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Rapport Mondial 2002

Liberia

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La situation des droits humains
Défendre les droits humains
Le rôle de la communauté internationale

LA SITUATION DES DROITS HUMAINS

La violence qui persiste menace de replonger le Liberia dans la guerre civile après neuf ans d'une fragile transition vers la paix. Les combats ont continué de faire rage dans le nord du pays après le début d'une incursion rebelle en juillet 2000, cinquième flambée de violence depuis les élections de 1997 qui avaient mis fin à la guerre civile. Les combats et la répression qui s'en est suivie ont entravé les efforts de normalisation : l'économie est en lambeaux, 80 % de la population active est au chômage et 80 % de la population est illettrée. Les services de base comme la santé, les communications, l'électricité et la fourniture d'eau potable sont restés extrêmement limités. Les institutions, publiques comme privées, se sont dégradées tandis que s'étendaient la corruption et la peur.

Les combats entre les forces gouvernementales et les rebelles des Libériens unis pour la Réconciliation et la Démocratie (Liberians United for Reconciliation and Democracy, LURD) se sont intensifiés dans le Comté de Lofa, au nord. Dans ce contexte de violence, de graves violations des droits humains se sont produites à l'encontre des civils, notamment des femmes et des enfants. Les soldats libériens et les rebelles ont de la même façon emprisonné, torturé et tué des centaines de civils, violé des femmes et des filles comme ils l'entendaient, forcé des hommes et des garçons à se battre. Les rapports d'Amnesty International ont établi que des forces de sécurité gouvernementales - notamment l'Unité Anti-terroriste (ATU) , qui ne rend compte qu'au Président Charles Taylor - avaient emprisonné, torturé ou exécuté plus de deux cents civils soupçonnés de soutenir les rebelles, violant certains d'entre eux. Le gouvernement a démenti ces accusations sans ouvrir la moindre enquête, ni sanctionner, ni mettre fin à ces abus. En avril 2001, le Président Taylor a appelé les 15 000 combattants de la faction qu'il dirigeait pendant la guerre civile à venir contrer la menace rebelle croissante. En septembre, les combats s'étendaient vers le sud et s'étaient rapprochés de la capitale, Monrovia, dont ils n'étaient plus qu'à soixante miles (moins de cent kilomètres).

En réponse aux opérations des rebelles, le régime a accentué la répression de la population civile. Le gouvernement de Charles Taylor n'a de comptes à rendre à personne, il fonctionne en totale indépendance d'un système judiciaire inefficace et d'un parlement qui vit dans la crainte du pouvoir exécutif. Les citoyens d'ethnie Mandingue, que le gouvernement accuse sans distinction de soutenir les rebelles, sont confrontés à une discrimination croissante, aux arrestations arbitraires et à la violence ethnique. En mars, les troupes gouvernementales ont mis à sac l'Université du Liberia, à Monrovia, attaquant et arrêtant des étudiants non armés qui s'étaient réunis pour rassembler les fonds nécessaires à la défense de journalistes détenus. Plus de quarante étudiants auraient été alors torturés, des filles violées, par les hommes de l'ATU et ceux de la Division des opérations spéciales, une unité de la police. Plus de quinze dirigeants étudiants de l'Université du Liberia ont été contraints à l'exil en mai, après que le ministère de la justice eut publiquement accusé le campus d'abriter des collaborateurs des rebelles. En août, afin de tenter d'endiguer le flot croissant des critiques, le Président Taylor a libéré trois des treize dirigeants de la communauté Krahn emprisonnés depuis 1998 sous l'accusation de trahison, gracié les leaders de l'opposition en exil et annoncé l'amnistie des rebelles qui déposeraient les armes.

La censure de la presse et les arrestations de journalistes ont également continué, le chef de l'Etat et d'autres dignitaires de haut-rang les rendant responsables de la publicité négative faite à leur pays auprès de la communauté internationale. En février, quatre journalistes du quotidien Daily ont été arrêtés et détenus plus d'un mois pour espionnage à la suite d'un reportage s'interrogeant sur les dépenses du gouvernement engagées dans la réparation d'hélicoptères. Le gouvernerment a aussi fermé quatre journaux indépendants dans le cadre de cette même affaire. Le harcèlement s'est poursuivi avec, en août, l'arrestation du rédacteur en chef du Monrovia Guardian coupable d'avoir publié un article sur les brutalités policières. En avril, le ministère de l'information a annoncé que tous les reportages évoquant la guerre devraient obtenir son autorisation avant publication. Le gouvernement a également resserré le contrôle sur les journalistes étrangers.

