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II. RESULTATS ET ETUDES DE CAS

Ce qui suit, ce sont les principaux résultats de Human Rights Watch basés sur une recherche faite dans des secteurs économiques variés dans différentes régions des Etats-Unis. Une étude de cas représentatif parmi les nombreux que contient le rapport complet est citée à l'appui de chaque résultat.

Enquêter puis écrire un rapport comme celui-ci est différent d'autres rapports ou enquêtes internationales sur les droits de l'homme menés dans des zones de conflit armé, dans des camps de réfugiés ou dans des pays sans systèmes légaux qui fonctionnent. Les Etats-Unis ont un système élaboré de droit du travail administratif, statutaire et constitutionnel. Dans nombre des cas étudiés ici il y a des procès-verbaux légaux et des décisions prises par des arbitres neutres qui produisent souvent des dossiers écrits importants. Lorsqu'un tel dossier existe, Human Rights Watch s'appuie sur lui pour éclairer la nature et l'étendue des violations des droits des travailleurs.

Aucune assertion de Human Rights Watch dans ce rapport n'est basée sur des actes d'accusation contre des employeurs pour pratique déloyale dans le domaine du travail. Human Rights Watch commence par s'appuyer sur les dossiers du NLRB comportant l'émission de plaintes du conseil général de l'agence. Des plaintes sont émises quand une enquête fondée sur des recherches approfondies trouve matière à une accusation.

La méthode du conseil général du NLRB consistant à interroger les témoins, à obtenir des preuves corroborantes et à donner aux employeurs une possibilité de répondre avant d'émettre une plainte est analogue aux méthodes d'enquête standards de Human Rights Watch et d'autres organisations qui s'emploient à documenter les abus contre les droits de l'homme. Human Rights Watch mène souvent ce type de recherche dans des zones de conflit où un système légal est inopérant, si tant est qu'il existe. Aux Etats-Unis cependant, les étapes successives du NLRB et les procès de la cour fédérale donnent davantage de fondement aux analyses de Human Rights Watch dans ce rapport.

Après que le NLRB émette une plainte, une audience se tient devant un juge administratif où témoignage et documents sont soumis aux preuves et les témoins concernés à interrogatoire et contre-interrogatoire. Des controverses sur les faits sont en général chaudement disputées et sont souvent résolues par les conclusions du juge administratif sur la crédibilité des témoins. Les décisions des juges administratifs sont susceptibles d'appel devant le bureau du NLRB à Washington constitué de cinq membres. Les décisions du bureau peuvent alors être soumises à appel devant une cour fédérale.

En utilisant les décisions des juges administratifs et les procès-verbaux du NLRB et de la cour fédérale comme base pour analyser des cas en termes de liberté d'association des travailleurs selon les standards internationaux des droits de l'homme, Human Rights Watch se sert des derniers meilleurs témoignage écrit et décisions avec faits à l'appui. Cependant, certaines décisions étaient encore en appel au moment où ce rapport était sous presse et pourraient être annulées. Human Rights Watch utilise des informations tirées de débats légaux documentés pour nourrir l'analyse des droits des travailleurs selon les standards internationaux, et non pas pour évaluer de façon décisive que la loi américaine ait été violée sauf si en fait il y a eu une décision finale rendue à cet égard selon la loi américaine.

Les cas et les résultats mentionnés ici ne sont pas exceptionnels et le rythme accéléré des violations n'est pas un phénomène nouveau. Les audiences du Congrès dans les années 70 et 80 révèlent de multiples violations par les employeurs et une application inefficace des lois supposées protéger les droits des travailleurs. D'autres études gouvernementales et rapports de commissions indépendantes dans les années 80 et 90 sont arrivées aux même conclusions.7 Mais ces tentatives de recherche n'ont pas analysé les violations à la lumière des normes internationales des droits de l'homme.

Résultats : Discrimination contre des syndicalistes
Licencier ou discriminer de quelque autre façon contre un travailleur pour tenter de former un syndicat est illégal mais courant aux Etats-Unis. Dans les années 50, les travailleurs qui subissaient des représailles pour exercice du droit à la liberté d'association se comptaient par centaines chaque année. Dans les années 60, ce nombre a atteint plusieurs milliers pour arriver à un peu plus de 6000 en 1969. Dans les années 90, plus de 20 000 travailleurs chaque année étaient victimes de discrimination, pour atteindre 23 580 en 1998, année la plus récente pour laquelle il y ait des chiffres disponibles. 8

Un employeur déterminé à se débarrasser d'un syndicaliste sait que tout ce qui l'attend, après des années de procédure si l'employeur persiste en appels, c'est un ordre de réintégration que le travailleur a toute chance de décliner et un modeste paiement rétro actif. Pour beaucoup d'employeurs, c'est un petit prix à payer pour anéantir une tentative d'organisation des travailleurs grâce au licenciement de leurs dirigeants.

Etude de cas : Cliniques dans le sud de la Floride
A la clinique de Palm Garden au nord de Miami, la direction a contrefait des signatures sur des notes d'avertissement à l'encontre de Leonard Williams, un activiste syndical. Ils ont antidaté les notes, puis licencié Williams peu avant une élection syndicale en avril 1996.9 Le syndicat a perdu les élections par 32 contre 35. Peu après, la société a licencié Marie Sylvain, une autre activiste syndicale.

En janvier 1998, un juge administratif a ordonné à Palm Garden d'offrir à Williams et Sylvain la réintégration à leur poste, avec un salaire rétroactif depuis la date de leur renvoi illégal.10 La société a refusé d'accepter la décision et a fait appel devant le National Labor Relations Board à Washington, D.C. En mars 1999, le NLRB a confirmé la décision du juge. Palm Garden a fait appel devant la cour fédérale, où l'affaire est toujours en attente avec sans doute des années encore avant qu'aucune solution ne soit trouvée. Le juge a aussi ordonné une nouvelle élection à cause de la conduite illégale de la direction. La société a fait appel de cette décision, et l'élection est aussi bloquée en justice pour les années à venir.

« Pourquoi cela prend-il si longtemps ? » demande Marie Sylvain. « J'ai été licenciée il y a plus de trois ans » (maintenant plus de quatre ans). « Tout prend si longtemps. Où est la justice ? Tout est à l'avantage du patron avec tous ces délais. La loi vous donne quelque chose d'une main puis le reprend de l'autre main ». Quand on lui demande si elle accepterait sa réintégration, Sylvain dit : « J'aimerais revenir pour une semaine juste pour leur montrer que le syndicat peut gagner ».11

Les travailleurs au Centre de King David à West Palm Beach ont voté par 48 contre 29 en faveur d'une représentation syndicale au cours d'une élection du NLRB en août 1994. « J'étais déterminé à obtenir le respect », dit Jean Aliza, le premier de plusieurs travailleurs licenciés pour activité syndicale à King David. « Je suis un citoyen, et j'ai droit au respect ».12

Selon la décision du juge administratif dans cette affaire, la direction de King David a procédé systématiquement au licenciement des syndicalistes les plus actifs. 13 Jean Aliza, Lude Duval, Marie Larose, Marie Pierre Louis, Michelle Williams, Carline Dorisca et Ernest Duval ont tous été licenciés pour des accusations fabriquées. Le juge administratif qui a entendu les témoignages et étudié les documents a ordonné leur réintégration et le NLRB a confirmé la décision du juge. En 1999 les travailleurs n'étaient toujours pas réintégrés à cause des appels en cours.

