ?” Détention illégale et mauvais traitements au Centre de transit de Gikondo au Rwanda », Human Rights Watch, 24 septembre 2015, https://www.hrw.org/fr/report/2015/09/23/pourquoi-ne-pas-appeler-cet-endroit-une-prison/detention-illegale-et-mauvais.

[2] « Rwanda : Enfermer les pauvres », Human Rights Watch, 21 juillet 2016, https://www.hrw.org/fr/news/2016/07/21/rwanda-enfermer-les-pauvres

[3] Entretiens téléphoniques de Human Rights Watch avec d’anciens détenus de Gikondo, Kigali, 25 février 2019.

[4] Un panneau indiquant « Centre de transit de réhabilitation de Kigali » a été installé devant le centre au milieu de l’année 2014. À la fin du mois de juillet 2015, le panneau était toujours là et un nouveau mur en béton était en cours de construction autour du centre.

[5] « “Balayés loin des regards” : Enfants de la rue détenus illégalement à Kigali, Rwanda », Human Rights Watch.

[6] Voir le Département d’État des États-Unis, Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail, « Country Report on Human Rights Practices, 2007: Rwanda », 11 mars 2008, http://www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/2007/100499.htm (consulté le 4 mars 2019).

[7] « Minutes of the meeting of 18/08/2014 in Kigali on the problem of street children and the program to remove the Transit Center in Gikondo dated 20/08/2014 », document consigné dans les dossiers de Human Rights Watch.

[9] Jusqu’en 2018, le vagabondage et la mendicité étaient des délits en vertu du Code pénal de 2012. L’article 198 du Code de procédure pénale de 2013 stipule que : « Un mineur de moins de quatorze (14) ans ne peut pas être poursuivi. Un mineur de quatorze (14) ans accomplis qui est poursuivi pour infraction ne peut pas être placé dans les mêmes maisons d’arrêt que des personnes adultes. Toutefois, pour des raisons exceptionnelles, un mineur âgé de douze (12) à quatorze (14) ans pour lequel il existe d’indices [sic] sérieux de croire qu’il a commis une infraction peut, pour des raisons d’enquêtes, être placé en détention par la police judicaire [sic] dans un délai ne dépassant pas soixante-douze (72) heures. Cette mesure est uniquement prise lorsque l’infraction poursuivie est punissable d’un emprisonnement d’au moins cinq (5) ans. »

[10] Entretiens téléphoniques de Human Rights Watch avec d’anciens détenus de Gikondo, Kigali, 25 février 2019.

[11] « “Pourquoi ne pas appeler cet endroit une prison ?” Détention illégale et mauvais traitements au Centre de transit de Gikondo au Rwanda », Human Rights Watch.

[12] Idem.

[13] Entretiens téléphoniques de Human Rights Watch avec d’anciens détenus de Gikondo, Kigali, 25 février 2019.

[14] Idem.

[15] Entretien de Human Rights Watch avec une ancienne détenue à Gikondo, Kigali, 16 février 2014.

[16] Entretien de Human Rights Watch avec une ancienne détenue à Gikondo, Kigali, 16 février 2014.

[17] Entretien de Human Rights Watch avec d’anciens détenus à Gikondo, Kigali, 9 décembre 2012, 13 janvier 2013 et 10 juin 2014.

[18] Entretiens téléphoniques de Human Rights Watch avec d’anciens détenus de Gikondo, Kigali, 25 février 2019.

[19] « Rwanda : Enfermer les pauvres », Human Rights Watch.

[20] Idem.

[21] Idem.

[22] Directive du Conseil de la ville de Kigali (N° 001/2015) concernant le Centre de transit de réhabilitation de Kigali, dans la Gazette officielle 44 bis le 2 novembre 2015, https://www.primature.gov.rw/fileadmin/user_upload/documents/Official%20Gazettes/2015%20Official%20Gazettes/Official_Gazette_no_44_bis_of_02.11.2015.pdf, p. 64 (consulté le 4 mars 2019).

[23] Entretiens téléphoniques de Human Rights Watch avec d’anciens détenus de Gikondo, Kigali, 25 février 2019.

