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Syrie: Des femmes activistes emprisonnées et victimes d'abus

De nouveaux témoignages de femmes décrivent en détail les actes de torture et les abus commis par le gouvernement

(New York, le 24 juin 2013) – L'armée syrienne et les forces pro-gouvernementales connues sous le nom de shabiha ont emprisonné arbitrairement des femmes activistes de l'opposition, ainsi que d’autres dont les familles ou les voisins militent ou combattent pour celle-ci, et leur ont infligé dans de nombreux cas des actes de torture et des violences sexuelles, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.

Human Rights Watch s'est entretenu avec 10 femmes syriennes, qui ont été emprisonnées en raison de leur propre implication dans des activités liées à l'opposition au gouvernement, ou de celle de membres de leurs familles. Huit de ces femmes placées en détention étaient elles-même des activistes, et ont toutes affirmées que des membres des forces de sécurité et desshabihales avaient violentées ou torturées pendant qu’elles étaient emprisonnées. Parmi les abus, elles ont notamment subi des chocs électriques, ont été maintenues dans des positions douloureuses, et ont été frappé et torturées au moyen de barres de métal, de câbles et de matraques. Ces huit femmes avaient participé à des manifestations pacifiques, conçu des affiches pour des organisations de l'opposition, fourni aide humanitaire et assistance médicale aux personnes affectées par le conflit, transporté des déserteurs de l'armée syrienne, et aidé les Syriens déplacés. Toutes ont déclaré avoir été arrêtées par les forces de sécurité à un poste de contrôle, ou au cours d’une descente à leur domicile, et avoir été maintenues en détention jusqu'à près de 14 mois, entre février 2012 et avril 2013. Dans deux de ces cas, les femmes ont affirmé que leurs ravisseurs les avaient violées alors qu'elles étaient détenues à l'Unité des Renseignements militaires de Tartous, et à l'Unité des Renseignements aériens de Mezze, à Damas.

Human Rights Watch a également interviewée deux femmes qui ont été emprisonnées, et cinq qui ont subi des violences physiques de la part des forces gouvernementales, simplement parce que leurs proches ou leurs voisins étaient soupçonnés d'être liés à l'opposition. HumanRightsWatch n'a reçu aucune information relative à des cas de détention et de mauvais traitements infligées par les forces de l'opposition à des femmes militant pour le gouvernement ou dont les proches sont liées aux forces gouvernementales.

« Au-delà des échanges de tirs quotidiens, la voix des femmes a plaidé avec force pour l'opposition, dans les villages et les villes de toute la Syrie, » a affirmé Liesl Gerntholtz,directrice de la Division des droits des femmes chez Human Rights Watch.« En réaction, le gouvernement syrien punit les femmes qui fournissent de l'aide humanitaire, participent aux manifestations, et soutiennent l'opposition en leur infligeant détention, actes de torture, et agressions sexuelles. »

Les 10 anciennes détenues interviewées ont toutes été arrêtés et emprisonnées de façon arbitraire, selonHumanRightsWatch. Huit de ces femmes ont été placées en détention uniquement en raison d'activités liées au soutien qu'elles apportaient à l'opposition au gouvernement, notamment la participation à des manifestations pacifiques, la distribution d'aide humanitaire, et l'assistance aux déserteurs de l'armée syrienne et aux combattants de l'opposition blessés. Les anciennes détenues ont affirmé que les membres des forces de sécurité qui avaient procédé aux arrestations ne s'étaient pas identifiés, n'avaient pas fourni de motif juridique pour les arrestations, ni informé ces femmes des charges retenues contre elles. Ils ne leur ont pas dit où on les emmenait. Le droit international, comme stipulé par la Quatrième Convention de Genève et son Protocole Additionnel 1, protège le droit des civils à être immédiatement informé des motifs de leur arrestation, et à un procès juste et rapide. Une ancienne détenue a été maintenue environ trois mois en détention préventive, ce qui constitue une violation à la fois des normes juridiques internationales et de la législation adoptée par le gouvernement syrien en avril 2011, qui limite la détention sans contrôle judiciaireà 60 jours.

Les femmes ont rapporté des actes de torture au sein des centres de détention suivant : l'Unité de Tartous, l'Unité 215 à Damas et l'Unité de Daraa des Renseignements militaires, et la prison centrale d’Adra à Damas.HumanRightsWatch avait déjà rassemblé auparavant des informationssur l'utilisation de la torture par le gouvernement dans 27 centres de détention dans toute la Syrie, y compris ces structures.

