Rapports de Human Rights Watch

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Escalade des violences au Darfour et conséquences pour le Tchad

 

Ce n’est pas une coïncidence si le nombre d’attaques transfrontalières au Tchad a augmenté en parallèle avec une instabilité croissante dans la région du Darfour, et en particulier dans l’Etat frontalier de l’Ouest Darfour. Ces tendances sont étroitement liées à la prolifération de groupes armés dans la région et à l’impunité dans laquelle opèrent ces groupes. Malgré la présence des forces de l’Union Africaine dans la région, les civils vivant dans les camps pour personnes déplacées au Darfour continuent à subir des attaques régulières, y compris des meurtres délibérés, des viols et des tortures, de la part des milices soutenues par le gouvernement au Darfour et d’autres groupes armés, y compris des criminels. En décembre 2005, le Secrétaire général des Nations Unies a décrit la situation au Ouest Darfour comme “l’environnement sécuritaire le plus complexe des trois Etats [du Darfour].”52

 

Nouvel afflux de réfugiés au Tchad

Les citoyens soudanais déplacés à l’intérieur du pays ont commencé à chercher refuge au Tchad à la suite des attaques menées par des Janjawids à l’intérieur et autour des vastes camps pour citoyens soudanais déplacés à l’intérieur du pays de Misterei et de Mornei, dans l’Ouest Darfour, et des combats entre le SLA et l’armée gouvernementale soudanaise à proximité. Les camps de réfugiés à Farchana, Bredjing et Treguine, tous trois à l’est de Abéché, Tchad, ont déjà atteint leur pleine capacité, et les nouveaux arrivants sont redirigés vers Gaga.53 D’après les relevés tenus par la Commission Nationale d'Accueil et de Réinsertion des Réfugiés (CNAR) l’agence tchadienne pour les réfugiés, 200 réfugiés en moyenne sont enregistrés chaque jour à Gaga.

 

Un homme Masalit de cinquante ans qui a vécu pendant trois ans dans le camp pour personnes déplacées de Misterei au Ouest Darfour est arrivé à Gaga avec sa famille en janvier 2006, où Human Rights Watch s’est entretenu avec lui deux jours après son arrivée. Il a quitté Misterei à cause de la détérioration de la sécurité et du manque de nourriture qui en résulte ; le Programme Alimentaire Mondial y a suspendu la distribution de nourriture pendant huit mois en 2005. Il a signalé que les femmes étaient harcelées, battues ou violées lorsqu’elles sortaient du camp de Misterei pour ramasser du bois pour le feu. “Si votre femme leur plait, ils la prennent,” a-t-il dit en parlant des Janjawids de la région. L’homme a déclaré que les hommes déplacés avaient la stricte interdiction de sortir du camp de Misterei, et que les Janjawids avaient attaqué et blessé ou tué ceux qui étaient sortis du camp. Il s’est plaint que les Janjawids entrent dans le camp pour personnes déplacées quand ils veulent, pillant, faisant usage des armes et enlevant des femmes. “Même les soldats entrent dans le camp et se comportent comme les Janjawids,” a-t-il ajouté.54

 



[52] Rapport mensuel du Secrétaire Général sur le Darfour, Nations Unies, 23 décembre 2005, S/2005/825, [online] http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N05/648/57/PDF/N0564857.pdf?OpenElement.

[53] D’après la CNAR, 217 réfugiés ont été enregistrés à Gaga dans la seule journée du 22 janvier. La population de Gaga en janvier 2006 était de 6400 personnes, avec une capacité de 20 000. Entretien de Human Rights Watch, Tchad, 23 janvier 2006.

[54] Entretien de Human Rights Watch, Tchad, 23 janvier 2006.


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