[24] Comité des droits de l’homme des Nations Unies, Observations finales concernant le quatrième rapport périodique du Rwanda, 2 mai 2016, adoptées par le Comité lors de sa 116e session (7-31 mars 2016), https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CCPR%2fC%2fRWA%2fCO%2f4&Lang=en (consulté le 4 mars 2019).

[25] Commission nationale des droits de la personne, Rapport annuel d’activités, juillet 2016 – juillet 2017 (en anglais) http://cndp.org.rw/fileadmin/user_upload/Annual_Report_2016-2017.pdf, p. 10 (consulté le 7 mars 2019).

[26] « Give detention centres face lift, urge Rwanda MPs », The East African, 19 mars 2016, https://www.theeastafrican.co.ke/news/Give-detention-centres-face-lift--urge-Rwanda-MPs-/-/2558/3124850/-/item/0/-/undf2c/-/index.html (consulté le 4 mars 2019).

[27] « Rwanda : Enfermer les pauvres », Human Rights Watch.

[28] Loi N° 17/2017 du 28/04/2017 portant création du Service National de Réhabilitation et déterminant ses missions, son organisation et son fonctionnement, Article 32, https://www.primature.gov.rw/index.php?id=2&no_cache=1&tx_drblob_pi1%5BdownloadUid%5D=194 (consulté le 4 mars 2019).

[29] Arrêté ministériel N° 001/07.01 du 19/04/2018 déterminant la mission, l’organisation et le fonctionnement des centres de transit, Article 2.2 http://nrs.gov.rw/fileadmin/Laws_and_Regulations/Laws/Ministerial%20Order%20determining%20mission%2C%20organization%20and%20functioning%20of%20transit%20centers.pdf (consulté le 4 mars 2019).

Le vagabondage et la mendicité ont été précédemment criminalisés dans la loi organique N° 01/2012/Ol du 02/05/2012 portant Code pénal, Articles 687 - 692. Cependant, ils ont été supprimés de la loi N° 68/2018 du 30/08/2018 déterminant les infractions et les peines en général, qui a remplacé le Code pénal de 2012 en août 2018.

[30] Idem, Articles 8, 10 et 15.

[31] Arrêté présidentiel N° 100/01 du 02/06/2018 portant création d’un Centre de Réhabilitation de Gitagata, http://nrs.gov.rw/fileadmin/Laws_and_Regulations/Laws/Presidential%20Order%20establishing%20Iwawa%2C%20Gitagata%20and%20Nyamagabe%20Rehabilitation%20Centers%20.pdf (consulté le 4 mars 2019).

[32] Entretiens téléphoniques de Human Rights Watch avec d’anciens détenus de Gikondo, Kigali, 25 février 2019.

[33] « Rwanda : Enfermer les pauvres », Human Rights Watch.

[34] Comité des droits de l’enfant, « Observations finales concernant les troisième et quatrième rapports périodiques du Rwanda, adoptées par le Comité à sa soixante-troisième session (27 mai-14 juin 2013) », CRC/C/RWA/CO/3-4, 14 juin 2013, https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CRC/C/RWA/CO/3-4&Lang=En (consulté le 4 mars 2019), p. 19.

[35] Idem, p. 20.

[36] Written and Additional Updated Information in Response to the List of Issues Related to the Consideration of the Third and Fourth Periodic Report (CRC/C/RWA/3-4) Submitted by the Government of Rwanda to the Committee on the Rights of [the] Child, avril 2013, p. 23.

[37] Convention relative aux droits de l’enfant, Nations Unies, Article 37 (b) : « Nul enfant ne [peut être] privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible. »

[38] Déclaration sur la sécurité dans les écoles, 28 mai 2015, http://www.protectingeducation.org/sites/default/files/documents/fr_safe_schools_declaration.pdf (consulté le 12 mars 2019).

[39] Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés, 18 mars 2014, http://protectingeducation.org/sites/default/files/documents/guidelines_fr.pdf (consulté le 12 mars 2019).

[40] Manuel destiné aux bataillons d’infanterie des Nations Unies, 2012, section 2.13, « Les militaires ne doivent pas utiliser les écoles dans le cadre de leurs opérations ».

[41] Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Département de l’appui aux missions et Département des affaires politiques, « Protection des enfants dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU (Politique) », juin 2017.

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.