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Rapport Mondial 2002

Les droits des enfants

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Violations du droit à l'éducation
Le SIDA et les droits de l'enfant
Les enfants-soldats
Les enfants le systeme judiciare
Enfants réfugiés, enfants migrants
Le travail des enfants
Le rôle de la communauté internationale

Les violations des droits des enfants ont été multiples en 2001. Des enfants ont été battus et torturés par la police, forcés à travailler de longues heures dans des conditions dangereuses, parqués dans des centres de détention ou des orphelinats. Par millions, ils ont traversé les frontières internationales en quête de sécurité ou ont été déplacés à l'intérieur de leur propre pays. Par centaines de milliers, ils ont participé, comme combattants, aux conflits armés. Dans ses enquêtes sur les violations des droits humains, Human Rights Watch s'est traditionnellement attaché à vérifier que les Etats respectaient les droits politiques et droits civiques. Mais le déni des droits économiques et sociaux, tels que le droit à l'éducation, à la santé ou à un toit prive souvent, de fait, les individus de leurs droits politiques et civiques. Les enfants sont particulièrement vulnérables à cet engrenage. Bien souvent, ils ne profitent pas de la réalisation progressive de leurs droits économiques et sociaux mais, en revanche, souffrent d'une discrimination dans les domaines de l'éducation primaire, des soins et autres services de base. Les filles, en particulier, sont de façon disproportionnée victimes de traitements ouvertement discriminatoires et la cible d'abus. La privation de ces droits fondamentaux altère la capacité des enfants à se réaliser pleinement à l'âge adulte. Avec une capacité limitée à prendre une part égale à la société civile en tant qu'enfants, ils sont ultérieurement mal équipés en tant qu'adultes pour défendre leurs droits et assurer ceux de leurs propres enfants.

Prenant ces facteurs en compte, Human Rights Watch a étudié l'accès des enfants à l'éducation en se concentrant sur la violence et les traitements discriminatoires à l'école -- souvent de la part des autres enfants, avec la complicité tacite ou même les encouragements des responsables et, dans des cas extrêmes, perpétrés par des professeurs ou d'autres membres de l'encadrement--. Nous avons aussi commencé d'étudier les effets dévastateurs du virus du SIDA sur les enfants à travers le monde. Parallèlement, nous avons continué de surveiller les violations des droits humains à l'encontre des enfants-soldats, des enfants en contravention avec la loi, des enfants qui ont été réfugiés, migrants, apatrides, privés des avantages de la citoyenneté et des enfants travaillant dans des conditions dangereuses.

Remédier efficacement à la situation de ces enfants doit passer par la reconnaissance de leurs droits politiques et civils. Aucun garçon ou fille ne devrait servir comme enfant-soldat ou travailleur forcé. Aucun enfant ne devrait être exclu de l'école en raison de sa caste, de sa couleur, de sa religion ou de son sexe. En même temps, une protection réelle contre de telles violations suppose la garantie d'accéder à l'éducation et aux services de santé et la protection des droits économiques et sociaux.

VIOLATIONS DU DROIT A L'EDUCATION

"Les enfants ne perdent pas leurs droits simplement en passant la porte des écoles."
Comité des Droits des enfants.
Commentaire général No. 1, Les objectifs de l'éducation, avril 2001.


La Convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que les enfants bénéficient du droit à l'éducation. Son article 29 précise les cinq objectifs de l'éducation, parmi lesquels " Favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le développement de ses dons et des ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités " ; " Inculquer à l'enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne " et " Préparer l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux et avec les personnes d'origine autochtone ".

Les enfants ont le droit à une éducation libre de toute discrimination. Ce droit est stipulé dans les dispositions anti-discrimination de la Convention relative aux droits de l'enfant, la Convention internationale sur les droits politiques et civils, la Convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels, la Convention pour l'élimination de toutes formes de discrimination envers les femmes et la Convention internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il est également explicitement garanti par la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement, à laquelle quatre-vingts dix Etats étaient parties en juillet 2001.

Comme pour tous les droits économiques, sociaux et culturels, le droit à l'éducation pourra être graduellement garanti. Ainsi, un Etat partie à la Convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culuturels s'est dit d'accord " pour agir au mieux … dans la mesure de ses ressources disponibles " en faveur du droit à l'éducation. Mais s'il s'agit d'une privation ou d'une discrimination qui prive l'enfant d'école, elle nécessite plus qu'une réponse graduelle. Ainsi que l'a observé la Commission pour les droits économiques, sociaux et culturels, le droit à une éducation libre de toute discrimination " n'est pas une question de réalisation progressive ni de disponibilité des ressources ; il concerne tous les aspects de l'éducation et englobe toutes les formes de discrimination ".

Au lieu de faciliter un sain développement de l'enfant et de lui fournir des chances égales, les écoles ont été souvent des lieux d'intolérance et de discrimination. Dans certains cas, leurs responsables n'ont pas su protéger les élèves du harcèlement ou des attaques de leurs congénères. Dans d'autres, ils ont eux-mêmes participé à ces harcèlements ou à la violence contre des jeunes en raison de leur sexe, de leur race ou appartenance ethnique, de leur religion, nationalité, orientation sexuelle, du groupe social auquel ils appartenaient ou pour toute autre raison.

Dans de nombreux points du globe, des enfants issus de minorités ou d'autres groupes socialement désavantagés se sont vus refuser le droit à l'éducation ou bien ont été maintenus dans des programmes de niveau inférieur, ce qui a entravé leurs chances et limité leur accès à une éducation supérieure ou à un meilleur emploi.

En 2001, une enquête de Human Rights Watch a mis en évidence une forme systématique de discrimination envers près d'un quart des 1,6 million d'écoliers israéliens -- les Arabes israéliens - scolarisés dans des établissements du système public totalement séparés de ceux accueillant les écoliers de la majorité juive. Le gouvernement israélien a dépensé moins par enfant arabe palestinien que par enfant juif et les écoles arabes ont été, à tous points de vue, d'un niveau inférieur aux écoles juives. Les écoles arabes étaient moins bien équipées et offraient moins de programmes éducatifs que celles qui s'adressaient aux Juifs, certaines manquant d'équipements de base comme des bibliothèques, des ordinateurs, des salles de sciences et des espaces de récréation. Les enfants arabes palestiniens fréquentaient des classes plus nombreuses, avec moins d'enseignants, que celles du système éducatif juif et certains élèves devaient en outre parcourir un long trajet pour atteindre leur établissement scolaire. Les enfants arabes palestiniens handicapés ont été particulièrement marginalisés. Beaucoup de communautés palestiniennes n'avaient pas de jardins d'enfants pour les 3 et 4 ans bien que la loi rende ces écoles et leur fréquentation obligatoires. A trois ans, les enfants juifs fréquentaient en moyenne quatre fois plus l'école que les petits Arabes Palestiniens ; à quatre ans, ce taux était de trois fois supérieur.

Les élèves arabes palestiniens étudiaient à partir d'un cursus officiel établi en arabe à partir du cursus en hébreu : les sujets d'intérêt commun ont été développés sans ou avec peu de participation des Arabes et ont été ensuite traduits de l'hébreu avec des années de retard sur leur publication originale. Le gouvernement ne consacrait pas les moyens adéquats à mettre au point des programmes spécifiques à l'éducation des Arabes et les enseignants palestiniens avaient réellement moins le choix que leurs confrères juifs des ouvrages et du matériel scolaires en général. Le contenu des programmes était par ailleurs aussi étranger aux étudiants qu'à leurs professeurs, notamment quand il s'agissait de textes religieux juifs, requis pour les classes d'hébreu de deuxième niveau.

Le taux d'abandon scolaire était trois fois plus élevé chez les élèves arabes que chez les élèves juifs et les premiers avaient bien moins de chances de réussir les examens nationaux communs aux deux systèmes, juif et arabe, pour intégrer l'enseignement supérieur. Seule une poignée d'entre eux se frayaient un chemin jusqu'à l'université. Parmi les Arabes palestiniens, les Bédouins du désert du Negev et les enfants venant de villages non officiellement reconnus par l'Etat d'Israël étaient ceux qui subissaient le pire sort à tous points de vue. Dans son rapport au Comité des droits des enfants en 2001, Israël a reconnu le fossé entre les enseignements pour les Juifs et pour les Arabes, mais en octobre 2001, aucune mesure n'avait été prise pour le combler.