Fatmeh(tous les noms ont été modifiés pour protéger les personnes interviewées), une activiste de 35 ans qui a aidé à transporter des déserteurs de l'armée syrienne de Homs à Deraa, a raconté àHumanRightsWatchqu'elle a été torturée tous les jours pendant deux semaines passées en détention à l'Unité 215 desRenseignements militaires de Damas, enmars 2012:

Un jour c'était avec de l'électricité, le lendemain leshabeh[être suspendue au plafond par les poignets, avec les pieds en l'air ou touchant à peine le sol].Les marques de torture sont toujours là. Avec l'électricité, je perdais conscience …[Ils] me frappaient sur les mollets, entre les cuisses et sur le dos. Ils m'ont torturée jusqu'à ce que des bleus apparaissent sur mon corps … Deux hommes m'ont emmenée et m'ont portée jusqu'aux toilettes parce que j'étais incapable de marcher.

Fatmeha été relâchée en mars 2013, après près de 14 mois de détention.

Les huit activistes interviewées parHumanRightsWatchont affirmé que les forces de sécurité les avaient emprisonnées en raison de leurs activités en faveur de l’opposition. Elles ont déclaré avoir été interrogées par les forces de sécurité sur leur propre implication au sein d'organisations de l’opposition, et qu'on leur avait demandé les noms et adresses ainsi que des informations sur les activités d'amis, de parents, et d'autres personnes soupçonnées de soutenir l'opposition. Nasrin,25 ans,a été arrêtée à Daraa en février 2012, alors qu'elle aidait à transporter un déserteur de l'armée syrienne. Elle a raconté àHumanRightsWatch que les personnes qui l'avaient interrogée l'avait questionnée sur l'identité d'un dirigeant de l’Armée syrienne libre de son village, et lui avait promis de la relâcher en échange du nom de celui-ci.

Six de ces femmes ont  dit que les autorités les avaient inculpées pour « terrorisme » ou « activités terroristes », mais les avaient relâchées après plusieurs mois de détention sans qu'il y ait eu de procédure en bonne et due forme – des juges ayant notamment refusé d'examiner leur dossier,  sur ordre des services de sécurité, et les ayant renvoyé de longues semaines en prison sans procédure d’instruction, ni jugement.

« La Sécurité Nationale a examiné votre dossier, et on ne peut rien faire, » a déclaré un juge de Damas à l'une de ces femmes. « Personne n'est autorisé à voir votre dossier. Vous ne pouvez pas être libérée par un juge. »  

Une conseillère juridiquede Damas a raconté à HumanRightsWatch qu'elle assiste actuellement 15 femmes détenues à la prison centrale d'Adra, suite à leur transfert depuis les centres de sécurité de gouvernorats comme Daraaet Damas:

La plupart de ces femmes ont été arrêtées pendant la révolution en raison de leurs propres activités – manifester, fournir de l'aide humanitaire ou médicale, ou même [simplement] être actives sur Internet ou Facebook … Elles sont accusées d'appuyer ou de travailler avec une organisation armée, comme terroristes – mais ce n'est pas vrai.

Elle a affirmé que selon ses clientes, environ 150 femmes sont actuellement détenues à Adra, un chiffre corroboré par deux anciennes détenues interviewées par HumanRightsWatch.En se fondant sur son travail auprès des femmes emprisonnées depuis le début du soulèvement syrien, la juriste pense que la majorité de ces femmes sont détenues en raison de leur participation politique et de leurs activités en soutien aux groupes de l'opposition. Le Centre d’Enquête sur les Violations en Syrie (Violations Documentation Center in Syria) estimeque le gouvernement syrien a emprisonné plus de 5400 femmes entre mars 2011et avril 2013; selon ce centre, 766 femmes et 34 filles de moins de dix-huit ans se trouveraient toujours dans les centres de détention du gouvernement.D'après le Réseau Syrien pour les Droits Humains (Syrian Network for Human Rights - SNHR), 24 femmes détenues ont été torturées à mortdepuis mars 2011. HumanRightsWatch n'est pas en mesure de vérifier de façon indépendante le nombre de femmes détenues ou de celles qui sont mortes en détention, parce que l'accès aux centres de détention lui est refusé en Syrie.