Jean Aliza a été dupé par des directeurs et licencié au début des tentatives d'organisation, après des états de service d'une année jugés satisfaisants devenus soudainement non satisfaisants sur la base de notes d'avertissement qu'il n'a jamais vues. 14 King David «était déterminé à se débarrasser du partisan syndical le plus résolu depuis le début », dit la décision du juge administratif, en se référant à Ernest Duval. 15

Ernest Duval était toujours résolu quant à son soutien au syndicat quand il a parlé avec Human Rights Watch en juillet 1999, mais il était aussi frustré. « Je vois le gouvernement qui protège la direction » dit-il. « Cela fait quatre ou cinq ans maintenant, et j'ai des factures à payer. La direction a le temps de faire tout ce qu'elle veut ».16

Résultat : participation forcée à des réunions avec auditoire contraint
Sans presque de limites, les employeurs peuvent obliger des travailleurs à assister à des réunions avec auditoire contraint pendant les heures de travail. Le plus souvent, ces réunions contiennent des exhortations de la part de la haute direction qui sont soigneusement rédigées pour s'inscrire dans la large latitude donnée aux employeurs par le droit américain qui permet les «prédictions » mais pas les «menaces » de fermetures du lieu de travail, par exemple pour dissuader les travailleurs de choisir une représentation syndicale. Les employeurs peuvent licencier des travailleurs pour ne pas avoir participé à ces réunions. Ils peuvent imposer une règle de «pas de question, pas de commentaire » à une réunion avec auditoire contraint et sanctionner tout travailleur qui prend la parole.

Etude de cas : Travailleurs du secteur de la transformation alimentaire à Wilson, en Caroline du Nord
Smithfiel Foods est la plus grande compagnie de transformation de viande de porc du monde. Une usine de Smithfield Foods à Wilson, Caroline du Nord, emploie environ 300 travailleurs qui produisent du bacon, des saucisses, des hot dogs et autres produits de détail à base de porc. Les travailleurs ont essayé d'y former un syndicat au début et à moitié de l'année 1999, mais ils ont perdu une élection du NLRB. Human Rights Watch a interviewé des travailleurs qui ont détaillé les menaces des directeurs de Smithfield au cours de réunions avec auditoire contraint concernant la fermeture de l'usine si les travailleurs votaient en faveur de la négociation collective. 17

Racontant les réunions avec auditoire contraint de la direction avec les travailleurs, l'employé du service des expéditions Robert Atkinson dit : « J'ai vu environ sept vidéos sur la façon dont le syndicat prend juste vos cotisations, se met en grève, se met dans des bagarres et tout ça. Ca nous fait vraiment mal que les gens entendent seulement un côté. Ce serait beaucoup plus juste si le syndicat pouvait entrer et nous parler. La compagnie a un gros avantage, de faire venir les gens aux réunions et de montrer des vidéos. Beaucoup de gens ne viennent pas aux réunions du syndicat. Ils ont peur que la compagnie le sache. »18

Résultat : « prédire » des représailles
Dans le cadre de la loi américaine, les employeurs et les conseillers antisyndicaux qu'ils engagent régulièrement pour s'opposer à l'organisation des travailleurs ont des méthodes raffinées pour «prédire» légalement et non menacer illégalement de fermetures du lieu de travail, licenciements, réductions de salaires et d'avantages et autres conséquences néfastes si les travailleurs forment et rejoignent un syndicat. Une «prédiction» que le lieu de travail sera fermé si les employés votent pour une représentation syndicale est légale si la prédiction est soigneusement formulée et basée sur des faits objectifs plutôt que sur les préjugés subjectifs de l'employeur.

Cette subtile distinction dans la loi n'est pas toujours apparente pour les travailleurs ni en fait pour quiconque cherche l'appui du bon sens pour distinguer ce qui est permis de ce qui est défendu. Malheureusement pour les droits des travailleurs, les cours fédérales ont tendance à accorder une large licence aux employeurs pour «prédire» des choses horribles si les travailleurs votent pour un syndicat.  

Une prédiction qu'un tribunal a jugée «formulée avec soin » a été faite par le propriétaire d'un restaurant de l'Illinois où des travailleurs avaient cherché à former un syndicat et à négocier collectivement. Dans une déclaration enregistrée au cours d'une réunion à auditoire contraint, le propriétaire a dit : « Si le syndicat existe dans la société, la société fera faillite. Le cancer nous avalera et nous resterons en plan... Je ne suis pas en train de faire une menace, j'énonce un fait... Je sais seulement dans ma tête, par mon portefeuille, comment je me prononce là-dessus ». Le NLRB a trouvé cette déclaration illégale. Une cour d'appel fédérale a annulé la décision du bureau, concluant que la déclaration de l'employeur était une prédiction légale qui n'avait pas interféré avec, restreint ou exercé une coercition contre les employés dans l'exercice du droit à la liberté d'association.19

Dans une usine de pièces détachées automobiles de l'Illinois où des travailleurs commençaient à s'organiser, un surveillant a dit aux travailleurs : « Les gars j'espère que vous êtes prêts à faire vos bagages pour aller au Mexique ». Encore une fois le NLRB a statué que la déclaration était une menace de fermeture d'usine. Et encore une fois les cours d'appel ont rejeté les conclusions du NLRB. Le tribunal a dit que la déclaration était «une plaisanterie, pas une menace ». 20

Etude de cas : usine de produits manufacturés dans le Maryland
Au milieu des années 90, une nouvelle compagnie appelée Precision Thermoforming and Packaging, Inc. (PTP) employait plus de 500 travailleurs dans une usine de Baltimore, au Maryland. Les travailleurs emballaient et expédiaient des torches électriques, des piles et des disquettes informatiques. Les salaires à PTP étaient de 5 à 7 $ de l'heure. L'assurance santé coûtait aux employés 36 $ par semaine déduits de leur paie, avantage que la plupart refusaient car ils gagnaient seulement 200 à 280 $ par semaine. Il n'y avait pas de plan de retraite.

