Nous soussignées organisations de la société civile, œuvrant en faveur de la justice pénale internationale et des droits humains, exprimons notre profonde déception vis-à-vis des actions des responsables sud-africains ayant permis au président soudanais Omar el-Béchir, accusé des crimes les plus graves, de quitter le pays au mépris d’une ordonnance du tribunal et des obligations juridiques internationales de l'Afrique du Sud. Nous saluons les efforts du Southern Africa Litigation Center (SALC), qui visaient à assurer que le gouvernement d'Afrique du Sud respecte ses obligations internationales en arrêtant el-Béchir.
Le président el-Béchir, accusé de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité dans le cadre du conflit au Darfour se trouvait en Afrique du Sud du 13 au 15 juin pour participer à un sommet de l'Union africaine. L’Afrique du Sud avait clairement l’obligation de l'arrêter, en vertu de deux mandats d'arrêt émis contre lui par la Cour pénale internationale (CPI) le 4 mars 2009 (pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité) et le 12 juillet 2010 (pour génocide).
L’Afrique du Sud est un État partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Conformément aux termes de ce traité imposant une coopération et collaboration à l’echelle internationale avec la
Le 13 juin, le juge président de la CPI Cuno Tarfusser a rendu une décision déclarant qu’ « il n’existe aucune ambiguïté ou incertitude quant à l'obligation incombant à la République d'Afrique du Sud d'arrêter et de remettre immédiatement Omar el-Béchir à la Cour, et que les autorités compétentes dans la République d'Afrique du Sud sont déjà au courant de cette obligation ».
Dans ce contexte, et parce que les autorités sud-africaines ne semblaient pas avoir l'intention de procéder à l'arrestation du président el-Béchir, le SALC a présenté une demande une fois qu’el-Béchir était en Afrique du Sud pour contraindre le gouvernement d'Afrique du Sud à s’acquitter de ses obligations légales d’arrêter el-Béchir et de le remettre à la CPI. Au cours de la procédure devant la Haute Cour de Pretoria, le juge Hans Fabricius a émis une ordonnance provisoire « obligeant les répondants à empêcher le président Omar el-Béchir de quitter le pays jusqu'à ce qu'une ordonnance soit rendue dans cette Cour » après que l'État se soit opposé à la demande du SALC.
Nous avons noté avec une profonde préoccupation des informations selon lesquelles, plutôt que d'arrêter le président el-Béchir, les autorités sud-africaines lui ont apparemment permis de quitter le pays au mépris de l'ordre émis par la Haute Cour de Pretoria. Ces actions présentent de graves conséquences pour l'indépendance de la justice en Afrique du Sud et démontrent un manque flagrant de respect pour l’État de droit et pour les droits des victimes du Darfour d'avoir accès à la justice.
Comme précisé par le juge de la CPI Cuno Tarfusser dans sa décision du 13 juin : « les immunités accordées à Omar el-Béchir en vertu du droit international et attachées à sa position en tant que chef d'État ont été implicitement révoquées par le Conseil de sécurité des Nations Unies par la résolution 1593 (2005) référant la situation du Darfour, au Soudan, au Procureur de la Cour, et que la République d'Afrique du Sud ne peut invoquer toute autre décision, notamment celle de l'Union africaine, prévoyant toute obligation à l'effet contraire. »
Les récentes mesures prises par l'Afrique du Sud risquent d'éroder la confiance de la population en l'administration de la justice en particulier parce qu'elles soulèvent des questions d'égalité devant la loi, la légitimité des tribunaux et des ordonnances de la cour comme étant contraignantes pour tous comme prévu dans l'article 165 (2), (4) et (5) de la Constitution de l'Afrique du Sud (1994), respectivement. Si des responsables de l'État peuvent ignorer impunément l'ordonnance provisoire de la Cour de Pretoria, qu’est-ce qui va les empêcher de saper les futures décisions de la Cour ? Telle est la question primordiale dans l'esprit d’un grand nombre de Sud-africains aujourd'hui.