Deux des anciennes détenues ont rapporté àHumanRightsWatchque des membres des forces de sécurité et des gardiens de prison les avaient violées et leur avaient infligé des abus sexuels en détention. Amal,19 ans, a raconté à HumanRightsWatchavoir été violée deux fois:d'abord par un enquêteur et deux agentsen octobre 2012, à l'Unité des Renseignements militaires de Tartous,  puis une deuxième fois par deux agents à l'Unité 235 (Section Palestine) des Renseignements militaires à Damas, en novembre 2012. Maysa,30 ans, a raconté àHumanRightsWatch comment elle a été frappée, menacée de torture, et violée à deux reprises en juin 2012, par un agent de sécuritélorsqu'elle était détenue à la Division des enquêtes de la Direction des Renseignements aériens à Mezze, Damas. Suite au premier viol, Maysa a rapporté l'agression au commandant qui l'interrogeait. L'officier a giflé l'agresseur devant Maysa après qu'elle l'ait identifié comme l'auteur du viol, mais ne l'a pas démis de son poste. Maysa a raconté à Human Rights Watch que l'agresseur l'avait violée à nouveau le soir suivant. Deux autres fois, en juillet 2012, un gardien de prison du même centrea forcé Maysa à pratiquer des fellation sur lui. Le Brigadier-général Abdul Salam Fajr Mahmoud est le directeur de la Division des enquêtes de cette unité.

Human Rights Watch a précédemment identifié les emplacements, les agences impliquées, les méthodes de torture utilisées, et, pour nombre d'entre eux, les noms des commandants responsables de 27 centres de détention dirigés par les services de renseignement syriens, où l'organisation a enquêté sur des actes de torture. Human Rights Watcha étudié des modèles systématiques qui laissent entrevoir l'existence d'une politique d’État de torture et de mauvais traitements, ce qui constitue en conséquence un crime contre l'humanité. Human Rights Watcha également étudié auparavant l’utilisation de violences sexuelles par les forces de sécurité syriennes, contre des détenus hommes et femmes, et ce dans plus de 20 cas. La fréquence à laquelle les violences sexuelles sont utilisées en détention demeure incertaine, car les observateurs des droits humains n'ont pas accès aux centres de détention, et que de nombreuses victimes ont des réticences à se signaler, par crainte d’être stigmatisées ou de subir des représailles.

Human Rights Watch ne dispose pas de preuves indiquant que des officiers haut gradés aient ordonné à leurs soldats de commettre des violences sexuelles en détention, ou que celles-ci soient généralisées et systématiques dans les centres de détention du gouvernement. Cependant, les informations reçues par Human Rights Watch indiquent que les officiers en chef n'ont, dans la plupart des cas, rien fait pour enquêter ou pour punir les responsables d'actes de violence sexuelle, ou pour les empêcher de commettre de tels actes : cela en dépit des agressions qui ont eu lieu dans des circonstances telles que les commandants savaient, ou auraient dû savoir que ces crimes avaient lieu. Dans un des cas étudié par Human Rights Watch, où des officiers ont en apparence puni un agresseur par la violence physique – le cas de Maysa –, leurs actes se sont avéré inadaptés pour protéger la détenue des abus. Il n'y a dans aucune des affaires étudiées de preuves indiquant que les coupables ont été poursuivis pour leurs crimes.  

Human Rights Watch appelle à la libération immédiate de tous les activistes non-violentset de tous les prisonniers détenus arbitrairement, y compris celles et ceux qui sont en prison en raison de leurs activités dans l'opposition, ou des activités présumées de leurs proches. HumanRightsWatcha appelé à de nombreuses reprises le Conseil de sécurité des Nations Unies à exiger des autorités syriennes qu'elles autorisent l'accès sans restrictions des observateurs internationaux aux centres de détention,et notamment à la Commission d'enquête mandatée par le Conseil des Droits de l'Homme des NU. Des observateurs des droits humains expérimentés et internationalement reconnus doivent être autorisés à enquêter sur la détention arbitraire, les actes de torture et les abus sexuels subis par les hommes comme par les femmes, et ils doivent être outillés en ce sens. HumanRightsWatch renouvelle son appel au Conseil de sécurité des Nations Unies, l’enjoignant à renvoyer la Syrie devant la Cour Pénale Internationale (CPI), et presse les autres pays de plaider également en faveur de la responsabilité en soutenant le renvoi devant la CPI. Cette dernière est la structure la plus capable d'enquêter et de poursuivre efficacement ceux qui portent la plus grande part de responsabilité dans les exactions commises en Syrie.

