Africa - West
Juillet 1999 

Tanzania

Au nom de la sécurité
rassemblements forcés des réfugiés burundais


I. RESUME

Je me suis enfuie du Burundi en 1972 et je suis venue en Tanzanie. Depuis lors, je vis dans le camp Rusaba B en Tanzanie et je n'ai aucun problème. Mes sept enfants sont nés en Tanzanie. Nous nous entendons bien avec nos voisins. Nous contribuons à la communauté. Nous avons aidé à construire les écoles. Nous avons donné de l'argent pour participer au développement de la communauté. Nous sommes reconnaissants envers les tanzaniens de nous avoir donné une terre et une vie. J'ai pu cultiver la terre et même produire de l'huile et la vendre. Je n'ai jamais cru que le gouvernement de Tanzanie ferait ça pour nous. Vers environ 8 heures du matin le 25 novembre 1997, j'ai vu un véhicule de l'armée. Ils regroupaient les gens et leur ordonnaient de se dépêcher, de rassembler leurs affaires et de monter dans le camion. J'étais à la maison avec un de mes enfants. Mes autres enfants étaient déjà partis travailler aux champs. J'avais trop peur pour désobéir. J'ai essayé de dire aux militaires que je devais trouver mes enfants, mais ils m'ont répondu : "Vous partez et vos enfants vous rejoindront". Je suis montée dans le véhicule et ils m'ont emmenée à Manyovu. Je pleurais parce que je ne savais pas ce qu'il adviendrait de mes enfants. Une infirmière se trouvait à Manyovu et m'a calmée. Pendant deux jours, je n'ai eu aucun contact avec mes enfants. Finalement, j'ai pu leur envoyer un message. Je suis maintenant détenue au camp de réfugiés mais mes enfants ne sont toujours pas avec moi. J'aimerais qu'ils viennent mais ils m'ont envoyé un message pour me dire qu'ils n'avaient pas d'argent pour me rejoindre. Je ne suis pas autorisée à quitter le camp pour trouver mes enfants. (1)

Cette femme burundaise fait partie des dizaines de milliers de réfugiés qui ont été rassemblés par l'armée tanzanienne. Elle a été séparée de sa famille et dépouillée de ses biens avant d'être confinée dans un camp de réfugiés situé à l'ouest de la Tanzanie. Ces réfugiés ont subi les conséquences de l'expansion du conflit dans la région des Grands Lacs et sont les innocentes victimes de la réponse irréfléchie du gouvernement tanzanien à l'insécurité qui règne à ses frontières. Bien que les questions de sécurité nationale et frontalière sont bien évidemment une priorité pour tout gouvernement, Human Rights Watch est convaincu que les intérêts de la sécurité à long terme seront mieux servis par la mise en œuvre de mécanismes qui maintiennent l'autorité de la loi. En fin, on n'aboutit pas à une politique de sécurité efficace ou viable en violant les droits de l'homme des réfugiés, en les criminalisant sans discernement et en ne tenant compte ni des procédures légales en vigueur ni de leurs responsabilités individuelles. L'idée générale selon laquelle tous les réfugiés représentent une menace pour la sécurité et peuvent par conséquent être regroupés et confinés dans des camps semble plutôt constituer une tendance à moins respecter les droits des réfugiés en Tanzanie qu'une réponse légitime à une préoccupation valable pour la sécurité.

D'un point de vue historique, la Tanzanie a toujours été le plus chaleureux pays d'accueil des réfugiés. Pendant des dizaines d'années, elle a servi de refuge sûr à des milliers de réfugiés africains et a même été jusqu'à offrir de la terre pour leur installation, intégration et parfois même la citoyenneté. Malgré les difficultés liées à l'accueil de ces larges populations, la Tanzanie, et c'est tout à son honneur, a continué de servir de refuge à plus de 345.000 réfugiés qui fuyaient les terribles conflits qui faisaient rage dans des pays voisins comme le Burundi, la République démocratique du Congo et le Ruanda. Toutefois, l'afflux croissant de réfugiés depuis 1994 - et les crimes et l'insécurité résultant de la présence de militants parmi les réfugiés, ainsi que la pression économique et la dégradation de l'environnement- a abouti à un accroissement de l'hostilité envers les réfugiés en Tanzanie. Malheureusement, certaines des règles adoptées par ce pays mettent en péril la protection des réfugiés, en violant du droit international, et mettent fin à la longue tradition d'asile généreux qui a valu autant de respect à la Tanzanie.

