Africa - West
Novembre 1997  

LIBERIA


ÉMERGER DE LA DESTRUCTION

Défis en matière des droits de
l'homme auxquels est confrontéle nouveau gouvernement libérien


Table des matières

I. RESUME
II. RECOMMANDATIONSIII. CONTEXTE
IV. LA RÉINSERTION DES RÉFUGIÉS ET DES POPULATIONS DÉPLACÉES À L'INTÉRIEUR DE LEUR PROPRE PAYSV. LA RECONSTRUCTIONS DES INSTITUTIONS DE L'ÉTATVI. ASSUMER LE PASSEVII. RÔLE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALEVIII. REMERCIEMENTS

I. RESUME

Le 19 juillet 1997, après sept années de guerre, le Libéria a enfin retrouvé la paix grâce à des élections remportées haut la main par l'ancien chef de faction Charles Taylor et son parti, le Parti National Patriotique (National Patriotic Party, NPP), avec 75% des voix. Grâce au système de représentation proportionnelle utilisé lors des élections de 1997, Charles Taylor a également obtenu une majorité de 75% au sein du corps législatif, décrochant ainsi soixante-dix des quatre-vingt-dix sièges.

Confronté à des défis gigantesques, le nouveau gouvernement commence peu à peu à instaurer et à consolider son autorité. Des dizaines de milliers de Libériens ont perdu la vie au cours du conflit. Près de la moitié de la population a été déplacée et les infrastructures du pays ont été pratiquement anéanties. Malgré la présence de conciliateurs régionaux depuis 1990, rejoints par une mission d'observateurs militaires des Nations Unies (O.N.U.) en octobre 1993, les combats ont repris à plusieurs reprises au cours de la guerre, et les factions se sont multipliées au fil des années. (1) A des degrés divers, toutes les factions étaient responsables de la terreur imposée aux populations locales afin de les piller et de les dissuader de soutenir les factions rivales. Parmi les nombreuses atrocités commises contre les civils, citons les exécutions arbitraires, les tortures, les viols, les travaux forcés et les extorsions. Les factions se composaient principalement de groupes de combattants armés, certains âgés seulement de dix ans, dépourvus de toute formation militaire théorique.

Enfin, plus d'une douzaine d'accords de paix et près de vingt cessez-le-feu ont été signés durant les innombrables négociations de paix. Les échecs répétés du processus de paix s'expliquent par plusieurs facteurs, notamment le fractionnement interne des factions en guerre, en fonction de courants ethniques, et les motivations économiques et politiques les poussant à poursuivre la lutte. La prolifération de ces groupes a été encouragée par la création et le soutien donné par l'armée de l'ancien gouvernement et la force régionale de maintien de la paix aux factions opposées à Taylor. En outre, l'absence de toute autorité, formation et financement appropriés des conciliateurs régionaux, et le refus de la mission des observateurs militaires de l'O.N.U. de s'attaquer aux faiblesses de la force régionale de maintien de la paix n'a fait qu'accentuer les problèmes du pays.


Bien que la fin de la guerre ait apporté la paix et la sécurité indispensables au pays, le respect des droits de l'homme demeure problématique. Les dix années de répression sous le gouvernement de l'ancien Président Samuel Doe, et les sept ans de guerre civile qui ont suivi, ont détruit les institutions et l'économie nationales du Libéria et instauré une culture de violence, de tensions ethniques et d'impunité. Les élections ont conféré au Président Taylor un monopole virtuel à tous les niveaux de gouvernement: l'exécutif, 75% du corps législatif, et chaque section judiciaire, étant donné la reconstitution des tribunaux. Pour tous les aspects pratiques, le Libéria est devenu un État unipartite.


La phase de transition constitue cependant une occasion unique pour mettre au point de nouvelles institutions d'Etat intégrant une réelle dimension de respect des droits de l'homme et pour créer des mécanismes pouvant garantir, protéger et imposer le respect des droits de l'homme dans toute la société. Lors de ses discours de victoire et d'inauguration, le Président Taylor a manifesté son intention de diriger un gouvernement qui respecte les droits de l'homme, affirmant qu'il s'engage à instaurer un pouvoir judiciaire indépendant, à respecter les droits de l'homme, la primauté du droit et la protection équitable de la loi. Le Président Taylor a également annoncé qu'il créerait une commission des droits de l'homme ainsi qu'une commission de réconciliation, bien que les attributions de ces commissions doivent encore être définies. Même si cette annonce a permis de dissiper quelque peu les craintes entretenues par certains membres de la communauté des droits de l'homme du Libéria--en raison des antécédents de la faction de Taylor en matière d'abus flagrants et d'enrôlement d'enfants soldats-ces promesses devront être suivies d'une action concrète de la part du gouvernement pour avoir un sens.


L'importance accordée par le gouvernement de Taylor à la primauté du droit et au respect des droits de l'homme dans le processus de réintégration, de reconstruction et de réconciliation de la société libérienne sera un facteur décisif pour savoir si le pays sortira du chaos dans lequel il a été plongé. Vu l'absence de tout contrepoids exercé sur ce gouvernement, le Président Taylor sera obligé de privilégier les droits de l'homme lors du processus de reconstruction et de s'imposer des limites contre tout excès du gouvernement. Human Rights Watch/Afrique conseille au nouveau gouvernement d'accorder une attention toute particulière aux problèmes suivants au cours du processus de reconstruction et de réconciliation:


Réintégration: Afin de permettre au plus d'un million de réfugiés et de Libériens déplacés à l'intérieur du pays de rentrer chez eux, le gouvernement devra multiplier activement les assurances politiques de sécurité et fournir l'assistance matérielle. Les réfugiés qui souhaitent rentrer au Libéria seront assistés et véhiculés par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés (U.N.H.C.R) pour franchir la frontière. Cependant, une fois rentrés, ils auront besoin de l'aide gouvernementale pour reconstruire leurs maisons, recréer les institutions communautaires et ainsi redevenir autonomes. Certains réfugiés, notamment ceux appartenant à des groupes ethniques ou politiques autrefois cible des combattants du Front National Patriotique du Libéria (National Patriotic Front of Liberia, N.P.F.L.), pourraient craindre les persécutions et refuser de rentrer. Les groupes craignant avec raison d'être persécutés ne devront par être renvoyés de force par les pays voisins. Le gouvernement libérien aura pour tâche d'apaiser de telles craintes de persécution en prenant des mesures concrètes prouvant aux anciens opposants politiques et aux groupes ethniques alliés au gouvernement précédent, comme les Krahn et les Mandingo, qu'ils ne feront l'objet d'aucune persécution ou discrimination. Le retour organisé des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du pays ne pourra être orchestré par le gouvernement ou la communauté internationale tant que la situation politique ne se sera pas stabilisée et que certains services de base n'auront pas été restaurés à l'intérieur du pays.


Malgré l'aide internationale prodiguée aux réfugiés, les personnes déplacées à l'intérieur du Libéria bénéficieront de peu ou pas d'assistance. Des milliers de personnes déplacées dans le pays vivent dans des conditions lamentables, particulièrement dans la zone élargie de Monrovia. L'organisme gouvernemental libérien chargé du retour des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du pays, la Liberia Refugee, Repatriation and Resettlement Commission (L.R.R.R.C.), manque toujours de fonds suffisants et n'est pratiquement pas opérationnel. Le gouvernement doit clarifier le mandat de la L.R.R.R.C. afin de faire de cet organisme gouvernemental le responsable explicite des personnes déplacées à l'intérieur du pays en plus des réfugiés. Le gouvernement doit doter la L.R.R.R.C. des fonds et de l'autorité nécessaires pour gérer la réintégration. Un personnel qualifié doit être engagé par la L.R.R.R.C. pour mettre au point des programmes permettant aux populations de rentrer chez elles, une fois la situation stabilisée.


Reconstruction des institutions de l'Etat: L'une des priorités du gouvernement est l'instauration d'un système judiciaire et pénal qui encourage la primauté de la loi et le respect des droits de l'homme. Le Ministère de la Justice, les tribunaux, la police, les forces de sécurité et l'administration pénitentiaire sont toutes des institutions devant être développées pour garantir la responsabilité officielle.


Les institutions pénales doivent être rationalisées, réformées et reconstituées en se basant sur le professionnalisme et l'origine ethnique. Avant la guerre, l'ancien gouvernement avait nommé un nombre disproportionné de personnes provenant du groupe ethnique du président, les Krahn. Beaucoup de fonctionnaires n'étaient pas qualifiés ou ont abusé de leurs pouvoirs, ce qui a mené à des tensions ethniques. Pendant la guerre, ces tensions ont encore été exacerbées par les différentes factions qui visaient des groupes ethniques bien précis. Ces faits devront être pris en compte par le gouvernement lors de la sélection du personnel. Un personnel qualifié devra être nommé pour gérer les administrations judiciaire et pénitentiaire. Le gouvernement devra s'efforcer de ne pas récompenser les anciens membres des factions en leur confiant des fonctions gouvernementales dans la nouvelle armée ou police alors qu'ils ne sont pas formés. En plus d'embaucher et de former un personnel qualifié, le nouveau gouvernement devra créer une commission de supervision indépendante chargée de contrôler et d'enquêter sur les violations de la police et des forces de sécurité. Les militaires, policiers et fonctionnaires des prisons qui ont abusé de leurs prérogatives devront être punis par le gouvernement.


Les conditions d'emprisonnement devront également être améliorées. Par le passé, les détentions illégales prolongées sans procès étaient chose courante bien que la Constitution stipulât que les suspects soient libérés ou jugés dans les quarante-huit heures suivant leur arrestation. Afin d'éviter les anciens problèmes de périodes de détention interminables, de rapports d'arrestation inappropriés et de cohabitation entre les condamnés et les suspects, le gouvernement devra mettre sur pied une procédure assurant que tous les suspects sont inculpés rapidement conformément à la Constitution.


Le gouvernement a annoncé la création d'une Commission des Droits de l'Homme. Cet organisme devra recevoir les fonds et l'autorité nécessaires pour examiner les plaintes de violation des droits de l'homme et introduire des procédures judiciaires devant un tribunal à l'attention des victimes des abus du pouvoir de l'Etat.


Traitement des abus du passé: Au sortir d'une situation de conflit brutal durant lequel les civils ont été la cible privilégiée de toutes les factions, le gouvernement se doit de prendre des mesures afin que les responsables de violations flagrantes des droits de l'homme répondent de leurs crimes. Les accords de paix qui octroient l'immunité aux membres des factions pour les abus commis durant des actions militaires ne devront pas s'appliquer aux atrocités infligées aux civils. Lorsque des anciens combattants se sont rendus coupables d'abus injustifiés contre des civils, ils devront être traduits devant un tribunal. Le gouvernement devra aussi créer une Commission de la Vérité, peut-être dans le cadre de la Commission de Réconciliation annoncée, afin de recueillir les témoignages et les preuves sur les méfaits commis pendant la guerre et nommer publiquement les responsables de tels actes.


Lorsqu'il abordera les abus commis par le passé, le gouvernement devra s'attarder tout particulièrement sur les effets de la violence sexuelle généralisée à l'encontre des femmes pendant la guerre. En raison des stigmates provoqués par la violence sexuelle et le peu de cas qu'il est fait de tels crimes, la violence sexuelle et ses conséquences sont souvent négligées. Le gouvernement devra garantir que les organismes gouvernementaux chargés de la réintégration, la santé, la justice et le bien-être intègrent ce problème dans leurs dossiers. Par ailleurs, les femmes sont toujours victimes de mesures coutumières discriminatoires qui les empêchent par exemple d'hériter de biens. Étant donné le nombre important de veuves et de ménages dirigés par des femmes en raison de la guerre, ces dispositions discriminatoires devront être abrogées par le pouvoir législatif et adaptées à la Constitution libérienne et au droit international concernant les droits de l'homme.


Le processus de démobilisation des anciens combattants n'est pas terminé. Sur une estimation de 33.000 soldats, environ 21.315 ont été désarmés. Néanmoins, la structure hiérarchique demeure intacte en de nombreux endroits, constituant ainsi une menace de remobilisation de ces combattants en cas de violence politique ou criminelle. Les anciens combattants, notamment les enfants, devront retourner chez eux et suivre une scolarisation ou une formation professionnelle qui permettra de diminuer tout risque de nouvelle violence et de les aider à trouver une place dans la société.


Human Rights Watch/Afrique se réjouit de l'engagement du Président Taylor en matière de primauté du droit et de respect des droits de l'homme. Afin que de telles promesses se concrétisent, elles doivent être suivies des actes et de l'attention soutenue nécessaires pendant les six années du mandat présidentiel. Human Rights Watch/Afrique a rédigé ce rapport afin d'aider le gouvernement libérien à identifier certains des défis majeurs jugés prioritaires pour le gouvernement en matière des droits de l'homme, et fournir des recommandations conformes aux critères juridiques internationaux.


Human Rights Watch/Afrique demande également à la communauté internationale de prêter attention au processus de reconstruction au Libéria, et de faire du respect des droits de l'homme une condition de l'aide et de l'assistance internationales. La communauté internationale a centré son attention et son énergie sur les élections. A présent que les élections ont eu lieu, la communauté internationale s'est quelque peu détournée du Libéria. L'opération régionale de maintien de la paix et la Mission d'Observation des Nations Unies au Libéria (M.O.N.U.L), se retirera l'année prochaine, faisant du Programme des Nations Unies pour le Développement (P.N.U.D.) le premier organisme de l'O.N.U. au Libéria. Le U.N.H.C.R jouera également un rôle central afin d'assurer aux Libériens l'assistance et la sécurité lors de leur retour. Il incombe à ces organismes onusiens ainsi qu'aux bailleurs de fonds bilatéraux et aux groupes internationaux non gouvernementaux d'assurer de faire du respect des droits de l'homme la base de leur programme d'assistance au Libéria.



II. RECOMMANDATIONS


A l'attention du Gouvernement du Libéria

  • Ayant signé les deux traités importants sur les droits de l'homme--le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels--le gouvernement devra à présent les ratifier. En outre, le gouvernement devra signer et ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que les Protocoles Additionnels aux Conventions de Genève.

Réintégration des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du pays

  • Aucun réfugié ou personne déplacée à l'intérieur du pays ne sera encouragée ou contrainte de retourner dans son foyer tant que la situation politique ne se sera pas stabilisée et qu'ils estiment que toutes les garanties de sécurité ne sont pas réunies. Il est trop tôt à ce jour pour amorcer un rapatriement organisé.

  • Le gouvernement libérien devra entreprendre rapidement la réhabilitation des infrastructures communautaires afin de favoriser le retour et la réinstallation des populations déplacées. Lorsqu'un rapatriement à grande échelle sera possible, un effort concerté devra être entrepris pour traiter plus particulièrement les besoins sanitaires et éducatifs des rapatriés. Il est probable que les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur du Libéria ne souhaiteront pas rentrer tant que ces services ne seront pas disponibles à l'intérieur du pays.

  • Un système d'assistance juridique devra être mis sur pied afin de régler les litiges de propriété pouvant apparaître lorsque les réfugiés et les populations déplacées rentreront dans leur foyer d'origine et trouveront leur propriété occupée.

  • Le gouvernement devra prendre des mesures pour améliorer les services et l'aide fournis aux populations déplacées à l'intérieur du pays, ceux-ci étant bien inférieurs à ceux offerts aux réfugiés.

  • Le gouvernement devra confier explicitement à la Liberian Refugee Repatriation and Resettlement Commission (L.R.R.R.C.) la responsabilité des personnes déplacées à l'intérieur du Libéria, ainsi que des réfugiés, afin de s'assurer que les premiers ne seront pas négligés étant donné qu'aucun organisme international ne dispose d'un mandat exclusif pour les populations déplacées à l'intérieur du pays. En raison de l'ambiguïté soulevée par certains organismes internationaux concernant la responsabilité de la L.R.R.R.C. vis-à-vis des personnes déplacées à l'intérieur du Libéria, le pouvoir législatif libérien devra voter un statut conférant à la L.R.R.R.C. un mandat explicite pour les personnes déplacées à l'intérieur du pays, en plus des réfugiés.

  • Le gouvernement devra octroyer à la Liberian Refugee Repatriation and Resettlement Commission (L.R.R.R.C.) un soutien logistique et financier plus important afin de lui permettre de mettre en œuvre des programmes de réintégration efficace pour le retour des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du pays. Le gouvernement devra garantir l'embauche d'un personnel qualifié dans la L.R.R.R.C. La L.R.R.R.C. devra tout d'abord définir clairement sa mission et dresser des plans et des programmes de réintégration.

Reconstruction des institutions de l'Etat

  • Le gouvernement devra achever dès que possible la reconstitution de l'appareil judiciaire à tous les niveaux et lui permettre de fonctionner de manière indépendante. La participation de l'Association Nationale des Avocats lors de la sélection des candidats à des postes judiciaires est un excellent moyen de garantir la qualité des nominations. Conformément aux principes fondamentaux de l'O.N.U. sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, le gouvernement libérien devra intégrer officiellement dans le droit libérien cette pratique, introduite par le gouvernement par intérim pendant la guerre.

  • La police devra disposer de directives claires et publiques régissant les tâches de ses fonctionnaires. La dimension du respect des droits de l'homme devra être intégrée à tous les niveaux de la structure de la police. Elle comprendra une formation théorique, une formation périodique et une révision ultérieures, une application stricte des lois et des mesures punitives en cas d'abus. Toutes les directives de l'O.N.U. y afférentes devront être introduites dans les règlements de police, y compris les principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application de la loi, le code de conduite pour les responsables de l'application des lois et l'ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement. Tous les officiers de police devront prendre connaissance des dispositions pertinentes de la Constitution libérienne ainsi que des normes internationales régissant le comportement de la police. Les policiers devront être formés selon les normes internationales pertinentes et les lois libériennes qui régissent les arrestations, le recours à la force et le droit des suspects. Il faudra procéder à des campagnes d'information concernant les droits des personnes lors des procédures criminelles et la procédure de présentation de plainte auprès d'un officier de police.

  • La police existante devra être réformée le plut tôt possible. Les officiers mêlés à des violations des droits de l'homme survenues pendant la guerre devront être renvoyés de la police. Ceux jugés incompétents devront suivre un recyclage ou démissionner.

  • Les policiers de patrouille ne devront pas porter d'armes à feu mais plutôt des matraques et des radios afin de demander de l'aide en cas de violence.

  • Un bureau ou conseil indépendant de civils devra être instauré pour contrôler la police et les militaires en matière de droits de l'homme. Cet organe devra également disposer d'un pouvoir d'application des lois et d'enquête. Toute violation des lois par des polices ou des militaires devra être punie par des sanctions appropriées.