Human Rights Watch continue à appeler toutes les organisations non-gouvernementales internationales, les bailleurs d'aide humanitaire, les Nations Unies et les organisations locales à développer, étendre et améliorer l'accès à l'aide médicale, psychologique, sociale et juridique pour les femmes Syriennes victimes de tortures, y compris d'agressions sexuelles, dans le pays comme en dehors.

« Cela fait plus de deux ans qu'ont lieu des actes de torture et des agressions de femmes activistes, et les autorités syriennes continuent à fermer les yeux là-dessus », a affirmé Liesl Gerntholtz.« Le gouvernement syrien doit immédiatement cesser de commettre des abus à l'encontre de femmes activistes, et prendre des mesures pour les protéger. Ceux qui ont commis ces crimes doivent en être rendus responsables. »

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Informations complémentaires :

Détention arbitraire, torture, violences physiques sur des femmes activistes et d'autres détenues : interviews et témoignages

Human Rights Watch s'est entretenu avec huit femmes activistes qui ont rapporté des actes de torture et des violences physiques au cours de leur détention à l'Unité de Tartous, à l'Unité de Daraa et à l'Unité 215 de Damas des Renseignements militaires, ainsi qu'à l'Unité des Renseignements aériens (Air Force Intelligence – AFI) de Mezze, à Damas, et àla prison centrale d'Adra.

Les Shabiha ont arrêté Amal,19 ans, dans sa maison du gouvernorat de Tartous en octobre 2012, et l'ont placée en détention suite à sa participation à des manifestations pacifiques, la retenant prisonnière environ trois mois dans des centres des gouvernorats de Tartous,Homs,et Damas. Elle a été interrogée longuement sur ce qu'elle savait des partisans de l'opposition, et finalement accusée de terrorisme. Elle a raconté àHumanRightsWatchqu'à l'Unité des Renseignements militaires de Tartous,elle a été pendue au plafond par les poignets, les pieds touchant à peine le sol (une forme de torture connue sous le nom de shabeh). Elle a déclaré qu'elle avait été forcée à rester dans cette position pendant six heures, au cours desquelles deux agents de sécurité l'ont frappée régulièrement avec des bâtons ou des câbles. Elle a également affirmé que l'une des personnes qui l'interrogeait avait eu recours à l'électricité pour la torturer :

[Il]m'a emmenée dans ma cellule, m'a mise sur une chaise et m'y a attachée. Il a apporté une lame et a commencé à me couper au poignet, pour me choquer à l’électricité avec le sang.Il a ôté la gaine du câble et l'a placé sur mon poignet blessé [là où il m'avait coupé au poignet].Il m'a coupée à la main, il y a eu un peu de sang, et il a placé le câble là. Il a allumé l'électricité pendant deux ou trois minutes... Il m'a choquée trois fois. Quand il voit quelqu'un sous la torture, il rit, il est heureux.

Fatmeh,35 ans, qui a été emprisonnée à Damas pour avoir aidé à transporter des déserteurs de l'armée et avoir soutenu les manifestations, a raconté à  Human Rights Watch la torture au moyen de chocs électriques pratiquée à l'Unité 215 des Renseignements militaires de Damas.

Je me retrouvais assise sur la chaise avec les mains attachées, et les jambes liées au bas de celle-ci. Ils électrifiaient la chaise sur laquelle j'étais assise. Ils envoyaient une décharge dans la chaise et elle tremblait. Je perdais connaissance. C'était une chaise en métal, et l'électricité passait au travers.

De plus, Fatmeh a déclaré que quand elle a refusé de donner des informations sur les membres de l’Armée syrienne libre,leurs stocks de munition et leur stratégie, les hommes qui l'interrogeaient l'ont battue jusqu'à ce qu'elle perde connaissance.