A la fin de 1997, le gouvernement tanzanien a ordonné à l'armée de regrouper tout les étrangers vivant à l'extérieur des camps de réfugiés en affirmant que cela était nécessaire pour protéger les citoyens tanzaniens établis près de la frontière du Burundi. Le gouvernement du Burundi avait prétendu que des rebelles burundais se livraient à un trafic d'armes et organisaient des incursions transfrontalières. Il avait menacé d'intervenir si le gouvernement tanzanien restait inactif. Presque sans aucun avertissement, l'armée a parcouru les villes et villages proches des frontières du Burundi et du Ruanda et à appréhendé des dizaines de milliers d'étrangers. Ces réfugiés et ces migrants ont eu la possibilité de «choisir» entre un retour forcé dans leur pays d'origine ou un déplacement vers des camps de réfugiés. Bien que des congolais et des ruandais aient été touchés par ces mesures, la majorité des réfugiés et migrants qui ont été regroupés étaient originaires du Burundi. Parmi ceux-ci se trouvaient même d' "anciens réfugiés" burundais qui avaient été emmenés après avoir vécu en paix sur des terres qui leur avaient été offertes par le gouvernement tanzanien dans les années 70.

Human Rights Watch a interviewé environ 200 burundais victimes des déplacements. Ce rapport traite seulement de l'expérience des réfugiés burundais, même si des réfugiés d'autres pays ont subi le même sort. De plus, ce rapport se concentre principalement sur les anciens réfugiés burundais qui ont le plus souffert en raison de tout le temps qu'ils ont passé en Tanzanie et non pas sur les réfugiés arrivés après 1993 qui ont directement été placés dans des camps.

Sans exception, tous les réfugiés interviewés par Human Rights Watch ont affirmé avoir été traités de façon expéditive et parfois brutale par l'armée tanzanienne et les milices locales (les sungu sungus), qui les ont arrêtés dans leurs maisons et leurs fermes, sans leur donner l'occasion de rassembler tous les membres de leurs familles et de prendre leurs biens. Les militaires et les milices ont demandé de l'argent aux réfugiés et ont parfois même pillé leur maison. On ordonna aux réfugiés- la plupart avaient de jeunes enfants- de marcher pendant des kilomètres jusqu'au centre de transit. Ceux qui marchaient trop lentement couraient le risque d'être frappés avec des bâtons par les escortes de l'armée. Quand l'armée utilisait des véhicules pour transporter certains réfugiés, c'était eux qui devaient payer l'essence. De nombreux réfugiés interviewés par Human Rights Watch ont été séparés de leurs maris, femmes ou enfants pendant et après les regroupements. Dans de nombreux cas, Human Rights Watch a interviewé des femmes tanzaniennes mariées à des burundais qui vivaient dans les camps de réfugiés parce qu'elles ne voulaient pas être séparées de leurs familles. Après un tri rapide réalisé par les autorités tanzaniennes, qui n'ont aucunement respecté les règles en vigueur, des milliers de réfugiés ont été emmenés de force aux camps de réfugiés gérés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR).

Beaucoup d'anciens réfugiés qui avaient construit leurs maisons, leurs fermes et leurs moyens de subsistance sur les terres mises à leur disposition par le gouvernement ont exprimé de profonds regrets d'avoir vu leurs communautés détruites, leurs maisons vidées et pillées et leurs récoltes détruites. D'autres ont parlé de la peur et de l'inquiétude qui les ont saisi parce qu'ils étaient convaincus que si le gouvernement tanzanien pouvait changer de manière si abrupte sa façon de les traiter, il pouvait tout aussi bien les renvoyer au Burundi où ils couraient le risque d'être tués ou d'être victimes de la violence. D'autres encore ont manifesté leur colère et leur frustration car ils avaient été traités de façon injuste, comme des criminels, sans avoir la possibilité de se défendre.