Nous appelons les tribunaux d’Afrique du Sud à établir l’obligation de rendre des comptes et le gouvernement à mener une enquête indépendante sur les circonstances qui ont permis le départ du président el-Béchir au mépris de l'ordre de la Cour de Pretoria et d’un mandat d'arrêt international, ainsi qu’à la pleine coopération avec l’enquête de la Cour sur la question. Les personnes responsables doivent être traduites en justice rapidement, notamment pour outrage au tribunal. Nous demandons également à l'Assemblée des États parties à la CPI de prendre des mesures appropriées pour répondre au non-respect par l'Afrique du Sud et par d'autres États qui violent leurs obligations de coopération et d'assistance en vertu du Statut de la CPI. Nous appelons le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui sera informé par la Procureure de la CPI sur la situation au Darfour le 29 juin, à réaffirmer avec force l'obligation des États parties de dûment coopérer avec la CPI. Les membres du Conseil de sécurité, qui ont renvoyé la situation du Darfour devant la CPI, ont une responsabilité particulière de soutenir et de faciliter pleinement la poursuite des travaux du procureur.
Nous appelons également tant les gouvernements que les partis politiques à respecter l'espace accordé aux organisations de la société civile, conformément à la Constitution sud-africaine, afin de plaider dans les intérêts du public. Les questions de justice et de responsabilité sont poursuivies dans l'intérêt du public, et les organisations de la société civile ont un mandat qui justifie l'action lorsque les autorités gouvernementales agissent en violation des valeurs protégées par la Constitution. L’accès à la justice est un droit consacré par la Constitution et dont toute personne devrait pouvoir bénéficier.
Organisations signataires :
- Associação de Reintegração dos Jovens/Crianças na Vida Social, Angola
- Associação Justiça Paz e Democracia, Angola
- Missão de Beneficência Agropecuária do Kubango, Inclusão, Tecnologias e Ambiente, Angola
- Omunga Association, Angola
- DITSHWANELO – The Botswana Centre for Human Rights, Botswana
- Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale, Burundi
- Cameroon Coalition for the International Criminal Court, Cameroon
- Associação Caboverdiana de Mulheres Juristas, Cape Verde
- Coalition pour la Cour Pénale Internationale de la République Centrafricaine, Central African Republic
- Coalition Ivoirienne pour la Cour Pénale Internationale, Côte d’Ivoire
- Groupe de Travail sur les Instruments Internationaux de l’ONU, Côte d’Ivoire
- Observatoire Ivoirien des Droits de l’Homme, Côte d’Ivoire
- Réseau Equitas, Côte d’Ivoire
- Action Congolaise pour le Respect des Droits Humains, Democratic Republic of the Congo
- Club des Amis du Droit du Congo, Democratic Republic of the Congo
- Observatoire decentralize de la RADDHO pour la Région des Grands Lacs, Democratic Republic of the Congo
- Vision Sociale, Democratic Republic of the Congo
- Human Rights Concern, Eritrea
- African Centre for Democracy and Human Rights Studies, Gambia
- Africa Legal Aid, Ghana, Netherlands
- Media Foundation for West Africa, Ghana
- International Center for Policy and Conflict, Kenya
- International Commission of Jurists, Kenya
- Kenya Human Rights Commission, Kenya
- Kenyans for Peace with Truth and Justice, Kenya
- Transformation Resource Centre, Lesotho
- National Civil Society Council of Liberia, Liberia
- Centre for Human Rights and Rehabilitation, Malawi
- Centre for Human Rights Education, Advice and Assistance, Malawi
- Centre for the Development of People, Malawi
- Network of Religious Leaders Living with or Personally Affected by HIV and AIDS, Malawi
