Zaïre: transition, guerre et droits de l'homme

Communiqué de presse sous embargo jusqu'au 28 avril 1997


« Il est essentiel, pour l'avenir du pays, que soit restaurée l'autorité de la loi. La paix ne régnera à nouveau que si les individus responsables des massacres ethniques et coupables d'autres abus sont poursuivis par la justice »

Peter Takirambudde, directeur de Human Rights Watch/Afrique.

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(New York, 28 avril 1997) -- C'est sur un arrière plan d'échec, celui du processus de transition démocratique, et de haine ethnique, déclenchée par diverses politiques gouvernementales, qu'éclata au Zaïre un conflit sanglant, marqué par des massacres de civils et de multiples violations des droits de l'homme. Dans « Zaïre: Transition, Guerre et Droits de l'Homme, » qui paraît aujourd'hui, Human Rights Watch/Afrique dénonce les massacres de civils commis dans l'est du Zaïre à la fois par les forces gouvernementales et les rebelles de l'Alliance des Force Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (A.F.D.L.). L'oeuvre, s'appuyant sur des études de cas régionales, expose également les nombreuses violations des droits de l'homme commises sur l'ensemble du territoire zaïrois. Les multiples abus commis par les militaires et la police, ainsi que l'effondrement de l'autorité de la loi, minent à la fois la légitimité du gouvernement et ses efforts militaires, dans l'ensemble du pays. Human Rights Watch/Afrique met à nu l'échec du gouvernement, incapable de respecter le calendrier démocratique, et le comportement de l'A.D.F.L. qui, en matière de mise en place d'administrations civiles et de gouvernements régionaux dans les zones conquises, a été loin d'être entièrement démocratique.

Human Rights Watch appelle le gouvernement du Zaïre et l'A.F.D.L. à interdire que des civils ou des objectifs civils soient pris pour cibles lors d'opérations militaires. De même, Human Rights Watch exhorte la communauté internationale à exercer des pressions sur les deux parties au conflit, pour obtenir que soient menées en toute liberté des enquêtes relatives aux allégations de massacres dans l'est du Zaïre. « Il est essentiel, pour l'avenir du pays, que soit restaurée l'autorité de la loi. La paix ne régnera à nouveau que si les individus responsables des massacres ethniques et coupables d'autres abus sont poursuivis par la justice », a déclaré Peter Takirambudde, directeur de Human Rights Watch/Afrique.

Human Rights Watch/Afrique émet diverses recommandations détaillées, à l'attention à la fois de la communauté internationale et des deux parties au conflit. Parmi celles-ci, citons:

A l'attention du gouvernement du Zaïre:
1. Se conformer aux normes exécutoires du droit humanitaire international applicables à la situation actuelle de conflit armé et, notamment:

• Interdire que soient pris pour cibles des civils ou objectifs civils, lors d'opérations militaires et d'attaques aveugles, de pillages, de viols ou d'actes de destruction de propriété civile;

• Assurer un traitement humain à toutes les personnes détenues dans le cadre du conflit ou mises hors de combat, de quelque manière que ce soit; la torture et les exécutions extrajudiciaires ne peuvent être tolérées;

• Permettre et faciliter l'accès des programmes humanitaires et d'assistance, afin que la nourriture, les médicaments et l'aide en général, sous toutes ses formes, puissent être fournis aux personnes non-combattantes des régions touchées par la guerre. Les programmes humanitaires et d'assistance du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (H.C.R.), du Comité International de la Croix-Rouge (C.I.C.R.) et d'autres institutions doivent pouvoir fonctionner sans entrave, en fonction des besoins humanitaires et conformément à leurs missions respectives. Assurer la sécurité et l'accès par voie terrestre, maritime et aérienne, de l'aide humanitaire;

• Autoriser le Comité International de la Croix-Rouge à rendre visite aux personnes détenues dans le cadre du conflit;

• Procéder à des enquêtes sur les violations du droit humanitaire international commises par des membres des forces militaires et de sécurité gouvernementales, les considérer pénalement responsables de leurs actes. Les forces gouvernementales qui ont bloqué le passage de l'approvisionnement humanitaire, attaqué des membres d'organisations humanitaires ou, de quelque manière que ce soit, gêné le travail de ces organisations, doivent faire l'objet d'une enquête et être poursuivies;