Suraya,une femme de 31 ans détenue à Daraaen février 2012 pour avoir aidé des déserteurs de l'armée syrienne et soutenu les manifestations, s'était cassé la jambe lors d'un accident avant le début des manifestations. Elle a raconté à HumanRightsWatchcomment un lieutenant de l'Unité des Renseignements militaires de Daraa a utilisé sa blessure pour la torturer. « [Il]savait que ce n'était pas encore guéri. S'il n'aimait pas ma façon de répondre à une question, il me donnait un coup de pied là, dans la jambe... J'ai besoin de chirurgie pour ma jambe. Le médecin ici [enJordanie]dit qu'ils ont brisé l'os et l'ont cassé en petits morceaux. » Surayaboîte de façon visible quand elle marche. 

Nasrin,25 ans, a subi des abus similaires au cours des 11 mois qu'elle a passés en détention à la prison centrale d'Adra, d'avril 2012 à mars 2013. Nasrin avait été emprisonnée à Deraa après avoir participé à des manifestations et aidé à transporter des combattants de l'opposition blessés et des déserteurs. Elle a raconté àHumanRightsWatchqu'un lieutenant de la prison d'Adra empêchait les détenus d'accéder à l'espace semi-extérieur situé devant leurs cellules, où ils avaient le droit de sortir prendre l'air :

Quand on demandait à sortir il nous frappait. Il m'a frappée sur le pied. Une infirmière m'a dit que j'avais quelque chose de cassé dans la jambe [à cause des coups]. Il utilisait ses bottes militaires et me donnait des coups de pied avec les talons de celles-ci. 

Sixfemmes interviewées par HumanRightsWatch ont déclaré qu'elles avaient vu ou entendu des membres des forces de sécurité torturer d'autres prisonniers, hommes comme femmes, alors qu'elles étaient en détention. Une ancienne détenue a raconté que les membres des forces de sécurité de l'Unité 215 des Renseignements militaires avaient ôté le bandeau qui l'aveuglait, et l'avaient forcée à les regarder tirer et tuer deux hommes de ses amis, qui étaient emprisonnés avec elle. Elle a dit à HumanRightsWatch que ces deux hommes n'étaient pas syriens, et qu'ils avaient œuvré à ses côtés pendant les manifestations au cours des premiers jours du soulèvement.

Des femmes détenues ont affirmé avoir vu des membres des forces de sécurité utiliser des chocs électriques, des pneus de voiture, des chaises, des cordes en cuir, et des fouilles à nu pour violenter d'autres détenus. De tels abus ont été rapporté au sein de l'Unité 215 et de l'Unité 235 (Section Palestine) des Renseignements militaires à Damas,  à l'Unité de la Sécurité politique de Salamiyah, à l'Unité de la Sécurité militaire de Hama, et à l'Unité des Renseignements militaires de Daraa.

Nisreen,25 ans, a raconté àHumanRightsWatch qu'elle avait été arrêtée à Daraa en février 2012, et retenue prisonnière pendant plus d'un an. Elle a expliqué qu'au début de la révolution, les forces de sécurité ne tiraient pas sur les femmes ; elle était alors devenue membre d'une « première ligne » de femmes qui servaient de rempart aux hommes manifestants. De plus, elle a par la suite aidé à transporter des combattants de l'opposition blessés et des déserteurs de l'armée syrienne. Nisreen a vu et entendu des hommes détenus se faire torturer alors qu'elle était prisonnière à l'Unité 215 des Renseignements militaires à Damas :  

[Notre] cellule était à côté de celle où ils interrogeaient les hommes. Toute la nuit, je les entendait les torturer et les interroger, de minuit jusqu'au matin.Quand le sol était couvert du sang d'un de ces hommes, celui qui était torturé devait lui-même nettoyer part terre. On entendaient les voix qui disaient, « Nettoie le sol, chien. Lave ça, chien. » Il y avait un petit trou dans notre porte et on les voyait nettoyer par terre devant notre cellule. Ils les torturaient à l'électricité, et leur jetaient de l'eau dessus – on entendait tout. C'était un tout petit endroit, et on pouvait entendre tout ce qui se passait autour de nous.