Dans les pays d'Europe, les enfants Roms, également appelés Gitans ou Tziganes, recevaient une éducation au rabais et encore, quand ils fréquentaient une école. En novembre 2000, en Grèce, l'Association des parents de l'Ecole publique d'Halastra a fermé l'école pour empêcher l'inscription de 32 enfants tziganes. Ces derniers ont été divisés et répartis dans différentes écoles, souvent éloignées de leur lieu de résidence. La ségrégation s'est retrouvée également dans le suivi des enfants gitans, arbitrairement dirigés vers des " écoles spécialisées " pour enfants ayant des difficultés d'apprentissage ou des problèmes de comportement. Selon le Comité européen pour les droits des Roms, les enfants tziganes de République Tchèque risquaient quinze fois plus le placement en classes de rattrapage que les autres, ce qui réduisait considérablement leurs chances d'accéder à l'enseignement secondaire. Et quand les enfants tziganes fréquentaient une école d'enseignement général, ils étaient souvent la cible de harcèlement de la part des autres élèves et ne suscitaient qu'un faible intérêt de celle de leurs professeurs, ce qui contribuait à un fort taux d'abandon scolaire.

Dans de nombreux pays d'Asie et d'Afrique, dont le Népal, le Sri Lanka et le Japon, les enfants dont les parents appartiennent aux castes inférieures ou à d'autres groupes sociaux jugés infréquentables étaient l'objet d'une large discrimination dans l'accès à l'éducation ; ils présentaient aussi un taux plus élevé d'illettrisme et un taux plus faible de fréquentation scolaire que le reste de la population. En Inde, les enfants Dalits également appelés " intouchables " étaient généralement mis à l'écart des autres et dirigés vers les pires écoles publiques, celles qui manquaient d'infrastructures de base, de salles de classe, de professeurs et d'encadrement, où ces enfants étaient exposés aux mauvais traitements et à la discrimination de la part des enseignants et des autres élèves. La moitié des enfants Dalit n'achevait pas le cycle primaire et moins d'un quart parvenait en fin de secondaire malgré l'aide de l'Etat à l'éducation primaire et la garantie, inscrite dans la Constitution, d'un accès libre et gratuit de tous les enfants de moins de quatorze ans à l'enseignement primaire. Ceux qui restaient à l'école étaient généralement inscrits dans des établissements locaux dispensant l'enseignement en langue vernaculaire et seront donc nettement désavantagés sur le marché de l'emploi par rapport à ceux éduqués en anglais.

Les enfants placés en détention étaient fréquemment privés de leur droit à bénéficier d'une éducation égale à celle de leurs pairs en liberté. Nous avons ainsi établi que, à l'exception de quelques institutions spécialisées, les prisons du Pakistan n'apportaient aucun enseignement aux enfants se trouvant dans les centres pour délinquants juvéniles. Les établissements religieux dispensaient une instruction religieuse mais les sujets d'intérêt général étaient rarement abordés ou alors étaient enseignés par des prisonniers adultes qui n'avaient pas nécessairement la formation requise. Les enfants placés dans l'un des trois lieux de détention réservés aux jeunes recevaient un enseignement correspondant au huitième grade, mais ces structures manquaient de personnel éducatif et d'encadrement. Au Kenya, nous avons découvert que certains centres de détention juvéniles n'offraient un enseignement secondaire qu'aux garçons et que d'autres n'en dispensaient pas du tout. Les enfants palestiniens détenus dans la prison israélienne de Telmond étaient toujours privés de leur droit à une éducation égale à celle que recevaient les jeunes délinquants juifs. Aux Etats-Unis, une enquête de Human Rights Watch dans les centres de détention des Etats de Louisiane et du Maryland a montré que l'enseignement dispensé était, dans bien des cas, insuffisant ; dans certains centres, il n'y avait pas de cours du tout pour les jeunes détenus. Les responsables n'ont commencé à prendre des mesures qu'après la publication de notre rapport, sous la pression de groupes locaux et après que les Départements américains de la Justice et de l'Education eurent mené leurs propres enquêtes.

Les enfants de nationalité étrangère se voient souvent dénier tout droit à l'éducation quand les Etats multiplient les tracasseries à l'encontre des enfants réfugiés, demandeurs d'asile, immigrés et apatrides. De nombreux pays ont demandé aux écoles d'établir un rapport sur le statut légal des enfants ou de leurs parents, tout en sachant que, par crainte d'être expulsés, de nombreux immigrés sans papiers allaient préférer garder leurs enfants à la maison. En février 2001, le parlement grec a examiné un projet de loi qui aurait obligé les enfants migrants à fournir des documents sur leur statut avant de pouvoir s'incrire dans les écoles publiques. Faute de pouvoir présenter les documents requis, les enfants en situation irrégulière ou sans papiers auraient été, de fait, privés d'école. Ces dispositions ont été finalement abandonnées après les protestations émises par les organisations non gouvernementales grecques, les groupes de migrants et Human Rights Watch (voir le chapitre Grèce).

Un rapport de Human Rights Watch en 2000 a également montré que les responsables gouvernementaux koweitis refusaient fréquemment de délivrer aux enfants "bidouns" (littéralement : " sans " , privés de nationalité) des certificats de naissance ou autres documents officiels indispensables pour s'inscrire dans les écoles publiques et privées, arguant qu'ils " résident illégalement " dans le pays, quand bien même leurs familles vivaient au Koweit depuis des décennies ou depuis des générations. Le rapport 2000 de Human Rights Watch sur les réfugiés Rohingya de Birmanie, en Malaisie, a également révélé que les autorités malaisiennes expulsaient fréquemment les enfants Rohingya des écoles primaires quand ceux-ci ne pouvaient prouver la légalité de leur séjour dans le pays et ce, malgré un article de la Constitution garantissant la nationalité aux enfants nés en Malaisie et qui, comme ces réfugiés, seraient sinon apatrides.

Les enfants nés en République Dominicaine de parents haïtiens se sont également vus régulièrement refuser leurs documents d'identité même si la Constitution dominicaine confère la citoyenneté à toute personne née dans le pays. Faute de documents légaux, les enfants d'ascendance haïtienne ont été fréquemment privés d'accès aux écoles de la République. Même si les écoles primaires étaient en général assez flexibles sur l'admission des enfants sans papiers, les politiques ont varié d'un district à l'autre. Ces enfants ont été par ailleurs généralement privés de diplômes de fin d'études secondaires et, dans de nombreux cas, empêchés de se présenter à l'examen national obligatoire pour intégrer une école secondaire. En juillet 2001, le vice-président dominicain a annoncé que les écoles publiques avaient reçu pour consigne d'admettre tous les enfants, quelle que soit leur situation, mais à l'heure où nous rédigions ce rapport, rien ne prouvait que cette mesure avait été mise en oeuvre.

En zone de guerre, les enfants ont souvent bravé de terribles dangers pour atteindre les écoles encore ouvertes. Après la reprise des violences, le 29 septembre 2000, dans les territoires de Cisjordanie et de Gaza occupés par Israël (voir : Israël, les Territoires de Cisjordanie sous occupation israélienne et la Bande de Gaza, et les Territoires sous administration de l'Autorité palestinienne), les enfants palestiniens ont été souvent empêchés de suivre leurs cours du fait des nombreuses routes fermées au trafic, des couvre-feux, des attaques des soldats et des colons israéliens. Ceux qui arrivaient à se rendre jusqu'à leur école n'y trouvaient pas forcément la sécurité. Dans plusieurs dizaines d'incidents, des écoles ont été atteintes par des gaz lacrymogènes, touchées par des balles ou endommagées par des tirs d'artillerie. Pour leur part, les enfants de colons juifs israéliens issus de colonies illégales mais soutenues par le gouvernement, en Cisjordanie ou à Gaza, ont eu eux aussi des difficultés à se rendre à l'école alors que les Palestiniens ont multiplié les attaques contre les Israéliens circulant ou habitant dans ces zones. Ainsi, le 20 novembre 2000, cinq enfants israéliens de la colonie de Kafr Darom dans la Bande de Gaza ont été blessés, dont trois sérieusement, quand des militants palestiniens postés sur les bas-côtés de la route ont déclenché trois bombes au passage d'un convoi militaire et civil. Les enfants se rendaient à l'école de la colonie voisine : un professeur et un employé de l'école qui voyageaient avec eux ont été tués.