  • Le gouvernement devra adapter dès que possible ses infrastructures de détention aux normes internationales. L'article dix du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que tous les prisonniers devront être traités avec humanité, et que les prévenus seront séparés des coupables et recevront "un traitement distinct approprié à leur statut de non-coupables." Les articles dix et douze de l'ensemble de règles minima de l'O.N.U. pour le traitement des détenus demandent aux gouvernements d'assurer que "toutes les infrastructures fournies aux prisonniers et notamment toutes les infrastructures de logement répondent aux exigences en matière de santé, en tenant compte des conditions climatiques et plus particulièrement du volume d'air, de l'espace minimum au sol, de l'éclairage, du chauffage et de la ventilation," et que "les installations sanitaires soient adéquates pour permettre à chaque prisonnier de satisfaire ses besoins naturels lorsque c'est nécessaire, de manière hygiénique et décente." Des mesures devront être prises pour garantir l'application de ces normes minimales.

  • Les fonctionnaires des prisons devront être formés par le Bureau de Réhabilitation du Ministère de la Justice dans le cadre de l'application de l'ensemble des règles minima de l'O.N.U. pour le traitement des détenus. Toute violation des règles par le personnel des prisons devra être sanctionnée. Toutes les prisons devront tenir un registre des prisonniers conformément à la règle 7(1) de l'ensemble des règles minima de l'O.N.U. pour le traitement des détenus qui spécifie que des informations devront être enregistrées concernant l'identité, le motif d'arrestation, et le jour et l'heure de la libération de chaque prisonnier. Le registre devra être à la disposition des fonctionnaires du Ministère de la Justice, des juges, des organisations non gouvernementales de protection des droits de l'homme sur simple demande afin de s'assurer que les prévenus détenus sont traduits devant un tribunal dans les quarante-huit heures, tel que le prévoit la Constitution libérienne.

  • Il incombera aux fonctionnaires des prisons de garantir que les prisonniers sont traduits devant un tribunal dans les quarante-huit heures tel que le prévoit la Constitution libérienne. Les fonctionnaires qui passeraient outre cette disposition constitutionnelle seront punis. Le procureur du Ministère de la Justice devra également être chargé de la tenue de registres séparés des prisonniers inculpés et non inculpés. Ces registres pourront faire l'objet d'une inspection publique.

  • Aucun civil ne devra être détenu dans des bâtiments militaires.

  • La Commission sur les droits de l'homme annoncée par le gouvernement devra disposer de l'indépendance nécessaire pour enquêter, rechercher des solutions et rendre public ses conclusions. La Commission devra disposer du soutien politique et financier nécessaire pour devenir un organisme efficace et crédible.

Affronter le passé

  • Le gouvernement libérien a le devoir d'enquêter, de poursuivre et de punir les responsables de violations des droits de l'homme. L'article 19 des accords de paix de Cotonou, qui assure l'immunité aux membres des factions dans le cas d'abus lors d'actions militaires, ne devra pas s'appliquer aux atrocités commises contre des civils, et ne peut être invoqué pour dispenser le Libéria de l'obligation internationale de punir les abus commis en dehors de tout contexte militaire. Lorsque des anciens combattants se sont livrés à des violations flagrantes à l'encontre de civils, ils devront en répondre devant un tribunal.

  • Le gouvernement devra créer une Commission de la Vérité, peut-être dans le cadre de la Commission de Réconciliation annoncée par le Président Taylor, afin de recueillir les témoignages et les preuves sur les méfaits commis pendant la guerre et nommer publiquement et punir les responsables de tels actes.

  • Un groupe de travail interministériel devra être créé par le gouvernement pour traiter de manière spécifique la violence infligée aux femmes pendant la guerre, et ce afin d'améliorer la réponse sociale, médicale et juridique apportée aux besoins des femmes. Étant donné les traumatismes laissés par les viols et le refus des victimes à réclamer l'aide dont elles ont besoin, le gouvernement devra prêter une attention toute particulière à ce problème. Le groupe de travail proposé par le gouvernement devra se réunir de manière régulière, et travailler étroitement avec les organisations non-gouvernementales de femmes afin d'améliorer et de coordonner les services offerts aux femmes par le gouvernement.

  • Un groupe de travail interministériel similaire devra être créé pour s'occuper des conséquences de la guerre sur les enfants, qu'ils soient victimes, témoins ou acteurs. Ce groupe de travail devra trouver le meilleur moyen de réintégrer les enfants dans leurs communautés, d'assurer l'éducation et la formation professionnelle appropriées aux plus âgés, et réinsérer les enfants victimes d'atrocités, témoins d'atrocités (parfois à l'encontre de leurs propres parents) ou acteurs d'atrocités.

  • Le pouvoir législatif libérien devra voter sans retard le projet de loi actuellement à l'étude afin de promulguer une loi établissant des droits d'héritage pour les femmes mariées sous des règles coutumières. Après la promulgation, le gouvernement devra garantir l'application de la loi.

  • Le gouvernement devra prendre des mesures visant à remédier à la démobilisation incomplète des anciens combattants. La structure de commandement de nombreux bataillons de factions demeure active sur le terrain, et continue de poser un problème éventuel de sécurité/criminalité. Le gouvernement devra assurer aux combattants, surtout aux enfants, des possibilités de formation et d'emploi. Les anciens combattants devront être encouragés à rentrer chez eux et à ne pas rester en groupes, là où ils constituent souvent une présence intimidante.

  • Le gouvernement devra mettre sur pied un programme étendu d'information et d'éducation afin d'informer les communautés des besoins spécifiques des enfants affectés par le conflit, et il devra concevoir un plan visant à répondre aux besoins à long terme de ces enfants.

A l'attention des Nations Unies

  • L'O.N.U. devra travailler en priorité avec le gouvernement libérien afin d'assurer que le rapatriement des personnes déplacées, la reconstruction des institutions de l'Etat et le processus de réconciliation et de responsabilisation tiennent comptent du respect des droits de l'homme. L'O.N.U. devra renforcer le caractère humanitaire de sa présence afin de poursuivre le travail de contrôle et de rapport. Elle devra aussi continuer de soutenir, de renforcer et de collaborer avec les groupes libériens de défense des droits de l'homme. Afin de fonctionner efficacement l'unité de défense des droits de l'homme devra disposer de suffisamment de moyens et de personnel.

  • Le Secrétariat de l'O.N.U. devra publier les conclusions des enquêtes sur les droits de l'homme mentionnées dans les rapports provisoires soumis au Secrétaire général, et expliquer quelles actions ont été prises sur la base de ces résultats.

  • Si l'E.C.O.M.O.G. (Force d'interposition en Afrique occidentale) va restructurer et former la nouvelle armée libérienne, l'O.N.U. devra contrôler et s'assurer activement que la formation englobe des informations sur la législation internationale humanitaire et les droits de l'homme.

  • Le Secrétariat de l'O.N.U. devra collaborer étroitement avec le P.N.U.D. pour s'assurer que le programme de ce dernier se préoccupera des droits de l'homme, surtout lorsque le mandat de la M.O.N.U.L aura pris fin.

  • Le Secrétariat de l'O.N.U. devra s'efforcer de consulter et de collaborer étroitement avec le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme afin de s'assurer que les questions liées aux droits de l'homme sont intégrées au mieux dans les programmes de l'O.N.U.

A l'attention du Haut Commissariat pour les Réfugiés (U.N.H.C.R)

  • Le U.N.H.C.R ne devra pas favoriser le rapatriement organisé tant que la situation politique ne se sera pas stabilisée et que les services de bases n'auront pas été rétablis par le gouvernement. Le U.N.H.C.R ne devra autoriser aucun plan de rapatriement qui compromettrait la sécurité physique ou le bien-être des réfugiés.

  • Le U.N.H.C.R devra s'opposer à toute pression de la part du gouvernement libérien ou des gouvernements hôtes visant à rapatrier les réfugiés libériens craignant les persécutions politiques ou ethniques, notamment les groupes ethniques Krahn et Mandingo. Les réfugiés qui manifestent toujours des craintes fondées de persécution en raison de représailles éventuelles pour des actions qu'ils ont menées ou qu'ont menées des membres de leurs familles, ou en raison des actions de la faction de Charles Taylor pendant la guerre, devront bénéficier de la protection et de l'assistance du U.N.H.C.R et du gouvernement hôte. Pour certains groupes de réfugiés, la réinstallation est la seule solution durable.

  • Les réfugiés et les populations déplacées doivent avoir un droit de parole dans le processus décisionnel concernant les préparatifs de rapatriement. Lorsque le rapatriement à grande échelle deviendra une possibilité viable, les réfugiés et les personnes déplacées auront besoin d'informations précises sur la situation de chacune de leurs régions d'origine à l'intérieur du pays.

  • Les réfugiés et les personnes déplacées devront recevoir une aide alimentaire ainsi que du matériel agricole et des graines pour une assistance à long terme.

  • Le rapatriement des réfugiées et des populations déplacées à l'intérieur du pays doit s'effectuer dans des conditions de sécurité et de dignité. Il conviendra de privilégier le contrôle des réfugiés, afin de s'assurer qu'ils peuvent rentrer et se réinstaller dans les meilleures conditions.

  • Une attention toute spéciale devra être portée aux besoins de protection et d'assistance des enfants non accompagnés, particulièrement vulnérables en raison de leur immaturité physique et mentale. Le U.N.H.C.R devra faire en sorte qu'ils retrouvent leur famille proche ou des connaissances, il les aidera à retourner dans leurs communautés et s'assurera qu'ils bénéficient de possibilités de réintégration et d'éducation afin de reprendre une vie normale.

  • De la même manière, les besoins spécifiques des femmes devront être pris en considération. Le U.N.H.C.R devra s'assurer que des soins médicaux appropriés sont administrés aux femmes et aux filles, avec une attention toute spéciale pour les victimes de viols. Le U.N.H.C.R devra suivre les réfugiées rentrantes qui sont chefs de famille et les aider à reprendre leur propriété, peut-être occupée par d'anciens combattants ou autres. En raison des règles coutumières discriminatoires, les réfugiées rentrantes mariées sous un régime coutumier n'ont pas le droit d'hériter de la propriété de leur mari. Le U.N.H.C.R devra appuyer la prochaine législation qui abrogera cette pratique anticonstitutionnelle.

  • Bien que le U.N.H.C.R ne dispose pas de mandat pour s'occuper des populations déplacées à l'intérieur du Libéria, ses programmes devront tenter dans la mesure du possible de garantir des services communautaires auxquels les personnes déplacées à l'intérieur du pays pourront également avoir accès.

  • Le U.N.H.C.R devra continuer de suivre de près les besoins de protection des réfugiés libériens dans les pays africains avoisinants. Le U.N.H.C.R devra faire plus d'efforts pour fournir une assistance juridique et matérielle à ces réfugiés. Les besoins de protection des réfugiés en Guinée devront faire l'objet d'une attention toute particulière, surtout si la situation semble s'y dégrader. Il conviendra tout spécialement d'informer les autorités guinéennes de leurs responsabilités envers les réfugiés, y compris ceux craignant avec raison de rentrer à ce stade du processus.

A l'attention du Programme des Nations Unies pour le Développement (P.N.U.D.)

  • A la lumière des conditions qui prévalent au Libéria, le P.N.U.D. devra fournir un travail original et différent de son approche traditionnelle. Étant donné les violations généralisées des droits de l'homme qui ont eu lieu pendant la guerre, les déplacements considérables de populations, les programmes du P.N.U.D. devront être prêts à traiter les problèmes inévitables des droits de l'homme qui se poseront au cours du processus de reconstruction. Le P.N.U.D. projette de participer au processus de réintégration des personnes déplacées à l'intérieur du pays et aux programmes directeurs au Libéria. Ces deux domaines devront tenir compte de la dimension du respect des droits de l'homme.

  • Vu l'absence de toute autre organisation internationale et nationale oeuvrant pour la réintégration des personnes déplacées à l'intérieur du Libéria, le P.N.U.D. peut combler un vide important en se portant responsable de ces populations. En se chargeant de fournir l'assistance et la protection aux personnes déplacées à l'intérieur du pays, le P.N.U.D. doit être disposé à les défendre et, si nécessaire, s'opposer à toute réintégration prématurée ou autre violation à leur encontre.

  • Le programme directeur du P.N.U.D. ne devra pas se limiter à fournir du matériel technique ou logistique au gouvernement libérien. Le programme directeur devra aussi se charger activement de défendre l'intégration des normes internationales de respect des droits de l'homme dans la structure des nouvelles institutions judiciaires, et de créer des mécanismes gouvernementaux pouvant garantir le respect des droits de l'homme dans toute la société.

  • Un centre de liaison pour les droits de l'homme devra être créé au sein du bureau du P.N.U.D. au Libéria pour assurer le caractère humanitaire des programmes du P.N.U.D. quand cela s'avère nécessaire.

  • Le P.N.U.D. devra s'entretenir et coopérer avec l'organisation libérienne non gouvernementale des droits de l'homme et s'efforcer de soutenir et de consolider ce secteur.

A l'attention de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (C.E.D.E.A.O.) et de la Force d'Interposition en Afrique Occidentale (E.C.O.M.O.G.)

  • Etant donné les antécédents de l'E.C.O.M.O.G. en matière de violations, corruptions et soutien à certaines factions en conflit durant la guerre, elle ne devra pas être responsable de la restructuration et du recyclage de la nouvelle armée libérienne sauf si la formation est placée sous la surveillance active de l'O.N.U. et qu'elle comporte des informations concernant des lois internationales et libériennes pertinentes se rapportant à la conduite exacte d'actions militaires.

  • Le commandement de l'E.C.O.M.O.G. devra s'assurer que les soldats dont il a la charge respecteront les droits de l'homme jusqu'à la fin de leur séjour au Libéria.

  • Toutes les armes et munitions confisquées par l'E.C.O.M.O.G. pendant la démobilisation devront être détruites.

A l'attention des nations donatrices y compris l'Union européenne et les États-Unis

  • Les gouvernements donateurs devront suivre de près la situation au Libéria et exiger du gouvernement Taylor qu'il intègre la protection des droits de l'homme dans le processus de reconstruction. Les gouvernements donateurs devront continuer de soulever le problème de la responsabilité pour s'assurer que le gouvernement ne manque pas à son obligation de s'attaquer aux injustices passées et présentes.

  • Les bailleurs de fonds devront octroyer leur aide en fonction du respect ou non des droits de l'homme. Le gouvernement doit en particulier créer et faire appliquer la primauté du droit et les mécanismes de responsabilité.

  • Les gouvernements donateurs devront s'efforcer de soutenir et de consolider la communauté non gouvernementale locale des droits de l'homme.

  • Les gouvernements donateurs devront insister pour que les programmes de l'O.N.U. au Libéria contiennent une réelle dimension de respect des droits de l'homme.

  • Les États-Unis, en tant que partenaire essentiel dans le recyclage de la police libérienne, devront s'assurer que la question des droits de l'homme est intégrée dans la formation théorique de la police, la formation périodique et la révision ultérieures. Les États-Unis devront exiger la création d'un bureau ou d'un conseil civil pour contrôler la police en matière de droits de l'homme. Cet organisme devra également disposer d'un pouvoir d'application des lois, d'enquête et de sanction.


III. CONTEXTE


La guerre au Libéria a commencé en décembre 1989, lorsque le Front National Patriotique du Libéria (National Patriotic Front of Liberia, N.P.F.L.), dirigé par Charles Taylor, franchit la frontière séparant la Côte d'Ivoire du Libéria et lança une offensive militaire destinée à renverser le gouvernement de Samuel Doe. (2) Lors de son avancée vers Monrovia, le N.P.F.L. dut affronter les troupes gouvernementales des Armed Forces of Liberia (A.F.L.). Des actes de violence aveugles furent commis par les deux armées. (3)


Lorsque les combats se rapprochèrent de Monrovia, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (C.E.D.E.A.O.) dépêcha sur place une force régionale de maintien de la paix--la Force d'interposition en Afrique occidentale (E.C.O.M.O.G.)--qui repoussa le N.P.F.L. et prit le contrôle de Monrovia. En septembre 1990, le Président Doe était assassiné contre toute attente par une faction dissidente du N.P.F.L. et un gouvernement provisoire était créé à Monrovia. Le N.P.F.L. refusa cependant de reconnaître l'autorité de l'E.C.O.M.O.G. En novembre 1990, le premier accord de cessez-le-feu était signé.


Cet accord, fragile, fut respecté pendant les deux années qui suivirent, période que la C.E.D.E.A.O. mit à profit pour essayer d'arriver à une solution négociée. En octobre 1992, le N.P.F.L. lançait une offensive de grande envergure, s'attaquant aux forces de l'E.C.O.M.O.G. de Monrovia et obligeant ainsi pour la seconde fois les forces de maintien de la paix à participer aux combats. On accusa donc ces forces de n'être plus l'arbitre impartial qu'elles se devaient d'être. La situation se compliqua encore suite à la création d'une nouvelle faction, se faisant appeler Mouvement de Libération Uni pour la Démocratie (United Liberation Movement for Democracy in Liberia, U.L.I.M.O.) et composée principalement d'anciens soldats des forces gouvernementales de Doe, les F.A.L.


La signature en 1993 d'un accord de paix entre le N.P.F.L., l'U.L.I.M.O. et le gouvernement provisoire (au nom des F.A.L.) apparut comme un signe de progrès. L'accord prévoyait le désarmement des combattants et la création d'un gouvernement de transition, composé de représentants des différentes factions, censé reprendre les fonctions du gouvernement provisoire et diriger le pays jusqu'à ce que des élections puissent être organisées. A la même période, l'O.N.U. envoyait sur place des observateurs militaires, la M.O.N.U.L, afin d'examiner les plaintes du N.P.F.L. concernant le manque d'impartialité de l'E.C.O.M.O.G. La M.O.N.U.L avait pour mission de superviser les factions ayant accepté de cesser le combat et de remettre leurs armes, ainsi que de vérifier le bon respect des termes de l'accord de paix.


L'année 1994 sonna cependant le glas des espoirs nés en 1993. La mise en place du gouvernement de transition se poursuivit mais le processus de désarmement était au point mort et les combats reprirent. De nombreuses atrocités furent commises à l'encontre de civils, suite à l'éclatement de l'U.L.I.M.O. en deux factions ethniques rivales dans l'ouest du pays, l'une dirigée par Al-Haji Kromah et représentant les intérêts Mandingo, l'autre menée par Roosevelt Johnson et défendant les intérêts Krahn. Une nouvelle faction apparut, le Conseil Libérien pour la Paix (Liberia Peace Council, L.P.C.), composée d'anciens soldats des F.A.L., et reprit au N.P.F.L. le contrôle de certaines zones au sud-est du pays. Un autre groupe, la Force de Défense Lofa (Lofa Defense Force, L.D.F.), s'attaqua lui à l'U.L.I.M.O. dans le nord. A partir de sa base de Monrovia, l'A.F.L. fournissait aide et soutien logistique à l'U.L.I.M.O. et au L.P.C., toutes deux factions anti-N.P.F.L. Ces mêmes factions recevaient également l'appui de certains bataillons de l'E.C.O.M.O.G., qui leur fournissaient armes et munitions et leur permettait de mener leurs opérations en toute liberté, dans le but d'affaiblir le N.P.F.L. Celui-ci, dirigé par Charles Taylor, continua cependant à contrôler la majeure partie du territoire. Aucune faction ne parvint cependant à remporter une victoire militaire totale.