Au milieu de l'année 95, un groupe de travailleurs de PTP lança une tentative pour former et rejoindre un syndicat. La direction de PTP licencia huit travailleurs actifs dans cet essai d'organisation syndicale. En plus des licenciements, la direction et les surveillants de PTP :

· Menacèrent de fermer l'usine si une majorité de travailleurs votaient en faveur du syndicat

· Menacèrent de transférer le lieu de travail au Mexique

· Menacèrent de licencier les travailleurs qui participaient aux réunions syndicales

· Menacèrent de licencier quiconque adhérerait au syndicat

· Menacèrent de transférer les travailleurs à des postes plus salissants et plus mal payés s'ils soutenaient le syndicat

· Demandèrent aux travailleurs de rapporter à la direction les activités des partisans syndicaux

· Postèrent des directeurs et des gardes de sécurité avec des talkies-walkies pour espionner les distributions de tracts syndicaux et signaler les travailleurs qui acceptaient les tracts

· Refusèrent des augmentations et des promotions à des travailleurs qui soutenaient le syndicat.

« Je dirais que c'est moi qui ai fait démarrer le syndicat », dit Gilbert Gardner, qui commença à travailler à PTP en avril 1993. « Puis ils m'ont licencié le lendemain du jour où je suis allé à une audition au NLRB pour organiser l'élection », dit-il aux enquêteurs de Human Rights Watch. Les partisans du syndicat perdirent l'élection du NLRB par un vote de 168 contre 226. Avant le vote, 60% des travailleurs avaient signé des cartes autorisant le syndicat à les représenter pour la négociation collective.

Résultat : Délais au NLRB et procédures légales
Les délais dans le système du droit du travail américain se produisent tout d'abord dans la procédure d'élection. Les élections du NLRB ont lieu au moins plusieurs semaines après que les travailleurs aient rempli une demande en vue d'une élection. Dans de nombreux cas, l'élection peut être retardée pendant des mois par les employeurs qui contestent la composition de «l'unité de négociation appropriée ».

Un employeur peut aussi émettre des objections contre une élection après qu'elle se soit tenue, arguant que le syndicat a utilisé des tactiques déloyales. Cela prend plusieurs mois de résoudre ces objections. Mais même lorsque le NLRB se prononce en faveur des travailleurs et ordonne à la compagnie de négocier avec le syndicat, l'employeur peut ignorer la décision du bureau. Ceci oblige les travailleurs et le NLRB à lancer une nouvelle accusation pour refus de négocier, ce qui peut prendre encore des années avant d'être résolu en justice. Dans beaucoup des cas étudiés pour ce rapport, les travailleurs ont voté pour la représentation syndicale il y a des années, mais ils attendent encore le début des négociations tandis que les appels des employés sont bloqués en justice.

De longs délais se produisent aussi dans les affaires de pratique déloyale du travail. La plupart des cas concernent une discrimination contre des partisans syndicaux ou des refus de négocier de bonne foi. Plusieurs mois s'écoulent avant que les affaires ne soient entendues par un juge administratif. Puis plusieurs mois encore passent pendant que le juge prend une décision. La décision du juge peut être portée en appel devant le NLRB, où souvent deux ou trois ans encore s'écoulent avant qu'une décision ne soit prise. La décision du NLRB peut alors être portée en appel devant les tribunaux fédéraux, où encore jusqu'à trois ans se passent avant qu'une décision finale ne soit rendue. Beaucoup de travailleurs dans les cas étudiés ici ont été licenciés il y a plusieurs années et ont obtenu des décisions de réintégration des juges administratifs et du NLRB, mais ils attendent encore que des tribunaux encombrés statuent sur les appels des employeurs.

Etude de cas : Chantier naval à La Nouvelle Orléans, en Louisiane
Avec plus de 6000 travailleurs, Avondale Industries est le plus gros employeur du secteur privé en Louisiane. La Marine Américaine est le plus gros client d'Avondale, représentant plus des trois quarts de son chiffre d'affaires. Trois billions de dollars de contrats avec la Marine ont été passés au cours de la dernière décennie.

En 1993, les travailleurs d'Avondale ont démarré une tentative d'organisation syndicale. La direction d'Avondale a entrepris une campagne massive contre l'effort d'organisation des travailleurs. « Ils nous ont dit qu'ils fermeraient la porte si le syndicat rentrait, qu'ils perdraient les contrats avec la Marine », dit le tôlier Bruce Lightall, qui a travaillé à l'usine depuis 1979. 21La compagnie a aussi licencié vingt huit syndicalistes actifs.

Dans un discours aux travailleurs d'Avondale rassemblés pour une réunion avec auditoire contraint avant l'élection de 1993, le président de la compagnie, Albert L. Bossier Jr., a dit : « Si vous voulez vraiment détruire Avondale, votez pour le fichu syndicat. Ceux d'entre vous qui ne voulez pas détruire Avondale, vous feriez mieux de vous assurer que ces pleurnicheurs, ces mécontents et ces flemmards n'arrivent pas même près de la victoire à cette élection... Assurez votre avenir en rejetant ce syndicat et ses chefs. »22

Malgré les menaces de la direction et les licenciements, le syndicat gagna les élections par 1950 voix contre 1632. La direction d'Avondale refusa d'accepter le résultat et entama une série d'appels devant le NLRB. En avril 1997, près de quatre ans après l'élection, le NLRB confirma les résultats et ordonna à Avondale de négocier avec le syndicat. La compagnie refusa à nouveau, faisant appel de la décision du bureau devant les tribunaux fédéraux. En 1999 une cour d'appel fédérale annula les élections parce que les listes d'électeurs contenaient les premières initiales des travailleurs plutôt que leurs prénoms. Aucune élection du NLRB n'avait jamais été annulée auparavant pour de tels motifs.23

Dans une décision de 1998, un juge caractérisait la conduite d'Avondale «d'inconduite insigne, démontrant une indifférence générale à l'égard des droits fondamentaux des employés ». Le juge ordonna à Avondale la réintégration des travailleurs licenciés et de s'engager à ne pas répéter la conduite illégale. 24 Avondale ne s'est pas soumis à cette décision et les affaires sont restées en appel.

Un travailleur licencié, Donald Varnado, dit qu'il n'avait pas d'assurance santé pendant la plupart des années où il n'était plus à Avondale. « J'avais l'assurance médicale familiale d'Avondale pour 25 $ par semaine prélevés sur ma paie, mais j'ai perdu cette couverture quand ils m'ont licencié », explique-t-il. « Depuis, j'ai eu un tas de dépenses médicales que j'ai dû payer de ma propre poche pour moi et ma famille. »25

Frank Johnson, un mécanicien d'Avondale avec vingt-cinq années de chantier, dit en 1999 : « Après l'élection je pensais qu'on allait s'asseoir au bout d'une semaine peut-être et commencer à négocier. Maintenant c'est six ans plus tard et nous attendons encore. » 26 Faisant écho à Johnson, Bruce Lightall dit : « Je pensais qu'on allait s'asseoir après l'élection et négocier un contrat comme des gens raisonnables, pour obtenir un peu de justice, du respect, de la dignité. Avec le temps, je me suis rendu compte comment la loi ne marche pas pour les travailleurs. Elle aide juste les compagnies. Elles peuvent faire appel éternellement. » 27

Résultat : négociation de surface, solutions peu efficaces
Même après que les travailleurs aient formé un syndicat et que la négociation commence, les employeurs peuvent continuer à entraver le choix des travailleurs en négociant de mauvaise foi, en faisant semblant de rencontrer les travailleurs et en faisant des propositions et des contre-propositions sans aucune intention d'arriver à un accord. Cette tactique est appelée «négociation de surface ». Le problème est particulièrement aigu sur les lieux de travail récemment syndiqués où l'employeur a résisté férocement à l'auto-organisation des travailleurs et leur en veut de leur succès.