Après les regroupements, les réfugiés furent confinés dans les camps. On leur refusa même la permission temporaire habituelle, généralement accordée à tous les réfugiés, de rendre visite à leurs familles ou de se rendre au marché voisin. Toutefois, au bout d'un certain temps, les autorités locales ont cédé et de nombreux réfugiés ont pu quitter les camps pour retrouver les membres de leurs familles ou sont rentrés chez eux. Cependant, ils vivent dans l'incertitude et la peur constante d'être à nouveau soumis au traitement arbitraire qui leur avait été infligé lors des regroupements. De plus, ceux qui sont rentrés chez eux ont découvert que leurs biens avaient disparu, que les écoles et autres institutions communautaires étaient fermées et leurs contacts avec leurs voisins tanzaniens se sont teintés de méfiance.

Les préoccupations du gouvernement tanzanien pour sa sécurité sont légitimes. Les conflits au Burundi, Ruanda et en République démocratique du Congo, ses voisins, peuvent et ont débordé dans la région. Les témoignages d'activités transfrontalières organisées par des militants, le recrutement et l'entraînement de réfugiés par des groupes de rebelles, l'intimidation, l'extorsion par les militants de la nourriture et de l'argent des réfugiés et des habitants locaux et le trafic d'armes via la Tanzanie constituent des dangers pour la sécurité nationale auxquels le gouvernement tanzanien doit trouver une réponse. Depuis quelques années, le crime et le banditisme ont augmenté le long de la frontière. De plus, il est peu probable que les conditions au Burundi, au Ruanda et en République démocratique du Congo s'améliorent suffisamment dans un avenir proche pour permettre aux réfugiés de regagner leur pays d'origine.

Cependant, les regroupements basés sur la nationalité, le confinement forcé dans les camps et l'absence d'une procédure adéquate sont en totale contradiction avec la constitution tanzanienne et le droit international et régional en matière des droits de l'homme et des réfugiés. Puisque ces regroupements enfreignent plusieurs dispositions de la constitution tanzanienne et du droit international, ils ne peuvent pas, comme l'affirme le gouvernement, être considérés comme légaux en vertu de l'Immigration Act de 1995 et le Citizenship Act de 1995 adoptés en Tanzanie. La Tanzanie est autorisée à questionner les résidents étrangers qui n'ont pas suivi les procédures légales appropriées pour obtenir le droit de résidence mais elle ne peut le faire via des rassemblements. La politique du gouvernement tanzanien, qui consiste à enfermer tous les réfugiés parce qu'un certain nombre d'entre eux représentent un danger pour la sécurité, refuse de donner aux réfugiés la possibilité juste de contester leur confinement et ne fixe aucune limite pour la durée de ce dernier. Les procédures de protection légales stipulent que si le gouvernement suspecte des membres d'un groupe d'être mêlés à une activité criminelle ou rebelle, il ne peut prendre des mesures collectives contre l'entièreté de la communauté mais plutôt inculper ces individus et les traîner devant un tribunal compétent, impartial et indépendant. Cependant, aucun des milliers de réfugiés tanzaniens détenus dans les camps depuis les regroupements d'octobre 1997 n'a eu la possibilité de contester les actions du gouvernement ou de rentrer chez lui avec l'assurance qu'il ne serait pas à nouveau emmené de la même manière.

La raison que le gouvernement de Tanzanie a invoquée pour justifier les regroupements est la sécurité. Pourtant, le gouvernement n'a consenti aucun effort pour enquêter ou inculper les individus interpellés en raison de cette activité de rébellion présumée, peut-être parce qu'il n'y avait aucune raison légitime de suspecter tous les réfugiés de se livrer à des activités criminelles. Comme nos interviews le prouvent, beaucoup de ceux qui ont été emmenés dans les camps étaient ceux qui étaient le moins susceptible d'organiser une activité de rébellion : les personnes âgées, les femmes et les enfants. Selon des secouristes travaillant dans les camps, les regroupements pourraient avoir un effet néfaste sur la promotion de la sécurité en Tanzanie. Enfermer les réfugiés burundais dans ces camps ne peut qu'alimenter le ressentiment contre le gouvernement tanzanien; soutenir les menaces du gouvernement burundais d'envahir le pays en renforçant l'idée erronée selon laquelle tous les réfugiés burundais sont des rebelles; encourager les réfugiés à s'identifier davantage aux alliances politiques burundaises dans les camps en raison de l'hostilité qu'ils ont vécue entre les mains de l'armée tanzanienne ; accroître les chances d'un recrutement organisé par les rebelles parmi les anciens de réfugiés, qui ne sont plus des fermiers indépendants mais des réfugiés inactifs dans des camps situés près de la frontière ; et faire naître la méfiance entre la population locale et les réfugiés.