En 1995, un nouvel accord de paix était signé. L'accord prévoyait la création du Conseil d'Etat, organe composé de représentants des diverses factions et appelé à remplacer le gouvernement de transition. On fixa un nouveau calendrier de désarmement des parties et d'organisation d'élections. Cependant, le 6 avril 1996, les différentes factions replongèrent le pays dans un tourbillon de pillages, de crimes et de massacres. Les événements affectèrent surtout Monrovia, y provoquant une situation humanitaire des plus précaires. Les combats dépassèrent en gravité tout ce que la ville avait pu connaître au cours des trois années précédentes et se soldèrent par un bilan estimé à 3.000 morts et 80.000 personnes déplacées. Les pilleurs s'en prirent à l'O.N.U. et aux ONG d'aide humanitaire, dérobant en matériel l'équivalent de plusieurs millions de dollars américains. Les pillages et les combats étaient clairement réalisés avec l'assentiment des leaders des différentes factions impliquées, notamment Taylor et Kromah. L'E.C.O.M.O.G. montra peu d'enthousiasme à intervenir, certains de ses membres participant d'ailleurs--directement dans certains cas, indirectement dans d'autres--aux pillages et combats. A la fin juillet, l'E.C.O.M.O.G. reprit le contrôle de la ville, après que les leaders des factions eurent ordonné à leurs troupes de se retirer. Des combats sporadiques continuèrent cependant à se produire et la situation humanitaire dans plusieurs zones situées hors de Monrovia demeurait préoccupante.


En août 1996, un nouveau calendrier était fixé, afin de mener à bien le désarmement, la démobilisation et l'organisation d'élections. Suite à l'attitude regrettable de l'E.C.O.M.O.G. lors des combats du mois d'avril, on décida de nommer à sa tête un nouveau commandant, le Général Victor Malu, nigérian, et de remplacer une grande partie des troupes. La C.E.D.E.A.O., faisant preuve d'un intérêt politique plus marqué, s'efforça d'améliorer le fonctionnement de l'E.C.O.M.O.G. et de fournir avec plus de régularité les fonds destinés à payer la solde des troupes. Les résultats furent rapidement visibles: le niveau de professionnalisme de la force de maintien de la paix ouest-africaine s'améliora et la confiance témoignée à son égard suivit la même courbe ascendante. Entre la fin de l'année 1996 et la tenue des élections, l'E.C.O.M.O.G. fut l'un des principaux acteurs qui contribuèrent à la fin de la guerre civile. Le rôle qui lui avait été assigné consistait notamment à créer, à partir du 7 novembre 1997, une série de zones-refuges disséminées sur l'ensemble du territoire, à désarmer et démobiliser les combattants. Le rapatriement des réfugiés devait avoir lieu du 22 novembre au 21 janvier 1997, les élections étant quant à elles prévues pour le 30 mai 1997.


Bien que le calendrier ne fût pas suivi à la lettre et que certains objectifs ne furent pas atteints--notamment le retour des réfugiés et la démobilisation des combattants--le processus de désarmement fut lui mené à son terme. Lancé le 22 novembre, il fut prolongé de 7 jours et se termina le 7 février 1997. Sur un total de combattants évalué à 33.000, 21.315--dont 4.306 enfants et 250 femmes adultes--remirent leurs armes aux autorités compétentes. (4) Environ 10.000 armes et 1,2 million de munitions furent ainsi récupérées. (5) Même si certaines armes demeurèrent aux mains des combattants et que les structures de commande des factions restèrent en grande partie intactes, la collecte des armes eut pour effet de fortement démilitariser la société en général. Après la fin du processus de désarmement, les préparatifs devant mener à la tenue des élections furent lancés, sous l'oeil de la communauté internationale. Le processus souffrit quelque retard, mais se conclut de manière positive, avec la tenue du scrutin le 19 juillet 1997.


Les élections ont été reconnues par l'O.N.U., la C.E.D.E.A.O. et cautionnées par des centaines d'observateurs internationaux et nationaux. La loi spéciale sur les élections était conforme aux normes internationales et la Commission électorale a été jugée impartiale par les observateurs. La journée des élections a été particulièrement disciplinée et le scrutin n'a en général été précédé d'aucune violence ou intimidation. Les électeurs se sont présentés dès quatre heures du matin pour déposer leur bulletin dans les urnes. Malgré certaines rumeurs d'excès de zèle de la part des forces ouest-africaines de maintien de la paix qui aidaient les électeurs à déposer leur bulletin, la fraude a largement été absente du processus électoral.


Toutefois, le contexte plus large dans lequel se sont déroulées les élections a nui à la liberté et à l'impartialité des élections. Le calendrier menant aux élections était extrêmement serré et plusieurs conditions préalables fixées dans l'accord de paix, comme le retour des réfugiés et la démobilisation des soldats, n'ont pu être réunies avant le scrutin. Par conséquent, des centaines de milliers de réfugiés libériens se trouvant à l'étranger ont été incapables de voter. En outre, le manque de données démographiques, la saison des pluies et les difficultés logistiques de fonctionnement dans un pays déchiré par la guerre ont fait que les bureaux de vote des zones rurales n'étaient pas toujours adaptés à la densité de population. L'absence de documents d'identité a permis à certains mineurs âgés de moins de dix-huit ans de se faire inscrire. Le peu de temps disponible pour l'éducation civique était insuffisant au vu du taux élevé d'analphabétisme, mais aussi en raison de la longueur de la guerre, du manque de communications et d'infrastructures.


Les disparités entre les moyens de campagne des candidats étaient flagrantes. Charles Taylor, qui a contrôlé et pillé pendant presque toute la guerre la majeure partie des revenus que le pays tire du bois, des mines de diamants et de minerais de fer, pouvait utiliser ses nombreuses ressources pour mener une campagne plus efficace--utilisant un hélicoptère pour se rendre dans les zones éloignées, transportants les électeurs vers les lieux de vote afin qu'ils puissent se faire inscrire et voter (y compris les réfugiés des pays voisins), et distribuant de l'argent, du riz et des tee-shirts aux électeurs. Charles Taylor jouissait également du monopole sur les moyens de diffusion, étant donné qu'il s'était emparé du matériel de retransmission pendant la guerre, la seule station de radio écoutée par les électeurs dans certaines régions.


Nombreux pensent que le désir de paix et la menace implicite de reprise des combats en cas de défaite qu'a fait peser Charles Taylor étaient présents à l'esprit des électeurs libériens. Beaucoup ont présenté leur vote pour l'homme qui avait débuté la guerre et dont les factions avaient été responsables de nombreuses atrocités contre des civils comme un "vote de paix". D'autres ont exprimé leur soutien sincère pour Taylor, affirmant que "il avait dit qu'il détruirait ce pays et il l'a fait. A présent il dit qu'il le reconstruira et il le fera."


Charles Taylor et son parti ont remporté les élections avec une majorité écrasante. Des treize partis qui se sont présentés au scrutin, trois étaient conduits par des anciens chefs de factions en conflit. Les treize candidats à la présidence et leurs partis ont reçu les pourcentages suivants sur un nombre total de votants de 472.863:


Pourcentage Parti

75,3 Parti National Patriotique, National Patriotic Party (NPP), mené par l'ex-chef de la faction N.P.F.L. Charles Taylor

9,6 Parti de l'Unité, Unity Party (UP), mené par Ellen Johnson-Sirleaf

4,0 Parti de Coalition de tous les Libériens, All Liberian Coalition Party (ALCOP), mené par l'ex-chef de la faction U.L.I.M.O.-K, Al-Haji Kromah

2,6 Alliance de Partis Politiques, Alliance of Political Parties (Alliance), mené par Cletus Wortorson

2,5 Parti Populaire Uni, United People's Party (UPP), mené par Gabriel Baccus Matthews

1,6 Parti Populaire Libérien, Liberian People's Party (LPP), mené par Togba-Nah Tipoteh

1,3 Parti Démocratique National du Libéria, National Democratic Party of Liberia (NDPL), mené par l'ex-chef de la faction L.P.C., George Boley

1,1 Union Nationale du Libéria, Liberia National Union (LINU), mené par Harry Moniba

0,6 Parti Démocratique Populaire du Libéria, People's Democratic Party of Liberia (PDPL), mené par George Washington

0,5 Parti de la Réforme Nationale, National Reformation Party (NRP), mené par Martin Sheriff

0,3 Parti Populaire Progressiste, Progressive People's Party (PPP), mené par Chea Cheapoo

0,3 Parti de l'Alliance et de la Réforme, Reformation Alliance Party (RAP), mené par Henry Fahnbulleh

0,3 Parti Démocratique Libre, Free Democratic Party (FDP), mené par Fayah Gbollic


En raison du système de représentation proportionnelle utilisé lors de ces élections, les sièges législatifs ont été remportés par les parties sur la base du pourcentage de votes obtenus. Ainsi, Charles Taylor et son parti, le NPP, ont remporté 75% du corps législatif. Sur les vingt-six sièges du Sénat, le NPP en a obtenu vingt et un, l'UP trois et l'ALCOP deux. Sur les soixante-quatre sièges de la Chambre des Représentants, le NPP a en obtenu quarante-neuf, l'UP sept et l'ALCOP trois, l'Alliance et l'UPP deux chacun et le LPP un. (6) Après avoir calculé le nombre de sièges par parti, ces derniers étaient libres de choisir l'un de leurs candidats à partir d'une liste publique soumise au préalable à la Commission des élections indépendantes. Le parti enregistrant le plus grand nombre de votes avait le droit de nommer le premier ses représentants. En raison du système de la représentation proportionnelle, l'attribution des sièges dans une région particulière ne reflétait pas nécessairement la répartition des votes dans cette même région. Vu la majorité écrasante du NPP, les rares candidats de l'opposition ont été relégués aux circonscriptions électorales les moins importantes après que le NPP a choisi ses sièges. Le 2 août 1997, Charles Taylor a prêté serment, inaugurant une nouvelle ère de paix pour le Libéria.



IV. LA RÉINSERTION DES RÉFUGIÉS ET DES POPULATIONS DÉPLACÉES À L'INTÉRIEUR DE LEUR PROPRE PAYS


L'une des tâches les plus difficiles qui attende le nouveau gouvernement libérien sera de permettre le retour des réfugiés et des déplacés, dont le nombre est estimé à un million. (7) À leur retour, les gens trouveront probablement ce qu'ils avaient laissé derrière eux pillé ou détruit. Les villages ont été détruits; les combattants qui avaient semé la mort et la destruction restent dans la région; des infrastructures importantes, telles que les routes et les ponts, ont été détruites et les possibilités économiques, les soins de santé et l'éducation sont quasiment inexistants en dehors de Monrovia. Certains rentrent chez eux pour constater que leur maison est occupée par d'anciens combattants ou d'autres déplacés. Dans d'autres cas, la population se montre réticente à rentrer tantôt en raison de l'absence d'aide pour leur permettre de reconstruire leur maison et fermes, tantôt de peur d'être persécutée. Le gouvernement et la communauté internationale doivent coopérer afin de fournir l'assistance matérielle appropriée ainsi que toutes les garanties de sécurité afin de permettre aux populations de rentrer chez elles définitivement.


Les réfugiés et les efforts du U.N.H.C.R.

La protection et le retour des 500.000 réfugiés libériens se trouvant à l'extérieur du pays relèvent en grande partie de la responsabilité du Bureau du haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (U.N.H.C.R), avec l'aide d'une série d'organisation non gouvernementales, dont beaucoup font office de relais du U.N.H.C.R sur le terrain. (8) Selon le H.C.R., les recensements les plus récents font état de la présence de près de 500.000 réfugiés libériens dans les pays de la région : 210.000 en Côte d'Ivoire, 210.000 en Guinée, 13.600 au Sierra Leone, 17.000 au Ghana et 6.000 au Nigéria. La majorité d'entre eux sont des femmes et des enfants provenant de zones rurales. Près de 75 % sont originaires des comtés de Lofa et Limba, dans le Nord. Human Rights Watch/Afrique a interrogé des réfugiés libériens en Côte d'Ivoire et en Guinée.


Éducation, santé et logement en Côte d'Ivoire et en Guinée

En Côte d'Ivoire, ces réfugiés se sont, dans leur majorité, intégrés à la population locale. Une série d'organisations non gouvernementales, ainsi que le U.N.H.C.R, ont fait en sorte que les réfugiés puissent avoir accès à des écoles primaires et secondaires dans le pays. Toutefois, de nombreuses écoles sont surpeuplées et les manuels, ainsi que tout le matériel pédagogique, font défaut. En outre, il est difficile de répondre aux besoins de la population en matière d'éducation, en raison des problèmes psychologiques et matériels qui les affectent. La quasi-totalité des enfants ont été traumatisés par la violence parce qu'ils étaient combattants, victimes ou témoins. Les enseignants interrogés par Human Rights Watch/Afrique ont décrit les problèmes auxquels ils sont confrontés dans leur tâche d'éducation de ces jeunes, dont bon nombre ont perdu des années d'école lors de la guerre. Cette perte due à la guerre est telle que de nombreuses écoles maternelles ou primaires accu_

eillent des adultes ou des adolescents. Un autre problème est le nombre élevé de jeunes - quinze dans l'une des nombreuses écoles de Danane visitées par Human Rights Watch/Afrique - qui ont d'énormes difficultés à payer la modique somme demandée pour pouvoir eux aussi prendre le repas unique servi quotidiennement à leurs condisciples. En outre, les circonstances dans lesquelles ces jeunes vivent leur rendent l'apprentissage difficile.


Si les services de santé en Côte d'Ivoire sont accessibles aux réfugiés, ils sont limités de deux manières importantes. Premièrement, les cliniques ont souvent une politique consistant à d'abord faire venir les réfugiés pour le diagnostic, ceux-ci devant ensuite se rendre à la pharmacie pour y acheter les médicaments, même dans les cas d'urgence. Human Rights Watch/Afrique a connaissance de cas de décès de réfugiés directement imputables à au temps écoulé entre le diagnostique et l'administration des médicaments nécessaires. Un autre problème est la barrière linguistique (des réfugiés anglophones dans un pays francophone) et culturelle entre Libériens et Ivoiriens. En raison de ces barrières, il est difficile pour les réfugiés d'obtenir des soins médicaux d'urgence ou de faire comprendre leurs problèmes de santé au personnel ivoirien. En Guinée, les services de santé sont encore plus limités et les réfugiés doivent souvent parcourir de longues distances sur des routes difficiles pour se rendre dans un hôpital équipé pour traiter leur cas.


En Côte d'Ivoire et en Guinée, les réfugiés ont construit des abris semi-permanents ou loué un logement. Lors de la saison des pluies, ces constructions fuient et les bâches en plastique, fourni par le U.N.H.C.R, sont un matériau très recherché. Le U.N.H.C.R a progressivement rayé certaines catégories de sa liste de distribution de bâches, et estime actuellement que seuls les groupes les plus vulnérables (les veuves, les mères célibataires, les personnes âgées, les malades, les handicapés) y ont droit. Cependant, Human Rights Watch/Afrique a reçu des témoignages de réfugiés et de personnel d'agence selon lesquels, parfois en Côte d'Ivoire et souvent en Guinée, des réfugiés qui figurent sur ces listes ne reçoivent pas les bâches promises. Or, sans ces bâches, il est cher et difficile de se procurer des matériaux de toiture. Le matériau local est le papos, une sorte de chaume, et les réfugiés doivent payer les Ivoiriens et Guinéens de l'endroit pour avoir accès à leur terres et aux papos qui sont récoltés. Human Rights Watch/Afrique a constaté que de grandes quantités de bâches étaient vendues sur les marchés ouverts dans les centres urbains, tels que N'zerekore en Guinée. L'interprétation des responsables du U.N.H.C.R est que ce matériau est revendu sur les marchés par des réfugiés à des commerçants guinéens. Il est certes vrai que les réfugiés vendent des bâches afin d'obtenir les revenus nécessaires à l'achat de nourritures ou d'autres objets domestiques. Toutefois, les grandes quantités de bâches vendues au marché, parfois dans des paquets fermés de cinquante pièces, semblent indiquer qu'une partie provenait directement des entrepôts ou des camions du U.N.H.C.R pour être vendue sur le marché.


Questions de protection

Tant en Côte d'Ivoire qu'en Guinée se trouvent des groupes de réfugiés et de particuliers qui présentent des besoins particuliers en matière de protection. Ces besoins se font d'autant plus sentir que le U.N.H.C.R passe de la phase de facilitation de son programme de rapatriement à une phase (prévue en octobre 1997, selon un responsable du U.N.H.C.R), consistant à encourager et promouvoir le retour de manière plus active. Comme dans toute population de réfugiés, certains appréhendent particulièrement le retour chez eux. Des personnes interrogées par Human Rights Watch/Afrique ont évoqué des motifs tels que la peur des représailles en raison des actes commis par des membres de leur famille qui étaient soldats pendant la guerre, ou de la répression pour avoir milité contre ou critiqué Charles Taylor et son parti, le N.P.F.L. Certains ont été menacés par d'autres réfugiés pendant l'exil parce qu'ils poursuivaient ces activités ou donnaient leur témoignage à la presse. Ces personnes ont encore des raison fondées d'appréhender leur retour au Libéria et le U.N.H.C.R et les autorités gouvernementales du pays d'accueil devront répondre aux besoins de ces individus lors du rapatriement.


Certains réfugiés ne souhaitent pas rentrer au Libéria en raison d'expériences précédentes de rapatriement. Quelques-uns ont participé à un programme de rapatriement du U.N.H.C.R dans les premiers mois de 1996. À ce moment, il ne semblait pas y avoir de problèmes de sécurité et il avait été précisé aux réfugiés que ceux qui pouvaient établir qu'ils avaient de la famille à Monrovia pouvant les aider seraient ramenés chez eux. Malheureusement, début avril 1996, de violents combats opposèrent les forces du N.P.F.L. et de l'U.L.I.M.O. aux troupes du gouvernement et de l'E.C.O.M.O.G. à Monrovia. Une grande partie des réfugiés qui venaient d'être ramenés sous l'égide du U.N.H.C.R durent fuir à nouveau.


Un autre groupe de réfugiés qui souffre énormément du manque de protection tant en Guinée qu'en Côte d'Ivoire est celui des mineurs non accompagnés. Chez eux, les problèmes de la malnutrition, de la prostitution et de l'absence d'éducation se font particulièrement sentir. Fin juillet, le U.N.H.C.R a lancé une série de réunion avec les ONG afin de déterminer la manière de répondre aux besoins de ce groupe particulièrement vulnérable. Toutefois, si l'on considère que ce jeunes étaient réfugiés depuis deux ans ou plus, l'organisation de ces réunions est apparue comme une initiative quelque peu tardive. Les mineurs requièrent un traitement spécialisé de la part du U.N.H.C.R dans le cadre de ses efforts de rapatriement et de réinsertion.