Etude de cas : Pièces pour les télécommunications à Northbrook, en Illinois
Acme Die Casting, une division de Lovejoy Industries, fabrique différentes sortes de petites pièces en aluminium et zinc, surtout pour l'industrie des télécommunications. En octobre 1987, les employés d'Acme ont voté par 69 contre 39 en faveur d'une représentation syndicale. Jorge «Nico » Valenzuela devint la tête du comité organisateur, puis le président du syndicat d'entreprise en 1987. « Quand nous avons gagné l'élection, nous avons pensé : « Finalement, nous pouvons commencer à améliorer les choses ». Nous avons élu un comité de négociation et demandé à la direction de commencer à négocier », dit Valenzuela. 28 Lui et les autres travailleurs d'Acme ne savaient pas que des années s'écouleraient avant qu'aucune négociation ne commence et que, quand elle commencerait, la négociation serait vaine.

Après l'élection, la compagnie déposa des objections contre l'élection à ce point dénuées de fondement que le NLRB les rejeta sans une audition. Mais Acme refusa d'accepter la décision, forçant le syndicat à porter plainte pour refus de négocier et à entamer ainsi un nouveau cycle de procédures administratives et judiciaires.

Des négociations commencèrent finalement en 1990, trois ans après l'élection. Mais la direction refusa encore de négocier de bonne foi avec une intention sincère de parvenir à un accord. Dans une décision du mois d'avril 1993, un juge ordonna à Acme de «cesser et de s'abstenir » de refuser de négocier et de retourner à la table pour négocier de bonne foi. Le juge stipula que les infractions de la compagnie étaient «répétées et envahissantes et prouvaient de sa part une attitude de totale indifférence à l'égard de ses obligations statutaires. »29

La direction d'Acme changea alors pour une stratégie de négociation apparente en faisant des propositions et contre-propositions aux travailleurs sur des sujets mineurs. Cependant, la compagnie «a fait des demandes dont ils savaient qu'elles seraient suicidaires pour le syndicat » dans d'autres domaines, dit le représentant syndical Terry Davis. La compagnie proposait des augmentations de salaire minuscules et demandait d'énormes augmentations de paiement par les employés pour la couverture santé qui auraient de loin dépassé n'importe quelle augmentation de salaire.30 Un employeur bien entraîné peut presque toujours présenter de telles demandes comme «négociation dure », ce qui est légal, pour autant qu'il fasse des propositions et contre-propositions dans d'autres domaines.

Les négociations ne menèrent nulle part pendant six ans. En mars 1999, le syndicat envoya une lettre à Acme et au NLRB renonçant à ses droits de représentation. « A ce rythme », dit le négociateur syndical Davis, «la compagnie aurait encore des « tueurs de négociation » à la table pendant encore vingt-cinq ans. »31

Un haut dirigeant d'Acme a dit à Human Rights Watch : « Nous avons travaillé dur et longtemps pendant des années pour convaincre nos employés qu'ils s'en tireraient mieux avec nous qu'avec un syndicat. Le syndicat n'a rien fait sauf mentir à notre sujet. Les gens croient maintenant qu'ils s'en tirent mieux avec nous qu'avec un syndicat. »32

C'étaient les années où, selon la loi, la compagnie était censée être en train de négocier de bonne foi avec les travailleurs avec un désir sincère de parvenir à un accord. La déclaration du directeur montre à quel point la négociation de la compagnie était loin d'être sincère.

Mais au bout du compte, ses méthodes ont prévalu contre le droit des travailleurs de négocier collectivement, et la structure légale supposée protéger les droits des travailleurs n'a pas constitué un obstacle à ces tactiques.

Résultat : Exclusion de millions de travailleurs de la protection des droits d'organisation et de négociation
Les normes internationales parlent du droit de «toute personne » à former et rejoindre des syndicats et à négocier collectivement. Plusieurs des cas examinés pour ce rapport concernent des travailleurs exclus de la protection du NLRA, comme les travailleurs agricoles, les employés domestiques et les travailleurs «indépendants » qui en fait travaillent dans une relation de dépendance pour un seul employeur pendant des années. Les surveillants et cadres de niveau inférieur sont aussi exclus de la protection légale.

En tout, des millions de travailleurs aux Etats-Unis sont exclus de la protection offerte par des lois qui devraient protéger le droit de s'organiser et de négocier collectivement. Les travailleurs qui tombent sous le coup de ces exclusions peuvent être sommairement licenciés en toute impunité pour chercher à former ou à rejoindre un syndicat. Même lorsque l'employeur ne les licencie pas, les demandes des travailleurs de négocier collectivement peuvent être ignorées.

Etude de cas : les employés domestiques
Plus de 800 000 «travailleurs de foyers privés » officiellement déclarés travaillaient comme employés domestiques en 1998. Près de 30% étaient des travailleurs émigrés et des femmes dans leur vaste majorité. 33 Des milliers de travailleurs domestiques ont été introduits aux Etats-Unis par des cadres de sociétés multinationales, d'organisations internationales et autres élites résidant aux Etats-Unis.

Hilda Dos Santos a été retenue comme «esclave à domicile » pendant près de vingt ans dans une banlieue de Washington, D.C. par un employeur de son Brésil natal. Elle n'a jamais reçu de salaire, a été agressée physiquement et on lui a refusé une assistance médicale pour une tumeur à l'estomac de la taille d'un ballon de football. Son état critique est apparu au grand jour seulement quand des voisins ont réagi à la vue de sa tumeur et que la publicité qui en est résulté a abouti à des poursuites couronnées de succès. 34 Le cas de Dos Santos illustre la difficulté de découvrir de tels abus. Après vingt ans de servitude, on lui a accordé un statut légal temporaire pour témoigner contre son employeur mais elle a ensuite fait l'objet d'une expulsion. Un nombre inconnu de victimes semblables restent silencieuses parce que parler signifierait l'expulsion pour elles aussi. 35

Qu'elles soient ou non respectées, les réglementations sur le salaire minimum, les heures supplémentaires et le travail des enfants s'appliquent à la plupart des employés domestiques aux Etats-Unis. Mais s'ils essaient de former ou de rejoindre un syndicat, ou d'exercer tout droit d'association même sans l'intention de former un syndicat, ils peuvent être menacés, intimidés ou licenciés par leur employeur du fait de leur exclusion de la protection du NLRA.
Par contre, des syndicats d'employés domestiques se sont formés dans de nombreux pays de l'Union Européenne (UE), dont la France, le Royaume Uni, l'Italie, l'Espagne et la Grèce.