2. Se conformer aux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par le Zaïre; notamment le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, et prendre les mesures qui s'imposent à cet égard, afin de:

• abroger les dispositions de la législation zaïroise qui violent les normes internationales, notamment:

• Amender le Décret n° 0021 du 2 août 1996 (relatif à l'identification des citoyens, le recensement et la liste électorale), de manière à ce qu'aucun zaïrois ne soit privé de son droit électoral pour des raisons relatives à sa langue, origine ethnique ou toute autre raison arbitraire et discriminatoire;

• Aborder de toute urgence le problème des traitements inhumains dans les cellules et prisons des services de police. Les mauvais traitements, sous la forme de passages à tabac, d'exposition aux éléments ou de menaces, doivent cesser. Les individus coupables d'avoir administré des mauvais traitements à des prisonniers doivent faire l'objet d'une enquête et être poursuivis en justice;

• Instituer des mécanismes de sauvegarde contre la torture, notamment en faisant comparaître sans retard tous les détenus devant l'autorité judiciaire; mettre fin à la procédure routinière de mise au secret de détenus, autoriser le prisonnier à recevoir sans tarder la visite de sa famille, de médecins et de son/ses conseiller(s) juridiques(s);

• Instituer des mécanismes additionnels de sauvegarde contre les « disparitions » et exécutions extrajudiciaires, y compris des dispositions stipulant qu'aucun individu ne sera jamais détenu en secret, que les prisonniers ne seront détenus que dans des lieux reconnus publiquement comme étant des lieux de détention, que la famille sera rapidement informée du lieu où se trouve le prisonnier, et que les prisonniers ne seront détenus que sous la supervision des tribunaux;

• Respecter la liberté d'expression, en levant les restrictions arbitraires imposées au médias écrits et à la radio et télédiffusion publique, en mettant fin au harcèlement et à la détention arbitraire de journalistes, commentateurs politiques et autres qui n'auraient fait qu'exprimer leur opinion;

• Reconnaître aux défenseurs des droits de l'homme le droit de superviser, d'enquêter et d'exprimer leurs vues quant aux violations de ces droits, leur reconnaître le droit de s'associer librement avec d'autres, au niveau national et international, dans le but de promouvoir et de protéger les droits de l'homme;

A l'attention de l'A.F.D.L.:
1. Se conformer aux normes exécutoires du droit humanitaires international applicables à la situation actuelle de conflit armé et, notamment:

• Interdire que soient pris pour cibles des civils ou objectifs civils, lors d'opérations militaires et d'attaques aveugles;

• Assurer un traitement humain à toutes les personnes détenues dans le cadre du conflit ou mises hors de combat, de quelque manière que ce soit; la torture et les exécutions extrajudiciaires ne peuvent être tolérées;

• Permettre et faciliter l'accès des programmes humanitaires et d'assistance, afin que la nourriture, les médicaments et l'aide en général, sous toutes ses formes, puissent être fournis aux personnes non-combattantes des régions touchées par la guerre. Assurer la sécurité et l'accès, par voie terrestre, maritime et aérienne, de l'aide humanitaire;

• Autoriser le Comité International de la Croix-Rouge à rendre visite aux personnes détenues dans le cadre du conflit;

• Procéder à des enquêtes sur les violations du droit humanitaire international commises par des membres de l'A.F.D.L. et de ses forces alliées. Les considérer pénalement responsables de leurs actes, par le biais de procédures qui respectent les normes minima établies par le droit humanitaire international en matière de procès;

• Apporter sa collaboration aux mesures mises en oeuvre par les Nations Unies, l'Organisation de l'Unité Africaine et les organisations internationales humanitaires ou de défense des droits de l'homme visant à superviser, enquêter et remédier aux situations d'urgence dans le domaine humanitaire et des droits de l'homme au Zaïre.

A l'attention de toutes les forces d'opposition: L'A.F.D.L. et toutes les forces d'opposition doivent s'engager, dès qu'un gouvernement aura été formé, à:

• Se conformer aux dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels le Zaïre est partie et ratifier la Convention contre la Torture et les Autres Traitements ou Peines Cruelles, Inhumaines ou Dégradantes, ainsi que le Protocole Additionnel aux Conventions de Genève (Protocole II).