Questions de protection et d'assistance spécifiques à la Guinée

En Côte d'Ivoire comme en Guinée, les Libériens sont confinés dans certaines zones du pays (zones d'accueil) et perdent leur droit aux rations de vivres ou celui de conserver le statut de réfugiés s'ils sortent de cette zone. Cette politique est destinée à prévenir un exode des réfugiés vers les villes et à limiter les coûts. Les rations de vivres ont été réduites par le U.N.H.C.R en 1996 en raison de la limitation des ressources et de l'idée (erronée) que les réfugiés devraient avoir atteint un degré d'auto-suffisance. Depuis lors, les vivres font défaut. Les réfugiés ne sont pas à même de trouver un emploi et beaucoup d'entre eux travaillent occasionnellement comme ouvriers agricoles ou comme métayers afin de compléter la maigre ration de vivres qui leur est allouée.


En Guinée, la majorité des réfugiés se concentrent autour de la région forestière éloignée située à la frontière du Libéria. Les problèmes d'assistance que connaissent les réfugiés en Guinée sont plus graves qu'en Côte d'Ivoire. Les réfugiés se trouvent surtout dans des camps du U.N.H.C.R Toutefois, dans une localité appelé Diecke, le U.N.H.C.R a refusé d'assister les réfugiés. Cette situation s'explique par le fait qu'en septembre 1994, le U.N.H.C.R avait décidé de déplacer les réfugiés libériens vers une zone éloignée couverte par une forêt tropicale épaisse. À l'époque, les responsables avaient justifié ce déplacement par la vaste fraude constatée lors d'un recensement organisé par l'agence plus tôt dans l'année. Les réfugiés avaient été déplacés, à titre provisoire, vers un camp composé de vingt-six tentes en plastique à l'extérieur de la ville. Certains sont morts du choléra durant cette période.


Un réfugié à expliqué à Human Rights Watch/Afrique comment le transfert du camp de transit vers l'endroit plus éloigné (qui reçut le nom de "Camp de Nonah") avait été opéré :


Les réfugiés ont été invités à se rendre au compte de Nonah pour y travailler dur pendant un mois afin d'abattre la forêt tropicale pour y implanter le camp. Les responsables du U.N.H.C.R sont venus superviser le transport et deux camions blindés pour le transport ainsi qu'un camion d'hommes en armes avaient été amenés pour garantir la sécurité. Les réfugiés dans le camp de transit ont été invités à monter dans les camions qui les transporteraient à Nonah, mais certains, qui étaient restés à Diecke, se sont vu refuser l'accès à la zone de transit par les soldats. (9)


Les nombreux réfugiés laissés en arrière à Diecke n'ont reçu aucune aide du U.N.H.C.R ni des agences qui lui servent de partenaires. Sans intervention du U.N.H.C.R en leur faveur et dépourvus de documents d'identité légaux, les réfugiés ont vu leur protection mise menacée. Certains ont été arrêtés par les autorités guinéennes et détenus dans les prisons locales surpeuplés pendant des semaines. En outre, le kwashiorkor, le marasme, la diarrhée, l'infestation par les vers et le paludisme ont été la cause de nombreuses maladies et décès. Ce n'est qu'avec l'arrivée d'ONG chrétiennes en 1994 et l'aide de l'organisation humanitaire Médecins sans Frontières (MSF) en 1995, que la situation des réfugiés à Diecke s'est améliorée. Mais actuellement encore, ces quelques milliers de réfugiés doivent survivre sans la protection ou l'assistance du U.N.H.C.R.


Dans chacun des camps guinéens visités par Human Rights Watch/Afrique (Baala, Bheta, Diecke, Nonah, Soopa et Yowah), les réfugiés étaient affectés par de nombreux problèmes. La malnutrition et la diarrhée et d'autres maladies continuent à faire des ravages causant chaque mois, la mort d'un petit nombre d'enfants. Il existe des écoles de fortune dans la plupart des camps; elles sont soutenues par des ONG et ont souvent été construites par les réfugiés eux-mêmes. Toutefois, les "classes", souvent constituées d'une rangée de bâtons plantés dans le sol, sont surpeuplées et les manuels, les crayons et le papier font défaut. En outre, seul l'enseignement primaire est dispensé dans les camps du U.N.H.C.R; aussi beaucoup d'enfants sont-ils envoyés par leur famille à Diecke ou N'zerekore pour l'enseignement secondaire. Ces enfants tombent parfois dans la prostitution ou la petite délinquance pour joindre les deux bouts. Ils souffrent presque tous de l'absence de soutien et d'orientation.


Les problèmes de rationnement sont particulièrement graves en Guinée, où le niveau de pauvreté est plus élevé qu'en Côte d'Ivoire. Lors d'entretiens avec des réfugiés et des représentants de Médecins sans Frontières (MSF) et d'autres ONG, Human Rights Watch/Afrique a pu prendre connaissance de taux élevés de malnutrition et de mortalité infantile dans certaines tranches de la population. Ces problèmes s'aggravent lors de la saison des plantations lorsque les denrées alimentaires se font plus rares. Les variations saisonnières de l'approvisionnement alimentaire sont accentuées par le fait que les distributions ont été interrompues, deux fois en 1994 (lorsqu'approximativement 80 000 personnes ont été considérées comme étant retournées en Guinée et classées comme des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays et lorsqu'un nouveau recensement a été organisé afin de déceler les fraudeurs) et en 1995 à la suite d'une enquête du U.N.H.C.R montrant que certains réfugiés étaient auto-suffisants ou étaient retournés chez eux.


Le degré d'autosuffisance des réfugiés est extrêmement difficile à mesurer. L'évaluation est compliquée par des facteurs tels que : tous les réfugiés en Guinée doivent louer ou négocier l'accès à la terre avec les Guinéens, ce qui constitue un poids supplémentaire qui pèse sur leur indépendance économique; beaucoup de réfugiés sont des femmes et des enfants qui ne peuvent assureur leur autosuffisance aussi facilement que les hommes; les niveaux de revenu et de ressources alimentaires varient pendant l'année et selon les camps et les régions en Guinée. Selon MSF, dans certaines régions, comme Yomou, Diecke et Bodou, les niveaux de malnutrition sont élevés et sont accentuées par les variations saisonnières de la production agricole. Ces variations régionales et saisonnières contredisent l'idée du U.N.H.C.R selon laquelle les réfugiés arrivés récemment sont plus vulnérables que ceux qui se trouvent en Guinée depuis quelques années. Des entretiens avec des réfugiées des camps de Nonah, Soopa, Bheta, Baala et Yowah montrent que les distributions de vivres sont irrégulières. Les livraisons sont parfois l'objet de pillages. En juillet 1997, par exemple, cinquante sacs de riz ont été dérobés dans un entrepôt du camp de Bheta.


En matière de sécurité, la situation dans les camps de réfugiés en Guinée est problématique. De nombreuses rumeurs circulent faisant état d'éventuelles attaques des rebelles et, dans les camps de Soopa, Bheta et Yowah, les réfugiés ont reçu la visite de personnel militaire guinéen et fait l'objet de menaces d'attaques des "rebelles". À Bheta, des tentatives ont été faites d'intégrer des réfugiés libériens qui vivaient au Sierra Leone et avaient abandonné le pays en raison de l'insécurité qui y régnait. Selon les réfugiés du camp, les autorités guinéennes ont refusé d'admettre une partie de ces réfugiés, les accusant d'être des rebelles. Personne ne sait où ils sont allés. À Soopa, les réfugiés restaient tout simplement dans leur huttes la nuit tombée et aucun incident n'a été relevé. À Yowah, des réfugiés participant à la gestion du camp ont déclaré avoir reçu la visité d'un officier guinéen en civil la première semaine de juin 1997. Selon eux, il les a averti de la présence dans la région de rebelles préparant une attaque du camp et leur a ordonné d'évacuer avant le 24 juin 1997. À la suite de cet épisode, plus ou moins 700 personnes ont quitté le camp avant l'expiration du délai. Le responsable de la distribution des repas à l'école a précisé que plus ou moins 200 enfants avaient fui avec leur famille. Interrogés, les réfugiés ont expliqué qu'un grand nombre de réfugiés a été obligé de rentrer au Libéria à cause de la menace.


Opinions sur le rapatriement

En mai 1997, le U.N.H.C.R a relancé une opération de rapatriement de dix-huit mois destinée aux réfugiés libériens, qui avait été reportée à deux reprises. (10) Le U.N.H.C.R créera des antennes dans sept localités libériennes : Voinjama, Vahun, Monrovia, Gbarnga, Zwedru, Harpur et Bo Waterside. Ceci favorisera la protection et le contrôle de la réinsertion des réfugiés et sera probablement interprété comme un signal indiquant le début du retour. Le U.N.H.C.R a prévu un rapatriement en deux phases : "rapatriement facilité" (phase I), destiné à assister les réfugiés qui ont eux-mêmes décidé de rentrer "le rapatriement encouragé", (phase II), au cours de laquelle le U.N.H.C.R encouragera activement les réfugiés à rentrer. Chaque famille qui rentre au pays recevra des bâches en plastique, un bidon en plastique, des ustensiles de cuisine, deux couvertures, deux nattes et des outils agricoles, ainsi que des vivres pour deux mois. Au Libéria, le U.N.H.C.R financera des Projets à impact rapide destinés à générer des projets économiques à court terme et, en coordination avec les agences internationales et gouvernementales, garantira l'intégration de ceux qui sont rentrés chez eux dans des programmes à long terme de développement et de reconstruction. L'échéancier provisoire de ce programme de rapatriement assisté par le U.N.H.C.R est le suivant: Guinée, neuf mois à un an; Côte d'Ivoire, huit à dix mois; Ghana, quatre à cinq mois; Sierra Leone, deux à cinq mois; Nigeria, un à trois mois. Ces échéances devraient être considérées par le U.N.H.C.R avec une certaine flexibilité.


Il n'est pas surprenant d'apprendre, lors d'entretiens, que les réfugiés libériens interrogés par Human Rights Watch/Afrique ont des sentiments partagés quant à l'opportunité de rentrer au pays maintenant que la guerre est terminée. Certains sont rentrés volontairement, mais en nombres limités. Le flux du retour augmentera vraisemblablement après les pluies. Pour de nombreux réfugiés, les élections et la fin de la guerre sont les signes qu'ils attendaient pour rentrer. Même si les pays africains de la région ont, dans leur majorité, généreusement donné refuge aux Libériens depuis le début de la guerre, (11) les problèmes politiques, économiques et sociaux dans ces États ont donné lieu à un ressentiment des populations établies dans les zones frontalières à l'égard des réfugiés.


Une étude réalisée par le Centre pour l'Education Légale et aux Droits de l'Homme (Center for Law and Human Rights Education) en octobre 1997 a mis en lumière qu'en Côte d'Ivoire, en Guinée et au Ghana, le U.N.H.C.R n'avait pas fait grand-chose pour garantir la protection des enfants non accompagnés ou pour organiser la défense judiciaire des réfugiés, souvent emprisonnés à cause de leur ignorance du droit, des barrières linguistique (le français), l'absence de conseil juridique et l'absence de ressources économiques leur permettant de s'acquitter d'une caution, même pour des délits mineurs. Les responsables du U.N.H.C.R ont été décrits comme inaccessibles pour les réfugiés : ils ne fournissaient pas leurs services de manière conséquente dans les différents pays et ne soutenaient pas les initiatives locales des réfugiés de manière appropriée ou ne recouraient pas à des Libériens qualifiés. (12) Pendant la guerre, les réfugiés en Côte d'Ivoire et en Guinée étaient régulièrement la cible d'attaques transfrontalières de belligérants. À présent que la guerre est terminée, en raison du fait qu'ils se voient constamment rappeler qu'ils sont étrangers, des limitations que ce statut implique et du mal du pays, beaucoup de réfugiés souhaitent rentrer au Libéria.


D'autres réfugiés sont extrêmement réticents à rentrer au pays après l'élection de Charles Taylor, tantôt parce qu'ils se étaient des opposants déclarés ou des victimes de la faction armée de Taylor, ainsi que leur famille, tantôt parce qu'ils appartiennent aux ethnies Krahn ou Mandigo, qui ont été la cible de la faction de Taylor pendant la guerre. Les réfugiés Mandigo se trouvent surtout en Guinée, alors que les réfugiés Krahn (du comté de Grand Gedeh) sont principalement établis en Côte d'Ivoire.


Malgré la fin de la guerre au Libéria, la situation n'est pas encore de nature à permettre une opération organisée de rapatriement à grande échelle. Le manque d'infrastructure et la situation politique de transition requièrent un rapatriement lent et échelonné. La sécurité reste un souci important, car la démobilisation des combattants ne s'est pas encore opérée et l'on craint qu'au départ des forces régionales de maintien de la paix, la violence criminelle ou politique n'augmente. Beaucoup de réfugiés ne souhaitent pas rentrer avant d'avoir des garantie en matière de sécurité sous le régime de Taylor. Certains d'entre eux pensent laisser s'écouler une période de six mois à un an après les élections avant d'envisager de rentrer chez eux. Conscient de ces considérations, le U.N.H.C.R a sagement adopté une approche consistant à reconnaître que les réfugiés ont besoin de temps avant de pouvoir rentrer. À ce stade, le U.N.H.C.R n'encourage pas activement le rapatriement de réfugiés, mais se contente de "faciliter le rapatriement volontaire" des réfugiés qui ont émis le souhait de rentrer chez eux volontairement et/ou ont déjà commencé à rentrer de leur propre initiative.


Certains réfugiés ont commencé à voyager entre la Côte d'Ivoire ou la Guinée et le Libéria pour commencer à préparer leurs maisons dans la perspective d'un déménagement. Ces réfugiés, des hommes pour la plupart, sont venus jauger la situation et reconstruire leur habitation, laissant leur famille à l'étranger. Certains d'entre eux ont déclaré qu'ils amèneraient leur famille lorsque les services de santé et d'éducation seraient rétablis au Libéria. D'autres ont prévu de rentrer pour la prochaine saison des plantations après la récolte d'octobre de manière à ce que les denrées alimentaires soient disponibles à leur retour.


Selon le U.N.H.C.R et les réfugiés, les agents de l'immigration en Côte d'Ivoire autorisent les réfugiés à passer librement la frontière dans les deux sens sans les harceler ni les intimider. Les Libériens qui entrent en Côte d'Ivoire par la frontière du comté de Grand Gedeh au Libéria se voient traiter avec davantage de suspicion, car cette frontière avait été le théâtre d'incursions militaires pendant la guerre. En revanche, en Guinée, les réfugiés sont souvent harcelés par les agents de l'immigration à leur retour. Ils leur demandent ce que l'on appelle un "sacrifice" - des matelas, des ustensiles de cuisine, de la nourriture ou de l'argent. Souvent, les agents de l'immigration confisquent les maigres possessions des réfugiés avant de les laisser passer, arguant du fait "qu'ils sont entrés les mains vides en Guinée et qu'ils doivent donc rentrer au Libéria les mains vides". En juillet 1997, le U.N.H.C.R a signé un accord avec le gouvernement guinéen afin de faciliter le retour des réfugiés chez eux et de mettre fin à ce harcèlement.


Les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (13)

Des centaines de milliers de Libériens déplacés qui ont été chassés de leur maison par la violence et l'insécurité au cours des sept dernières années vivent comme des réfugiés dans leur propre pays. Jusqu'à présent, aucun recensement précis n'a pu établir le nombre actuel des personnes déplacées au Libéria. Les estimations varient considérablement: de 500 000 à un million, selon l'organisme libérien, la Liberia Refugee, Repatriation and Resettlement Commission (L.R.R.R.C.); de 250 000 à 350 000 selon le personnel du U.N.H.C.R La majorité vivent dans des conditions pitoyables depuis des années et certains ont été déplacés à plusieurs reprises durant la guerre. Ces personnes auront besoin d'aide pour regagner leur domicile dans le pays tout entier. Toutefois, il semble qu'au niveau national ou international, la préparation de l'aide à fournir à ces personnes pour regagner leur domicile soit insuffisante ou inexistante. Même les informations sur le nombre et la localisation des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays sont plus rares que celles sur les réfugiés, car aucun organisme national ou international n'a la tâche exclusive de s'occuper des besoins de cette population. Il en résulte que les conditions dans lesquelles vivent les personnes déplacées sont pires que celles des réfugiés. Human Rights Watch/Afrique s'est entretenu avec des personnes déplacées dans les comtés de Monserrado, Bong et Nimba.


La L.R.R.R.C. estime que plus de la moitié des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays vivent aux alentours de Monrovia. Dans cette zone, elles sont établies dans quelque trente camps, (14) et vivent nombreux dans des habitations semi-permanentes aux installations sanitaires insuffisantes. Parfois, elles s'entassent dans des bâtiments abandonnés. Souvent, les abris sont dépourvus d'eau et de sanitaires et représentent un danger pour la santé. En raison de leur croissance progressive, en dehors de toute aide humanitaire, ces camps sont mal équipés. Ainsi, les latrines ou les pompes à eau sont souvent situées à des distances inégales ou sont en nombre insuffisant. Des rations de vivres sont distribuées régulièrement par des organisations humanitaires et sont partagées entre un nombre plus grand de personnes que celui auquel elles étaient destinées. Dans un camp, une alimentation complémentaire est offerte aux enfants par une organisation humanitaire, car le taux de malnutrition était de 15 à 20 pour cent.


Human Rights Watch/Afrique a visité quelques-uns de ces camps autour de Monrovia. Beaucoup bénéficient des services de plusieurs organisations humanitaires et des Nations Unies, qui distribuent de la nourriture, de l'eau et d'autres services. Cependant, les conditions demeurent insuffisantes, voire dangereuses dans certains endroits. Dans le "nouveau" bâtiment du Ministère de la Santé, des milliers de personnes vivent dans la structure de béton recouverte d'échafaudages d'un bâtiment qui était en construction quand la guerre a éclaté. Dans cette carcasse vivent 3 000 personnes déplacées, exposées aux éléments, protégées uniquement par quelques bâches de jute ou de plastique tendues pour colmater les larges ouvertures qui auraient dû contenir les parois du bâtiment. Le bâtiment est pourvu de six toilettes et d'une pompe à eau pour tous les résidents. À l'intérieur de la structure sombre et humide, ils vivent depuis des années dans des chambres de fortune surpeuplées. Dans le camp de Samukai, 9 000 déplacés libériens et des réfugiés sierra-léonais se côtoient et se partagent les sept toilettes et les quelques pompes à eau qui ne sont pas en panne. Parmi les résidents, on trouve beaucoup de veuves qui ont perdu leur mari et leur maison pendant la guerre.