Résultat : Les travailleurs temporaires et en sous-traitance se voient refuser la liberté d'association et des solutions efficaces
Beaucoup d'employeurs peuvent utiliser des arrangements de sous-traitance et des agences de travail temporaire pour éviter toute obligation de reconnaître les droits des travailleurs à s'organiser et à négocier collectivement. Ce problème affecte les travailleurs de l'industrie de la confection, les services de gardiennage, les services de l'informatique de technologie de pointe et d'autres secteurs caractérisés par des arrangements successifs de sous-traitance. Les premiers employeurs annulent souvent simplement les contrats des sous-traitants dont les employés forment et rejoignent des syndicats. Le résultat est un déni largement répandu de la liberté d'association des travailleurs.

Etude de cas : Programmeurs informaticiens de technologie de pointe à Seattle, Washington
Le dilemme en ce qui concerne la liberté d'association est évident pour les travailleurs des agences de travail temporaire, même au niveau le plus élevé de l'échelle économique. Beaucoup d'employés d'agences temporaires travaillent pendant de longues périodes au même endroit sans aucun des droits, avantages ou protections accordés aux employés ordinaires, y compris le droit de former et rejoindre un syndicat pour traiter avec l'employeur.

Un exemple récent du dilemme des travailleurs d'agences temporaires se trouve sur le fil du rasoir de la nouvelle économie. Plus de 20 000 travailleurs sont employés par Microsoft dans la région de Seattle, Washington. Mais 6000 d'entre eux ne sont pas employés par Microsoft. Par contre, ils sont employés par de nombreuses agences temporaires qui fournissent des travailleurs de technologie de pointe à Microsoft et à d'autres compagnies de la région. Beaucoup ont travaillé pendant plusieurs années à Microsoft. Ils ont fini par être connus comme les «temporaires permanents ». Ils travaillent souvent côte à côte en équipe avec les employés réguliers à plein temps.

Certains temporaires permanents de Microsoft ont formé l'Alliance des Travailleurs de Technologie de Washington (WashTech) au début de l'année 1998. Mais WashTech se trouve face à un cercle vicieux. En définissant les temporaires permanents comme des travailleurs indépendants employés par différentes agences temporaires, Microsoft évite d'être leur employeur à cause de la protection par le NLRA du droit de s'organiser. Pendant ce temps, les agences disent aux temporaires que pour former un syndicat avec lequel la direction de l'agence puisse traiter, ils doivent organiser d'autres employés de l'agence, pas seulement ceux qui travaillent à Microsoft.

« D'abord nous avons demandé à nos directeurs de Microsoft de négocier avec nous », dit la temporaire permanente Barbara Judd, en racontant sa tentative avec un groupe d'autres travailleurs pour être reconnus par Microsoft. 36 La direction a refusé. Répondant à des questions de la presse, un porte-parole de Microsoft a dit : « les unités de négociation sont une affaire entre employeurs et employés et Microsoft n'est pas l'employeur des travailleurs. »37

Les tentatives pour se faire reconnaître par les agences de travail temporaire furent pareillement inutiles. « Ils nous ont dit : « Nous n'avons pas à parler avec vous, et nous ne le ferons pas », dit Judd. « Ils nous ont dit que nous devions contacter tous les travailleurs temporaires qui travaillaient dans d'autres compagnies à part Microsoft. Nous n'avions aucun moyen de savoir qui ils étaient ni comment les contacter. En plus, ils n'avaient rien à voir avec nos problèmes à Microsoft. »38

En février 2000, Microsoft a annoncé une nouvelle politique devant prendre effet au 1er juillet 2000 et limitant les travailleurs temporaires à une année d'emploi consécutive, exigeant une interruption de cent jours entre chaque mission auprès de la compagnie. Selon cette politique, les temporaires permanents devraient prendre cent jours chômés à partir du 1er juillet 2000. Au bout de ces cent jours, a dit un directeur de Microsoft, ils devraient postuler à nouveau pour un travail temporaire ou chercher de nouveaux emplois dans une autre compagnie par le biais de leurs agences de travail temporaire.39

Le poste de temporaire permanente de Barbara Judd à Microsoft a pris fin en mars 2000 quand la compagnie a annoncé qu'elle abandonnait le projet de logiciel de préparation des impôts qu'elle et ses collègues avaient développé. 40 « Nous avons reçu l'annonce de notre licenciement deux jours avant » a dit Judd à Human Rights Watch. Certains travailleurs passèrent à une autre compagnie de logiciels de préparation d'impôts, mais Judd décida de chercher un emploi à temps complet. « Je ne veux pas faire partie de ce système », dit-elle. « Les travailleurs qui prennent des emplois temporaires ne réalisent pas qu'il y a des conséquences plus grandes que juste l'absence d'avantages. Vous perdez essentiellement la possibilité de vous organiser. Le système légal n'est tout simplement pas conçu pour traiter ces questions de travail temporaire à long terme. »41

Etude de cas : atelier de confection à New York
Selon le droit américain actuel du travail, les revendeurs et fabricants qui profitent de la place des ateliers de confection au plus bas des normes du travail ne sont pas tenus pour responsables des violations du droit du travail commises par leurs sous-traitants, y compris les violations des droits des travailleurs à s'organiser. Des études faites par le ministère du travail américain en 1997 et 1998 indiquent que près des deux tiers des ateliers de confection à New York ont violé les lois sur le salaire minimum et les heures supplémentaires. 42 Une étude d'ensemble de l'industrie de la confection de Los Angeles a conclu en 1999 que «cette importante industrie est infestée par des conditions de travail au-dessous des normes... Il y a un non-respect largement répandu des réglementation de sécurité, de santé et de travail. » 43

En 1997, un groupe de travailleurs d'un atelier de couture de Manhattan appelé MK Collections forma un syndicat. Mario Ramirez dit que les travailleurs étaient passés à l'action parce qu'ils n'avaient pas été payés depuis deux mois et «parce que les patrons criaient après les gens. »44 Eduardo Rodriguez, qui comme Ramirez est venu à New York de Puebla, au Mexique, était un autre adhérent du syndicat. « Nous discutions dehors avant le travail et au moment du déjeuner, mais jamais en groupes importants », explique-t-il. 45 Rodriguez évaluait le nombre de partisans du syndicat à environ quarante travailleurs, la majorité des 65 à 70 personnes travaillant à MK Collections.