Selon les enquêtes de Human Rights Watch menées pendant les affrontements, les écoles palestiniennes du secteur H-2 de Hébron sous contrôle israélien, qui accueillaient quelque 12 000 enfants, ont été fermées pendant près de cinq mois en raison du couvre-feu quasi-permanent imposé à la population palestinienne. En janvier 2001, Israël a annoncé que les écoles du secteur seraient autorisées à fonctionner même pendant les couvre-feux mais les soldats israéliens ont continué d'empêcher certains des professeurs et des élèves de s'y rendre et les trois principaux établissements - qui accueillaient 1 845 élèves - sont restés fermés parce qu'Israël les avait transformés en bases militaires. Les enfants du secteur H-2 qui avaient été transférés vers les écoles de zones sous contrôle palestinien sont restés soumis au couvre-feu ; par conséquent, les soldats israéliens les ont souvent empêchés de rejoindre leur maison la nuit quand le couvre-feu était de nouveau imposé. Des élèves de l'école primaire palestinienne d'Hébron ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils étaient souvent, sur le chemin de l'école, la cible de jets de pierre, coursés ou battus par des colons armés. Les soldats et la police israélienne sont rarement intervenus, ont-ils ajouté, sauf pour battre ou arrêter les enfants palestiniens qui avaient riposté.

En Irlande du Nord, des parents et des hommes politiques se sont plaints que la police n'avait pas correctement assuré la sécurité d'écoliers de la minorité catholique lors des attaques perpétrées par des manifestants loyalistes en septembre 2001. (Certains Unionistes - ceux qui sont pour le maintien de l'Ulster dans le Royaume Uni - s'appellent eux-mêmes " loyalistes "). Les protestataires avaient tenté d'empêcher les enfants de se rendre à l'Ecole primaire de la Sainte-Croix, un établissement catholique situé près de l'enclave protestante d'Ardoyne, à Belfast. Les manifestants ont craché sur les enfants et leurs parents, leur ont donné la chasse et leur ont jeté des bouteilles et des pierres. Une organisation paramilitaire loyaliste, a revendiqué la responsabilité d'une bombe à pétrole qui a explosé devant l'école alors que parents et enfants approchaient. Cette organisation avait lancé une mise en garde aux parents, leur conseillant de garder leurs enfants loin de l'école, tandis que la police avait averti certains parents des menaces de mort qui avaient été proférées à leur encontre. En République démocratique du Congo, Human Rights Watch a découvert en décembre 2000 que les groupes rebelles soutenus par le Rwanda se servaient souvent des écoles comme de viviers pour le recrutement des enfants. Le fait que les écoles soient si souvent la cible des recruteurs a convaincu de nombreux parents de garder leurs enfants à la maison et certaines écoles ont dû fermer. Parce que les soldats sont connus pour enlever les enfants dans les écoles, leur simple apparition dans le voisinage peut susciter la panique chez les écoliers. En décembre 2000, les soldats ont ainsi approché, un matin, d'un établissement secondaire près de Goma alors que les écoliers étaient en chemin : ceux-ci se sont aussitôt dispersés pour fuir. L'école a suspendu ses cours quelques temps à la suite de cet incident, ni les enfants ni leurs parents n'étant prêts à risquer un enrôlement forcé dans les rangs rebelles.

Toujours dans la région, au Burundi voisin, un groupe rebelle a enlevé 150 élèves de deux établissements en novembre 2001 et mis le feu à plusieurs salles de classe. Trop souvent à travers le monde, des enfants issus de différents groupes sociaux ont été soumis à des violences et des harcèlements qui ont altéré leurs capacités d'apprentissage, leur ont fait abandonner l'école ou ont entraîné des traumatismes psychologiques, des blessures physiques et même la mort.

Dans de nombreuses écoles américaines, ce sont les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transsexuels qui ont été soumis au harcèlement constant de leurs pairs. Comme un rapport de Human Rights Watch l'a montré en 2001, la violence et les persécutions à l'encontre de ces jeunes pouvaient prendre de multiples formes, parmis lesquelles l'attaque physique brutale, les simulations de viols, les avances sexuelles insistantes et d'autres formes de harcèlement sexuel, les railleries, les petits mots ou les graffitis obscènes ou encore la destruction de biens appartenant aux victimes.

Avec le temps, le harcèlement purement verbal a souvent dégénéré en violence physique. Or, ces abus se sont doublés du fait que les autorités - au niveau local, des Etats et fédéral - ont manqué de promulguer des lois qui auraient assuré la protection des étudiants contre les formes de discrimination basées sur les orientations sexuelles, réelles ou supposées et sur l'identité sexuelle.

De tels abus n'ont pas été l'apanage exclusif des Etats-Unis. Les chercheurs qui étudient les groupes de lesbiennes, de gays, de bisexuels et de transsexuels entre autres en Australie, au Canada, en France, en Nouvelle-Zélande et au Royaume Uni, sont parvenus aux mêmes conclusions, à savoir que la violence anti-gay à l'école existe à peu près partout. La branche européenne de l'Association internationale des gays et des lesbiennes a conclu que les professeurs et autres adultes "étaient plus enclins à rejeter qu'à soutenir " les jeunes homosexuels. Amnesty International a rapporté qu'à peu près partout dans le monde, les jeunes gays avaient à souffrir torture et mauvais traitements en raison de leurs orientations ou de leur identité sexuelles.

La discrimination, le harcèlement et la violence altèrent l'aptitude des étudiants à l'éducation et se paient d'un prix élevé au plan émotionnel. Peut-être parce qu'il y a tellement de lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels victimes de ces mauvais traitements au quotidien, ces jeunes sont plus sujets que les hétérosexuels à l'usage d'alcool, de drogues, aux fugues ou engagés dans des comportements à risque. Un nombre disproportionné d'entre eux a tenté ou envisagé le suicide : les jeunes qui font état d'une attirance ou de relations avec des personnes du même sexe sont deux fois plus tentés par le suicide que les hétérosexuels de leur âge, selon une étude menée en 1998.

Les abus les concernant puisent souvent leur source dans la conviction que filles et garçons doivent se conformer à des stricts codes de conduite, d'habillement et d'apparence en fonction de leur sexe. C'est ainsi que l'homophobie est liée aux stéréoptypes sur le rôle de chacun des deux sexes : les garçons se doivent d'être athlétiques, forts, stoïques et se montrer dominateurs face aux filles. Celles-ci, en retour, doivent être attentives envers les garçons et accepter leur subordination aux hommes. Quelle que soit leur orientation sexuelle ou leur sexe, les jeunes qui transgressent ces règles courent le risque d'être punis par leurs pairs ou par les adultes. Les jeunes transsexuels sont aussi les plus exposés à la violences des autres jeunes et au harcèlement des adultes.

Mais les discussions consacrées à la violence anti-gay à l'école sont souvent axées sur ses jeunes auteurs et évoquent rarement la responsabilité des professeurs et des autres adultes dans la promotion et la protection d'un environnement scolaire sûr pour tous. Malgré la persistance de ces abus, peu de responsables d'établissements scolaires sont intervenus pour mettre un terme au harcèlement ou obliger leurs auteurs à répondre de leurs actes. La réaction la plus commune à ce genre d'exactions, selon les élèves interrogés, a été l'absence de réaction. Plus dérangeant, certains enseignants et membres de l'administration ont même pris part au harcèlement.

En outre, des professeurs et personnels d'encadrement ont été eux-mêmes pris pour cibles et souvent sans le moindre recours légal. Dans chacun des sept Etats américains où Human Rights Watch s'est rendu - Californie, Georgie, Kansas, Massachusetts, New York, Texas et Utah - les professeurs étaient réticents à s'exprimer sur leur orientation sexuelle, à l'école, parce qu'ils craignaient pour leur emploi. Certains des Etats visités, comme la Californie ou le Massachusetts, interdisent la discrimination à l'embauche sur la base des choix sexuels. Mais au plan national, seuls onze Etats et le District de Columbia, où se trouve Washington, protègent contre cette forme de discrimination.

A travers le monde, les châtiments corporels ont été encore autorisés dans soixante-cinq pays, selon EPOCH (End Physical Punishment of Children, littéralement : En finir avec le châtiment corporel des enfants). Pour cause de mauvaise conduite, parce qu'ils avaient mal travaillé ou parfois sans raison du tout, des enfants ont encore été battus, fessés, giflés, frappés à coup de canne ou de ceinture par leurs professeurs.

Human Rights Watch a enquêté en 1999 sur les châtiments corporels dans les écoles kényanes, visitant vingt écoles et interrogeant plus de 200 enfants. Il était apparu à l'époque que les écoliers étaient régulièrement soumis aux coups de cannes, giflés et fouettés par leurs professeurs, parfois quotidiennement. Une telle " discipline " scolaire suscite humiliation, contusions et coupures mais aussi, dans certains cas, des blessures sérieuses et même la mort. Les punitions corporelles étaient ainsi appliquées au Kenya pour tout un éventail de fautes de discipline, certaines sérieuses et d'autres incroyablement mineures. Par exemple, des enfants ont été châtiés pour être arrivés en retard à l'école, avoir manqué l'école sans excuse (même en cas de maladie) ou pour avoir porté un uniforme sale ou froissé. Mais ils ont aussi été punis pour des résultats jugés insuffisants ou pour n'avoir pas été en mesure de s'acquitter des frais de scolarité.