• Donner toute priorité au développement d'un système judiciaire indépendant;

• Garantir la comparution rapide devant l'autorité judiciaire de toute personne arrêtée;

• Garantir qu'aucun individu ne sera détenu sans avoir été accusé d'un délit pénal reconnu, garantir que ledit individu sera jugé sans retard inutile par un tribunal indépendant;

• Mettre en oeuvre des programmes de formation à l'attention des responsables de l'application des lois et des militaires, dans le domaine des normes applicables en matière de droits de l'homme. Dans le même temps, instituer des procédures garantissant que les violations des droits de l'homme feront l'objet d'enquêtes et de poursuites pénales efficaces.

• Désavouer les mesures arbitraires destinées à priver de leur nationalité les zaïrois de langue Kinyarwanda, à savoir les Banyarwanda, ainsi que tous ceux appartenant à une autre minorité.

• Mener des enquêtes et faciliter celles organisées par des organismes indépendants dans le but de récolter des éléments relatifs aux violations des droits de l'homme dont se sont rendus coupables les forces du gouvernement actuel et les forces rebelles, afin de rendre publics les éléments mis à jour dans le cadre desdites enquêtes et la responsabilité pénale des individus coupables de violations graves;

• Prendre sans tarder des mesures afin de créer les conditions permettant d'organiser des élections libres et équitables, notamment en garantissant un contrôle civil des forces militaires et de la gendarmerie nationale, en restaurant au sein de l'administration régionale et locale les notions d'impartialité et de représentation nationale et en affirmant le respect des libertés politiques fondamentales, y compris les libertés d'expression, d'association et de réunion;

A l'attention de tous les membres de la Communauté Internationale, y compris les Nations Unies, l'Union Européenne et ses états membres, les Etats-Unis et l'Organisation de l'Unité Africaine:
• Appeler les deux parties au conflit à autoriser que soient menées, sans obstruction ni limite aucune, des enquêtes internationales relatives aux allégations indiquant que de nombreux massacres de civils ont été commis au Zaïre;

• Insister pour que la responsabilité du gouvernement zaïrois et de l'A.F.D.L. dans les violations des droits de l'homme commises dans les territoires sous leur contrôle ne soient pas sacrifiée sur l'autel d'une solution négociée au conflit actuel.

• Tenir toutes les parties au conflit pour responsables des attaques envers les civils commises par leurs combattants.

• Conditionner l'apport de toute aide au gouvernement actuel ou futur, y compris celle devant permettre d'organiser des élections, à la mise en oeuvre de mesures concrètes visant à assurer le respect des droits de l'homme et à mettre en place les conditions nécessaires à l'organisation d'élections libres et équitables, y compris:
• procéder à la réforme de l'armée et de la gendarmerie nationale, qui doivent être non partisanes, représentatives de la nation toute entière et soumises à un contrôle civil;
• garantir le respect des libertés politiques fondamentales, y compris la liberté d'expression, notamment en ouvrant les ondes des radios et télévisions à toutes les opinions; et
• procéder à la réforme des administrations régionales et locales, qui doivent être des institutions non partisanes et représentatives de la nation toute entière.

• Assurer une supervision étroite et la publication de rapports relatifs aux progrès réalisés dans la mise en oeuvre de programmes destinés à préparer des élections;

Recommandations spécifiques, à l'attention des Nations Unies:

A l'attention du Conseil de Sécurité:
• Nommer immédiatement une commission chargée d'enquêter sur les allégations indiquant que de nombreux massacres ont été commis par les deux parties au conflit, dans l'est du Zaïre, et rendre public le rapport de la commission.

A l'attention du Centre des Nations Unies pour les Droits de l'Homme:
• Garantir que le Bureau des Nations Unies pour les Droits de l'Homme situé à Kinshasa puisse mener à bien sa fonction essentielle de supervision. Contribuer à son budget de telle manière que le Bureau puisse financer les nombreux déplacements internes nécessaires à la réalisation de sa mission et améliorer les communications.

Des exemplaires de Zaïre: Transition, Guerre et Droits de l'Homme sont disponibles auprès du Service Publications à US$10.50. Adresse de contact (commandes nationales et internationales):

Publications Department 485, Fifth Avenue New York, New York 10017 U.S.A. [haut de la page]

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