En janvier 1997, les travailleurs de MK firent déboucher leur tentative d'organisation sur un arrêt de travail, demandant le salaire dû pour le travail réalisé. Tout d'abord, leur mouvement porta ses fruits. Sept membres du groupe organisateur signèrent un accord écrit à la main avec le patron reconnaissant le syndicat des travailleurs, établissant une norme de juste motif pour toute action disciplinaire, promettant de maintenir les toilettes propres et en plus de payer les salaires à temps de payer 50 $ de plus par semaine jusqu'à paiement complet de l'arriéré pour chaque travailleur.

L'accord a tenu seulement quatre mois. L'employeur licencia deux membres du comité, qui ne voulurent pas protester par crainte des services d'immigration. Au début du mois de mai 1997, la compagnie ferma, prétextant qu'un fabricant avait annulé un contrat de production. D'après Ramirez et Rodriguez, le propriétaire ouvrit à nouveau à une nouvelle adresse et engagea d'autres travailleurs juste quelques jours plus tard. 46

Leur expérience a laissé des marques à Ramirez et Rodriguez. « J'ai pensé à organiser (un syndicat) dans mon nouveau travail » dit Ramirez, qui a trouvé un autre emploi dans l'industrie de la confection. « Mais j'ai besoin d'avoir la garantie que je ne serai pas licencié. » 47Rodriguez, qui a pris un nouvel emploi dans un restaurant, dit « Aussi longtemps qu'il n'y a pas une loi pour nous protéger mieux, je ne pense pas qu'il y ait des chances que j'organise (un syndicat) à nouveau. »48

Résultat : annulation du droit de grève par la doctrine du remplacement permanent
Selon le droit du travail américain, les employeurs peuvent embaucher de nouveaux employés pour remplacer de façon permanente les travailleurs qui exercent leur droit de grève. Cette doctrine va à l'encontre des normes internationales qui reconnaissent le droit de grève comme un élément essentiel de la liberté d'association. Considérant la règle américaine du remplacement de gréviste, le Comité de la liberté syndicale de l'OIT a déterminé que le droit de grève « n'est pas réellement garanti quand un travailleur qui l'exerce légalement court le risque de voir son travail pris de façon permanente par un autre travailleur, de façon légale » et que le remplacement permanent « entraîne un risque de dérogation au droit de grève qui peut affecter le libre exercice des droits syndicaux. »49

Etude de cas : ouvriers de l'industrie sidérurgique à Pueblo, Colorado
Oregon Steel Co. a remplacé plus de 1000 travailleurs qui exerçaient le droit de grève à son aciérie de Pueblo, au Colorado, en octobre 1997. Beaucoup des remplaçants vinrent de l'extérieur de la région de Pueblo, attirés par les annonces de la compagnie publiées dans les journaux à travers tout le Colorado et les états voisins, offrant des salaires de 13 à 19 $ de l'heure pour des remplacements permanents. Une notice de la compagnie déclarait : « C'est l'intention de la Compagnie que pour chaque travailleur remplaçant embauché cela signifie un poste de moins pour les grévistes à la fin de la grève. »50

Le 30 décembre 1997, trois mois après qu'elle ait commencé, les travailleurs d'Oregon Steel ont mis fin à leur grève et ont offert inconditionnellement de reprendre le travail. La compagnie a refusé de les reprendre sauf quand il y avait un poste vacant après le départ d'un travailleur remplaçant. Certains travailleurs ont repris leur poste sous cette condition légale, mais la plupart des travailleurs d'Oregon Steel étaient toujours sans travail en 2000 parce que la compagnie les avait remplacés de façon permanente par de nouveaux employés.

D'après un juge qui avait présidé une audience de huit mois dans cette affaire, la compagnie était coupable d'interférence, de coercition, de discrimination et de négociation de mauvaise foi. 51 Les pratiques de travail déloyales de la direction d'Oregon Steel avant le début de la grève comprenaient :

· Espionner pendant une réunion syndicale où des stratégies de négociation étaient discutées

· Menacer de fermer l'usine et « ouvrir à nouveau sans syndicat au bout de trente jours » si les travailleurs faisaient grève

· Assigner les tâches salissantes et indésirables comme le nettoyage des fourneaux à arc et des tours de refroidissement aux partisans du syndicat à cause de leur soutien au syndicat

· Menacer de « casser » le syndicat si les travailleurs faisaient grève (comme un témoin l'a déclaré, un surveillant a dit « en quinze minutes ils auraient deux bus de gars dans l'aciérie pour faire nos boulots et le syndicat n'existerait plus »)

· Promettre des promotions aux travailleurs s'ils franchissaient les piquets de grève et retournaient au travail pendant une grève.

En tout, dit le juge, les pratiques de travail déloyales d'Oregon Steel « étaient substantielles et contraires à l'éthique de la négociation de bonne foi ». 52Selon cette décision, les travailleurs ont droit à la réintégration, car une compagnie qui viole la loi perd le droit à remplacer les grévistes de façon permanente. Cependant, la compagnie a fait appel de cette décision et a juré de continuer à faire appel pendant des années avant qu'une décision finale ne soit obtenue dans cette affaire. Pendant ce temps, les travailleurs sont toujours remplacés et privés de leurs moyens d'existence pour eux-mêmes et leurs familles.

Joel Buchanan, travailleur à l'usine de Oregon Steel depuis vingt-neuf ans, a déclaré à Human Rights Watch : « Avant la grève, la compagnie nous poussait à faire du travail supplémentaire forcé. Quand on leur demandait d'embaucher de nouveaux travailleurs pour qu'on puisse souffler un peu, ils nous disaient qu'ils ne pouvaient pas trouver de travailleurs qualifiés dans tout le Colorado. Mais quand nous nous sommes mis en grève, tout d'un coup ils ont trouvé des centaines de remplaçants. »53

Résultat : vulnérabilité particulière des travailleurs immigrés
Les principes internationaux des droits de l'homme s'appliquent à toutes les personnes indépendamment de leur statut de citoyen ou d'immigrant. Aux Etats-Unis, Human Rights Watch a constaté des violations des droits des travailleurs avec des caractéristiques particulières affectant les travailleurs immigrés dans presque tous les secteurs économiques et les zones géographiques étudiés dans ce rapport. Pour beaucoup d'entre eux, la vulnérabilité créée par leur statut de sans papiers et la peur d'être expulsé sont les forces les plus puissantes qui inhibent leur exercice du droit de s'organiser et de négocier collectivement.

Au cours des campagnes électorales du NLRB, les employeurs menacent ordinairement d'appeler le Service de Naturalisation et d'Immigration (INS) pour faire expulser les travailleurs. Les travailleurs immigrés ont souvent peur de porter plainte pour pratiques de travail illégales ou de paraître comme témoin dans des procédures pour pratique de travail illégale parce qu'ils ont peur que leur statut d'immigration soit remis en cause.

Etude de cas : travailleurs des entrepôts dans l'industrie de la pomme à Washington
Des milliers de travailleurs sont employés dans le secteur des entrepôts de l'industrie de la pomme de Washington. Comme les ramasseurs de pommes, de nombreux travailleurs saisonniers dans les entrepôts sont des immigrés du Mexique.

