Contribute to Human Rights Watch
HOME | SITEMAP | SEARCH | CONTACT | REPORTS | PRESS ARCHIVES
  FREE    Join the HRW Mailing List 
Les Crimes de Hissène Habré 

Un tribunal sénégalais auditionnera des témoins dans l'affaire de l'ancien dictateur tchadien
(Dakar, Sénégal - le 12 mai 2000) Le Président de la Commission d'Enquête Tchadienne sur les crimes de Hissène Habré et un médecin français qui a soigné des centaines de victimes de torture au Tchad témoigneront la semaine prochaine devant un tribunal sénégalais dans l'affaire de l'ancien dictateur. La Cour entendra également le témoignage de trois anciens détenus qui ont fait l'objet de mauvais traitements dans les prisons de Hissène Habré.


"Habré n'était pas un dirigeant distant et ignorant des crimes commis par ses hommes. Au contraire, il a incité, dirigé et approuvé la torture et l'assassinat de ses opposants politiques, comme de ceux qui appartenaient prétendument aux mauvais groupes ethniques."

Reed Brody, Directeur-Adjoint à Human Rights Watch


 
Quant à la requête en annulation présenté par les avocats de Habré, la Chambre d'Accusation de Dakar a décidé jeudi de renvoyer l'audience, d'un commun accord des parties, jusqu'à mardi 16 mai.

Mahamat Hassan Abakar, Président de la Commission d'Enquête, présentera au Juge Demba Kandji du Tribunal Régional hors-classe de Dakar les fruits de son travail. Publié en 1992, le rapport de la Commission accuse le gouvernement Habré de 40.000 assassinats politiques ainsi que d'actes de tortures et brutalités systématiques. La plupart de ces crimes ont été commis par la police politique de Hissène Habré, la puissante Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS) qui, selon le rapport était rattachée directement à la présidence et était utilisée comme "instrument de terreur et D'oppression."

Docteur Hélène Jaffé, médecin parisienne spécialisée dans la réhabilitation des victimes de tortures, témoignera à son tour devant le Juge Kandji, en début de semaine prochaine. Son travail a porté sur 581 patients victimes de torture sous le régime d'Hissène Habré. Selon ses conclusions, les formes les plus fréquentes de torture étaient les suivantes: passages à tabac, " l'Arbatachar " (qui consiste à attacher les deux bras aux deux pieds derrière le dos de manière à provoquer l'arrêt de la circulation et la paralysie des membres), chocs électriques, brûlures et ingestion forcée d'eau.

Fatime Hachim Saleh sera également entendue par le Juge. Elle et son mari ont été arrêtés en 1989 par des agents de la DDS, alors qu'elle était enceinte de cinq mois. Son enfant est mort-né en prison. Fatime Hachim Saleh a vécu quinze mois en détention, au cours desquels Hissène Habré a rendu deux fois visite aux prisonnières politiques femmes. Antoine Kenoue Tchoungre, quant à lui, racontera à la Cour la violence des chocs électriques auxquels il a été soumis en 1987. Banhoudou Mbairo décrira au juge comment, à la suite des assassinats massives de 1984 dans la région de Déli, il a été réquisitionné pour enterrer des cadavres. Et Zakaria Fadoul, un des plaignants dans l'affaire, décrira les conditions inhumaines de sa détention en 1989, détention due à sa simple appartenance à l'ethnie Zaghawa.

"Habré n'était pas un dirigeant distant et ignorant des crimes commis par ses hommes", affirme Reed Brody, Directeur-Adjoint à Human Rights Watch, l'une des organisations qui a initié les poursuites contre l'ancien dictateur. "Au contraire, il a incité, dirigé et approuvé la torture et l'assassinat de ses opposants politiques, comme de ceux qui appartenaient prétendument aux mauvais groupes ethniques."

"Les témoignages accablants montrent que la responsabilité politique de Habré coïncide avec une responsabilité juridique et pénale", a ajouté Alioune Tine de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (la RADDHO, basée à Dakar).

En février, le Juge Kandji a inculpé Hisssein Habré de complicité de torture et l'a placé en résidence surveillée. C'est la première fois qu'un ancien chef d'Etat africain a été inculpé par une cour étrangère pour des atrocités commises sur son territoire. Habré vit en exil au Sénégal depuis sa chute en 1990.

Le 18 février dernier, les avocats de Hissène Habré ont déposé une requête en annulation, visant à démontrer que le Sénégal n'a pas compétence sur des crimes commis au Tchad. Mais les victimes notamment ont souligné qu'ayant ratifié en 1986 la Convention de Nations Unies contre la Torture - convention qui en vertu de la Constitution sénégalaise est directement applicable en droit sénégalais -, le Sénégal a l'obligation de poursuivre ou d'extrader les personnes soupçonnées de torture se trouvant son territoire.

Habré avait pris le pouvoir au Tchad en 1982. Son régime, soutenu par les États-Unis et la France, fut marqué par de multiples abus et campagnes de violence dont furent victimes les ethnies hadjerai (en 1987) et zaghawa (en 1989). Habré fut renversé en décembre 1990 par le Président actuel, Idriss Deby.

Plusieurs organisations sont associées à Human Rights Watch et à la RADDHO pour soutenir la plainte déposée contre Hissène Habré, notamment l'Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l'homme (ATPDH), la Ligue tchadienne des droits de l'homme (LTDH), l'Organisation nationale des droits de l'homme (Sénégal), Interights (basée à Londres), la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme et l'organisation française Agir Ensemble pour les Droits de l'Homme.

HUMAN RIGHTS WATCH HOME | SITEMAP | SEARCH | CONTACT | REPORTS | PRESS ARCHIVES