Quatre anciennes détenues ont affirmé que des juges avaient refusé à plusieurs reprises d’examiner leur dossier quand elles ont comparu au tribunal. Fatmeh, 30 ans, a été présentée devant le tribunal antiterroriste de Damas, qui a été créé après le début du soulèvement syrien, et ce trois fois au cours de plus de cinq mois de détention passés à la prison d’Adra. Elle a raconté sa deuxième comparution au tribunal à Human Rights Watch :

Le juge a vu le dossier et a dit, « La Sécurité Nationale a examiné votre dossier, et on ne peut rien faire.Personne n'est autorisé à voir votre dossier. Vous ne pouvez pas être libérée par un juge. Il a déclaré que ma peine serait d’être exécutée. Mon avocat a dit, “Je ne peux rien faire. Il n’y a rien que je puisse faire à part continuer à passer vous voir.” »

Quand Fatmeh et d’autres femmes détenues à la prison d’Adra en raison de leurs activités dans l’opposition ont demandé par la suite que leurs dossiers soient examinés par un juge, elles affirment qu’elles ont été placées à l’isolement et qu’on les a privées de nourriture et de leur droit à recevoir des visites. 

Trois anciennes détenues n’ont jamais été présentées devant un juge, ni été officiellement inculpées d’aucunes charges. Toutes les anciennes détenues ont dit à Human Rights Watch qu’elles n’avaient été relâchées qu’en échange de pots-de-vin, du fait de livrer un membre de leur famille, ou de la libération de prisonniers détenus par l’opposition.

Violences sexuelles et harcèlement en détention
Deux activistes ont dit à Human Rights Watch avoir été violées en détention. Amal, 19 ans, a raconté que l’une des personnes qui l’interrogeaient ainsi que deux agents de sécurité l’avaient violée alors qu’elle était détenue à l'Unité des Renseignements militaires de Tartous:

[L’interrogateur]est entré, en caleçon et maillot de corps, et a amené deux autres hommes… Il s’est approché, et c’est là que tout a commencé. [Le viol] a duré une demi-heure, peut-être, ou plus. Il s’est rhabillé et est parti. J’étais par terre. Le suivant est venu. Ça a duré une demi-heure de plus. Le deuxième a dit à tous les gens dehors, “Venez voir.” [Avec] le troisième, la porte était ouverte. Ça s’est passé devant tous ceux qui étaient dans le couloir, qui qu’ils soient… J’ai pu essayer de résister au premier et au deuxième, mais pas au troisième. J’ai baissé les yeux et j’ai vu beaucoup de sang. J’avais la tête qui tournait. J’ai rampé jusqu’à mon pantalon et mon chemisier. Un docteur est venu … Il m’a emmené aux sanitaires et m'a dit, “Lave-toi.”

Les informations reçues parHumanRightsWatch indiquent que rien n’a été fait pour enquêter sur l’incident ou pour sanctionner les coupables.

Les agents des Renseignements aériens (Air Force Intelligence - AFI) ontarrêtée Maysa, 30 ans, chez elle en juin 2012 et l’ont emmenée au centre de l’AFI de Mezze, à Damas. Elle fournissait alors de l’aide humanitaire à des Syriens déplacés à l’intérieur de leur pays, tout en étudiant à l’université. Elle a dit à Human Rights Watch qu’un agent de sécurité de l’AFI l’avait violée au cours de sa détention, qui a duré 140 jours :

Quand il est entré il m’a dit, “Si l'ASL t’avait emprisonnée, ils t’auraient violée, mais ici je serai le seul à coucher avec toi.”Il a enlevé ses vêtements. J’ai hurlé … Alors il s’est approché de moi et m’a retournée, face au mur. Il a retiré son caleçon et m’a violée par derrière. Après qu’il ait fini, il m’a menacée et a dit, “Si tu parles, tu ne pourras [t]’en prendre qu’à toi-même.”… Je ne savais pas si j’avais envie de crier, de pleurer, ou les deux à la fois.

Maysa a dénoncé le viol et identifié son agresseur auprès d’un des interrogateurs de la prison, qui a giflé l’agent de sécurité en guise de punition, et a dit à la jeune femme de le prévenir s’il s’approchait encore d’elle. Le jour suivant, cependant, elle a raconté que l’agent est venu dans sa cellule et l’a violée une deuxième fois.Suite à cela, Maysa a dit à Human Rights Watch qu’elle avait fait une dépression nerveuse et qu’elle s’était cognée la tête aux barreaux d’acier de sa cellule jusqu’à s’évanouir. Quand elle est revenu à elle, un deuxième interrogateur lui a demandé une nouvelle fois d’identifier son agresseur, ce qu’elle a fait. Le coupable a nié l’agression et, pour susciter la colère contre lui, Maysa l’a accusé d’être un agent de l’Armée syrienne libre. Quand elle a dit cela, l’interrogateur a battu l’agent responsable.