Les travailleurs des entrepôts de pommes ne sont pas classés parmi les travailleurs agricoles. Ils sont couverts par le NLRA, qui définit comme pratique de travail illégale le fait de menacer, la coercition ou la discrimination contre les travailleurs pour activités syndicales. Mais quand les travailleurs d'une des plus grandes compagnies de transformation de pommes ont cherché à former et rejoindre un syndicat en 1997 et 1998, la direction a répondu par le licenciement des principaux leaders syndicaux et des menaces d'expulsion de travailleurs par l'INS s'ils formaient un syndicat.54

Voici comment l'un des travailleurs a décrit les tactiques de la compagnie :

Le syndicat a perdu l'élection du NLRB même si une majorité de travailleurs avait signé des cartes pour adhérer au syndicat et autoriser le syndicat à négocier en leur nom.

Résultat : même les immigrants légaux sont sans protection
Environ 30 000 ouvriers agricoles saisonniers entrent aux Etats-Unis chaque année dans le cadre d'un programme spécial appelé H-2A qui leur donne l'autorisation légale de travailler dans des régions où les employeurs invoquent un déficit de travailleurs américains. Les travailleurs H-2A ont un statut spécial parmi les travailleurs agricoles immigrés. Ils viennent aux Etats-Unis ouvertement et légalement. Ils sont couverts par les lois sur les salaires, les indemnités des travailleurs et autres normes.

Mais des papiers en règle ne sont pas une garantie de protection pour la liberté d'association des travailleurs H-2A. En tant que travailleurs agricoles, ils ne sont pas couverts par la disposition du NLRA contre la discrimination censée protéger le droit à s'organiser.

Les travailleurs H-2A sont liés aux exploitants agricoles qui signent un contrat pour leur travail. Ils n'ont pas la possibilité de s'organiser pour de meilleures conditions de travail ni la possibilité de changer d'employeur pour obtenir de meilleures conditions. S'ils essaient de former et rejoindre un syndicat, l'exploitant agricole pour lequel ils travaillent peut annuler leur contrat de travail et les faire expulser.

Etude de cas : travailleurs H-2A en Caroline du Nord
Plus de 10 000 travailleurs immigrés avec des visas H-2A sont venus en Caroline du Nord en 1999, faisant des exploitants agricoles de cet état les principaux employeurs de travailleurs
H-2A des Etats-Unis.56 Les travailleurs H-2A en Caroline du Nord sont surtout mexicains, des hommes jeunes célibataires qui récoltent le tabac, les patates douces, les concombres, les poivrons, les pommes, les pêches, les melons ainsi que d'autres cultures saisonnières d'avril à novembre. 57

« Chez nous il n'y a pas de travail » , c'est la principale raison que les travailleurs ont donnée à Human Rights Watch pour leur immigration. 58 Beaucoup parmi les travailleurs viennent de localités rurales du Mexique. Certains parlent espagnol avec difficulté car chez eux dans leur village les gens parlent surtout le Misteco, une langue indienne locale. Dans la plupart des cas, les revenus en dollars américains de leur emploi H-2A constituent la seule source de revenus pour leurs familles et pour leurs communautés.

Human Rights Watch a trouvé des preuves d'une campagne d'intimidation dès le moment où les travailleurs H-2A pénètrent aux Etats-Unis pour décourager tout exercice de la liberté d'association. Les avocats des Services Légaux et les organisateurs syndicaux sont « l'ennemi », leur disent les employés des exploitants agricoles. Plus explicitement, les employés amènent les travailleurs à un rituel voisin de l'autodafé en leur faisant collectivement jeter aux ordures les manuels « Connaissez vos droits » des avocats des Services Légaux et prendre à la place les livrets des employés édités par les exploitants agricoles. 59

Sur le papier, les travailleurs H-2A peuvent demander l'aide des Services Légaux et déposer des plaintes pour violations des exigences du programme H-2A (mais par pour violation du droit de former ou rejoindre des syndicats, puisqu'ils sont exclus de la protection du NLRA). Cependant, dans cette atmosphère d'hostilité des exploitants agricoles vis à vis des Services Légaux, les ouvriers agricoles sont réticents pour déposer une plainte éventuelle contre les exploitants agricoles. « Ils ne nous laissent pas parler aux Services Légaux ni au syndicat » dit un travailleur à Human Rights Watch. « Ils nous licencieraient si on les appelait ou si on leur parlait. »60

En décembre 1997, le General Accounting Office (GAO) des Etats-Unis a signalé que « les travailleurs H-2A (...) ne vont pas se plaindre des violations contre la protection du travailleur par crainte de perdre leur travail ou de ne pas être embauché à l'avenir. » 61La crainte de la liste noire est bien fondée, d'après une étude de la Fondation Carnegie de 1999, qui basait ses résultats sur des interviews faites au Mexique auprès de travailleurs mexicains H-2A habituels. L'étude Carnegie a conclu que « la liste noire des travailleurs H-2A semble être largement répandue, très organisée et existe à tous les niveaux du processus de recrutement et d'embauche. Les travailleurs signalent que la durée d'inscription sur la liste noire était maintenant de trois ans, alors qu'elle était d'un an au début des années 90. »62

7 Voir par exemple Sous-comité sur les relations sociales du Comité du Parlement sur Education et Travail, 96ème Congrès, 2nde session, «Rapport sur les pressions sur le lieu de travail d'aujourd'hui» (1980) ; 98ème Congrès «Echec du droit du travail : une trahison des travailleurs américains » (1984) ; Ministère du Travail des U.S.A., Bureau des Relations Sociales, Rapport N°134 : « Droit du travail américain et avenir de la coopération sociale » (1989) ; Ministère américain du Travail, Ministère américain du Commerce, Commission sur l'avenir des relations sociales (Comité Dunlop), Fact Finding Report (1994).

8 Voir Rapports annuels du NLRB 1950-1998 ; Tableau 4 p.137.

9 Ces pratiques déloyales du travail ainsi que d'autres décrites ici ont été confirmées par le NLRB dans sa Décision, ordre et direction d'une 2ème élection, Palm Garden of North Miami and UNITE, 327 NLRB N°195 (31 mars 1999), pages 6 à 8 et 13-14.

10 La décision de l'ALJ datée du 30 janvier 1998 est incorporée à la Décision du NLRB du 31 mars 1999. Selon les règles du NLRB, les salaires rétroactifs sont minorés de tout gain obtenu par le travailleur indûment licencié pendant la période suivant son licenciement.

11 Entretien avec Human Rights Watch, 22 juillet 1999.

12 Entretien avec Human Rights Watch, Palm Beach, Floride 24 juillet 1999.

13 Voir Décision et ordre du NLRB, PVMI Associates, Inc. D/b/a King David Center et.al. and 1115 Nursing Home Hospital & Service Employees Union-Florida, 328 NLRB N° 159 (6 août 1999).