En avril 2001, le ministère kényan de l'Education a formellement interdit les châtiments corporels à l'école et proposé au Parlement d'annuler les paragraphes les concernant dans la loi de 1968 sur l'éducation. Toutefois, la circulaire officielle ne mentionnait pas les pénalités pour les professeurs qui continueraient à recourir à ce type de punitions, ni ne proposait de solution de remplacement. Or, de nombreux enseignants avaient exprimé leur désaccord, estimant qu'ils seraient incapables de maintenir l'ordre dans leurs classes.

Selon les estimations du Fond des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), les filles représentaient en 1998 environ les deux tiers des 130 millions d'enfants non scolarisés dans les pays en voie de développement. Cette disparité reflétait en partie les sérieux obstacles que les filles rencontraient à l'école, parmi eux toute la violence sexospécifique que sont les viols, attaques à caractère sexuel, abus et harcèlement sexuels.

En 2000, Human Rights Watch a enquêté sur la violence sexuelle dans les écoles d'Afrique du Sud. A partir de dizaines d'entretiens avec des élèves, des professeurs et des responsables gouvernementaux, nous avons découvert que les écolières sud-africaines, toutes races et groupes sociaux confondus, étaient quotidiennement confrontées à la violence et au harcèlement sexuels. Des filles ont rapporté qu'elles avaient été violées dans les toilettes de l'école, dans des salles de classe vides ou des couloirs, dans les dortoirs et les foyers. Elles ont été également caressées, sujettes à d'agressives avances sexuelles et verbalement agressées à l'école. Et ce, de la part des professeurs comme des autres élèves.

Trop souvent, les autorités scolaires ont préféré taire cette forme de violence et retarder le moment des sanctions disciplinaires à l'encontre de leurs auteurs. Certains responsables n'ont pas pris les mesures adéquates simplement parce qu'ils ne savaient que faire ; d'autres ont fait preuve d'hostilité ou d'indifférence envers les filles qui se plaignaient de violence ou de harcèlement sexuels. D'autres encore ont pris peur. Dans de nombreux cas, les écoles ont activement dissuadé les victimes d'alerter quiconque hors de l'établissement.

Le gouvernement sud-africain, pour sa part, a publiquement reconnu les problèmes que rencontraient dans son système de justice criminelle les affaires de violences sexuelles à l'encontre des femmes et des filles. Ainsi, les recherches de Human Rights Watch ont confirmé que dans de tels cas, la coordination entre les systèmes judiciaire et éducatif était souvent inefficace, mal conçue, voire inexistante. Les responsables des écoles et de la police et les procureurs n'avaient pas une vision claire de leur responsabilité dans la résolution de pareils cas et la tendance générale des acteurs était de fuir leurs responsabilités, avec pour résultat que les cas de violences contre les filles étaient régulièrement passés sous silence.

Dans certains pays, les autorités scolaires ont recouru à la menace du renvoi pour intimider ou punir des étudiants dont les convictions religieuses ou le comportement étaient jugés comme défiant les orientations culturelles dominantes. Les filles ont été souvent la cible de ce type de politiques. Par exemple, à partir de 1994 mais surtout après 1997, les étudiantes musulmanes de tous âges, en Ouzbékistan, ont été exposées au harcèlement et même à l'expulsion de leur école publique si elles portaient le foulard islamique ou hidjab. La Turquie a également empêché les filles de fréquenter la plupart des écoles publiques du pays quand elles portaient le hidjab et, à partir de 1997, a fait énergiquement appliquer cette politique. Les filles qui continuaient malgré tout à porter ce signe d'appartenance religieuse pouvaient être accusées de " perturber l'enseignement ", un crime au regard de la loi qui pouvait être puni par deux années de prison au plus. La loi turque autorisait également les écoles à renvoyer des filles soupçonnées d'être " non chastes ", accusation souvent portée à l'encontre de jeunes filles défiant les normes sociales conservatrices. En 1995, une circulaire du Ministère de l'éducation a autorisé les lycées d'enseignement secondaire à " expulser du système éducatif " les étudiants accusés " sur preuves de non-chasteté " et, en juillet 2001, le ministre de la santé Osman Durmus a décrété que des " tests de virginité " pourraient être pratiqués sur les étudiants des écoles de médecine " connus pour avoir des relations sexuelles ou se livrer à la prostitution ". De tels examens gynécologiques, interdits depuis 1999, étaient douloureux, intimidants et violaient l'intimité physique des filles. Avant qu'ils ne soient interdits, certaines filles ont tenté de se suicider plutôt que de se livrer à ces examens abusifs. Le ministre de la santé a assuré que l'imposition de ces tests de virginité n'avaient pas été planifiée par son gouvernement ; malgré tout la circulaire est restée en vigueur.

Dans les régions d'Afghanistan sous contrôle taliban, les filles ont été souvent empêchées de recevoir plus que les bases très élémentaires de l'éducation. Certaines filles ont pu fréquenter des écoles installées secrètement dans des maisons privées, mais ces écoles étaient fermées aussitôt que découvertes. Une femme professeur a ainsi déclaré à Human Rights Watch qu'elle-même et ses étudiantes, des filles du cours préparatoire jusqu'à la fin du primaire, avaient été battues en juin 2001 par des membres de la police religieuse du régime taliban. " Les taliban ont paralysé la moitié de la société ; la moitié de la société est morte en Afghanistan parce que les femmes sont empêchées de travailler et d'étudier ", expliquait pour sa part une autre femme, en septembre 2001, à Human Rights Watch (voir : Aghanistan et les droits de la femme).

L'expansion rapide du VIH a représenté une menace spécifique et complexe sur le droit à l'éducation des enfants, surtout en Afrique sub-saharienne où l'épidémie de SIDA a été la plus dévastatrice. En décembre 2000, l'UNICEF a lancé son premier appel mondial en faveur d'une éducation gratuite et obligatoire lors du Forum pour le Développement de l'Afrique 2000 consacré au " SIDA : un défi sans précédent pour les leaders ".

Toucher les enfants avec une information adéquate sur la transmission du SIDA et les soins à apporter aux maladies est sans doute le moyen le plus approprié de combattre l'épidémie sur le long terme, pourtant les écoles d'Afrique ont été sollicitées pour prendre part à une réponse au SIDA à un moment où l'épidémie elle-même les laissait plus affaiblies que jamais. Dans de nombreux pays d'Afrique orientale et australe, les professeurs mouraient du SIDA à un rythme plus élevé que le reste de la population. Le gouvernement de Zambie, par exemple, a commencé en 1998 à signaler que les instituteurs et professeurs des écoles primaires et secondaires de l'enseignement public mourraient plus vite qu'ils ne pouvaient être remplacés. De nombreuses régions isolées ou excentrées ont été en outre particulièrement affectées par le manque d'enseignants, ceux-ci, malades, choisissant de préférence une affectation à proximité des centres urbains, dotés d'hôpitaux plus grands et mieux équipés. Au Botswana, le pays qui connaissait en 2001 le plus fort taux de prévalence au monde, certaines écoles ont dû fermer faute de personnel qualifié.

L'éducation est devenue trop souvent inabordable pour les enfants dont les familles ont été touchées par le SIDA, quand la maladie a entraîné l'incapacité de travailler ou la mort du chef de famille ou que les maigres ressources familiales ont été englouties par les soins médicaux. Quand les parents malades ou mourants sont devenus incapables de payer les frais de scolarité, les enfants ont été amenés à abandonner leurs études et à rapporter un salaire ou à prendre la place du chef de famille. Une étude dans une région fortement touchée du Zimbabwe, en 2000, a montré que 48 % des orphelins en âge de fréquenter l'école primaire avaient abandonné et qu'aucun orphelin en âge d'études secondaires était capable de poursuivre ses cours. Dans de nombreux pays, les statistiques gouvernementales ont confirmé que dans les familles affectées par le SIDA, les filles, surtout à l'âge du primaire, risquaient davantage que les garçons d'abandonner l'école, quand leurs parents se trouvaient à cours de ressources ou avaient besoin d'aide pour prendre soin de la famille.