La majorité des personnes déplacées reçoivent une aide sanitaire et alimentaire. Étant donné que dans les camps où se trouvent les déplacés libériens vivent également des réfugiés sierra-léonais, le U.N.H.C.R fournit certains services qui sont également offerts aux déplacés libériens. Par exemple, dans quelques camps de déplacés, les enfants libériens en âge de fréquenter l'école primaire peuvent participer aux classes du U.N.H.C.R Toutefois, au niveau de l'enseignement secondaire, seuls les réfugiés sierra-léonais reçoivent une bourse du U.N.H.C.R.


Selon l'assistant d'un médecin d'un de ces camps, les déplacés souffrent fréquemment de malaria, d'infection des voies respiratoires (aggravées par la saison des pluies), de diarrhée et de maladies de la peau. Dans le comté de Bog, les déplacés n'ont reçu pratiquement aucune assistance médicale. Un déplacé à déclaré : "si l'on doit aller à l'hôpital là-bas, il n'y a pas de médicaments. On s'en remet à Dieu. On peut vivre ou mourir. Mais pas à cause des soins médicaux". (15)


Dans de nombreux centres pour les personnes déplacées, les enfants fréquentaient des écoles primaires mises en place par des organisations humanitaires dans la région. Toutefois, pour les enfants en âge de fréquenter l'enseignement secondaire, les possibilités étaient rares, voire inexistantes. À Kakata, un enseignant a expliqué à Human Rights Watch/Afrique que leurs écoles de fortune étaient pleines, même si tous les enfants n'allaient pas en classe. Cependant, même lorsque les enfants se rendaient à l'école, les enseignants éprouvaient des difficultés à les faire se concentrer, souvent parce que les enfants avaient faim.


La majorité des personnes interrogées par Human Rights Watch/Afrique ont déclaré vouloir rentrer chez eux, mais ne pouvaient le faire en raison de l'absence d'aide financière et matérielle. Le refrain sans cesse entendu auprès des personnes déplacées était "nous voulons rentrer chez nous, mais nos maisons ont été détruites et nous n'avons rien. Comment allons-nous survivre si nous retournons ? Nous n'avons rien pour reconstruire nos maisons, ou pour replanter dans nos fermes." Dans quelques cas, l'Union européenne (UE) a fourni un transport à ceux qui voulaient retourner. Toutefois, pour la majorité des déplacés, le problème principal n'est pas le transport mais plutôt la question de savoir comment ils pourront pourvoir à leurs besoins une fois rentrés chez eux, sans aucun moyen, sans maison, sans infrastructure de base. Lorsqu'on leur demandait ce dont ils avaient besoin pour rentrer chez eux, les déplacés mentionnaient notamment des outils agricoles, du matériau de toiture, des ustensiles de cuisine, des clous et de la nourriture. Il est facile d'aider ces populations et de nombreux groupes retournent par leurs propres moyens. Des ressources minimales devraient être fournies afin de faciliter leur retour pendant la saison sèche.


Dans certains cas, les déplacés sont rentrés chez eux et ont trouvé ce qu'il restait de leur maison occupé, surtout les déplacés Mandingo. La discrimination séculaire des Mandingos au Libéria, qui sont considérés comme des "étrangers", a conforté l'idée selon laquelle il est légitime de s'approprier leurs biens.


Le seul groupe de déplacés qui ne souhaitait pas retourner est celui qui provient du comté de Grand Cape Mount. Certains d'entre eux craignent que les récentes hostilités au Sierra Leone ne débouchent sur un exode massif vers le Libéria et vers leur région d'origine.


La planification par la communauté internationale de la réinsertion des déplacés a commencé. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) et ses partenaires ont commencé une évaluation détaillée du nombre de déplacés dans la région de Monrovia. En septembre, le PAM, les donneurs d'aide et le U.N.H.C.R se sont réunis afin de faire le point sur la distribution de l'aide alimentaire dans la région à la lumière de l'évolution de la situation.


La Commission Libérienne pour les Réfugiés, le Rapatriement et la Réinsertion (Liberia Refugee, Repatriation and Resettlement Commission)

La Commission Libérienne pour les Réfugiés, le Rapatriement et la Réinsertion (L.R.R.R.C.) est l'organisme national qui sera chargé d'aider les personnes à rentrer chez elles. La L.R.R.R.C. a été créée en 1993 par le parlement de transition et par une loi intitulée Loi sur les Dispositions relatives aux Réfugiés et à la Création de la Commission Libérienne pour les Réfugiés, le Rapatriement et la Réinsertion (Act to Make Provisions for Refugees and to Establish the Liberia Refugee, Repatriation and Resettlement Commission). En vertu de la loi de 1993, la L.R.R.R.C. est composée d'un Directeur exécutif (et du personnel) et des représentants des ministères de l'intérieur, de la planification, des affaires étrangères et de la justice (départements police et immigration). Le U.N.H.C.R a le statut d'observateur au sein de la commission. Selon la loi de 1993, les tâches de la L.R.R.R.C. sont les suivantes:


(a) formuler une politique sur des questions liées aux réfugiés dans le pays;


(b) exercer d'autres pouvoirs et réaliser d'autres fonctions qui lui seraient assignés par la présente loi ou par arrêté exécutif; et


(c) aider le Secrétariat à demander une aide locale et internationale pour des activités destinées aux réfugiés dans le pays. (16)


Il est clair que la L.R.R.R.C. est l'organisme gouvernemental le plus indiqué pour s'occuper de la réinsertion des déplacés, compte tenu de son mandat à l'égard des réfugiés, qui sont dans une situation similaire. Le personnel de la L.R.R.R.C. interrogé par Human Rights Watch/Afrique avant les élections affirmait que son mandat comprenait également les déplacés. Mais certaines agences internationales ont réfuté cet argument, invoquant le fait que nulle part dans la loi de 1993 les déplacés ne sont mentionnés. La L.R.R.R.C. a répondu qu'elle a la responsabilité des déplacés en vertu d'une loi de 1991 qui prévoyait qu'une telle commission nationale serait responsable des personnes déplacées dans un autre pays et dans leur propre pays. Toutefois, ni la L.R.R.R.C. ni le gouvernement de transition ne semblaient être en possession d'un exemplaire de la loi de 1991, et, en outre, la loi de 1993 pourrait avoir remplacé celle de 1991, dans la mesure où elles règlent la même question. (17)


Une lecture de la loi de 1993 peut, d'un point de vue technique, conduire à la conclusion selon laquelle la L.R.R.R.C. n'a pas mandat de s'occuper des déplacés et doit se limiter au retour des réfugiés libériens à l'étranger et aux réfugiés au Libéria (comme les sierra-léonais). Cependant, une telle interprétation du rôle de la L.R.R.R.C. serait une action irresponsable de la part du nouveau gouvernement libérien, eu égard au nombre tout aussi inquiétant de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Afin de dissiper les ambiguïtés pour les agences internationales qui travailleront avec la L.R.R.R.C., le parlement libérien devrait adopter une loi précisant que le mandat de la L.R.R.R.C. lui permet de s'occuper des besoins de réinsertion des déplacés, en plus de ses responsabilités à l'égard des réfugiés.


Avant les élections, la L.R.R.R.C. ne fonctionnait pratiquement pas. Comme d'autres organismes gouvernementaux, où les employés étaient choisis par les différents partis en vertu d'un accord de partage du pouvoir, son personnel était très politisé et pas nécessairement qualifié. En outre, aucun soutien logistique ou financier n'était accordé aux 200 membres du personnel de la L.R.R.R.C. Lorsque Human Rights Watch/Afrique a rencontré la L.R.R.R.C., son personnel n'avait pas été payé depuis quatre mois et travaillait dans la pénombre à cause de l'absence de fonds destinés à l'achat de carburant pour le générateur.


Il est clair que cet organisme doit être redynamisé et recevoir davantage de personnel qualifié, une formation et une aide financière. À l'heure actuelle, le rôle de la L.R.R.R.C. est flou. Les agences internationales ne savent pas exactement comment coordonner au mieux leurs efforts avec la L.R.R.R.C. et se demandent si la L.R.R.R.C. est un organisme national de décision politique ou un partenaire qui travaillera sur le terrain. Le gouvernement doit préciser l'orientation et la philosophie de la L.R.R.R.C. Par ailleurs, le gouvernement doit se rendre compte que cette commission sera l'une des agences gouvernementales les plus importantes au cours de l'année qui va suivre. À ce titre, la L.R.R.R.C. devrait être investie des compétences et de la capacité nécessaires à assurer l'élaboration d'un plan national de réinsertion et de rapatriement, de concert avec le U.N.H.C.R Le rapatriement ne consiste pas seulement à ramener les gens chez eux en camion. La L.R.R.R.C. devra motiver le retour des populations en reconstruisant les infrastructures et en relançant les institutions locales, comme les écoles et les hôpitaux. La L.R.R.R.C. devrait être dotée d'une unité chargée du contrôle des questions liées à la protection, afin de garantir que les personnes qui sont rentrées chez elles ne soient pas harcelées sur la base de leur appartenance ethnique ou politique et que ceux dont les maisons ont été occupées récupèrent leurs droits.



V. LA RECONSTRUCTIONS DES INSTITUTIONS DE L'ÉTAT


La structure de l'État dans son ensemble s'est gravement détériorée à la suite de la longue guerre civile qui a ravagé le pays. Dans l'intérêt du maintien du respect des droits de l'homme dans le Libéria d'après-guerre, il est essentiel de reconstruire et d'insuffler un nouveau dynamisme au Ministère de la justice, au système judiciaire, à la police nationale, aux prisons et à l'armée. (18)


Même si un gouvernement élu démocratiquement est en place et même si le niveau de sécurité est plus élevé que pendant les sept années de guerre civile, le Libéria reste dans une situation très précaire. Si la présence de l'E.C.O.M.O.G. n'a pas toujours été favorable au processus de paix, les 11 000 militaires de l'E.C.O.M.O.G. ont eu un rôle important dans les préparatifs des élections et continuent d'assurer la sécurité. Il ne s'agit toutefois que d'une disposition temporaire. L'E.C.O.M.O.G. se retirera progressivement début 1998. Un société civile forte et un service de police compétent et ferme seront nécessaires afin de garantir la paix et la stabilité au Libéria. Les tâches auxquelles il faut désormais s'atteler sont la reconstruction du système judiciaire et la restructuration et la formation de l'armée et de la police.


La justice et la police doivent de toute urgence commencer à s'occuper des conséquences possibles de la guerre, dont notamment les litiges sur la propriété qui se feront jour lorsqu'à leur retour, les réfugiés trouveront leur terre occupée; les menaces de représailles par ou à l'encontre des anciens combattants et l'augmentation générale de la criminalité violente dans une société hautement militarisée. Le nombre d'attaques à main armée a augmenté constamment en raison de la facilité avec laquelle les anciens combattants recourent à la violence et de l'absence généralisée de débouchés en temps de paix. Les institutions de l'État doivent commencer à s'occuper de ces problèmes afin de garantir la création d'un contexte sûr dans lequel la réconciliation et la reconstruction peuvent être menées à bien.


Le Ministère de la justice et les tribunaux

Le Ministère de la justice est investi d'un grande responsabilité pour la promotion de l'État de droit au Libéria. Il est responsable, entre autres, de l'administration du système judiciaire, de la police nationale et du Bureau de Réinsertion (qui administre les prisons).


Sous le gouvernement de transition, la majorité des tribunaux ont été remis en fonctionnement à Monrovia et en province. Toutefois, certains de ces tribunaux avaient été mis en place par le N.P.F.L. pendant la guerre et leurs juges n'étaient pas compétents. Le mandat de ces tribunaux se terminant un mois après les élections, tous les tribunaux seront à nouveau nommés (avec leurs juges) par le nouveau gouvernement. Sous le gouvernement de transition, les tribunaux fonctionnaient, mais ne disposaient pas du matériel ou des fournitures nécessaires leur permettant de faire leur travail de manière efficace.


Le sommet du système judiciaire libérien est occupé par une Cour suprême composée de cinq juges, ensuite viennent les "Circuit Courts" et les autres "Courts of Record" (correspondant aux treize comtés) et les "Justices of the Peace" et tribunaux de première instance. En plus du système judiciaire légal, il existe également des tribunaux coutumiers appliquant le droit coutumier non écrit à des conflits familiaux ou sur la propriété, ainsi qu'à la petite délinquance. Les tribunaux coutumiers ne peuvent connaître de cas réglés par la loi et leurs décisions peuvent être revues par des tribunaux du système légal. Depuis vingt ans, le système judiciaire a été considérablement affaibli non seulement par la guerre, mais également par l'ingérence de l'exécutif à l'époque du gouvernement Doe. En raison des détentions arbitraires, de l'ingérence de l'exécutif et des pressions sur les juges, ainsi que de la corruption, lorsque la guerre a éclaté, le système judiciaire ne fonctionnait quasiment plus.


Le nouveau gouvernement libérien s'est engagé à mettre en place un système judiciaire fort et indépendant. Une nouvelle Cour suprême a déjà prêté serment. Sa présidente, Gloria Scott, a promis de défendre l'intégrité et l'indépendance du pouvoir judiciaire et de s'opposer à l'ingérence d'autres pouvoirs. Cet attachement à l'indépendance du pouvoir judiciaire constitue l'une des étapes les plus importantes pour l'établissement de l'État de droit au Libéria. Mais la mise en place d'un système judiciaire fort passera par la sélection de juges qui soient des juristes qualifiés et professionnels ainsi que par l'amélioration des conditions de travail.


Sous le gouvernement de transition, le barreau (après force protestations des belligérants, surtout Charles Taylor) a été autorisé à émettre des recommandations pour la nomination des juges. Les avocats ont été appelés à participer au processus de sélection des juges afin de garantir que le juge nommé soit respecté de ses collègues et pour permettre à une association non gouvernementale telle que le barreau de participer au processus. Le gouvernement Taylor devrait suivre ce précédent et associer le barreau à la création du système judiciaire indépendant.


La police

La police nationale relève de la responsabilité du Ministère de la justice. Sous Doe, la police était utilisée comme réservoir d'emploi pour le clientélisme politique. Même si le diplôme d'études secondaires était l'un des critères de sélection, la majorité des policiers étaient analphabètes. Avant la guerre, la police comptait à peu près 2 000 hommes. sous les gouvernement de transition pendant la guerre, la police a été quelque peu restructurée. Au moment des élections, pendant la guerre, le rôle de la police s'est limité à la circulation et à la protection des civils contre la criminalité de droit commun à Monrovia.


Selon la police, sa mission est de :


maintenir l'ordre, garantir que la région dont ils ont la charge respecte la loi et de garantir la sécurité des personnes et de leurs biens dans la région. Cette tâche sera accomplie de manière impartiale, conformément aux normes policières les plus élevées, dans le respect absolu de la dignité humaine et des droits de l'homme, dans le but d'obtenir la confiance des citoyens. (19)


En réalité, selon des organisations libériennes de défense des droits de l'homme, la police libérienne s'est rendue coupable d'arrestations arbitraires, d'emprisonnement sans inculpation, de corruption et de brutalités sous le gouvernement de transition. À cette époque, les effectifs de la police ont augmenté, car les factions utilisaient les nominations au sein de la police pour récompenser leurs partisans.


Il est clair que le nouveau gouvernement doit déterminer la taille nécessaire de la police et passer au crible la police existante. La police prépare actuellement la réouverture des commissariats dans l'ensemble du pays. Au départ, le gouvernement avait nommé Charles Deshield au poste de préfet de police. La décision, en septembre 1997, de remplacer, sans aucune explication, de M. Deshield par Joe Tate, membre important du N.P.F.L., constitue une atteinte à l'engagement qu'avait pris le gouvernement de respecter les droits de l'homme. À la suite de cette nomination, les États-Unis ont immédiatement suspendu leur programme de formation de la police. Joe Tate avait officié à ce poste sous le gouvernement de transition constitué de personnes nommées par les différentes factions. À cette époque, la police s'est rendue coupable d'abus.


Actuellement, la police ne porte pas d'armes et travaille avec l'E.C.O.M.O.G. pour lutter contre la criminalité et particulièrement contre l'augmentation des attaques à main armée. Les patrouilles de police libériennes devraient continuer à ne pas être armées, mais devraient recevoir des matraques et des radios afin d'appeler des renforts armés en cas de nécessité. Le préfet de police devrait examiner et réviser une série de procédures du règlement, dont notamment l'utilisation de gaz lacrymogène ou le recours à la violence.


L'armée

Les Forces Armées du Libéria (F.A.L.), l'armée du gouvernement à l'époque du gouvernement Doe, restent l'armée officielle, même si l'E.C.O.M.O.G. est la seule force armée déployée à ce jour. Avec peut-être les nombreux anciens combattants qui parcourent le pays sans but, la restructuration des FAL constitue l'un des plus grands défis au maintien de la paix au Libéria. Les FAL constituent une menace potentielle considérable pour la paix du fait de leur histoire et de leurs liens avec différentes factions armées (dont aucune n'a été effectivement démobilisée à ce jour). Au moins 7.000 hommes - des Krahns surtout - qui, au mois de juillet, n'avaient pas été payés depuis près d'un an par le gouvernement de transition, sont entassés au Centre de formation Barclay à Monrovia et dans les casernes de Shiefflin à l'extérieur de la ville. (20)


Les FAL se sont rendues coupables de persécutions ethniques et politiques et de graves violations des droits de l'homme sous le régime Doe. Le Président Doe s'était entouré de membres de son ethnie, les Krahns. Les Krahns représentent un peu moins de 5 % de la population, mais sont représentés de manière disproportionnée dans les FAL. La plus grande partie des FAL est constituée de Krahns. Comme la guerre se rapprochait de Monrovia en 1990, le Président Doe a recruté des Krahns et leurs alliés, des Mandingo dans les FAL, sans instruction préalable. Les FAL se sont rendues coupables de nombreuses tueries, particulièrement de Gios et de Manos, en plus de destructions et de pillages généralisés.


Après la mort de Doe, les FAL ont continué à jouer un rôle dans la guerre, en soutenant des factions opposées au N.P.F.L. de Taylor. À plusieurs reprises, on a cherché à neutraliser l'action nuisible des FAL en les associant aux négociations de paix et en accédant à leur demande de rester dans les casernes. Dans le cadre du processus de démobilisation, les soldats des FAL ont remis leurs armes.


Depuis les élections, les FAL se sont organisées afin de faire part de leurs revendications au gouvernement Taylor, car leurs membres craignent de faire l'objet de persécutions ethniques et d'être licenciés. Le chef des FAL, le Général Hezekiah Bowen, a déclaré craindre qu'une purge ethnique ne s'effectue dans les rangs de l'armée à la suite de l'arrivée au pouvoir de Charles Taylor. Cette crainte avait été renforcée peu après les élections, lorsqu'un ancien général du N.P.F.L., Isaac Musa a investi le Ministère de la défense et a menacé de "régler son compte à tout le monde et de chasser le personnel des FAL [du Ministère] ...", ajoutant qu'il "est temps de régler ses comptes avec ceux des FAL... nous savons que faire avec chacun". Le Président Taylor n'a pas réagi publiquement à l'événement et a toujours parlé de réconciliation et de la nécessité d'une armée disciplinée. Il a également accepté de prolonger le mandat de l'E.C.O.M.O.G. afin qu'il contribue à la restructuration et à la formation des forces de sécurité. (21)


Selon une proposition scandaleuse du Général Bowen, les FAL demandent de pouvoir partir à la retraite en bénéficiant d'une pension complète. Pour un coût de 52 millions de dollars, le Général Bowen propose des pensions pour tous les soldats, des indemnisations, des allocations pour les veuves et les handicapés, un programme de réinsertion/formation de trois mois et le retour des soldats retraités dans leur région d'origine. Lorsque Human Rights Watch/Afrique lui a demandé ce que les A.F.L. comptaient faire s'il n'était pas accédé à leurs revendications, le Général Bowen a déclarer s'engager à tenter de les faire accepter par la voie légale devant les tribunaux.