14 Ibid., p.13.

15 Ibid., p.18.

16 Entretien avec Human Rights Watch, Palm Beach, Floride, 24 juillet 1999.

17 Ces pratiques illégales du travail sont décrites de façon plus détaillée dans NLRB Région 11, Ordonnance d'affaires groupées, plainte et notes d'audience Smithfield Foods, Inc. And United Food & Commercial Workers, Affaire N°11-CA-18316 (21 janvier 2000).

18 Entretien avec Human Rights Watch, Wilson, Caroline du Nord, 13 juillet 1999.

19 Voir NLRB v. Village IX, Inc., 723 F.2d 1360 (7ème Cir. 1983).

20 Voir Hunter-Douglas, Inc. v. NLRB, 804 F2d. 808 (7ème Cir. 1986).

21 Entretien avec Human Rights Watch, 11 mai 1999.

22 Cité dans NLRB, Décision du juge administratif David L. Evans dans Avondale Industries, Inc. and New Orleans Metal Trades Concil, Affaires 15-CA-12171-1 et.al. 27 février 1998.

23 Voir Avondale Industries, Inc. v. NLRB, N°.97-60708, 1999 U.S. App. LEXIS 15036, 7 juillet 1999

24 C'est la solution standard du NLRB pour des pratiques déloyales du travail. Les travailleurs réintégrés ont droit à un paiement rétroactif depuis la date de leur licenciement, « mitigé » par la soustraction de tout revenu que le travailleur aurait pu obtenir entre temps.

25 Entretien avec Human Rights Watch, 13 mai 1999.

26 Entretien avec Human Rights Watch, 11 mai 1999.

27 Entretien avec Human Rights Watch, 11 mai 1999. Litton Industries a racheté Avondale à la fin de 1999. Litton accepta de reconnaître le syndicat après qu'une majorité de travailleurs ait signé des cartes autorisant leur représentation et la négociation collective. Cependant, Litton n'accepta pas de réintégrer les travailleurs licenciés. Leurs affaires sont en appel.

28 Entretien avec Human Rights Watch, 8 juillet 1999.

29 Voir NLRB v. Lovejoy Industries, Inc., 904 F.2d 397 (7ème Cir. 1990).

30 Entretien de Human Rights Watch, Chicago, Illinois, 5 juillet 1999.

31 Ibid.

32 Entretien de Human Rights Watch par téléphone, 8 juillet 1999.

33 Bureau des Statistiques du Travail des Etats-Unis, tableaux non publiés du recensement de population de 1998-1999, dossier de Human Rights Watch.

34 Voir Ruben Castaneda, « Un homme jugé coupable dans une affaire d'esclavage ; un couple de médecins fait venir une femme du Brésil, »Washington Post, 11 février 2000, p. B1.

35 Ibid.

36 Entretien de Human Rights Watch, Seattle, Washington, 4 novembre 1999.

37 Voir Leslie Helm, « Technologie : 16 temporaires de Microsoft s'organisent en unité de négociation ; Travail : un groupe espérant de meilleurs avantages signe une pétition pour obtenir une représentation du syndicat local », Los Angeles Times, 4 juin 1999, p. C3.

38 Entretien de Human Rights Watch avec Judd.

39 Voir John Cook, « Microsoft limite le temps pendant lequel les temporaires peuvent travailler ; une nouvelle politique pourrait mettre fin à son problème de temporaires permanents », Seattle Post-Intelligencer, 19 février 2000, p. B3.

40 Voir Paul Andrews, « Microsoft abandonne le logiciel pour faire des économies d'impôts ; les travailleurs du projet se disent choqués par cette décision », Seattle Times, 24 mars 2000, p. D3

41 Entretien par téléphone de Human Rights Watch, 25 avril 2000.

42 Voir Steven Greenhouse, « Deux tiers des ateliers de confection violent les lois sur les salaires, disent les Etats-Unis », New York Times, 17 octobre 1997, p. A37.

43 Voir Rapport, Commission juive de Los Angeles sur les ateliers de confection (Los Angeles, janvier 1999) ; Patrick J. McDonnell, « Un groupe juif presse la réforme des ateliers de confection », Los Angeles Times, 1er février 1999, p.B1.

44 Entretien de Human Rights Watch, New York, 15 juin 1999.

45 Ibid.

46 Ibid.

47 Ibid.

48 Ibid.

49 Voir Organisation Internationale du Travail, Comité sur la liberté d'association, Plainte contre le Gouvernement des Etats-Unis présentée par la Fédération Américaine du Travail et le Congrès de Organisations Industrielles (AFL-CIO), para. 92, Rapport N0278, Affaire N° 1543 (1991).

50 Voir par ex. la section des petites annonces du Denver Post du 1er octobre 1997 ; « Notice aux employés remplaçants permanents », Oregon Steel (notice distribuée aux travailleurs remplaçants, 1997).

51 Voir Décision de ALJ Albert A. Metz, New CF&I, Inc. and Oregon Steel Mills, Inc. and United Steelworkers of America, Affaires 27-CA-15562 et. Al., 17 mai 2000.

52 Ibid., p.92.

53 Entretien de Human Rights Watch, 29 mai 1999.

54 Voir NLRB Région 19, Décision sur affaires groupées, plaintes groupées et notes d'audience, Stemilt Growers, Inc., Ag-Relate, Inc., and International Brotherhood of Teamsters, Affaire N°s. 19-CA-25403 et.al. ; Washington Fruit and International Brotherhood of Teamsters, Affaire N°s 25702 et.al. (1998).

55 Déposition sous serment du travailleur Stemilt au NLRB.

56 Voir Leah Beth Ward, « Le commerce de travailleurs agricoles étrangers fait par les exploitants agricoles de Caroline du Nord attire l'attention », Charlotte Observer, 30 octobre 1999, p.1.

57 Entretien de Human Rights Watch, Lori Elmer et Alice Tejada, avocates au bureau des Services Légaux de Caroline du Nord, Unité des travailleurs agricoles, Raleigh, Caroline du Nord, 13 juillet 1999.

58 Entretien de Human Rights Watch avec des travailleurs immigrés H-2A, près de Mt. Olive, Caroline du Nord, 14 juillet 1999.

59 Voir la déposition sous serment de Juan Carlos Vieyra Ornelas, intégrée au Projet sur les Travailleurs agricoles de Benson, Caroline du Nord, 10 août 1999, dossier de Human Rights Watch.

60 Entretien de Human Rights Watch près de Mt. Olive, Caroline du Nord, 15 juillet 1999.

61 Ward, « Commerce des exploitants agricoles », p.30.

62 Voir Demetrios G. Papademetriou et Monica S. Heppel, Balancing Acts : toward a fair bargain on seasonal agricultural workers, Programme politique de migration international, Fondation Carnegie pour la paix internationale (1999), p.13.

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