La croyance selon laquelle les écoles elles-mêmes sont un lieu de transmission du SIDA a par ailleurs fait obstacle au droit à l'éducation des enfants. En 1999, une étude réalisée par l'association Oxfam au Mozambique citait des parents qui invoquaient leur peur de voir leur fille contracter le SIDA à l'école comme principale raison pour la garder à la maison. Les enfants eux-mêmes, dont de nombreux interrogés par Human Rights Watch au Kenya en 2001, ont décrit la stigmatisation et l'ostracisme qui ont frappé à l'école les enfants et orphelins dont les familles ont été touchées par le SIDA.

LE SIDA ET LES DROITS DES ENFANTS

Le SIDA a continué de constituer une menace bien précise aux droits humains des enfants en général. A la différence de bien des terribles épidémies à travers l'histoire, qui ont tué surtout les plus jeunes et les plus âgés, le SIDA a touché essentiellement des adultes âgés de dix-huit à quarante ans, dans ou approchant des années les plus productives de leur vie. Généralement, les personnes de cet âge étaient aussi des parents. Par conséquent, pour les enfants, l'épidémie a représenté trop souvent à la fois la perte de l'un ou des deux parents, mais aussi le risque de stigmatisation et de discrimination inhérent à la maladie partout dans le monde.

Dans les pays lourdement touchés, pour chaque enfant ayant perdu un parent du SIDA, un à deux enfants en âge scolaire ont dû s'occuper d'un parent malade, comme chef de famille et son unique gagne-pain ou se sont trouvés d'une autre façon incapables de se rendre à l'école du fait de la présence de la maladie. Quant aux enfants qui n'étaient pas orphelins, ils ont été touchés lorsque des enfants orphelins arrivaient dans leur foyer ou quand ils sont à leur tour infectés par le virus. En conséquence, le SIDA affecte les enfants dans une proportion bien supérieure au nombre d'orphelins.

En Afrique sub-saharienne, la région du monde la plus affectée, le SIDA a fabriqué des orphelins à un rythme sans précédent dans l'histoire : les estimations basses des Nations Unies portaient en décembre 2000 à quelque 13 millions le nombre d'enfants de moins de 15 ans qui avaient perdu leur mère ou leurs deux parents du SIDA. En juillet 2000, le Bureau américain du recensement, qui établit des statistiques sur le SIDA indépendantes de celles de l'ONU, estimait que 15 millions d'enfants de moins de quinze ans avaient déjà perdu au moins un des deux parents et qu'ils seraient au moins 28 millions dans cette situation en 2010, dont 30% dans seulement cinq pays d'Afrique orientale et australe. Selon ce même Bureau, dans certains pays africains, le nombre d'orphelins au sein de la population enfantine restera très élevé pendant des décennies. Toutefois, l'impact du SIDA sur les enfants s'est fait ressentir bien au-delà de l'Afrique, l'épidémie répandant la dévastation sur d'autres régions du monde. En Thaïlande, les quelque 300 000 décès estimés liés au SIDA depuis le début de l'épidémie ont laissé aussi beaucoup d'orphelins qui se trouvaient, pour beaucoup, confiés aux soins de leurs grand-parents ou de proches. L'expansion la plus rapide du SIDA a été enregistrée en Europe de l'Est et dans les républiques de l'ancienne Union Soviétique, où l'usage répandu de drogues injectables a contribué à la propagation de l'épidémie. Les enfants ont donc été touchés à la fois par l'usage des drogues à un âge précoce et par la perte de leurs parents. En général, l'accès aux services tels que l'échange de seringues ou simplement à un simple petit matériel de stérilisation, qui réduirait le taux de transmission du VIH, est resté limité en partie à cause de la stigmatisation dont ont souffert les drogués et leur famille. Le nombre d'enfants orphelins ou tout au moins vulnérables à cause du SIDA a également rapidement crû dans les pays très affectés de la zone Caraïbes.

Mais ce sont les enfants africains qui ont enduré le pire. En décembre 2000, les Nations Unies estimaient que 92% des orphelins du SIDA résidaient en Afrique sub-saharienne, là où le SIDA ronge des communautés déjà frappées par la pauvreté, la guerre, la corruption. Dans les pays d'Afrique les plus touchés, la famille élargie était traditionnellement source d'entraide et de soutien pour les orphelins et les enfants nécessitant une protection particulière. Mais compte tenu de l'énormité du nombre d'enfants désormais sans protection parentale, la famille élargie est devenue encore plus étendue, si ce n'est totalement distendue et incapable d'apporter ses habituelles aide et protection. Ce modèle s'est reproduit trop souvent : un parent tombe malade, il perd son travail et le revenu qui en découlait, tandis que les dépenses médicales augmentent et paupérisent la famille qui ne peut plus payer les frais de scolarité. Les enfants sont alors retirés de l'école et appelés à surveiller le ou les membres de la famille malades ainsi que les plus jeunes enfants, ou à trouver un emploi, voire à assumer les deux.

Les enfants sans qualification, qui ont été amenés à subvenir aux besoins de leur famille, ont été ensuite particulièrement vulnérables à toutes formes d'exploitation et se sont retrouvés dans les pires emplois pour enfants ; cette situation a été encore exacerbée par la stigmatisation qui entoure le SIDA. L'UNICEF a ainsi rapporté en juillet 2001 que le SIDA poussait les enfants vers des travaux dangereux notamment au Kenya, en Ouganda, au Mozambique, en Ethiopie, au Lesotho et en Afrique du Sud. Une enquête auprès d'une centaine d'orphelins du SIDA en Afrique du Sud, publiée en juin 2001 par le Fonds Nelson Mandela pour les enfants, soulignait la faim et les autres privations dont ces enfants ont été victimes et notait qu'à partir de huit ans, les petites filles étaient parfois obligées de se prostituer pour survivre. D'autres recherches effectuées en 2000 et 2001 en Afrique ont également attribué au SIDA l'augmentation du nombre d'enfants des rues dans des pays comme la Zambie ou le Kenya.

Un autre problème très répandu parmi les orphelins du SIDA est la captation de leur héritage, comme l'a montré une enquête de Human Right Watch sur le sujet au Kenya publiée en juin 2001. A la fin 2000, le SIDA avait laissé plus d'un million d'orphelins au Kenya et avait affecté bien d'autres enfants, d'une manière ou d'une autre. Une forte proportion d'enfants interrogés par Human Rights Watch avaient été spoliés des biens et propriétés qui leur revenaient en héritage, souvent par des parents éloignés. Selon des rapports établis par des organisations non gouvernementales, des milliers d'enfants auraient subi un sort analogue dans le pays. Or, à une telle échelle, la confiscation de biens revenant aux enfants est un phénomène relativement nouveau au Kenya qui serait lié à la fois au SIDA et au délitement de la famille élargie. Dans ses conclusions, Human Rights Watch remarquait que les institutions judiciaires kényanes ne portaient pas une attention suffisante aux litiges de propriété impliquant des enfants et recommandait que le gouvernement établisse un mécanisme direct et simple permettant aux tribunaux civils de statuer rapidement sur ces affaires.

Toutefois, l'une des plus fréquentes violations de leurs droits endurées par les enfants, partout dans le monde, a été celle de leur droit à l'information sur le virus du SIDA, véritablement une question de vie et de mort dans les zones très touchées. Même si la plupart des programmes anti-SIDA mis en place par les gouvernements africains se sont concentrés sur l'information, de nombreux rapports publiés en 2001 témoignaient des difficultés qu'avaient toujours les jeunes Africains à accéder à une information adéquate sur le continent. A ce problème s'ajoutaient les effets du SIDA sur la scolarité mais, même quand les enfants pouvaient encore fréquenter l'école, une information appropriée - surtout dans les dernières années du primaire, où elle est particulièrement nécessaire - faisait défaut dans de nombreux établissements publics. Au Kenya, par exemple, la réticence des dirigeants de l'Eglise catholique à parler d'éducation sexuelle et à dispenser une éducation relative à la santé de reproduction, a empêché la définition et la mise en oeuvre de programmes consacrés au SIDA dans les écoles primaires et secondaires jusqu'en 2000 et continué de l'entraver en 2001.

En juin dernier, la session spéciale de l'Assemblée générale des Nations Unies consacrée au SIDA avait décidé que tous les pays devraient mettre en place, d'ici 2005, des programmes nationaux visant à protéger et soutenir les enfants touchés par le SIDA, notamment en leur " apportant des conseils appropriés et un soutien psychologique, en leur assurant l'inscription dans les écoles et un toit … et en protégeant les orphelins et les enfants vulnérables contre toutes formes d'abus, de violences, d'exploitation, de discrimination, de trafic et de détournement de leur héritage ". ("providing appropriate counseling and psychosocial support, ensuring their enrolment in school and access to shelter . . . and protect[ing] orphans and vulnerable children from all forms of abuse, violence, exploitation, discrimination, trafficking and loss of inheritance.") La situation extrême à laquelle se trouvaient déjà confrontés les enfants touchés par le SIDA exigeait en effet, d'urgence, une réponse globale.