L'intérêt personnel ne justifie en aucun cas l'abrogation des droits de l'homme, surtout lorsque des moyens alternatifs qui permettent de ne pas maltraiter ou criminaliser les réfugiés sont disponibles. L'excuse du gouvernement tanzanien - le manque de temps pour réaliser de telles recherches - ne tient simplement pas la route. Le gouvernement tanzanien peut prendre d'autres mesures pour répondre aux soucis de sécurité, comme par exemple accroître la présence de patrouilles de police et de services de renseignement près de la frontière ou dans les communautés à forte concentration de burundais, déplacer les villages de burundais loin de la frontière, enquêter et poursuivre en justice les burundais coupables d'activités criminelles. Chacune de ces propositions permettrait d'appliquer une politique de sécurité à long terme viable et respectueuse des règles de droit. Human Rights Watch est parfaitement conscient du poids financier et administratif que ces mesures de sécurité alternatives constituent pour les structures judiciaires et de mise en application de la loi, déjà surchargées de travail. La communauté internationale a une part de responsabilité pour faire en sorte qu'un soutien financier adéquat soit libéré pour appliquer des politiques de sécurité qui promeuvent des normes internationales relatives aux droits de l'homme et aux réfugiés.

Bien que Human Rights Watch soit convaincu que la politique de regroupements en fonction de la nationalité et le confinement forcé des réfugiés dans les camps doit être abandonnée dans tous les cas, nous craignons que les anciens burundais soient ceux qui en aient le plus souffert. Pendant plus de 25 ans, ils ont vécu sur des terres mises à leur disposition pas le gouvernement tanzanien. Depuis leur arrivée en Tanzanie, ils faisaient confiance et dépendaient de la politique d'intégration locale instaurée par le gouvernement. Ce groupe est devenu autosuffisant et productif et a contribué de manière positive au développement de la Tanzanie, en payant des taxes et autres contributions, ce qui prouve que les autorités considéraient leur présence comme légitime. Le gouvernement tanzanien lui-même a encouragé leur intégration en leur faisant plusieurs offres de naturalisation. Bien que certains réfugiés se soient fait naturalisés, d'autres n'ont pas profité de cette offre généreuse, soit par ignorance, soit pour des raisons financières ou parce qu'ils n'avaient pas besoin de papiers d'identité ou même parce qu'ils refusaient de renoncer à l'espoir de rentrer chez eux un jour. Il est vraiment injuste de déloger sommairement ces anciens réfugiés, dont la plupart ont vécu en paix toute leur vie dans les communautés tanzaniennes, de leur enlever sans compensation leurs sources de revenu et leurs biens acquis au fil du temps, de les séparer de leurs familles et de les confiner de force dans des camps où ils dépendent des rations de nourriture. Human Rights Watch considère que la situation particulière de ce groupe exige un traitement spécial de la part du gouvernement tanzanien. Il faut que ce dernier revienne sur sa décision relative aux réfugiés puisque leurs espoirs d'intégration et d'assimilation diffèrent de ceux des nouveaux réfugiés qui ont été placés directement dans des camps. Human Rights Watch demande au HCR de rester le porte-parole vigoureux de ceux qui ont été regroupés, et particulièrement des anciens réfugiés.

Ce rapport décrit les injustices subies par les réfugiés burundais qui ont été regroupés de force et demande au gouvernement tanzanien de : 1) mettre un terme à sa politique de regroupements; 2) trouver d'autres mesures pour répondre à ses inquiétudes légitimes concernant la sécurité à la frontière entre le Burundi et la Tanzanie, des mesures qui ne violent ni le droit tanzanien ni les droits fondamentaux ni le droit des réfugiés; et de 3) rendre leur statut originel aux anciens réfugiés en les renvoyant chez eux ou dans des villages du même type se trouvant plus loin de la frontière. Human Rights Watch demande au HCR et à la communauté internationale d'agir comme porte-parole vigoureux pour exiger que soient respectés les droits des réfugiés dans le cadre de l'application de la politique de sécurité nationale de la Tanzanie et que les réfugiés regroupés , particulièrement les anciens, de force soient renvoyés chez eux chez eux ou dans d'autres villages du même type. La communauté internationale devrait octroyer des fonds ou d'autres moyens de soutien au gouvernement tanzanien pour renforcer ses capacités judiciaire et de mise en application de la loi, déjà surchargées, pour qu'elle puisse s'occuper de ces problèmes dans les régions frontalières.
 


