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Demain, le Pape François sera à Bangui, la capitale de la République centrafricaine, où règne l’insécurité. Il a l’intention de se rendre dans l'enclave musulmane de Kilomètre 5 et d’y visiter sa mosquée centrale, nichée dans une des parties les plus dangereuses d'une ville déchirée par des violences sectaires. Si cette visite est confirmée, il s’agira d’un moment extraordinaire, la preuve que le respect des droits des chrétiens aussi bien que des musulmans est essentielle pour mettre fin aux violences.

Des hommes en train de prier à la mosquée centrale de Koudoukou, à Kilomètre 5. Près de 3000 personnes s’y sont réfugiés pour échapper aux attaques anti-Balaka en janvier 2014.  © 2014 Stichting Vluchteling/Joris Hentenaar

Je me suis rendu à Kilomètre 5 à plusieurs reprises au cours des deux dernières années. J’ai vu un quartier musulman vibrant de 122.000 habitants se réduire à une communauté isolée et vivant dans la peur d’environ 15.000 personnes après les attaques répétées de milices, principalement formées de chrétiens, connues sous le nom d’anti-Balaka. Beaucoup de jeunes hommes vivant dans l'enclave affirment être désormais lourdement armés et prêts à des représailles contre ceux qui s’en prennent aux musulmans, refusant de déléguer à qui que ce soit d’autre leur propre protection. Au cours des dernières semaines, une centaine de personnes, dont des femmes et des personnes âgées, ont été tuées.

En 2013, lors d'une de mes visites à Kilomètre 5, j’ai rencontré Muhammed (son nom a été changé). Son quartier a été envahi de rebelles musulmans de la Séléka, responsable du renversement du président de l’époque, François Bozizé. Ce groupe a régné par la force et la brutalité, particulièrement à l’encontre des chrétiens et d’autres. Muhammed n'a pas aimé ce qu'il a vu et s’est déclaré inquiet. Sachant que je travaillais sur les questions relatives aux droits humains, il m'a pris à part et confié: « Les choses finiront mal à Kilomètre 5. Nous ne soutenons pas ce qui se passe et nous devrons faire face aux conséquences ».

Muhammed avait raison. En décembre 2013, lorsque les anti-Balaka ont été formés en réaction à la Séléka, ils ont exercé des représailles contre tous les musulmans. Des milliers de victimes ont été faites des deux côtés à Bangui et dans d'autres régions du pays. Des centaines de milliers de musulmans ont fui, souvent vers les pays voisins. Ceux qui n’y sont pas parvenus ont cherché refuge dans des enclaves, dont celle de Kilomètre 5.

Il y a deux semaines, j’ai tenté de rendre de nouveau visite à Muhammed, mais nous avons dû rebrousser chemin, après nous être heurtés à un barrage dressé par des anti-Balaka menaçants qui ont pointé leurs armes sur nous. À la place, j’ai téléphoné à Muhammed. « Quand cela finira-t-il? », m’a-t-il dit avec frustration. « Les deux communautés souffrent des actes auxquels se livrent une poignée d’individus ». Je lui ai répondu que l'arrestation des responsables des violences et l’ouverture de poursuites judiciaires contre eux seraient un début. Il était d’accord avec moi.

J'espère que le Pape François fera écho à ce sentiment et qu’il demandera justice pour tous. Il n'y aura pas de paix durable en l’absence de justice et de nombreux citoyens de la République centrafricaine, chrétiens et musulmans, désespèrent de l’une comme de l’autre.

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