LES ENFANTS-SOLDATS

De plus en plus nombreuses, les voix ont continué de s'élever pour réclamer un traité qui interdirait le recours aux enfants dans les conflits armés. Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies en mai 2000, a fixé à dix-huit ans l'âge minimum de toute participation directe à un conflit, le recrutement automatique ou forcé et toutes formes de recrutement par les forces gouvernementales ou des groupes armés non-étatiques. De novembre 2000 à la mi-novembre 2001, le nombre de pays à avoir signé le Protocole est passé de soixante-dix à quatre-vingt-sept et celui à l'avoir ratifié de trois -- Canada, Bangladesh et Sri Lanka -- à dix, grâce à l'Andorre, au Maroc, au Panama, à l'Islande, au Vietnam, au Saint-Siège, à la République démocratique du Congo et à la Nouvelle-Zélande. Avec les dix ratifications requises pour son entrée en vigueur, le Protocole est devenu applicable le 12 février 2002.

Plusieurs pays ont commencé de démobiliser leurs enfants-soldats. Fin février 2001, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a coordonné la démobilisation de plus de 2 500 enfants âgés de huit à dix-huit ans qui servaient dans les rangs de l'Armée de Libération des peuples du Soudan (SPLA), dans le Sud-Soudan, les acheminant par voie aérienne jusqu'à des camps de transit. En septembre, le dernier de ces groupes avait été réuni avec les familles d'origine. L'UNICEF a assuré que ce processus de démobilisation se poursuivrait tout au long de 2002 jusqu'à ce que tous les enfants-soldats de la SPLA -- estimés à plus de 10 000 avant l'opération de février 2001 - aient été démobilisés. De mai à novembre en Sierra Leone, quelque 2 903 enfants, dont 1 506 issus des rangs rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) et 1 303 des milices alliées au gouvernement ont été relâchés et/ou désarmés. A la mi-mai, le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) a décrété la démobilisation des enfants-soldats servant dans son armée, qui se comptaient en milliers selon les estimations les plus basses. En juin, le président Joseph Kabila a annoncé que la RDC cessait de recruter des enfants et ordonné une campagne d'éducation et de sensibiliation des responsables militaires afin de faciliter la démobilisation des enfants. En juillet, des équipes du gouvernement et d'associations civiles ont entrepris une tournée des casernes pour répertorier les enfants-soldats, préparer leur réunion avec leurs familles et leur réintégration dans la société.

Cependant, le recrutement et le recours aux enfants dans les situations de conflit demeurent des problèmes d'ampleur internationale. En juin, la coalition contre le recours aux enfants-soldats qui regroupe diverses ONG et mouvements de défense des droits humains a publié sa première étude mondiale montrant que plus d'un demi-million d'enfants avaient été recrutés de force par des armées nationales, des groupes paramilitaires et des groupes armés non-étatiques, dans quatre-vingt-sept pays du globe et qu'au moins 300 000 de ces enfants participaient activement aux conflits dans quarante-et-un pays.

Dans l'Est de la RDC, des groupes rebelles soutenus par les gouvernements du Rwanda et de l'Ouganda ont obligé et forcé des enfants à rejoindre leurs rangs. Des instructeurs des armées de ces deux pays les ont entraînés au profit de leurs affidés locaux et, dans certains cas, les enfants congolais ont même été emmenés au Rwanda ou en Ouganda pour une formation plus poussée. En décembre 2000, un rapport des Nations Unies estimait que 15 à 30 % des nouvelles recrues en RDC étaient des enfants de moins de dix-huit ans dont, parmi eux, un nombre important de moins de douze ans. Le Rassemblement congolais pour la démocratie-Goma (RCD-Goma), soutenu par le Rwanda, a mené d'intensives campagnes de recrutement à la fin 2000, enlevant des enfants dans les écoles, sur les routes, sur les marchés et même chez eux. Dans certains villages, les écoles ont fermé et les enfants et jeunes gens ont commencé à dormir hors de chez eux pour éviter l'enrôlement forcé.

Un habitant de Rutshuru a assuré qu'en novembre 2000, des combattants du RCD-Goma et de l'Armée Patriotique Rwandaise (APR) ont enlevé des garçons et des filles de son village, visant les enfants âgés de treize à vingt ans. Ailleurs, Human Rights Watch a reçu des informations selon lesquelles des enfants âgés de douze ans et même moins avaient été recrutés et envoyés dans des camps pour y suivre un entraînement militaire.

La réprobation internationale a obligé le RCD-Goma à promettre, au début d'avril 2001, de mettre fin au recrutement d'enfants-soldats et de démobiliser ceux servant dans ses rangs. Mais quelques jours plus tard, lors d'une cérémonie marquant la fin d'une session d'entraînement au camp militaire de Mushaki, il est apparu que près de 1 300 des 1 800 nouveaux promus étaient des enfants entre douze et dix-sept ans. Et en milieu d'année, il était clair que le RCD continuait sans faiblir de recruter en zone rurale.

Toujours dans l'Est de la RDC, l'Armée pour la Libération du Rwanda (ALIR) a enlevé des enfants parfois âgés de dix ans ; l'ALIR les a entraînés au maniement des armes et les a utilisés pour les corvées d'eau et autres tâches domestiques ainsi que pour le transport de matériel et de fournitures. Les enfants ont été aussi utilisés pour faire diversion pendant les batailles, où ils devaient crier et taper sur des casseroles. Les plus âgés, entre seize et dix-sept ans, devaient participer directement au combat. Face à eux, les Forces de défense locale, une milice auxiliaire de l'armée rwandaise, ont enrôlé au moins un enfant de quinze ans.

Dans les rangs de l'ALIR, des dizaines d'enfants au moins ont trouvé la mort au combat entre mai et septembre, leur nombre réel pourrait bien avoir été nettement supérieur. Début août, 280 enfants de l'ALIR étaient détenus au Rwanda suite à leur capture ou à leur reddition. Plus de cinquante de ces enfants étaient congolais et ont été remis aux autorités rebelles du RCD dans l'Est du Congo, tandis que les enfants rwandais étaient envoyés en réhabilitation dans des centres au sud de Kigali.

Au Burundi, les autorités civiles et militaires ont recruté des centaines d'enfants pour leurs " Gardiens de la paix ", des groupes paramilitaires. Une source a estimé qu'entre 750 et 900 enfants âgés de sept à douze ans avaient été recrutés et entraînés en un an au Burundi. Les recrutements les plus récents ont épargné les très jeunes enfants, mais l'enrôlement des quatorze ans et plus s'est poursuivi. Les recrues ont été soumises à des conditions très dures et fréquemment battues par les soldats. Lors d'un entraînement, trois jeunes âgés de douze, quinze et dix-sept ans ont trouvé la mort après avoir été battus. De nombreux autres sont morts au combat parce qu'ils avaient été envoyés en première ligne, devant les soldats de l'armée régulière.

Le 6 novembre 2001, un groupe de rebelles burundais, les Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD), a enlevé trente écoliers de l'école primaire de Kirambi dans la province orientale de Ruyigi. Trois jours plus tard, d'autres FDD enlevaient plus d'une centaine d'étudiants du lycée de Musema, dans la province de Kayanza et mettaient le feu à leur établissement. Les rebelles ont ensuite forcé les enfants à transporter leur butin, volé dans les maisons et les boutiques voisines, frappant ceux qui faiblissaient en route. Au 15 novembre, le FDD avait relâché les élèves de Musema mais vingt-trois enfants de l'école de Kirambi, âgés de douze à seize ans, se trouvaient toujours aux mains des rebelles.

Au Liberia, des enfants fuyant les combats dans le Nord du pays ont été enrôlés de force et entraînés par les troupes gouvernementales pour les aider à combattre les insurgés. Des sources crédibles ont rapporté à Human Rights Watch qu'entre janvier et avril 2001, de nombreux enfants, parfois âgés de neuf ans à peine, ont été recrutés aux barrages militaires, dans les bus qu'ils avaient pris pour fuir les combats ou dans les camps de déplacés. Ils auraient ensuite suivi un entrainement militaire dispensé par les forces gouvernementales. D'autres organismes humanitaires ont assuré que des rebelles des Libériens Unis pour la réconciliation et la démocratie (Liberians United for Reconciliation and Democracy, LURD), basés en Guinée, avaient enlevé de nombreux enfants au cours de raids contre des villages du Nord du Liberia.

