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« Avant que ta maison ne soit emportée par les flots, tu devrais la marier », a dit un voisin à la mère de Khushi. Khushi (le nom a été modifié) a dû quitter l’école récemment car sa famille ne pouvait plus payer les frais de scolarité. Ses parents ont arrangé un mariage et Khushi s’est mariée à l’âge de 13 ans, avant de partir vivre chez ses beaux-parents.

Lorsque Human Rights Watch s’est entretenu avec Khushi fin 2014, elle avait 16 ans. Elle vivait chez ses beaux-parents avec son mari et leur fils âgé d’un an et demi car la maison et le lopin de terre de ses beaux-parents avaient été détruits par l’érosion causée par la rivière. Khushi a trouvé cela difficile, de se marier. « J’étais très jeune donc je n’étais pas très patiente », a-t-elle expliqué. « Parfois, je ne laissais pas mon mari m’approcher et on se disputait. En plus, j’ai eu toute sorte de problèmes avec mon corps quand j’étais enceinte. »

Au moment de notre rencontre, sa préoccupation principale était qu’ils risquaient de perdre leur maison. La famille s’attendait en effet à ce que la maison des parents de Khushi soit également emportée par l’érosion d’ici un an ou deux. « J’ignore où Dieu veut nous mener », dit Khushi, « mais nous devrons nous y aller ».

Le Bangladesh est le pays au monde qui compte le plus de jeunes filles mariées avant l’âge de 15 ans – 29 % d’entre elles sont déjà mariées à cet âge. À 18 ans, alors qu’elles devraient être en train de passer leur diplôme de fin d’études secondaires, 65 % sont mariées.

Les jeunes filles pauvres au Bangladesh font face à une situation désastreuse : manque d’accès à l’éducation, indigence, pressions sociales - autant de facteurs qui conduisent au mariage précoce. Souvent, les familles pauvres ne peuvent assumer les frais de scolarité et pas même le coût des fournitures scolaires pour les enfants qui sont à l’école primaire où les frais de scolarité ont été supprimés. Les parents considèrent les filles prêtes pour le mariage une fois qu’elles ont quitté l’école.

Harcèlement sexuel

Les traditions favorisent le mariage précoce, en exigeant une dot moins élevée pour les jeunes filles ; parallèlement, les catastrophes naturelles enfoncent les familles encore davantage dans la pauvreté et les poussent à envisager le mariage de leurs filles. Parfois, elles sont la cause directe du mariage des enfants, comme dans le cas de Khushi. Au sein même de leur communauté, beaucoup de filles font face au harcèlement sexuel et parfois même à des menaces d’enlèvement. Face à l’inaction de la police, les parents voient dans le mariage un moyen de protéger leurs filles.

Plusieurs filles différentes, à différents endroits du pays, ont employé exactement les mêmes termes pour décrire la façon dont leur mariage précoce les avait affectées : « ma vie est détruite ».

C’est tragique, mais les recherches le confirment. Les filles risquent de graves problèmes de santé – dont la mort – du fait des grossesses précoces, risques qui affectent aussi leurs enfants. Elles ont plus de chances d’être victimes de violences domestiques et d’abus. Les histoires les plus terribles que nous avons recueillies sur les mariages d’enfants au Bangladesh sont celles de jeunes filles qui sont abandonnées par leurs maris et qui les supplient de les reprendre après avoir subi d’atroces abus, simplement parce qu’elles n’ont nulle part d’autre où aller. En outre, les filles qui se marient tôt voient leurs chances de rester scolarisées s’s'effondrer, et beaucoup d’enfants au Bangladesh quittent l’école avant le secondaire.

Le gouvernement du Bangladesh peut et doit faire davantage pour mettre fin aux mariages d’enfants. C’est ce qu’il faut faire du point de vue moral, mais aussi ce qui est légalement exigé par plusieurs conventions internationales que le Bangladesh a signées et qui impliquent de respecter les droits des enfants et de prévenir la discrimination à l’égard des femmes.

En 2014, Madame le premier ministre bangladeshi Sheikh Hasina a annoncé vouloir mettre fin au mariage des enfants de moins de 15 ans à l’horizon 2021, et réduire d’un tiers les mariages des jeunes ayant entre 15 et 18 ans dans le même temps. Elle a promis de durcir la loi qui criminalise déjà le mariage des enfants et de développer un plan national d’action visant à mettre fin à tous les mariages d’enfants de moins de 18 ans, un objectif qui doit être atteint pour 2041. Même si ces objectifs sont atteints, des enfants continueront de se marier pendant les 26 prochaines années, mais au moins le gouvernement bangladeshi semblait prêter attention à ce problème.

Pourtant, dans les mois qui ont suivi, le gouvernement de Sheikh Hasina a fait marche arrière et proposé d’abaisser l’âge légal du mariage pour les filles de 18 à 16 ans.

La France et le Bangladesh unis par des liens étroits

Notre pays est un bailleur de fonds important pour le Bangladesh : en 2013, la France a versé au Bangladesh plus de 50 millions d’euros d’aide au développement. Cette générosité fait de la France le huitième bailleur le plus important pour le Bangladesh. La France soutient le Bangladesh notamment dans les domaines de l’eau et des transports.

En intégrant dans ses programmes d’aide des actions visant spécifiquement à prévenir le mariage des enfants et à assister les jeunes filles mariées, l’Agence française de développement a la possibilité de contribuer à ce que la promesse du Bangladesh de mettre fin au mariage des enfants devienne réalité.

Plus important encore, le président Hollande et le gouvernement devraient profiter des liens étroits qui unissent la France et le Bangladesh pour exercer une pression politique sur le Bangladesh afin qu’il prenne davantage de mesures pour mettre fin au mariage des enfants.

Chaque jour qui passe, des jeunes filles bangladeshies sont mariées contre leur gré. La France a un rôle à jouer, et il serait honteux qu’elle ne le fasse pas.

 

 

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