Par la suite au cours de sa détention, un autre agent de sécurité a agressé Maysa alors qu’elle se trouvait à l’isolement, en juillet 2012. Elle a raconté à Human Rights Watch qu’il avait pris soin de l’emmener dans des sanitaires qui n’étaient pas surveillés par des caméras de sécurité, afin de pouvoir l’agresser :

Je me lavais les mains quand il s’est approché de moi et a dit qu’il pouvait m’aider à sortir [de détention] et qu’il connaissait beaucoup de monde … Il a commencé à me toucher partout. Puis il m’a poussée vers le bas… Il a baissé son pantalon, mais pas complètement. Il a mis son pénis dans ma bouche. Il n’avait pas peur. Il était sûr de lui en faisant ça. J’avais peur de crier, parce qu’il a menacé de me torturer. Il a éjaculé sur mon visage. Il m’a fait faire ça deux fois au cours des 24 jours [que j’ai passé à l’isolement]… Après ce jour-là, il passait tous les jours devant ma cellule pour me voir. Il m’a dit de nombreuses fois, “Si tu parles tu le regretteras, tu ne sais pas à qui tu as affaire.” 

Trois anciennes détenues ont dit à HumanRightsWatch que des membres des forces de sécurité et des gardiens de prison les avaient harcelées sexuellement au cours de leur détention, des abus allant des attouchements aux violences verbales. Ces abus ont eu lieu, selon les témoignages, à l'Unité des Renseignements militaires de Daraa, à l'Unité Al-Khattib de la Direction Générale des Renseignements à Damas, et à l'Unité 215 des Renseignements militaires, à Damas également.  

Hadiya,20 ans, a été emprisonnée environ deux mois à partir de juin 2012, en raison de son activisme et de celui des membres de sa famille. Elle avait aidé des familles affectées par la guerre, et a été arrêtée alors qu’elle participait à une manifestation à Damas. Elle a dit HumanRightsWatchqu’elle avait été harcelée sexuellement par des agents de police alors qu’elle se trouvait à l’isolement à l'Unité Al-Khattibde Damas.« Deux d’entre eux ont essayé de me toucher par le trou dans la porte. Ils m’ont dit de me mettre nue parce qu’il faisait très chaud et [pour] qu’ils puissent regarder … Le gardien m’a dit, “Si tu me laisses coucher avec toi, je te laisserai sortir.” » HumanRightsWatch a enquêté précédemment sur l’usage de la torture dans le centre Al-Khattib, notamment des passages à tabac, des coups portés avec des objets, des électrocutions, des coups sur la plante des pieds(falaqa),et le fait de placer les détenus dans des positions douloureuses.

Fatmeh,35 ans, a raconté avoir été agressée sexuellement à l'Unité 215 des Renseignements militaires de Damas, par les hommes qui l’interrogeaient et des gardiens, « J’avais les yeux bandés, assise par terre. Ils venaient et posaient leurs mains sur moi, et me disaient des grossièretés. Ils mettaient leurs mains sur mes seins. » HumanRightsWatch a également enquêté auparavant sur l’usage de la torture dans l'Unité 215 des Renseignements militaires, et notamment des passages à tabac, des coups portés avec des objets, et des cas de shabeh.

Détention arbitraire et violences sur des femmes non activistes, au cours d’opération de recherches

Rasha, 31 ans, a été arrêtée au cours d’une descente à son domicile à Hama, en août 2011, par des hommes qu’elle a identifiés comme appartenant à la police militaire. Elle souffre d’une maladie rénale et a subi la transplantation d’un rein en 2007 ; elle est tombée malade en détention à Hama, car elle n’avait pas le droit d’accéder à son régime de médicaments quotidien. Rashaa dit à HumanRightsWatchqu’elle avait été torturée par les forces gouvernementales au cours des 18 jours qu’elle a passés en détention à l'Unité de la Sécurité militaire de Hama :

Ils n’ont pris que moi. C’était à cause de mon mari – c’est lui qu’ils cherchaient. Il était recherché pour avoir manifesté … Ils me frappaient avec une matraque, avec du métal, avec du bois. Je leur ai parlé des médicaments dont j’avais besoin pour mon rein. Ils m’ont frappée encore plus. Ils ont dit qu’ils arrêteraient si je leur disait où était mon mari. Ils m’ont brûlé avec un fer chaud. Ils m’ont frappé partout, en particulier au niveau du rein.

