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Les États-Unis s'en prennent à la Cour pénale internationale

La diatribe de John Bolton a été suscitée par la perspective d'une enquête de la CPI sur les crimes de guerre en Afghanistan

John Bolton, nommé Conseiller à la sécurité nationale de l'administration Trump en mars 2018, photographié en février 2017. © 2017 Reuters / Joshua Roberts
Hier, le Conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, John Bolton, a dénoncé dans un discours la Cour pénale internationale (CPI), annonçant que l'administration Trump ne coopérerait plus avec elle et proférant un certain nombre de menaces pour les cas où les enquêtes de la CPI viseraient des ressortissants américains, israéliens ou d'autres pays alliés.

De toutes les fanfaronnades prononcées hier par Bolton, la plus farfelue est la menace de poursuivre devant les tribunaux américains les juges et les procureurs de la CPI qui engageraient des actions en justice contre des Américains.

Sous l'administration du président George W. Bush, Bolton a été le principal acteur d'une campagne américaine coordonnée visant à saper la CPI, tribunal international créé en 2002 pour juger les auteurs des pires crimes internationaux. Ces efforts n'ont guère eu d'autre effet que d'éroder la crédibilité des États-Unis en matière de justice internationale et ont fait place petit à petit à une attitude plus positive de la part de Washington. En 2005, les États-Unis n'ont pas opposé leur veto à une saisine par le Conseil de sécurité de l'ONU du Bureau du procureur de la CPI afin qu'il ouvre une enquête sur des crimes commis au Darfour, au Soudan.

On se demande alors ce qui a bien pu motiver cette attaque très médiatisée contre la CPI, qui a immédiatement fait sauter le vernis des belles déclarations de l'administration Trump selon lesquelles elle serait attachée à ce que des comptes soient un jour rendus pour les graves crimes commis en Syrie et en Birmanie. Bolton a affirmé que les « prédictions les plus sombres » de l'administration Bush avaient été confirmées par la demande présentée en novembre dernier par la Procureure de la CPI d'ouvrir une enquête en Afghanistan. L'Afghanistan est un État partie à la CPI, ce qui signifie que la Cour est compétente pour enquêter sur des crimes de guerre prétendument commis dans ce pays, ce qui pourrait inclure ceux éventuellement commis par des militaires américains et par des agents de la CIA. La Procureure de la CPI envisage également d'ouvrir une enquête sur la situation en Palestine; la Palestine est également membre de la CPI. Dans son discours, Bolton a annoncé la décision de fermer le bureau du représentant de l'OLP à Washington pour son soutien à l'idée d'une enquête de la CPI sur de graves crimes commis en Palestine.

Dans ses déclarations, Bolton a décrit la CPI comme étant dépourvue d'un système fiable de freins et de contrepoids, mais la capacité d'agir de la CPI se heurte à d'importants obstacles. Bolton s'est montré dédaigneux de ce qui est, en réalité, un handicap clé de la CPI: c'est un tribunal de dernier ressort. Les pays peuvent éviter de faire l'objet de l'attention de la CPI en effectuant eux-mêmes des enquêtes crédibles et en engageant des actions judiciaires appropriées comme ils y sont tenus par le droit international. Or ce n'est pas ce que les États-Unis ont fait en Afghanistan, ni Israël en ce qui concerne Gaza et la Cisjordanie.

Les responsables de la CPI et les États parties sont peu susceptibles de se laisser intimider par le mépris de Bolton pour la Cour. Mais son discours a constitué un affront flagrant aux victimes d'atrocités qui cherchent à obtenir justice. La CPI a ses défauts, mais elle sert à adresser un puissant signal aux auteurs de graves crimes, ainsi qu'aux victimes, selon lequel obtenir réparation pour les pires exactions est possible. Les États membres de la CPI ont résisté aux menaces américaines sous l'administration Bush. Ils devraient faire de même cette fois-ci et dire clairement leur volonté de s'assurer que la CPI demeure la voie essentielle vers la justice dont le monde a absolument besoin.

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