La plupart de Libériens dépendant de la radio pour s'informer, ils ont été privés de nouvelles quand le gouvernement a réduit au silence les antennes indépendantes. En août, le Président Taylor a interdit toutes les stations de radio à l'exception des trois disposant d'une licence, à savoir son propre réseau, le Liberian Communications Network, ainsi que deux autres stations n'émettant que rarement. Dans le même temps, il a refusé de lever l'interdiction d'émettre à l'encontre de Veritas, une station de radio de l'Eglise catholique romaine et de la radio indépendante Star.

La violence a également marqué la compétition régionale pour le contrôle des diamants et autres ressources naturelles. En 2001, l'intérêt du Président Taylor pour le commerce des diamants s'est déplacé sur le bois et il s'est appuyé sur les mêmes hommes qui organisaient le trafic "des armes contre des diamants " pour assurer l'exportation du bois et l'expédition d'armement de Monrovia vers la Sierra Leone. Et pour illustrer la corruption qui règne dans le cœur même du gouvernement, deux des individus impliqués dans le trafic de diamants siègent au conseil d'administration de la Liberian Forestry Development Authorité, l'organisme chargé de superviser l'exploitation forestière au Liberia. Une loi relative aux matières premières, le Strategic Commodities Act, aurait été promulguée dans le plus grand secret en 2000 et donnerait au chef de l'Etat "le seul pouvoir d'exécuter, négocier et conclure tous les accords et contrats commerciaux avec quelque investisseur national ou étranger que ce soit", les matières premières désignées étant notamment les diamants et le bois. Les juristes ont dénoncé cette loi comme anti-constitutionnelle.

Les tensions et divisions dans la sous-région se sont encore accrues quand les conflits internes du Liberia, de la Sierra Leone et de la Guinée se sont étendus par-delà les frontières. La Guinée et le Liberia se sont mutuellement accusés de soutenir leurs groupes rebelles respectifs et le gouvernement de Freetown a dénoncé le soutien apporté par le Liberia aux rebelles sierra-léonais du Front révolutionaire uni (Revolutionary United Front, RUF).L'insécurité et la violence dans la sous-région ont déplacé des milliers de Libériens. Les organisations humanitaires estimaient, en juillet 2001, que plus de 40 000 personnes s'étaient déplacées depuis le mois d'avril dans le Comté de Lofa. Environ 70 % de la population des six camps de déplacés que compte le pays étaient à cette date des femmes et des enfants ayant fui vers le sud en quête de nourriture, d'eau potable, d'abri ou d'assistance médicale. Un nombre inconnu de personnes demeurent toutefois dans des zones inaccessibles aux organisations humanitaires, sans secours et dans des conditions d'insécurité dans les forêts et les villages.

Les Libériens ont également fui au-delà de leurs frontières. En 2001, quelque 15 000 d'entre eux avaient gagné la Sierra Leone et près de 5 000 se trouvaient en Côte d'Ivoire. D'autres avaient fui vers la Guinée, bien que le gouvernement guinéen ait officiellement fermé sa frontière aux réfugiés en provenance du Comté de Lofa à la suite d'incidents armés entre forces gouvernementales et rebelles du Liberia, de Sierra Leone et de Guinée à la fin 2000. Ces échanges de tirs de part et d'autre de la frontière ont également affecté les réfugiés libériens installés depuis une décennie en Guinée. Ils ont été pris pour cible par la sécurité guinéenne et la population, qui ont lancé des attaques contre ces réfugiés à la suite de déclarations xénophobes du Président Lansana Conté, en septembre 2000. Début 2001, alors que la tension restait vive à la frontière, le bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR) et le gouvernement de Guinée ont procédé à la réinstallation de quelque 60 000 réfugiés, pour la plupart des Sierra-Léonais, dans des camps situés plus profondément en territoire guinéen. En mai 2001, ce programme a pris fin et un nombre non précisé de réfugiés a choisi de rester près de la frontière malgré les violences.