- Maphunziro Foundation, Malawi
- Coalition Malienne pour la Cour Pénale Internationale, Mali
- Femmes et Droits Humains, Mali
- Association Mauritanienne des Droits de l’Homme, Mauritania
- Associação, Mulher, Lei e Desenvolvimento, Mozambique
- Mulher e Lei Na Africa Austral/Women And Law in Southern Africa, Mozambique
- AIDS & Rights Alliance for Southern Africa, Namibia
- NamRights, Namibia
- Access to Justice, Nigeria
- Civil Resource Development and Documentation Centre, Nigeria
- Coalition for Eastern NGOs, Nigeria
- Legal Defence & Assistance Project, Nigeria
- National Coalition on Affirmative Action, Nigeria
- Nigerian Coalition for the International Criminal Court, Nigeria
- Socio-Economic Rights and Accountability Project, Nigeria
- West African Bar Association, Nigeria
- Women Advocates’ Research and Documentation Center, Nigeria
- Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme, Senegal
- African Center for Democratic Studies, Sierra Leone
- Centre for Accountability and Rule of Law, Sierra Leone
- Society for Democratic Initiatives, Sierra Leone
- Centre for Human Rights, University of Pretoria, South Africa
- Corruption Watch, South Africa
- Gay and Lesbian Network, South Africa
- Global Interfaith Network on Sex, Sexual Orientation, Gender Identity, and Expression, South Africa
- International Crime in Africa Programme, Institute for Security Studies, South Africa
- Human Rights Institute of South Africa, South Africa
- Khulumani Support Group, South Africa
- Ndifuna Ukwazi, South Africa
- Section27, South Africa
- Sonke Gender Justice, South Africa
- Street Law South Africa, South Africa
- New Sudan Council of Churches, South Sudan
- Voice for Change, South Sudan
- Darfur Bar Association, Sudan
- Children Education Society, Tanzania
- Kisarawe Paralegals Organization, Tanzania
- LGBT Voice, Tanzania
- Services Health & Development For People Living Positively HIV/AIDS, Tanzania
- Tanzania Human Rights Defenders Coalition, Tanzania
- Tanzania Network of Women Living with HIV and AIDS, Tanzania
- The Legal and Human Rights Centre, Tanzania
- African Centre for Justice and Peace Studies, Uganda
- African Freedom of Information Centre, Uganda
- Empowered at Dusk Women’s Association, Uganda
- Foundation for Human Rights Initiative, Uganda
- Human Rights Network, Uganda
- Initiative for Rural Development, Uganda
- Uganda Coalition for the International Criminal Court, Uganda
- Uganda Victims Foundation, Uganda
- Engender Rights Centre for Justice, Zambia
- Initiative for Civil Liberties, Zambia
- Southern Africa Centre for the Constructive Resolution of Disputes, Zambia
- Counselling Services Unit, Zimbabwe
- Research and Advocacy Unit, Zimbabwe
- Zimbabwe Human Rights Association, Zimbabwe
- Zimbabwe Human Rights NGO Forum, Zimbabwe
- Darfur Relief and Documentation Centre, Switzerland
- Sudan Zero Conflict, UK
- Waging Peace, UK
- Act for Sudan, USA
- Coalition for Darfur & Marginalized Sudan, USA
- Darfur Women Action Group, USA
- Dear Sudan, Love Marin, USA
- International Justice Project, USA
- Investors Against Genocide, USA
- Massachusetts Coalition to Save Darfur, USA
- Pittsburgh Darfur Emergency Coalition, USA
- San Francisco Bay Area Darfur Coalition, USA
- Sudan Unlimited, USA
- Coalition for the International Criminal Court
- Commonwealth Lawyers Association
- Commonwealth Legal Education Association
- Commonwealth Magistrates and Judges Association
- Fédération Internationale des Droits de l’Homme
- Human Rights Watch
- International Commission of Jurists
- Women’s International League for Peace and Freedom
Mise à jour le 10 juillet 2015, afin d’inclure de nouvelles organisations signataires.