HUMAN RIGHTS WATCH

L'avis de la Cour d'appel de Dakar sur la demande d'extradition de Hissène Habré (extraits)

"Considérant que la Constitution du Sénégal en son article 101 et la loi organique du 14 février 2002 sur la Haute Cour de Justice ont institué une procédure spéciale, exorbitante du droit commun pour tout acte de poursuite à l'encontre du Président de la République;

"Considérant que dès lors, la Chambre d'accusation , juridiction ordinaire de droit commun, ne saurait étendre sa compétence aux actes d'instruction et de poursuite engagés contre un chef d'Etat pour des faits prétendument commis dans l'exercice de ses fonctions;  
 
"Que cette exception doit donc s'appliquer nécessairement à la demande d'extradition puisque aussi bien, la mise en oeuvre de la procédure d'avis, est subordonnée à l'accomplissement préalable d'actes d'instruction fondamentaux, notamment la comparution et l'interrogatoire du mis en cause;  
 
"Que du reste l'extradition procédant elle-même d'acte de poursuite ou d'exécution par délégation de l'Etat requérant au profit de l'Etat requis, doit conformer, en tout état de cause dans sa phase judiciaire, aux règles d'ordre public de compétence et d'organisation des juridictions répressives, bastion de la souveraineté nationale;  
 
"Considérant que Hissène Habré doit alors bénéficier de cette immunité de juridiction qui, loin d'être une cause d'exonération de responsabilités pénales, revêt simplement un caractère procédural au sens de l'arrêt Yéro Abdoulaye Ndombasi du 14/02/2002 rendu par la Cour Internationale de Justice dans le litige opposant le Royaume de Belgique à la République démocratique du Congo;  
 
"Qu'il n'est du reste pas inutile de rappeler que ce privilège a vocation à survivre à la cessation de fonction du Président de la République quelle que soit sa nationalité et en dehors de toute Convention d'entraide;  
 
"Considérant qu'il s'infère de ces remarques, l'incompétence de la Cour de céans connaître de la régularité d'actes de poursuite et de validité de mandat d'arrêt s'appliquant à un Chef d'Etat;  
 
"Qu'il y a lieu par conséquent de renvoyer le Ministère Public à mieux se pourvoir comme il semble d'ailleurs lui même le suggérer, dans sa note en cours de délibéré du 24 novembre 2005;  
 
"Par ces motifs,  
 
Statuant publiquement à l'égard de Hissène Habré en matière d'extradition et en dernier ressort:  
 
"se déclare incompétente;  
 
"Renvoie le Ministère Public à mieux se pourvoir. »