DÉFENDRE LES DROITS HUMAINS

Après l'escalade de la violence dans le Comté de Lofa et un rapport des Nations Unies stigmatisant en décembre 2000 le soutien du Liberia aux rebelles de Sierra Leone, le gouvernement de Charles Taylor a intensifié ses attaques contre les organisations de défense des droits humains. Les forces de sécurité libériennes ont harcelé, arrêté, torturé ceux qui se montraient critiques envers le régime et des militants des droits humains ont dû fuir le pays par crainte de représailles du gouvernement. Malgré les menaces, une petite communauté de militants déterminés a toutefois continué de travailler au Liberia.

Le dirigeant de la Commission Paix et Justice de l'Eglise catholique, important défenseur des droits humains, déclarait en mars qu'il avait reçu des menaces émanant " d'individus éminents ", en représailles à un rapport critiquant le bilan du gouvernement en matière de droits humains. Les locaux de la Commission, déjà la cible d'attaques des forces de sécurité, ont été cambriolés quelques mois plus tard. Malgré ce climat de peur, les organisations de défense des droits humains ont poursuivi leurs activités. A l'inverse, la Commission nationale des droits humains est restée inactive.

Thompson Ade-Bayo, un militant des droits humains qui était resté caché une semaine durant, a finalement été arrêté en septembre et détenu par la police : il était recherché pour avoir critiqué comme illégale l'Unité anti-terroriste qu'il avait présentée comme une armée privée au service du Président Taylor.

Les avocats membres de l'Association nationale du Barreau libérien sont devenus une cible après avoir pris la parole pour dénoncer l'absence de réels procès dans les tribunaux. En octobre, deux avocats - Marcus Jones, vice-président de l'Association nationale et Ishmael Campbell, président du Barreau du Comté de Bar - ont été détenus sur ordre de la Chambre des Représentants et frappés d'une amende pour avoir protesté contre la détention de leur collègue et président de l'Association nationale du Barreau, Emmanuel Wurch. Wurch a été jeté en prison fin septembre pour outrage à la Cour puis libéré la première semaine d'octobre après que les avocats eurent boycotté les tribunaux pendant une semaine. Les deux avocats, Jones et Campbell, ont qualifié l'ordre de la Chambre des Représentants " d'anti-constitutionnel " et appelé au boycott des tribunaux. Bien qu'ils se soient acquittés de leur amende, ils ont été informés qu'ils resteraient en prison jusqu'en mars 2002, à moins qu'ils ne retirent leurs propos. Le 11 octobre, les avocats ont entamé une deuxième série de boycotts pour protester contre la détention prolongée de leurs deux collègues.

LE ROLE DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE

La diminution de l'aide internationale au développement et de l'assistance a provoqué une crise humanitaire dans le pays. Les organisations de secours qui luttent pour aider les Libériens déplacés par la guerre ont exprimé leur profonde inquiétude face à la précarité des ressources. Les donateurs restent à l'écart, accusant le gouvernement Taylor de violer les droits humains et de mener une mauvaise politique économique et dénonçant son implication persistante dans la contrebande d'armes.

Les Nations Unies
Le Conseil de sécurité a joué un rôle actif en tentant de mettre un terme au trafic d'armes en échange de diamants entre le Liberia et la sous-région. En décembre 2000, le Comité chargé de veiller au respect de l'embargo sur les armes à destination des rebelles du RUF, en Sierra Leone, a rapporté que l'industrie du bois au Liberia jouait un rôle-clé dans ce trafic. En mai, le Conseil de sécurité décrétait un embargo sur les ventes de diamants libériens - en réalité provenant pour beaucoup de Sierre Leone - et sur les armes à destination du Liberia même, tandis qu'une interdiction de voyager à l'étranger frappait le Président Taylor et plus de 130 hauts responsables de son gouvernement et leurs épouses. En octobre 2001, un rapport du Comité d'experts indépendants au Conseil de sécurité établissait que, malgré l'embargo, des chargements d'armes continuaient d'affluer vers le Liberia.