II. RECOMMANDATIONS

Au Gouvernement tanzanien:

  • Ne pas utiliser des mesures telles que les regroupements forcés pour répondre à des préoccupations relatives à la sécurité. Trouver des moyens alternatifs qui respectent le droit international comme installer davantage de patrouilles de police le long de la frontière, déplacer des villages ou des camps de burundais loin de la frontière et enquêter et poursuivre en justice les burundais coupables d'activités criminelles comme le trafic d'armes ou l'entraînement des rebelles.

  •  
Rendre leur statut aux anciens réfugiés et les renvoyer dans les villages où ils vivaient depuis si longtemps ou dans des villages de même nature plus loin de la frontière. L'intégration locale est l'une des trois solutions durables recommandées par le HCR.

Permettre aux réfugiés regroupés de force de sortir des camps, surtout à ceux qui ont besoin de retrouver les membres de leurs familles ou de récupérer leurs biens. Au minimum, les réfugiés regroupés devraient pouvoir obtenir des permis pour pouvoir quitter le camp temporairement sans discrimination, tout comme les autres réfugiés.

Les biens appartenant aux réfugiés regroupés de manière arbitraire doivent être restitués à leurs propriétaires légitimes par le gouvernement. Ce dernier doit donner des instructions aux autorités locales pour qu'elles rendent leurs biens aux réfugiés regroupés. Au cas où ils auraient été pillés par l'armée, les sungu sungu, ou les résidents locaux, les autorités devront tout faire pour récupérer ces biens ou compenser les réfugiés en leur donnant l'équivalent de la valeur marchande des biens détruits ou volés.

Le gouvernement devrait faciliter les procédures de naturalisation pour permettre à des groupes de réfugiés relativement restreints qui remplissent les conditions nécessaires d'obtenir la nationalité depuis les camps en leur permettant d'avoir facilement accès à ces procédures. En vertu de la Section 10(I) du Citizenship Act de Tanzanie, toute personne dont l'un des parents est tanzanien a le droit à la nationalité tanzanienne. De plus, les anciens réfugiés burundais ont le droit d'introduire une demande de naturalisation. Le gouvernement devrait éliminer les frais de naturalisation pour permettre aux réfugiés qui n'en ont pas les moyens de faire les démarches pour pouvoir l'obtenir.

Amender le Citizenship Act de 1995 pour permettre aux femmes tanzaniennes d'entreprendre les démarches de naturalisation au nom de leur mari étranger, comme les hommes tanzaniens sont habilités à le faire. Le Citizenship Act de 1995 discrimine sur la base du sexe, en violation de la Constitution tanzanienne et du droit international. 

Amender le Citizenship Act de 1995 pour permettre aux réfugiés de deuxième génération qui sont nés et ont grandi en Tanzanie de demander la citoyenneté tanzanienne. Selon la loi actuelle, les réfugiés, même s'ils naissent et grandissent en Tanzanie depuis plusieurs générations, ne peuvent jamais entreprendre des démarches de naturalisation.

Organiser des programmes d'éducation et de sensibilisation du public sur les problèmes des réfugiés et la sécurité des communautés de Tanzanie occidentale. Si les citoyens et les réfugiés ont conscience de leurs droits et devoirs, il est plus probable qu'ils coopèrent avec les autorités pour maintenir l'autorité de la loi.

Au Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés:

Comme priorité en matière de protection, conseiller et aider le gouvernement tanzanien pour garantir que les mesures adoptées par le gouvernement pour répondre aux inquiétudes en matière de sécurité respectent les droits et le droit international des réfugiés.

Plaider vigoureusement pour le retour chez eux des réfugiés regroupés de force et pour la compensation ou la restitution aux réfugiés de leurs biens détruits ou volés par l'armée, les sungu sungu, ou les résidents locaux. En particulier, le HCR devrait activement faire pression pour que les anciens réfugiés obtiennent le droit de résidence et récupèrent le statut dont ils jouissaient auparavant. Le mandat du HCR lui donne la responsabilité de chercher une solution durable pour les réfugiés, y compris l'intégration locale.