Elle n’a été relâchée qu’après que la police militaire ait localisé son mari et l’ait placé en détention à Hama. Comme Rasha en a témoigné, « Ils ne s’en sont plus pris à moi après que je sois sortie de prison, parce que mon mari s’y trouvait. » Au cours de sa détention, Rasha dit qu’elle a été gardée prisonnière dans une petite pièce avec 30 à 35 autres jeunes femmes qui avaient toutes été placées en détention parce qu’un membre de leur famille était recherché pour avoir soutenu l’opposition.

Halima,une jeune femme de 20 ans enceinte et mère de deux enfants, qui est originaire de Homs, a raconté à HumanRightsWatch que les forces gouvernementales s’en étaient pris à elle à cause de ses cousins, dont elle affirme qu’ils sont membres de l’Armée syrienne libre. Cinq hommes en uniforme militaire, qu’elle a identifié comme appartenant aux shabiha,sont venus chez elles en mars 2012 après avoir visité la maison de son oncle, à proximité :

Ils sont venus chez moi en même temps parce que j’ai le même nom que mes cousins … Ils m’ont emmenée et m’ont mise dans une grande pièce pendant deux jours. Je ne sais pas où c’était. Ils m’ont bandé les yeux et m’ont emmenée dans une voiture… Ils m’ont posé des questions sur mes cousins – où étaient-ils partis ? Je leur ai dit que je ne savais pas.

Après trois jours d’interrogatoire, a raconté Halima, une femme membre desshabihaqui travaillaient avec ceux qui la retenaient captive l’a prise en pitié, et l’a aidée à s’enfuir. Craignant les persécutions, elle et sa famille sont immédiatement partis pour Damas, puis en Jordanie.

Human Rights Watcha également enquêté sur cinq cas d’abus commis sur des femmes par des militaires, au cours d’opérations de recherche ciblées ou de tentatives d’arrestation d’hommes de leurs familles, identifiés comme des partisans de l’opposition par les forces gouvernementales. Les femmes interviewées ont affirmé que de tels abus s’étaient produits dans les gouvernorats de Damas, Daraa, Homs, et Idlib, de septembre 2011 à août 2012.

Shayma,20 ans, a raconté à Human Rights Watchcomment elle a été blessée à la tête quand les forces gouvernementales ont fait une descente dans sa maison de Daraa en août 2012. Elle a affirmé qu’ils cherchaient son mari et ses frères, qui selon elle soutiennent l’Armée syrienne libre :

J’étais assise chez moi, seule. Les membres des forces de sécurité sont entrés … Ils cherchaient mon mari, mais il était déjà parti. Ils cherchaient mes frères et voulaient que je leur dise où ils étaient. J’ai dit que je ne savais pas. Ils ont commencé à me frapper. Je leur répétais que je ne savais rien. Ils ont amené des barres métalliques et m’ont frappée à la tête, puis dans le dos. Ils se sont mis à me fouetter … Après le premier coup sur la tête, j’ai commencé à perdre l’équilibre et je n’y voyais plus clair. J’ai perdu conscience… La première chose dont je me souviens ensuite, c’est que je me suis réveillée entourée de mes voisins.

Shayma et sa mère ont dit à HumanRightsWatch qu’elle souffre de séquelles suite à la blessure, notamment des pertes de mémoire, une confusion mentale, et de l’épuisement.

Des hommes et des enfants ont également été victimes d’abus de la part des forces gouvernementales, et arrêtés au nom du soutien à l’opposition dont été soupçonnés leurs proches ou des personnes qui leur étaient associées. Les femmes courent cependant un risque particulièrement grand de subir des abus au cours des opérations de recherche visant les hommes qui combattent et soutiennent l’opposition, car les rôles sociaux et familiaux des femmes les attachent souvent à leur foyer, alors que les hommes peuvent fuir les persécutions ou partir rejoindre des groupes armés. 

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