Le gouvernement Taylor examine actuellement ces revendications et envisagerait l'octroi de pensions à certains membres des FAL et le licenciement d'autres (particulièrement ceux qui avaient été recrutés au début de la guerre et avaient été armés sans avoir reçu de formation). Le Président Taylor a appelé les anciens membres de toutes les factions armées à rejoindre les nouvelles FAL. De la même manière que ce geste écartera la possibilité de voir les anciens combattants mécontents reprendre les armes, le gouvernement Taylor devra faire en sorte que les craintes des soldats composant les FAL actuelles soient apaisées.


Une autre crainte provient du fait que l'E.C.O.M.O.G. a été désigné pour former les militaires après la restructuration. Si l'on considère le passé de l'E.C.O.M.O.G., coupable de violations des droits de l'homme, de corruption et d'un soutien actif des factions anti-N.P.F.L. pendant la guerre, la force de maintien de la paix ouest-africain ne constitue pas un modèle idéal pour la formation. L'E.C.O.M.O.G. ne devrait pas être chargé de cette formation, sauf sous le contrôle strict des Nations Unies et du Comité international de la Croix-Rouge et si un module relatif aux droits de l'homme et au droit humanitaire est ajouté à la formation.


Les prisons

A travers le Bureau de Réinsertion, le Ministère de la justice est responsable de l'administration des prisons civiles. Sous Doe, les prisons militaires étaient contrôlées par les Forces armées du Libéria. Les prisons administrées par le Ministère de la justice sont destinées à la détention d'inculpés ou de condamnés. Les cachots de la police sont destinées aux suspects et aux autres personnes qui ne sont pas inculpées. Par le passé, les prisons étaient surpeuplées, mal aérées et dépourvues d'installations sanitaires. Les prisonniers étaient souvent malmenés par les gardiens. Les trois prisons principales sous le régime de Doe étaient la prison centrale de Monrovia, la prison militaire de Post Stockade (à Monrovia), et un camp de détention de haute sécurité bien connu, Belle Yallah, dans le comté de Lofa. Pendant la guerre civile, les prisons ont été endommagées et vidées alors que les combats se propageaient à l'ensemble du pays.


Avant les élections, la prison centrale de Monrovia avait été rouverte par le gouvernement intérimaire, suivi par le gouvernement de transition, et fonctionne depuis quelques années. En juillet 1997, le nombre de détenus aurait été de 60 à 70 (dont 2 ou 3 femmes). Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a reconstruit des latrines et réparé la toiture. Cependant, d'autres réparations sont encore nécessaires, au même que des améliorations du système pénitencier.


De plus, le nouveau gouvernement doit poursuivre la mise en oeuvre du système d'enregistrement mis en place par le Gouvernement de Transition, et s'assurer que les centres penitenticiaires coopèrent avec le bureau du procureur de chaque comte afin de garantir la comparution des suspects avant la fin du délai constitutionnel de 48 heures. Aucune procedure d'enregistrement des prisonniers et aucun mécanisme de suivi des détentions n'existait sous Doe, ce qui explique en partie le fait que de nombreux détenus aient eu à attendre pendant plusieurs années, à la Prison Centrale de Monrovia, d'être présentés à un juge.


La Commission des droits de l'homme

En raison du lourd passé du Libéria en matière de violations des droits de l'homme, l'annonce, par le Président Taylor, du projet de création, par le gouvernement, d'une Commission sur les droits de l'homme doit être saluée. Toutefois, pour que cette commission puisse remplir sa mission de manière efficace et établir des responsabilités et garantir la transparence, elle doit se voir attribuer le mandat, l'indépendance et le financement nécessaires à cet effet. Plus important encore, la commission doit avoir le pouvoir de faire respecter et de diffuser les résultats de ses travaux. Une commission sur les droits de l'homme qui n'a pas le pouvoir nécessaire pour effectuer des enquêtes, la volonté et les moyens de rendre publiques ses constatations et recommandations risquerait de n'être qu'un tigre de papier.


En fin de compte, c'est à ses actions que l'on pourra juger la commission sur les droits de l'homme du gouvernement Taylor. La commission, au cours de son premier exercice, devra commencer à répondre aux questions fondamentales suivantes :


  • La commission aura-t-elle un véritable pouvoir d'enquête?
  • La commission peut-elle lancer des enquêtes réelles et sérieuses?
  • La commission ira-t-elle au-delà d'enquêtes superficielles et abordera-t-elle des questions d'importance nationale?
  • La commission dispose-t-elle du budget et des installations nécessaires?
  • La commission dispose-t-elle d'une indépendance suffisante pour examiner les activités du gouvernement et rendre ses conclusions publiques?

Si la réponse à ces questions est non, la commission sur les droits de l'homme du gouvernement libérien s'ajoutera à la liste des autres organismes créés par les gouvernements africains afin de détourner l'attention de la critique. La crédibilité du gouvernement Taylor en matière de droits de l'homme sera fortement tributaire du succès de cette commission.


Le mandat de la commission est en préparation au sein du gouvernement Taylor. Malheureusement, le gouvernement n'a pas consulté la société sur une grande échelle pour déterminer la manière dont une telle commission pourrait fonctionner pour répondre au mieux aux besoins du peuple libérien. Dans le projet de loi relatif à la commission de septembre, la liste des ONG dont seraient issus les membres de la commission était limitée : le Centre National Libérien des Droits de l'Homme (National Human Rights Center of Liberia, groupe de coalition), l'Association Nationale du Barreau (National Bar Association), le Conseil Libérien des Eglises (Liberian Council of Churches), le Conseil National Musulman (National Moslem Council) et l'Union Libérienne de la Presse (Press Union of Liberia). Si ces organisations sont les bienvenus, les restrictions imposées à la participation des autres ONG sont contestables, particulièrement en raison de l'absence sur la liste d'une des organisations de défense des droits de l'homme les plus importantes du Libéria, la Commission Justice et Paix de l'Eglise Catholique (Catholic Justice and Peace Commission). Celle-ci avait dénoncé ouvertement les violations des droits de l'homme perpétrées par la faction de Taylor pendant la guerre.



VI. ASSUMER LE PASSE


Responsabilités dans les Violations des Droits de l'Homme

Au sortir d'un conflit violent dans lequel les populations civiles ont très souvent été la cible de toutes les factions, il est nécessaire que le gouvernement prenne des mesures pour exiger des comptes des auteurs de violations flagrantes des droits de l'homme pour que les efforts de conciliation et de reconstruction ne continuent pas à être hantés par l'impunité des responsables des atrocités les plus innommables. Malheureusement, les efforts internationaux de négociation de paix au Libéria, visant à trouver une solution politique, ont ignoré le principe de responsabilité. Un militant des droits de l'homme se plaint de ce que "le processus de paix global mine la justice." (22) Un autre ajoute: "le processus de réconciliation exige que l'on accepte le passé. Il faut que l'on reconnaisse que ce qui a été fait était mal." (23) Une troisième personne nous assure que "le rôle politique que devront à l'avenir jouer les principaux acteurs a été laissé à la magnanimité du nouveau président." (24)


Human Rights Watch/Afrique considère que les personnes responsables de violations évidentes des droits de l'homme devraient répondre de leurs actes. Le gouvernement a le devoir de déterminer les responsabilités, même si les auteurs de ces exactions sont eux-mêmes membres de ce gouvernement. L'Article 19 de l'Accord de Paix de Cotonou du 25 juillet 1993 accorde une amnistie générale à "toutes les personnes et parties impliquées dans la guerre civile au Libéria, dans le cadre des engagements militaires actuels." Human Rights Watch/Afrique soutient que cette amnistie ne couvre aucun acte, en-dehors du cadre des combats, interdit par le droit humanitaire international, tels que les meurtres de civils et la torture. Les anciens combattants ayant commis des violations gratuites des droits de l'homme doivent être traduits devant un tribunal libérien.


Human Rights Watch/Afrique reconnaît par ailleurs que cette responsabilité peut également être établie par le biais de révélations et de condamnations publiques dans les cas de responsabilité atténuée et/ou de violations moins graves. Le gouvernement devrait également instituer une Commission de la Vérité, peut-être au sein d'une commission de conciliation, dont le but serait de rassembler des témoignages et des preuves des abus commis pendant la guerre. Elle devrait également révéler les noms des auteurs de tels actes. Pour créer cette commission, le gouvernement libérien pourrait s'inspirer des efforts comparables menés dans d'autres pays.


Les droits de la Femme dans le Libéria d'après-guerre

Les violations passées et présentes des droits des femmes libériennes empêchent toujours celles-ci de prendre activement part à la reconstruction économique et politique du pays. De par les violences qui leurs ont été infligées et leur statut légal de citoyens de seconde catégorie, les femmes libériennes sont encore confrontées à des problèmes particuliers: bon nombre de femmes ayant tout perdu sont aujourd'hui, et pour la première fois, en charge d'un foyer; la plupart des réfugiés sont des femmes et des enfants. Beaucoup de ces femmes assument la lourde responsabilité d'essayer de reconstruire leur vie tout en devant nourrir et trouver un toit pour leurs enfants.


Selon les femmes libériennes ainsi que des groupes de femmes locaux et internationaux, les violences sexuelles étaient monnaie courante pendant la guerre. Selon une étude menée par le Centre pour Femmes et Enfants Maltraités, organisation non-gouvernementale libérienne, les femmes et jeunes filles ayant survécu à ces violences sexuelles ont de dix à soixante-cinq ans. Les combattants des différentes factions ont régulièrement violé femmes et jeunes filles et les ont souvent gardées par la force pendant de longues périodes, pour les soumettre à des abus sexuels ou leur faire effectuer des tâches domestiques. Comme partout ailleurs dans le monde, beaucoup de femmes libériennes refusent de reconnaître qu'elles ont été violées à cause des stigmates que ces violences ont laissés. Très souvent, les victimes ne parlent à personne de ces viols à cause du sentiment de honte, de culpabilité ou de reproche dont elles souffrent. Par conséquent, beaucoup de femmes libériennes n'ont pas eu recours à l'aide dont elles avaient besoin dans le cas de complications de santé, de troubles psychologiques et lorsqu'elles ont été victimes d'une marginalisation sociale, du fait des violences qui leurs avaient été infligées.


La guerre a détruit les traditionnels réseaux d'aide familiaux et communautaires. Bon nombre de jeunes filles qui devraient être à l'école se retrouvent, par la force des choses, dans des réseaux de prostitution ou sont obligées de faire des ménages pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Les situations que vivent ces jeunes filles et ces femmes ont provoqué une augmentation de l'exploitation sexuelle, surtout des jeunes filles, et des maladies sexuellement transmissibles telles la séropositivité et le SIDA. Un militant des droits de l'enfant observe la chose suivante: "au Libéria, le nombre de jeunes filles enceintes suite à un viol et à l'exploitation sexuelle est terriblement élevé. Les jeunes filles de douze ou treize ans sont les principales victimes de cette exploitation. Par exemple, des jeunes filles sont recueillies par des membres de leur famille et, en échange, elles doivent faire le ménage et répondre aux désirs sexuels du maître de maison. Très souvent, les jeunes filles n'ont pas de famille directe qui pourraient les accueillir et ne peuvent donc échapper à cette situation." (25)


Il existe d'autres difficultés: les femmes, lorsqu'elles retournent dans leurs maisons d'origine, sont victimes de discrimination exercées au nom de traditions séculaires. Ces discriminations peuvent limiter la possibilité qu'ont les femmes de réclamer leur biens. Il est probable que, lorsqu'elles rentrent chez elles, les femmes veuves qui ont été déplacées trouvent leurs maisons occupées. La situation est d'autant plus complexe pour les femmes qui ne sont pas mariées civilement. Selon le droit coutumier, les femmes ne peuvent hériter et sont souvent considérées elles-mêmes comme des biens, malgré l'article 11 de la Constitution libérienne qui garantit l'égalité de protection. Cette discrimination posera problème pour les foyers de réfugiés ou les familles déplacées dirigées par une femme, lorsque ceux-ci reviennent dans leur région d'origine. A l'heure actuelle, grâce aux efforts de l'Association Libérienne des Avocates (Association of Female Lawyers in Liberia, AFELL), organisation non-gouvernementale, une proposition de loi a été présentée au pouvoir législatif. Si cette loi est adoptée, les femmes mariées sous le droit coutumier jouiraient du droit à hériter. Cette loi devrait être adoptée le plus rapidement possible et des initiatives devraient être prises par le gouvernement pour aider les réfugiés et les populations déplacées, en majorité des femmes et des enfants, à récupérer leurs biens.


La démobilisation des Soldats (y compris les enfants soldats)

La démobilisation complète des combattants est une étape cruciale dans l'établissement d'une paix durable au Libéria. En onze semaines, entre novembre 1996 et février 1997, les troupes E.C.O.M.O.G. ont désarmé 21.315 combattants/soldats des factions N.P.F.L., U.L.I.M.O. et F.A.L., parmi lesquels 4.306 enfants et 250 femmes, sur un nombre total estimé à 33.000. (26) La Mission d'Observation des Nations Unies au Libéria (U.N.O.M.I.L.) a supervisé et contrôlé le processus de désarmement pendant que le gouvernement de transition libérien mettait sur pied la Commission Nationale pour le Désarmement et la Démobilisation (NDDC), pour faciliter le processus. Cette initiative est en grande partie en ligne avec les accords de paix. Cependant, le pourcentage élevé de combattants désarmés a été obtenu après que les estimations du nombre total de combattants soit passé de 60.000 (chiffre probablement gonflé, communiqué en 1995 par les factions elles-mêmes), à 33.000.


Bien que des milliers d'armes aient été remises, les descentes effectuées par E.C.O.M.O.G. ont permis d'en découvrir d'avantage, tout au long de la période de désarmement. Au cours des dernières semaines de désarmement volontaire, une augmentation notable du nombre d'armes remises a été enregistrée, particulièrement de l'artillerie lourde, et l'on a découvert que les factions continuaient à amasser des armes. Grâce à la détermination et à l'énergie dont a fait preuve le Commandant de la Force E.C.O.M.O.G., le Général de Division Victor Malu, l'opération de désarmement a été couronnée de succès. La menace de sanctions ultérieures a peut-être également joué un rôle. Ses sanctions consistent par exemple, en des mesures punitives contre les chefs de faction qui n'auraient pas respecté l'accord de paix, la limitation de la liberté de mouvement, le gel des avoirs, le refus d'octroi d'un visa aux membres de leurs familles et associés ainsi que la menace de poursuite internationale par un tribunal des crimes de guerre convoqué par l'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A.). Néanmoins, ces sanctions n'ont jamais été exécutées.


Des caches d'armes ont encore été mises à jour bien après la fin de la période de désarmement volontaire. Quelques 3.750 armes et 152.500 munitions ont été découverte peu après les élections, grâce à des opérations de ratissage effectuées par E.C.O.M.O.G. (27) Au cours de ces opérations, E.C.O.M.O.G. a parfois fait montre d'une violence excessive.


En raison du programme très serré de mise en oeuvre du processus de paix, on a dû, avant les élections, se limiter à la confiscation des armes. Les combattants ne se sont pas systématiquement vus offrir une guidance psychologique, une formation ou toute autre possibilité professionnelle, ou même simplement un transport et la réinsertion dans leurs communautés d'origine. Le manque de temps n'a pas non plus permis que des ressources suffisantes soient allouées à l'établissement de programmes de planification et de démobilisation à long terme.


A l'heure actuelle les anciens combattants sont toujours groupés. A beaucoup d'endroits ils ne se sont pas intégrés aux communautés. La structure de commandement est restée intacte et ces combattants peuvent sans peine être réarmés et réorganisés au sein de leurs anciens groupes. Même si ils ne représentent pas une menace pour la sécurité nationale, nombreux sont ceux qui n'ont pas d'emploi et seraient facilement convaincus de se tourner vers le crime organisé. Une personne déplacée à Kakata a affirmé à Human Rights Watch/Afrique «nous avons des problèmes avec les combattants qui n'ont pas de travail ou pas d'argent. Ils ont l'habitude d'avoir de l'argent." (28)


Fait encore plus troublant, dans tout le pays des combattants continuent à agir en tant qu'autorité civile officieuse. (29) A Kakata, d'anciens combattants N.P.F.L. interrogés dans le camp pour les personnes déplacées de l'Institut de Recherche et de Formation des Professeurs du Kakata (Kakata Research and Teacher Training Institute, KRTTI) ont reconnu avoir décidé de rester après la prise de la ville. Plus de 500 anciens guerriers s'y trouvent encore. Ni transport vers une autre zone ni stationnement dans un centre de démobilisation n'ont été organisés. (30)


Les soldats démobilisés avaient entre six et soixante-douze ans. Leur âge moyen était de quinze à vingt-huit ans. La majorité des combattants étaient originaires de la région de Lofa (approximativement 6.000). Bien que la plupart des soldats aient suivi un enseignement formel, au moins 4.000 d'entre eux ne disposaient d'aucun diplôme. Certains n'avaient qu'un diplôme d'enseignement primaire. Seuls quelques rares personnes ont fréquenté un établissement d'enseignement supérieur ou suivi une formation professionnelle. Bon nombre de soldats ont reçu de la drogue, comme par exemple de la marijuana.


Aucune démobilisation sociale n'a été effectuée, ou dans de très faibles mesures, pour réintégrer ces combattants dans leurs communautés. Les enfants soldats ont été renvoyés dans leurs familles mais, dans les cas où leur réintégration a posé problème, l'encadrement disponible était très limité. Bien souvent, l'aide est superflue car les enfants soldats ont vécu cette transition sans difficulté mais parfois les familles se trouvent aux prises avec des enfants transformés en véritables tueurs. Un père de famille a raconté à Human Rights Watch/Afrique les difficultés que lui posait son fils, ancien combattant, depuis qu'il était rentré à la maison:


J'ai deux fils qui ont été enrôlés de force à quatorze et dix-sept ans. Leur esprit est corrompu, mon fils se comporte différemment, il bat et frappe ses soeurs, il ne me témoigne plus aucun respect. Il dit qu'il garde une balle en réserve pour moi. J'ai tenté de lui parler mais il est devenu difficile de l'aimer. Mon autre fils n'a pas eu de problème à se réintégrer. Je pense que cela dépend des commandants qui les dirigeaient. (31)


Selon le Bureau de l'O.N.U. pour la Coordination de l'Aide Humanitaire (H.A.C.O.), 21 pour cent (près de 4.000) des soldats démobilisés étaient des enfants. Le pourcentage d'enfants soldats était plus important que prévu et les Nations Unies sont convaincues que les chiffres prouvent que non seulement le nombre d'enfants enrôlés par les brigades était plus élevé, mais également que les factions libéraient plus facilement les enfants que les adultes pour pouvoir continuer à assurer l'efficacité de leurs troupes. Un petit nombre d'enfants non-combattants (particulièrement les enfants de la rue) a également tenté de participer au programme de démobilisation de façon à profiter des avantages offerts, dans les cas où les enfants soldats ne devaient pas remettre d'arme.