Accroître le nombre d'officiers de protection du HCR présents dans les camps tanzaniens. Le bureau du HCR en Tanzanie n'a pas assez d'officiers de protection. Sans un réseau d'officiers de protection compétents et professionnels, il est difficile de garantir un contrôle et un suivi régulier des réfugiés dans un tel environnement. Par conséquent, le HCR en Tanzanie n'a pas joué le rôle logique qu'il aurait pu accepter pour aider les réfugiés à effectuer les démarches de naturalisation, pour réunir les familles réfugiées séparées ou pour faire pression sur le gouvernement pour qu'il renonce à sa politique de regroupements forcés, particulièrement en ce qui concerne le retour des anciens dans leur village.

Echanger plus régulièrement les informations relatives à la sécurité entre les bureaux nationaux du HCR situés dans la Région des Grands Lacs. Comme les regroupements ont apparemment été organisés pour répondre aux inquiétudes en matière de sécurité, les informations concernant la sécurité à la frontière sont essentielles au travail de protection des réfugiés. L'échange accru d'informations entre les bureaux du HCR au Burundi et en Tanzanie pourrait aider le personnel du HCR en Tanzanie et le gouvernement tanzanien à analyser et répondre de manière plus efficace aux menaces contre la sécurité à la frontière et à préserver dans la mesure du possible la nature civile des camps de réfugiés et de la région voisine.

Aider les anciens réfugiés qui remplissent les conditions nécessaires, et en manifestent la volonté, à entreprendre les démarches nécessaires pour obtenir la nationalité tanzanienne. Le HCR devrait désigner un groupe local non-gouvernemental d'assistance juridique qui serve de partenaire d'application du droit en aidant les réfugiés à remplir et à présenter les formulaires de demande de naturalisation et suive l'évolution de leurs démarches auprès du gouvernement.

Fournir des actes de naissance qui précisent leur lieu de naissance et leur nationalité aux enfants réfugiés nés en Tanzanie. Certains de ces réfugiés pourraient plus tard remplir les conditions nécessaires pour l'obtention de la naturalisation ou du droit de résidence.

Développer des programmes d'éducation et de sensibilisation du public aux problèmes de sécurité pour les réfugiés et les communautés de Tanzanie occidentale. Si les réfugiés et les citoyens tanzaniens connaissent leurs droits et devoirs, il est plus probable qu'ils coopèrent avec les autorités pour maintenir l'autorité de la loi. De tels programmes devraient être retransmis sur les chaînes de radios locales, y compris Radio Kwizira, dirigée par le Service Jésuite des Réfugiés dans les camps de réfugiés.

Au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD):

Affecter une partie des 1.1 millions de dollars que le PNUD a libérés pour des programmes du gouvernement de Tanzanie visant à renforcer les capacités juridiques et de mise en application de la loi à s'occuper des problèmes des réfugiés, y compris la formation aux droits de l'homme et au droit des réfugiés pour le personnel judiciaire et policier ainsi que des programmes d'éducation et de sensibilisation pour éviter la xénophobie.

Aux Gouvernements donateurs:

Encourager activement le gouvernement tanzanien à adopter des mesures de sécurité qui ne violent pas les droits des réfugiés.

Demander au HCR et au gouvernement tanzanien pour qu'ils rendent aux anciens réfugiés leur statut d'antan et qu'ils les renvoient dans leur village ou dans d'autres régions loin de la frontière.

Affecter des fonds du HCR à une organisation locale non-gouvernementale d'assistance juridique pour qu'elle travaille dans les camps et les villages de réfugiés et aident les réfugiés qui remplissent les conditions nécessaires et en manifestent le désir à remplir et envoyer les formulaires requis et à payer les frais engendrés par la demande de naturalisation.

Fournir au gouvernement tanzanien des fonds, une formation et un soutien logistique pour lui permettre d'adopter des mesures de sécurité qui respectent le droit humanitaire et le droit des réfugiés. La justice et la police tanzaniennes manquent de fonds et sont surchargées de travail. Le système judiciaire et la police ont besoin d'un appui international plus large et, entre autres, d'une formation aux droits de l'homme et au droit des réfugiés. Il est également nécessaire d'accroître le nombre de patrouilles de sécurité dans la région frontalière et dans les camps de réfugiés.

1.  Interview de Human Rights Watch avec une réfugiée, camp de Nduta, 31 mai 1999