En Colombie, le gouvernement a estimé jusqu'à 10 000 le nombre d'enfants de moins de dix-huit ans membres des groupes armés opérant dans ce pays, qu'il s'agisse de la guerillera ou de groupes paramilitaires soutenus par l'armée. A la fin 2000, des observateurs indépendants ont indiqué à Human Rights Watch que des dizaines d'enfants se trouvaient au nombre des guerilleros supposés, comptés parmi les morts ou capturés après un affrontement entre les troupes gouvernementales et les FARC-EP (Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée du Peuple). L'armée colombienne avait annoncé que trente-deux de ses prisonniers étaient âgés de dix-sept ans et moins, dont plusieurs de moins de quatorze ans et que parmi eux se trouvaient trois filles. Selon elle, vingt enfants figuraient au nombre des tués.

Les paramilitaires colombiens liés à l'armée ont également continué de recruter et de recourir aux enfants. En juillet, ils auraient pris le contrôle d'un centre de détention juvénile et enlevé dix enfants lors de ce qui est apparu comme un raid destiné à recruter.

En juillet, l'UNICEF a critiqué les rebelles du mouvement des Tigres de Libération de l'Eelam Tamoul (LTTE) au Sri Lanka, accusés de recruter et de recourir à l'usage d'enfants-soldats âgés de moins de douze ans. Selon les Nations Unies, les LTTE ont accentué le recrutement autour et dans les écoles, malgré les assurances qu'ils avaient données en 1998 au Représentant spécial du Secrétaire général chargé d'étudier l'impact des conflits armés sur les enfants, Olara Otunnu, qu'ils cesseraient de recruter des enfants de moins de dix-sept ans.

LES ENFANTS ET LE SYSTEME JUDICIAIRE

Le traitement des enfants par la justice est également resté un sujet de préoccupation en 2001. Les abus ont souvent commencé au premier contact avec les représentants de la loi, lors duquel les enfants ont été exposés à de mauvais traitements, des tortures et parfois même à la mort. Ainsi, le Rapporteur des Nations Unies aux Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Mme Asma Jahangir, en a donné un exemple extrême, en septembre, en indiquant que près de 800 enfants et jeunes adultes avaient été assassinés au Honduras depuis 1998, la plupart par la police.

En juin, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a donné ordre au Guatemala de verser près de 500 000 dollars dans un procès conduit au nom de cinq enfants des rues tués par la police. La Cour a également ordonné au Guatemala de baptiser un centre éducatif pour la jeunesse du nom des enfants, de créer un mémorial en leur souvenir et d'apporter un certain nombre de compensations autres que financières. Cette affaire a été la première impliquant la violation des droits des enfants dans laquelle la Cour interaméricaine a ordonné des réparations, notamment des indemnités financières.

Une fois arrêtés et accusés, les enfants ont été généralement détenus dans de mauvaises conditions, parfois même en compagnie d'adultes. Selon une association locale, un ancien enfant-soldat condamné à mort est décédé le 26 septembre après avoir contracté la turberculose à la prison centrale de Kinshasa. Au Paraguay, Amnesty International et la section Paraguay de l'ONG " Defence for Children International " ont rapporté que des enfants étaient détenus dans des prisons pour adultes surpeuplées, où ils étaient constamment soumis à de mauvais traitements ou placés en isolement de jour. Les enfants palestiniens détenus à la prison israélienne de Telmond ont raconté qu'ils étaient attaqués par des prisonniers adultes et sévèrement battus par les gardes. Le Yémen a reconnu en 1999 devant le Comité des droits des enfants que ses institutions pénales et correctionnelles accueillant des enfants manquaient de services sociaux et d'éducation, fournissaient une nourriture insuffisante, tant en qualité qu'en quantité, et recourraient fréquemment aux châtiments corporels et à la torture. En Arabie Saoudite, les Règlements de détention et d'emprisonnement, qui datent de 1977, autorisent la flagellation et d'autres punitions corporelles et mesures disciplinaires à l'encontre des jeunes détenus. Parce qu'elles sont particulièrement peu nombreuses en détention, les filles risquent encore davantage d'être mêlées aux adultes. Par exemple au Yémen, qui ne dipose pas d'établissements séparés pour les filles en attente de jugement ou déjà condamnées, les centres de détention mélangent les filles aux adultes. De même en Arabie Saoudite, les Statuts de 1975 sur les Institutions sociales pour jeunes filles autorisent la détention des filles en compagnie d'adultes.

Les modes de condamnation ont également soulevé de graves préoccupations en termes de droits humains. Certains pays ont continué d'emprisonner des enfants pour des " status offenses ", des actes qui n'auraient pas été considérés comme des délits s'ils avaient été commis par un adulte. Ainsi, au Yémen, la grande majorité des enfants placés dans des établissements pénitentiaires étaient qualifiés de " délinquants potentiels ", une catégorie regroupant à la fois les petits mendiants, les orphelins, les enfants dont le père est absent ou dont les parents sont divorcés ou séparés, selon le Comité des droits des enfants.

En septembre en Egypte, un garcon âgé de quinze ou dix-sept ans a été condamné à trois ans de prison pour " atteinte à la pudeur et débauche " par un tribunal pour enfants. Le garçon qui comptait au nombre des quelque cinquante-cinq hommes arrêtés au cours de l'année pour homosexualité a été condamné sur la base d'une confession dont il dit qu'elle lui a été arrachée sous la torture. La plupart des arrestations ont eu lieu le 11 mai, lors d'une descente de police dans une discothèque populaire du Caire également fréquentée par des gays. En 2001, la loi égyptienne n'interdisait pas les relations entre adultes consentant du même sexe ; mais les hommes arrêtés, qui ont assuré avoir été battus et victimes de mauvais traitements pendant leur détention préventive, avaient été accusés de " comportement obscène et outrage à la religion ". De nombreux pays ont continué d'infliger des châtiments corporels aux enfants au titre de leur condamnation. Selon le Comité des droits des enfants, en Arabie Saoudite, les autorités judiciaires ont condamné régulièrement des accusés mineurs à l'époque des faits à des peines de flagellation, lapidation et amputation. Dans l'Etat de Kebbi, au Nigeria, un garçon de quinze ans a été condamné à avoir l'une des mains tranchées pour avoir volé 32 000 naira (environ 285 dollars). Au moment de la rédaction de ce rapport, on ignorait si la sentence avait été appliquée.

Aux Etats-Unis, une tendance s'est dessinée depuis le début des années 1990 consistant à juger les enfants comme des adultes pour un certain nombre de crimes qui relevaient autrefois des tribunaux pour enfants.

De même, les Etats-Unis ont été virtuellement les seuls à condamner à mort des accusés mineurs au moment des faits incriminés. Le 22 octobre 2001, l'Etat du Texas a ainsi exécuté Gerald Lee Mitchell, dix-huitième accusé mineur exécuté aux Etats-Unis et dixième au Texas depuis 1976. Quatre-vingt-trois accusés mineurs au moment de leur crime se trouvaient dans les couloirs de la mort des prisons de quinze Etats américains au 1er octobre, dont un tiers dans le seul Texas. Au total, vingt-trois Etats américains continuaient d'autoriser la peine de mort pour des crimes commis par des mineurs de moins de dix-huit ans.

Deux d'entre eux ont bénéficié au dernier moment d'un sursis à exécution grâce à leurs avocats qui ont pu apporter de nouvelles preuves ou soulever des objections d'ordre constitutionnel en appel. Le 15 août au Texas, Napoleon Beazley, condamné à mort pour un meurtre commis quand il avait dix-sept ans, se trouvait à quelques heures de son exécution quand la Cour criminelle d'appel du Texas a ordonné un sursis afin de se donner le temps d'examiner les plaintes selon lesquelles le premier avocat du jeune homme, en appel, ne lui avait pas apporté une défense efficace. Dans le couloir de la mort du Missouri, Antonio Richardson a reçu un sursis à exécution de la Cour Suprême des Etats-Unis en mars. Agé de seize ans au moment de son crime, Richardson pouvait être considéré comme retardé mentalement ; son cas a été suspendu pendant que la Cour Suprême finissait de résoudre une autre affaire portant sur la constitutionnalité de la peine de mort infligée aux malades ou retardés mentaux.

Au Pakistan, où une ordonnance de juillet 2000 a porté à dix-huit ans l'âge minimum de la peine capitale, quarante-neuf individus étaient toujours dans les couloirs de la mort pour des crimes commis quand ils étaient mineurs, selon des informations parues en juillet 2001 dans le quotidien Dawn.