D'après l'UNICEF, l'état physique et psychologique de ces enfants différait d'un endroit à l'autre mais tous présentaient les mêmes traumatismes: incertitude face à l'avenir; sentiment d'insécurité, volonté de retourner à l'école où d'apprendre un métier. L'UNICEF estime que de 15.000 à 20.000 enfants ont directement participé à l'effort de guerre. Parmi eux, beaucoup ont été témoins de ou ont perpétré des actes d'une grande violence, ils ont été forcés de tuer ou de mutiler, ont été exposés aux combats et ont eux-mêmes été victimes de violences et battus. Certains, pour assurer leur survie, se battaient pour différentes factions. Selon l'UNICEF, 60 pour cent des enfants libériens en âge de scolarité ne vont pas en classe et ceux qui fréquentent les écoles souffrent du manque de matériel et de personnel.


Beaucoup d'enfants ont servis les factions pendant plus de cinq ans. Lorsqu'on leur demande ce qu'ils veulent faire de leur vie, 77 pour cent ont répondu qu'ils désiraient aller à l'école; 10 pour cent ont dit qu'ils voulaient apprendre un métier, 10 pour cent souhaitaient trouver un petit boulot et 2 pour cent des enfants soldats voulaient monter un commerce. Moins d'1 pour cent d'entre eux nous ont dit vouloir occuper une fonction publique. Au sein de la communauté humanitaire, certaines personnes ont souligné la nécessité de créer des structures éducatives et professionnelles pour les enfants soldats démobilisés qui ne pourront plus retourner dans la classe dans laquelle ils étaient avant la guerre. Un militant des droits de l'enfant a déclaré que le processus de démobilisation:


se concentrait principalement sur la remise des armes alors que d'autres besoins se faisaient sentir. Lorsque l'on observe ces enfants, beaucoup ne semblent pas présenter les traumatismes auxquels on s'attendrait. Ils semblent être «normaux» mais souffrent de retards de développement. Eux-mêmes parlent du temps perdu. Beaucoup ne vont pas à l'école bien qu'ils le souhaiteraient. Ils se rendent compte de l'importance de l'éducation. Cependant, rares sont les efforts de coordination et d'organisation visant à satisfaire d'abord les besoins de ces enfants. J'ai participé à une réunion organisée par les Nations Unies en novembre (1996) alors que le processus de démobilisation touchait à sa fin. On commençait alors seulement à discuter des mesures de transition en faveur des enfants soldats. (32)


En dépit des lacunes du processus de démobilisation des combattants, y compris des enfants, celui-ci a été considéré comme une réussite par les Nations Unies et E.C.O.M.O.G. Peter Tingwa, qui dirige le Bureau de l'O.N.U. pour la Coordination de l'Aide Humanitaire (H.A.C.O.), a rapidement qualifié la démobilisation de succès auprès de Human Rights Watch/Afrique, malgré ses limitations. M. Tingwa a affirmé que la démobilisation était «d'une certaine façon couronnée de succès... car, dans certaines régions, elle a permis de détruite les structures de pouvoir...(Dans la région de Bomi) L'U.L.I.M.O. est parti... Même si, dans d'autres régions, les commandants continuent à exercer leur contrôle, globalement, nous estimons que les liens devraient céder.» (33) Cependant, il est peu probable que le problème des milliers d'anciens combattants soit réglé sans que le gouvernement ne fasse d'efforts pour mener à bien le processus de démobilisation. Les structures de pouvoir de nombre de bataillons des différentes factions resteront opérationnelles sur le terrain et continueront éventuellement à poser des problèmes de criminalité et d'insécurité, sauf si le gouvernement prend des mesures pour offrir des formations et des possibilités d'emploi aux anciens combattants. Ces derniers devraient être encouragés à retourner dans leur région d'origine et à ne pas rester groupés dans des zones où leur présence est intimidante. Le gouvernement devrait également continuer à fouiller le pays pour trouver les caches d'armes et de munitions qui s'y trouvent encore.



VII. RÔLE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE


La communauté internationale a toujours donné la priorité à la résolution politique du conflit libérien, souvent au détriment des objectifs à long terme qui garantiraient la paix. La détermination internationale d'organiser des élections, presque à n'importe quel prix, illustrait cette volonté de résoudre le conflit sans tenir compte d'autres éléments tels la démobilisation ou le rapatriement des réfugiés. Les projets de 'transition' cautionnés par les Nations Unies et d'autres organisations internationales pendant la période intermédiaire entre état de guerre et paix ne faisaient qu'effleurer la question des droits de l'homme. En outre, depuis que les élections ont eu lieu, le peu d'attention accordée par la communauté internationale a considérablement diminué à l'heure où les forces démocratiques libériennes en ont le plus besoin.


Même si le soutien humanitaire apporté aux populations est un des services essentiels fournis par la communauté internationale, il est nécessaire que des objectifs à plus long terme soient poursuivis dans le cadre de programmes internationaux de reconstruction de la société libérienne. Cela va de la prise en compte des problèmes de respect des droits de l'homme à un engagement inébranlable de la communauté internationale en faveur du respect et de la mise en oeuvre de la règle de droit au Libéria. Pour atteindre ces objectifs, la communauté internationale devrait conditionner l'octroi de l'aide au respect des droits de l'homme. En effet, la situation pourrait rapidement se détériorer si la communauté internationale ne saisissait pas cette occasion de promouvoir les droits de l'homme dans le pays.


Les Nations Unies

Comme d'autres intervenants internationaux, les Nations Unies ont fait beaucoup moins qu'elles n'auraient pu en terme de dénonciation, de lutte contre et de prévention des violations des droits de l'homme ou encore pour faire respecter l'embargo sur les armes qu'elles ont imposé. En 1993, le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. a créé la Mission d'Observation de l'O.N.U. (U.N.O.M.I.L.) pour aider E.C.O.M.O.G. à superviser et à contrôler le respect de l'accord de paix de Cotonou. Le mandat de l'U.N.O.M.I.L. consistait à faire rapport des violations du cessez-le-feu et des infractions au droit humanitaire. Fin 1995 son mandat a été étendu à "l'investigation et à la dénonciation des violations des droits de l'homme au Secrétaire Général..." Un militant libérien des droits de l'homme a déclaré : "Les prérogatives de l'U.N.O.M.I.L. dans le domaine des droits de l'homme sont toute théoriques. L'O.N.U., dans leur approche, ont systématiquement omis les questions de droits de l'homme dans l'espoir que, lorsque le conflit serait résolu, ces questions pourraient être résolues sans trop de bruit."


Bien que les premières initiatives de l'U.N.O.M.I.L. en faveur des droits de l'homme soient restées marginales, il a fini par affecter trois personnes au lieu d'une à ce travail. L'efficacité de ces trois personnes en charge des droits de l'homme au Libéria a été entravée par le manque de ressources disponibles, l'insécurité du pays, la marginalisation du département "droits de l'homme" au sein de l'U.N.O.M.I.L. et par l'O.N.U. elles-mêmes, ainsi que par la communauté internationale désireuse de laisser de côté le problème des droits de l'homme dans la recherche de solutions politiques transitoires. Le vingt-et-unième rapport d'activité du Secrétaire général de l'U.N.O.M.I.L. fait état de sept enquêtes en cours sur de possibles violations des droits de l'homme. Les résultats de ces enquêtes et les rapports d'octobre 1996 sur l'enquête relative au massacre de Sinje n'ont jamais été rendus publics. (34)


Qui plus est, l'U.N.O.M.I.L. n'a jamais procédé à un examen international minutieux des exactions commises par les troupes E.C.O.M.O.G., tâche qu'étant donné les circonstances, seule cette instance était à même d'assumer. L'U.N.O.M.I.L. aurait dû superviser la mission E.C.O.M.O.G. dans la mesure où ces deux instances devaient agir ensemble et que la conduite des contingents E.C.O.M.O.G. exigeait ce type de surveillance. Dans le vingt-deuxième rapport d'activité du Secrétaire général de l'U.N.O.M.I.L., l'O.N.U. a déclaré que "certains soldats de l'E.C.O.M.O.G. avaient peut-être maltraité d'anciens combattants lors des opérations de récupération des armes" et que l'E.C.O.M.O.G. avait fait état de sa volonté de conduire une enquête. (35) Aucun résultat des enquêtes menées soit par l'U.N.O.M.I.L. soit par l'E.C.O.M.O.G. n'a été dévoilé et l'on ne sait pas exactement si ces enquêtes ont été réalisées. Si les enquêtes ont bel et bien été faites, l'O.N.U. et l'E.C.O.M.O.G. devraient publier leurs rapports. En juin 1997, une organisation libérienne des droits de l'homme, la Commission Justice et Paix, a révélé que dans la région de Bong un homme avait été battu à mort par les troupes de l'E.C.O.M.O.G. parce qu'il détenait une arme. Ces allégations étaient fréquentes au Libéria. Cependant, dans le rapport d'activité du Secrétaire général aucune mention n'est faite d'enquêtes sur des violations des droits de l'homme. L'incapacité de l'U.N.O.M.I.L. à enquêter sur ces incidents et à publier les rapports pose des questions quant à l'hypothèse selon laquelle l'O.N.U. aurait couvert certaines violations des droits de l'homme commises par les soldats de l'E.C.O.M.O.G.


En novembre 1995, le Département des Affaires Humanitaires de l'O.N.U. a ouvert le Bureau de Coordination de l'Aide Humanitaire (H.A.C.O.), nouvelle instance dont la mission est de cordonner l'octroi de l'aide alimentaire et diriger les programmes de démobilisation et de réinsertion des anciens combattants dans la vie civile. La plupart des personnes travaillant pour l'O.N.U. au Libéria concèdent que le rôle de coordination de l'H.A.C.O. n'a jamais été efficace. Néanmoins, l'H.A.C.O. tente toujours d'obtenir l'aide financière de donateurs pour poursuivre son travail de coordination jusqu'à la fin de l'année. L'H.A.C.O. a largement participé au processus de démobilisation mais les limites de temps imposées jusqu'à la tenue des élections n'ont pas permis la conclusion du programme de démobilisation (voir chapitre sur la démobilisation des soldats).


Les élections ont été organisées, l'U.N.O.M.I.L. a rempli ses fonctions et le personnel a quitté le pays à l'exception de neuf observateurs militaires chargés de participer au triage et au classement des 10.000 armes et 1,24 millions de munitions saisies au cours du processus de démobilisation et placées actuellement sous la garde conjointe de l'E.C.O.M.O.G. et de l'U.N.O.M.I.L. Des négociations avec le gouvernement libérien sont en cours pour déterminer les conditions de garde et de destruction des armes.


A l'heure où ce rapport est rédigé, l'O.N.U. a également conclu un accord avec le Président Taylor. Il prévoit la création d'une petite entité politique de l'O.N.U. qui servira de point de convergence des activités de restauration de la paix des Nations Unies au Libéria et aura toute autorité en matière de coordination de la structure des Nations Unies dans le pays. Le rôle de ce bureau, ouvert sous les auspices du Département des Affaires Politiques de l'O.N.U., sera d'apporter au gouvernement conseils et assistance technique dans la définition des priorités d'après-guerre (y compris dans le domaine des droits de l'homme) ; de mobiliser des fonds internationaux pour le Libéria ; de coordonner et d'être l'intermédiaire dans les relations entre le gouvernement national et la communauté internationale. Ce bureau devrait se voir octroyer un mandant de six mois renouvelable. Actuellement, les détails concernant cette instance ainsi que sa date d'entrée en fonction sont en phase de parachèvement. Le mandat de cette unité est un atout pour les Nations Unies au Libéria et devrait permettre à celles-ci d'insister sur la nécessité d'accorder une place toute particulière au thème des droits de l'homme dans le programme gouvernemental de restauration de la paix. L'éventuel rôle de coordination de ce bureau devrait encore faire l'objet d'éclaircissements. Étant donné la volonté de l'H.A.C.O. et de l'U.N.O.M.I.L. d'assumer un rôle de coordination pour les Nations Unies au Libéria, on ne sait pas clairement quelle agence charger de la coordination générale, ni pourquoi la présence de deux organes de supervisions se justifierait dans un pays de cette taille.


Le Programme des Nations Unies pour le Développement (P.N.U.D.) et le U.N.H.C.R prendront progressivement le pas sur l'U.N.O.M.I.L. (36) Le P.N.U.D. a déjà commencé à présenter des programmes pour différentes régions concernées par la réinsertion des populations déplacées et le système de gouvernement (voir chapitre sur les populations déplacées). Le P.N.U.D. jouit d'un mandat largement défini visant à promouvoir un développement durable. Son travail a été considérablement limité aux situations non-urgentes dans lesquelles il collabore étroitement avec le gouvernement pour la mise en oeuvre de programmes de développement. Par tradition, le P.N.U.D. n'a jamais considéré que le travail sur les droits de l'homme relevait de ses prérogatives, que ce soit en termes de supervision ou de dénonciation. Il n'a, par ailleurs, pris aucune initiative claire pour que le thème des droits de l'homme soit repris dans ses programmes. (37)


Dans un contexte comme celui du Libéria, après sept années de conflit armé et de violations massives des droits de l'homme, le P.N.U.D. devra s'efforcer d'étendre les compétences qui lui sont traditionnellement imparties et relever les défis opérationnels posés par la situation. Si le P.N.U.D. ne donne pas une place importante aux droits de l'homme dans ses programmes, les efforts de l'O.N.U. ne permettront peut-être pas de contribuer à un processus de reconstruction durable. Adama Guindo, représentant du P.N.U.D. dans le pays, s'est engagé à trouver des moyens de soutenir des projets ayant des retombées en matière de droits de l'homme. Human Rights Watch/Afrique espère que le P.N.U.D. définira rapidement les initiatives à prendre pour atteindre ce but.


E.C.O.M.O.G.

Depuis le début des combats au Libéria, la l'E.C.O.M.O.G., a toujours été présente. Exemple clair d'initiatives régionales à certaines occasions il a parfois largement attisé la violence et perpétré des actes illégaux. Lorsqu'un nouveau gouvernement entrera en fonction, l'E.C.O.M.O.G. se retirera progressivement et ne jouira plus de son monopole de facto de la violence.


Une des dernières tâches que l'E.C.O.M.O.G. devrait assumer est la formation des nouvelles forces militaires et de police. En vertu des accords de paix, la C.E.D.E.A.O. participera à la restructuration des forces de sécurité. Lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de la C.E.D.E.A.O., les 26 et 27 octobre derniers, la présence de l'E.C.O.M.O.G. a été prolongée afin de permettre aux forces de maintien de la paix régionales "d'aider à consolider et renforcer la sécurité dans le pays et de participer à la restructuration et à la formation des Forces armées du Libéria ainsi que des services de police et de sécurité." (38)


Il s'agit là d'un thème de préoccupation majeure, de par les antécédents de l'E.C.O.M.O.G. au Libéria. Rappelons que l'E.C.O.M.O.G a été accusée d'avoir commis des pillages et armé certaines factions. (39) Malgré le fait que la nomination du Général Victor Malu au poste de Commandant des forces E.C.O.M.O.G. ait permis d'améliorer considérablement le niveau de professionnalisme, des rapports sur les exactions commises par les troupes de l'E.C.O.M.O.G. continuent à arriver. Ils dénoncent les arrestations et détentions arbitraires de civils aussi bien que d'anciens combattants par l'E.C.O.M.O.G., qui jouait également le rôle d'autorité civile dans le pays. Les opérations de ratissage et de recherche durant le processus de démobilisation ont soulevé beaucoup de questions suite aux graves violations des droits de l'homme dont il a été fait état. L'E.C.O.M.O.G. arrête et emprisonne sans autre forme de procès, bat et torture les personnes emprisonnées jusqu'à ce que, parfois, mort s'ensuive. Au moins deux personnes soupçonnées de dissimuler des armes sont mortes suite à de telles violences. L'E.C.O.M.O.G. est également prompt à arrêter des civils malgré le fait qu'il est supposé livrer les suspects au Ministère de la justice qui les inculpera. La présence écrasante de militaires nigérians aux seins des troupes E.C.O.M.O.G. est également fort inquiétante car le gouvernement militaire actuellement au pouvoir au Nigeria s'est rendu coupable de violations flagrantes des droits de l'homme sur son territoire. Il est donc difficile de croire en la capacité de cette armée nationale d'enseigner convenablement aux militaires d'un autre pays à respecter la règle de droit. (40)


L'Union Européenne et les États membres

Pendant toute la phase de transition, l'Union Européenne (U.E.) a continué à fournir de l'aide au Libéria, par l'intermédiaire du Bureau de Coordination de l'Aide de la Commission Européenne. L'U.E. a accordé une attention toute particulière aux besoins humanitaires immédiats des populations autochtones et prévoit également de concentrer ses efforts sur le processus de reconstruction d'après-guerre. Elle s'est plus particulièrement investie dans la relance des installations publiques, l'assistance à la formation des anciens combattants, le soutien au rapatriement des réfugiés et a collaboré au processus électoral. L'U.E. prévoit d'octroyer une aide à l'effort de reconstruction du Libéria. Les activités futures incluent l'assistance au développement d'une société civile saine, la construction d'écoles et les projets gouvernementaux. Au cours des sept dernières années, elle a renouvelé ses subsides au Libéria. Des fonds importants sont donc disponibles. Le maintien de l'aide devrait néanmoins être conditionné par le respect des droits de l'homme. Le bureau de l'U.E. à Monrovia a fait savoir à Human Rights Watch/Afrique qu'elle allait veiller à ce que le gouvernement Libérien soit un gouvernement responsable, respectueux des droits de l'homme. Il s'agit là d'une condition d'octroi des subsides prévus. Par ailleurs, elle met l'accent sur la dimension d'autonomisation de tous les programmes qu'elle subventionne, y compris ceux qui visent à l'établissement d'une société civile forte. Cependant, la conception d'un mécanisme de supervision efficace reste un défi pour sa politique puisqu'en l'absence d'un système adéquat de supervision et de dénonciation sur l'attitude du gouvernement face aux droits de l'homme, l'U.E. ne peut mener à bien cette politique. Les Nations Unies et les organisations locales des droits de l'homme ont également un rôle certain à jouer dans ce domaine.