En but à l'attention internationale, le gouvernement a fait quelques gestes. En janvier, il a obligé tous les avions immatriculés au Liberia à se faire ré-enregistrer pour répondre aux accusations selon lesquelles des appareils immatriculés dans le pays convoyaient des armes en Sierra Leone. En mars, il interdisait l'exportation des diamants et l'importation des pierres brutes non-certifiées. Toutefois, des armes continuent d'arriver, financées par le commerce du bois, non-régulé et sous le coup d'aucune sanction. Une compagnie danoise a toutefois annoncé en juillet qu'elle cessait de commercialiser en Europe le bois en provenance du Liberia.

Le 14 août, le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale a exprimé son inquiétude à propos des "informations faisant état d'exécutions extrajudiciaires, de tortures, de viols et de l'absence de poursuites à l'encontre de leurs auteurs, notamment membres des forces gouvernementales de sécurité." Le 16, les membres du Conseil de sécurité soulignaient la nécessité de mettre fin aux violations des droits de l'homme, quelles que soient les parties qui les commettent. En revanche, le Bureau d'appui des Nations Unies à la consolidation de la paix au Liberia n'a joué pratiquement aucun rôle actif dans la répression ou dénonciation des abus constatés dans ce pays.

Union Européenne
L'Union Europénne (UE) a donné son accord en juillet à l'ouverture de consultations avec le gouvernement libérien sur la dégradation de la situation des droits humains, des principes démocratiques et de l'Etat de droit, faisant également état de "cas graves de corruption" pour justifier sa décision. C'est la première fois que la Commission recourrait aux articles 96 et 97 de l'Accord de Cotonou, signé au Bénin en juin 2000 par l'UE et les pays de la zone ACP, Afrique, Caraïbes et Pacifique. L'UE a fait part de son inquiétude face à "la détérioration significative" de la situation politique, aux menaces pesant sur la liberté de la presse, aux attaques contre les militants des droits humains et à la mauvaise gestion des fonds publics. En octobre, le Représentant spécial de la présidence de l'Union pour l'Afrique de l'Ouest, Hans Dahlgren, s'est rendu au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée pour examiner les perspectives de paix et de sécurité dans la région et aider l'UE à définir sa politique face à la crise régionale. Principal donateur au Liberia depuis la fin de la guerre civile, l'UE a suspendu une aide d'environ 50 millions de dollars en 2000 pour faire pression sur le gouvernement Taylor et l'obliger à mettre fin à son soutien aux rebelles sierra-léonais du RUF. En mai 2001, les Etats membres de l'Union Européenne ont approuvé un programme de 25 millions d'euros, soit 22 millions de dollars environ, pour aider à la réinstallation des réfugiés et déplacés.

Etats-Unis
Entre le Liberia et les Etats-Unis, les relations se sont encore dégradées au fur et à mesure que l'implication du Président Taylor alimentant la guerre en Sierra Leone devenait évidente. Dans la foulée des sanctions de l'ONU en mai, Washington a décrété l'interdiction d'importer des diamants bruts du Liberia. L'administration Bush a poursuivi la politique de l'administration Clinton visant à isoler Taylor, politiquement et diplomatiquement, même si elle a semblé plus discrète dans son approche. Les responsables américains ont souligné que tant que Taylor ne cesserait pas ses activités qui déstabilisent la sous-région, notamment son soutien au RUF sierra-léonais, les Etats-Unis s'en tiendraient à leur politique actuelle.

Après l'UE, les Etats-Unis sont les principaux donateurs au Liberia, octroyant un tiers du total de l'aide reçue par le pays. De 1997 à 2000, l'action de USAID s'est concentrée sur la réinstallation des réfugiés et déplacés et sur un programme, modeste mais satisfaisant, en faveur de la démocratie et de la bonne gouvernance. En août, USAID indiquait que "le gouvernement oppressif et irresponsable de Charles Taylor a amoindri ces résultats et s'est aliéné la population ainsi que la communauté des donateurs." L'agence officielle d'aide a continué d'apporter une aide en vivres et soins médicaux en 2001, mais prévoyait d'œuvrer davantage en faveur de la société civile.

www.hrw.org/french

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