La République démocratique du Congo et l'Iran présentaient un bilan mitigé concernant la peine capitale pour l'année 2001. A la suite d'une rencontre avec Human Rights Watch en mai, la RDC a donné son accord pour épargner la vie de quatre enfants-soldats. Ils avaient été arrêtés et condamnés à mort par un tribunal militaire alors qu'ils étaient âgés de quatorze à seize ans. Le Président Joseph Kabila avait donc ordonné que leur peine soit commuée ainsi que celle d'un cinquième, ancien enfant-soldat, en une peine de cinq ans d'emprisonnement. Mais selon l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), au moins un autre ancien enfant-soldat était toujours condamné à mort. En Iran, selon Amnesty International, la peine de mort infligée à un garçon de treize ans a été commuée en prison à vie ; la réduction de peine toutefois restait contraire aux normes internationales qui interdisent la peine capitale mais aussi l'emprisonnement à vie, sans possibilité de libération anticipée, pour des accusés âgés de moins de dix-huit ans au moment des faits.

ENFANTS REFUGIES, ENFANTS MIGRANTS

Les enfants réfugiés ou migrants comptent parmi les populations les plus vulnérables au monde et sont particulièrement exposés au risque de mauvais traitements quand ils sont séparés de leurs parents ou des personnes chargées de prendre soin d'eux.

En juillet, les autorités locales des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, en territoire marocain, ont expulsé des enfants marocains non-accompagnés. Les enfants, dont certains avaient à peine onze ans, auraient été battus et menacés par les polices espagnoles et marocaines et les autorités espagnoles n'ont pas procédé à un examen individuel de leur cas avant de les renvoyer du côté marocain de la frontière.

En Grèce, les enfants non-accompagnés ont été dans leur immense majorité exclus du programme de légalisation des immigrants en situation irrégulière qui, entre le 5 juin et le 2 août, a permis de donner un statut légal à ceux qui pouvaient prouver qu'ils étaient arrivés dans le pays avant le 2 juin 2000. En vertu de ce programme, les immigrés sans papiers qui n'étaient pas en mesure d'apporter des preuves à leur présence - papiers d'identité, bulletins de paye, récépissés, factures et autres documents qu'on ne peut demander à des mineurs non-accompagnés de fournir - étaient déportés de force s'ils refusaient de quitter le pays de leur plein gré.

Aux Etats-Unis, l'INS, le Service de l'immigration et de la naturalisation, détenait toujours un certain nombre de mineurs non-accompagnés dans des installations semblables à des prisons et d'ailleurs parfois, dans des cellules en compagnie de jeunes délinquants. Cette agence fédérale a fait l'objet de vives critiques parce qu'elle a refusé à des observateurs indépendants l'accès à ces enfants, notamment à la Commission des Femmes pour les femmes et enfants réfugiés. Des avocats qui représentaient les enfants détenus ont engagé et gagné un procès contestant les conditions dans lesquelles ces jeunes étaient confinés par l'INS. Toutefois, l'année s'est achevée sur un espoir, la Sénatrice, Dianne Feinstein, ayant proposé une loi qui corrigerait cet état de fait ainsi que d'autres pratiques violant les droits des enfants non-accompagnés aux Etats-Unis.

LE TRAVAIL DES ENFANTS

Avec l'Estonie à la fin septembre, cent pays ont ratifié la Convention internationale contre les pires formes du travail des enfants, Convention 182 de l'Organisation internationale du Travail (OIT) qui interdit l'esclavage pour dette, le travail forcé (y compris le recrutement militaire forcé), la prostitution et la production pornographique, ainsi que tout autre travail susceptible "d'attenter à la santé, à la sécurité et à la moralité des enfants". Néanmoins, de trop nombreux enfants dans le monde ont continué de travailler dans des conditions dangereuses pour leur santé ou leur sécurité. En Equateur, une enquête de Human Rights Watch a montré en 2001 que les enfants étaient communément employés dans l'industrie bananière où ils étaient exposés aux pesticides et devaient accomplir des tâches dangereuses. En outre, des filles interrogées par nos soins ont raconté qu'elles étaient souvent l'objet de harcèlement sexuel de la part de leurs supérieurs.

Un incident tragique s'est par ailleurs produit au Brésil avec l'assassinat le 23 septembre de Carlos Alberto Santos de Oliveira : le président du Syndicat des travailleurs de la Citrus Fruit de l'Etat de Sergipe, connu pour sa défense des enfants et son opposition au travail des enfants, a été victime de deux hommes armés qui ont tiré sur lui à bout portant à huit reprises dans la ville de Pedrinhas.

LE ROLE DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE

Quatre-vingts chefs d'Etat et de gouvernement et plus de mille organisations non-gouvernementales devaient participer à la Session spéciale de l'Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux enfants, du 19 au 21 septembre à New York. Cette session devait évaluer les progrès accomplis dans la mise en œuvre des objectifs définis par le Sommet mondial des enfants en 1990 et adopter une déclaration et un programme d'action pour l'avenir. Le projet de programme d'action identifiait quatre domaines prioritaires : la santé, l'éducation, le SIDA et la protection contre la violence, les abus, la négligence et l'exploitation. Suite aux attaques terroristes du 11 septembre sur New York et Washington, la session a été repoussée à mai 2002.

Des centaines d'organisations non gouvernementales à travers le monde ont participé aux deux comités préparatoires au cours de l'année. Un Caucus sur les droits de l'enfant, dirigé par Human Rights Watch et Save the Children a remporté le soutien des gouvernements qui se sont dits prêts à intégrer certains point-clés dans le projet de programme d'action, notamment concernant la protection des enfants contre la violence, les abus et l'exploitation.

Les projets de déclaration et de programme d'action n'ont toutefois pas apporté de changement majeur, nombre de gouvernement restant réticents à aller au-delà de leurs précédents engagements en faveur des enfants. Les Etats-Unis, l'un des deux seuls Etats à avoir refusé de ratifier la Convention sur les droits de l'enfants, se sont opposés à un Programme d'action fondé sur les droits des enfants et ont cherché à minimiser les références à la Convention. Rejoints par le Saint-Siège et un groupe de pays essentiellement islamiques, ils ont aussi tenté de repousser des accords internationaux garantissant l'accès des adolescents aux soins, aux services et à l'information relatifs à la sexualité et à la contraception. Mais des questions relatives au travail des enfants, aux conflits armés, à la mobilisation des ressources se sont également avérées porteuses de contentieux.

Le Comité des droits des enfants a continué pour sa part son travail sur la violence à l'encontre des enfants en organisant une deuxième journée de discussion sur ce thème, cette fois consacrée à la violence domestique et à l'école. Une journée similaire s'était déjà tenue en 2001 consacrée à ce type de violence dans les institutions publiques et dans le contexte de " la loi et l'ordre ". Dans ses recommandations finales, le Comité demandait à l'Assemblée généralede l'ONU de lancer une étude approfondie sur la violence à l'encontre des enfants, comparable à l'étude de fond des Nations Unies, dirigée par Graça Machel, relative à l'impact des conflits armés sur les enfants. Fin novembre, la Troisième Commission (Affaires sociales, humanitaires et culturelles) a adopté une résolution par laquelle elle demande au Secrétaire général de " conduire une étude en profondeur de la question de la violence à l'encontre des enfants… et d'émettre des recommandations à l'attention des Etats membres sur une action appropriée, notamment des remèdes efficaces et des mesures de prévention et de réhabilitation ".

Rapports de Human Rights Watch sur le même sujet:

To Protect the People: The Government-Sponsored "Self-Defense" Program in Burundi, 12/01.
Israel: Second Class: Discrimination Against Palestinian Arab Children in Israel's Schools, 12/01
Humanity Denied: Systematic Violations of Women's Rights in Afghanistan, 10/01
Caste Discrimination: A Global Concern
, 9/01
Easy Targets: Violence Against Children Worldwide, 9/01
Kenya: In the Shadow of Death: HIV/AIDS and Children's Rights in Kenya, 6/01
Democratic Republic of Congo: Reluctant Recruits: Children and Adults Forcibly Recruited for Military Service in North Kivu, 5/01
United States: Hatred in the Hallways: Violence and Discrimination Against Lesbian, Gay, Bisexual, and Transgender Students in U.S. Schools, 5/01.
Israel, the Occupied West Bank and Gaza Strip, and the Palestinian Authority Territories: Center of the Storm: A Case Study of Human Rights Abuses in Hebron District, 4/01
South Africa: Scared at School: Sexual Violence Against Girls in South African Schools, 3/01
Egypt: Underage and Underprotected: Child Labor in Egypt's Cotton Fields, 1/01


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