Les États-Unis

Les États-Unis sont restés très actifs au Libéria en octroyant près de 100 millions de $ U.S. d'aide en 1997. Sur cette somme, quelques 30 millions ont été versés à l'E.C.O.M.O.G., 30 à 50 millions de dollars ont été investis dans l'aide humanitaire et neuf millions ont été consacrés aux élections. Cela ne reflète pas la participation des États Unis aux activités de l'O.N.U. au Libéria. Les U.S.A., et, plus spécifiquement, le Programme d'Assistance à la Formation dans le Domaine des Enquêtes Pénales Internationales (International Criminal Investigation Training Assistance Program, ICITAP), ont contribué à la formation de cinq cents policiers pour les élections du 19 juillet et se sont engagés à continuer à participer à la reconstruction de la Police Nationale et du système juridique par le biais d'ICITAP. Une aide peut être accordée pour la reconstruction de l'armée à condition que le gouvernement la réduise à une sorte de corps de patrouille des frontières de plus ou moins cinq mille hommes. Après la nomination, en septembre 1997, de Joe Tate comme préfet de police, les U.S.A. ont suspendu leur programme de formation de la police en arguant de questions de droits de l'homme (voir chapitre sur la Police).


Par le biais de l'Agence américaine pour le Développement International (USAID), les U.S.A. ont élaboré un plan de participation au re-développement du Libéria, soumis à certaines conditions. Le plan appelle le gouvernement libérien à respecter les droits de l'homme et définit d'autres dispositions. Les membres du Département d'Etat se sont plus spécifiquement référés à la liberté de presse, la liberté d'association, le respect des réunions de l'opposition et à la transparence du système judiciaire. Les U.S.A. tenteront également d'obtenir l'insertion dans les programmes scolaires d'une éducation aux droits de l'homme. Le Département d'Etat souligne la nécessité de soutenir les organisations non-gouvernementales locales et s'est engagé à les aider à se développer.


Bien que les U.S.A. s'en soient remis à des initiatives régionales pour le règlement du conflit libérien, ils devraient activement soutenir le processus de reconstruction de la société libérienne de par le rôle qu'ils ont joué dans ce pays. De plus, dans le passé, les U.S.A. ont minimisé la place des droits de l'homme dans leur politique à l'égard du Libéria. Il est important que la poursuite de l'aide américaine soit liée au respect des droits de l'homme pendant la période de reconstruction.



VIII. REMERCIEMENTS


Le présent rapport a été rédigé par Binaifer Nowrojee, Conseiller auprès de Human Rights Watch/Afrique. Le chapitre concernant les réfugiés a été réalisé en collaboration avec Alison Parker, Consultante auprès de Human Rights Watch/Afrique. Les chapitres sur l'armée, la démobilisation des soldats et sur le rôle de la communauté internationale ont été rédigé en coopération avec Kokayi Issa, ancien ??Leonard H. Sandler Fellow??. La rédaction du rapport a été dirigée par Peter Takirambudde, Directeur de Human Rights Watch/Afrique et Wilder Tayler, Conseiller général. Certains chapitres ont été dirigés par Joanna Weschler, Représentante de l'O.N.U. auprès de Human Rights Watch ; Lotte Leicht, Directrice du Bureau de Bruxelles ; Regan Ralph, directeur à Washington du Projets Droits de Human Rights Watch/Afrique et Lois Whitman, Directeur Général du Projet Droits de l'Enfant, Human Rights Watch. La contribution de notre associée Ariana Pearlroth à la production fut inappréciable.


Human Rights Watch/Afrique

Human Rights Watch se consacre à la protection des droits de l'homme dans le monde entier.


Nous luttons aux côtés des victimes et des militants pour que les contrevenants soient traduits en justice, pour empêcher les discriminations, faire respecter la liberté politique et protéger les populations contre les actes inhumains perpétrés en temps de guerre.


Nous enquêtons sur les violations des droits de l'homme, nous les dénonçons et exigeons que les responsables répondent de leurs exactions.


Nous sommons les gouvernements et personnes au pouvoir de mettre fin à leurs pratiques abusives et de respecter le droit humanitaire international.


Nous invitons le public et la communauté internationale à soutenir la cause des droits de l'homme pour tous.


Le personnel: Kenneth Roth, Directeur général; Susan Osnos, Directrice associée; Michele Alexander, Directrice au développement; Cynthia Brown, Directrice de projet; Barbara Guglielmo, Directrice administrative et financièr; Patrick Minges, Directeur de publication; Jeri Laber, Conseiller extraordinair; Lotte Leicht, Directrice du Bureau de Bruxelles; Susan Osnos, Responsable des communication; Jemera Rone, Conseillère; Wilder Tayler, Conseiller général; Joanna Weschler, Représentante des Nations Unies. Robert L. Berntein est Président du Conseil et Adrian W. DeWind vice-Président.


La division Afrique a été créée en 1988 dans le but de superviser et promouvoir le respect des droits de l'homme reconnus au niveau international, en Afrique sub-saharienne. Peter Takirambudde en est le Directeur général; Janet Fleischman est Directrice à Washington, Suliman Ali Baldo est premier Chercheur; Alex Vines est Assistant de recherch ; Bronwen Manby et Binaifer Nowrojee sont Conseillers; Ariana Pearlroth et Juliet Wilson sont Associées; Alison DesForges est Consultante et Peter Bouckaert est Orville Schell Fellow. William Carmichael est Président du comité de consultation.


Adresse du site internet: http://www.hrw.org 

Adresse Listserv : pour souscrire à la liste, envoyez un message électronique à majordomo@igc.apc.org avec la mention « subscribe hrw-news » dans le corps du message (ne pas remplir la case 'sujet').

1. Les principales factions en guerre étaient le Front National Patriotique du Libéria (National Patriotic Front of Liberia, N.P.F.L.) conduit par Charles Taylor, les Forces Armées du Libéria (Armed Forces of Liberia, A.F.L.) de l'ancien gouvernement; deux factions rivales du Mouvement de Libération Uni pour la Démocratie (United Liberation Movement for Democracy in Liberia, U.L.I.M.O.), l'une menée par Al-Haji Kromah défendant les intérêts ethniques Mandingo et l'autre dirigée par Roosevelt Johnson représentant les intérêts ethniques Krahn; et le Conseil Libérien pour la Paix (Liberia Peace Council, L.P.C.) sous les ordres de George Boley.

2. Le Président Doe prit le pouvoir en 1980, après un coup d'Etat militaire sanglant organisé par l'A.F.L. Cette action mit fin à plus d'un siècle de domination des Américains-Libériens, les descendants des esclaves "américains" affranchis qui émigrèrent au Libéria au 19ème siècle. Le gouvernement Doe était connu pour son total manque de respect des lois et sa brutalité. Le Président Doe fit tout ce qui était en son pouvoir pour limiter systématiquement l'indépendance des pouvoirs législatif et judiciaire, étendre les pouvoirs de l'armée et, ainsi, favoriser les membres de son ethnie, la minorité Krahn. Entre 1980 et 1985, les Etats-Unis allouèrent au pays près d'un demi-milliard de dollars à titre d'aide et d'assistance militaire. Sans ce soutien inconditionnel, le Président Doe n'aurait sans doute pas été capable de rester au pouvoir aussi longtemps. Cfr Lawyers Committee for Human Rights, Liberia: A Promise Betrayed, (New York, 1986).

3. Cfr Africa Watch (aujourd'hui Human Rights Watch/Afrique), "Liberia: A Human Rights Disaster: Violations of the Laws of War by All Parties to the Conflict," News from Africa Watch, Octobre 1990. Cfr Human Rights Watch/Afrique et le Children's Rights Project, Easy Prey: Child Soldiers in Liberia (Human Rights Watch, New York: Septembre 1994); Human Rights Watch/Africa, "Liberia: Human Rights Abuses by the Liberian Peace Council and the Need for International Oversight," News from Africa Watch, vol. 6, n3, Mai 1994; Africa Watch (aujourd'hui Human Rights Watch/Afrique), "Liberia: The Cycle of Abuse: Human Rights Violations Since the November Cease-Fire," News from Africa Watch, vol. 3, n13, Octobre 1991.

4. Secrétaire Général de l'O.N.U., "Twenty-Second Progress Report of the Secretary-General on the United Nations Observer Mission in Liberia," U.N. Doc. S/1997/237, 19 mars 1997, para. 13.

5. Secrétaire Général de l'O.N.U., "Final Report of the Secretary-General on the United Nations Observer Mission in Liberia," U.N. Doc. S/1997/712, 12 septembre 1997, para. 8.

6. Conformément à la Loi spéciale sur les élections, chaque parti devait atteindre un seuil minimum avant de pouvoir être élu à un siège législatif. Ce seuil était de 3,84% des votes pour un siège au Sénat et de 1,56% des votes pour un siège à la Chambre des Représentants. Par conséquent, plusieurs parties n'ont pas réussi à obtenir le moindre siège législatif.

7. Une étude interagence du mois de juin 1997 fournit les données approximatives suivantes en ce qui concerne le nombre attendu de personnes qui retourneront chez elles :


Comté Déplacés devant rentrer Réfugiés rentrer Total

Bomi 40 000 3 000 43 000

Bong 17 000 45 000 62 000

Cape Mount 20 000 3 000 23 000

Grand Bassa 3 000 5 000 8 000

Grand Gedeh 0 60 000 60 000

Grand Kru 5 000 5 000 10 000

Lofa 30 000 125 000 155 000

Margibi 0 20 000 20 000

Maryland 5 000 60 000 65 000

Montserrado 0 60 000 60 000

Nimba 6 000 135 000 141 000

Rivercess 10 000 2 000 12 000

Sinoe 15 000 2 000 17 000


Réunion du groupe populations interagence. "Estimation des populations libériennes par comté et par groupe". Le 2 juin 1997 (pour discussion seulement).

8. Aux termes de la convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut du réfugié, un réfugié est une personne qui "craint avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou des ses opinions politiques, se trouve en dehors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays". La convention de L'Organisation de l'unité africaine (O.U.A.) de 1969 réglant les aspects spécifiques des problèmes des réfugiés en Afrique a élargi cette définition pour inclure tous ceux qui ont été forcés de quitter leur pays d'origine en raison d'une agression extérieure, d'une occupation, d'une domination étrangère ou d'événements troublant sérieusement l'ordre public.

9. Human Rights Watch/Afrique, Entretien Danane, le 16 juillet 1997.

10. U.N.H.C.R, "Plan d'opération : Rapatriement et réinsertion des réfugiés libériens", Genève, Mai 1997.

11. Le poids du fardeau que supportent les États de la région qui accueillent des réfugiés est devenu manifeste en avril et mai 1996, alors que des milliers de Libériens tentaient de fuir le pays en bateau. L'un des navires, le Bulk Challenge, transportait quelque 2 000 Libériens. Les gouvernements de Sierra Leone, de Côte d'Ivoire, du Nigéria et du Ghana ont refusé au bateau le droit d'accoster, abandonnant les réfugiés à la haute mer et cherchant à se prévaloir du droit international pour se soustraire à leurs obligations. Les réfugiés du Bulk Challenge furent finalement admis sur le territoire ghanéen par le gouvernement du pays.

12. Center for Law and Human Rights Education, "The situation of Liberian Refugees in Ghana, Ivory Coast and Guinea", Monrovia, le 18 octobre 1996.

13. Bien qu'il n'existe pas une définition internationale unique des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, une définition opérationnelle a été élaborée par le Secrétaire générale des Nations Unies en 1992: "les personnes qui ont été contraintes de quitter leurs habitations de manière soudaine ou inattendue en grand nombre, à la suite de conflits armés, de conflits internes, de violations systématiques des droits de l'homme ou de désastres naturels ou causés par l'homme et qui se trouvent à l'intérieur du territoire de leur propre pays". Secrétaire général des Nations Unies, "rapport analytique du Secrétaire général sur les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays", UN Doc. E/CN.4/1992/23, 1992. Cette définition est actuellement retravaillée, après avoir été critiquée pour être trop large et trop étroite.

14. Il s'agit notamment des camps de Bailly's town, Banjor beach, Bensonville, Dixville, Fumba compound, Harrisberg, James town, Kamara town, Kemoh town, Kperkoror, Lenduama town (Voice of America I), Masaquoi town, Memeh town, le bâtiment du Minstère de la santé qui n'est pas terminé, Minty Allison, le centre de formation professionnelle de Monrovia, Moulton Corner, Parker Corner, Pasamol center, Perry town, Plum Core, Rick's Institute, Samukai town, Seigbeh, les anciennes 72e casernes de l'armée, l'ancien complexe de Voice of America, Vonzon et Zwana town.

15. Entretien de Human Rights Watch/Afrique, Ganta, le 24 juillet 1997.

16. République du Libéria, "An Act to Make Provisions for Refugees and to Establish the Liberia Refugee, Repatriation and Resettlement Commission", approuvée le 1er novembre 1993, publiée le 19 janvier 1994, Section 5.

17. En juillet 1997, l'Assemblée Legislative du Gouvernemet National de Transition du Libéria adopta la "Loi établissant une Commission Nationale sur le Rapatriement et la Réinsertion", afin d'assigner a un organe gouvernemental la responsabilité de rapatrier et de réinsérer les déplacés internes et externes. LRRRC, "Dispositions de la Loi Libérienne relative aux Réfugiés et Rôle de la Commission Libérienne sur le Rapatriement et la Réinsertion des Réfugiés", "The Provisions of the Liberian Refugee Act and the Role of the Liberia Refugee Repatriation and Resettlement Commission," (non-daté).

18. Ce chaptire se base en partie sur les informations figurant dans le document du Comité des juristes sur les droits de l'homme. "Première étape : reconstruire le système judiciaire au Libéria", New York, décembre 1991.

19. Document non daté fourni par la Police nationale libérienne, Monrovia, juillet 1997.

20. Entretien de Human Rights Watch/Afrique avec le Gén. J. Hezekiah Bowen, ancien ministre de la défense, Monrovia, le 21 juillet 1997; Augustine Otavius, "E.C.O.M.O.G. Gives Reasons on BTC Issue", Monrovia Daily News, le 1er mai 1997.

21. A John Kollie, "Isaac Musa Storms Defense", The Inquirer (Monrovia), le 31 juillet 1997; "There Will Be No Witch Hunting", Daily Times (Monrovia, le 28 juillet 1997; texte du discours d'investiture du Président Charles Taylor, Liberia Communication Network radio, le 2 août 1997; "President Taylor Negotiates Extension of E.C.O.M.O.G. Mandate", BBC Summary of World Broadcasts, le 2 septembre 1997, source : Liberia Communication Network radio, le 30 août 1997.

22. Interview Human Rights Watch/Afrique, Monrovia, 16 juillet 1997.

23. Interview Human Rights Watch/Afrique, Monrovia, 14 juillet 1997.

24. Interview Human Rights Watch/Afrique, Monrovia, 14 juillet 1997.

25. Interview Human Rights Watch/Afrique, Monrovia, 23 juillet 1997.

26. Secrétaire général de l'O.N.U., "Twenty-second Progress Report of the U.N. Secretary General on the United Nations Observer Mission in Liberia" Doc. N.U. S/1997/237, 19 mars 1997, para. 13.

27. Une des découvertes les plus conséquentes a été faite le 7 mars 1996, date à laquelle les troupes E.C.O.M.O.G. ont fouillé les résidences d'anciens chefs de faction et Alhaji Kromah a été arrêté suite à la mise à jour de trois chargements d'armes et de munitions dans sa propriété de Monrovia. Le "Twenty-second Progress Report of the U.N. Secretary General on the United Nations Observer Mission in Liberia" Doc. N.U. S/1997/237, 19 mars 1997. Pas plus tard que le premier juillet, l'annonce a été faite que E.C.O.M.O.G. avait découvert 159 fusils d'assaut et des munitions dans la région de Bong. Le texte "West African Peacekeeping Forces Recover Hidden Arms and Ammunition" du rapport de la Liberia Communications Network radio du 1er juillet 1997; une source confirme également que des armes ont été transportées par les factions de l'autre côté de la frontière, vers des petites villes et villages des pays voisins. Interview Human Rights Watch/Afrique, Monrovia, 14 juillet 1997.

28. Interview Human Rights Watch/Afrique, Kakata, 24 juillet 1997.

29. A Zwedru, seuls 284 combattants ont été désarmés et à la tête de la nouvelle autorité civile on trouve une commissaire et son adjoint, respectivement anciens commandant de guerre et chef d'état-major du L.P.C. Refuge Policy Group, Participation of Refugees and Internally Displaced Persons in the Liberian Elections (Washington, D.C.: 1987); Commission Justice et Paix, «Briefing Paper, April-May 1997,» Monrovia.

30. Interview Human Rights Watch/Afrique, camp KRTTI pour les personnes déplacées, Kakata, 24 juillet 1997.

31. Interview Human Rights Watch/Afrique, Kakata, 24 juillet 1997.

32. Interview Human Rights Watch./Afrique, Monrovia, 13 juillet 1997.

33. Interview Human Rights Watch/Afrique, Peter Tingwa, Directeur, Bureau de l'O.N.U. pour la Coordination de l'Aide Humanitaire (H.A.C.O.), Monrovia, 21 juillet 1997.

34. Secrétaire général de l'O.N.U., "Twenty-First Progress Report of the Secretary-General on the United Nations Observer Mission in Liberia," Doc.N.U. S/1997/90, 29 janvier 1997, para. 25-30.

35. Secrétaire général de l'O.N.U., "Twenty-Second Progress Report of the Secretary-General on the United Nations Observer Mission in Liberia," Doc. N.U. S/1997/237, 19 mars 1997, para.37.

36. Pour une évaluation du rôle du U.N.H.C.R, voir ci-dessus chapitre sur les Réfugiés et les efforts menés par le U.N.H.C.R.

37. Voir Human Rights Watch/Afrique, Failing the Internally Displaced: The UNDP Displaced Persons Program in Kenya (New York : Human Rights Watch, Juin 1997).

38. "Final Report of the Secretary-General on the United Nations Observer Mission in Liberia," Doc.N.U. S/1997/712, 12 septembre 1997.

39. Voir Human Rights Watch/Afrique (maintenant Human Rights Watch/Afrique), "Wagin War to Keep the Peace: The E.C.O.M.O.G. Intervention and Human Rights," News from Africa Watch, vol. 5, n 6, juin 1993; Human Rights Watch/Afrique, "Liberia: Human Rights Abuses by the Liberian Peace Council and the Need for International Oversight," News from Africa Watch, vol. 6, n 3, mai 1994; Binaifer Nowrojee, "Joining Forces: United Nations and Regional Peacekeeping--Lessons From Liberia," Harvard Human Rights Journal, vol. 8, printemps 1995.

40. Voir Human Rights Watch/Afrique, "Permanent Transition : Current Violations of Human Rights in Nigeria," A Human Rights Watch/Africa Short Report, vol. 8, n 3, septembre 1996.