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Angola : les failles du processus de réinstallation
(Luanda, 15 août 2003) Le gouvernement angolais et les Nations Unies n'ont pas su garantir le retour volontaire et en toute sécurité de millions d'Angolais dans leurs foyers, estime Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié aujourd'hui.


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En français :
Angola : davantage de protection nécessaire pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays

Communiqué de presse, 3 juillet 2003
En anglais :
HRW Documents on Angola

"La fin du conflit en Angola est une bénédiction pour des millions d'Angolais qui peuvent désormais rentrer chez eux. Mais si des mesures d'urgence ne sont pas prises pour mettre un terme à ces abus, c'est la paix qui en pâtira."

Peter Takirambudde, directeur exécutif de la division Afrique de Human Rights Watch


 
Le rapport de 29 pages, "Struggling Through Peace: Return and Resettlement in Angola", témoigne de plusieurs incidents lors desquels les autorités gouvernementales ont eu recours à la violence ou à la menace de la violence pour forcer les gens hors des camps où ils vivaient parfois depuis plusieurs années. Le rapport de Human Rights Watch fait également état de son inquiétude sur plusieurs cas rapportés de viols ou autres formes de violence sexuelle contre des femmes déplacées ou des réfugiées de retour.

"La fin du conflit en Angola est une bénédiction pour des millions d'Angolais qui peuvent désormais rentrer chez eux", a déclaré Peter Takirambudde, Directeur Exécutif de la Division Afrique de Human Rights Watch. "Mais si des mesures d'urgence ne sont pas prises pour mettre un terme à ces abus, c'est la paix qui en pâtira."

Des centaines de réfugiés angolais sont spontanément rentrés chez eux depuis le cessez-le-feu en avril 2002, mais des millions de déplacés, réfugiés et anciens combattants sont toujours en exil, dans des camps de transit ou de réinstallation temporaires en Angola.

Au lieu de porter une attention particulière aux enfants, femmes et groupes vulnérables, le gouvernement angolais a privilégié la réinstallation des anciens combattants. Le gouvernement a également manqué de fournir des documents d'identité aux personnes concernées qui les auraient aidé à accéder à l'aide humanitaire, elle-même, de toutes façons, inadéquate.

"L"Angola est un Etat pétrolier riche ayant les moyens d'aider ses citoyens", a souligné Takirambudde. "Il n'y a aucune excuse qui justifie leurs souffrances".

Le droit angolais à intégré les normes internationales de protection des personnes déplacées mais le gouvernement ne les a pas respectées dans la pratique, accuse également Human Rights Watch.

Les mines terrestres ont tué et mutilé des centaines de gens qui essayaient de regagner leurs foyers, a ajouté Human Rights Watch.

"Les agences humanitaires des Nations Unies n'ont pas su non plus prendre des mesures efficaces pour assurer la protection des Angolais contre les violations de leurs droits humains. Human Rights Watch a pressé le Haut Commissariat de l'ONU aux réfugiés (UNHCR) et la Commission des droits de l'homme de l'ONU en Angola d'accroître leurs contacts avec les groupes vulnérables que le gouvernement angolais a négligé dans ses programmes de réinstallation. Human Rights Watch a aussi appelé la communauté des donateurs à financer en totalité l'appel inter-agences des Nations Unies pour l'Angola.

Le rapport de Human Rights Watch appelle le gouvernement angolais et les agences internationales à garantir des conditions équitables dans les régions que les déplacés, les réfugiés et les anciens combattants sont appelés à regagner et à accorder une attention particulière aux besoins des femmes, des enfants et autres groupes vulnérables. Surtout, le gouvernement angolais doit respecter le droit international et national qui stipule que le retour des déplacés et leur réinstallation doit se faire sur une base volontaire.

Un fait établi: les retours forcés

Human Rights Watch a découvert que les autorités locales avaient obligé des déplacés angolais à regagner leurs régions d'origine par la violence ou la menace de violence. De tels faits se sont notamment produits dans le centre de transit de Cambabe II, dans la province de Bengo. L'administration locale et les forces de police sont entrées dans le camp en septembre et octobre 2002 et ont incendié les habitations des déplacés angolais ainsi que cinq hectares de cultures. Leurs maisons et leurs cultures détruites, les déplacés n'avaient nulle part ailleurs où aller à part regagner leurs régions d'origine où rien n'était prêt pour les accueillir. La plupart ont fui immédiatement sans même prendre le temps de regrouper leurs animaux ou leurs biens ayant survécu au feu.

Un agent humanitaire angolais, présent à Cambabe II, a assisté à l'incendie des habitations des déplacés et a déclaré à Human Rights Watch:

Ils ont été forcés de quitter la région parce que le gouvernement voulait récupérer ces terres pour ses propres projets agricoles. Les (déplacés) ont perdu cinq hectares de cultures, des patates douces et du manioc. Brûler les maisons faisait partie de la politique du gouvernement.

Ailleurs, le gouvernement a menacé de suspendre toute assistance aux personnes dans des camps où elles avaient vécu pendant des années. Un autre agent humanitaire a raconté:

L'administration locale a décidé que les camps (de Bengo II) devaient être vidés. Ils nous ont dit que le processus de retour était officiellement engagé et que les gens devaient regagner leurs régions d'origine. Cependant, ils n'ont fourni ni les moyens de transport ni aucune forme d'aide et ont menacé de suspendre l'assistance qu'ils leur apportaient. Ensuite, en juin 2002, la situation est devenue difficile quand les distributions du PAM ont été temporairement suspendues à Bengo et Feira (centres de transit).

Marlene V., 28 ans, a déclaré à Human Rights Watch que les autorités locales avaient donné ordre à sa famille de quitter Bengo II et d'aller à Sanza Pombo (leur région d'origine), même s'ils voulaient rester à Bengo II. Voici son récit:

Je n'ai personne là bas. Ma mère et mon père sont décédés et mes enfants vont à l'école ici (à Negage). A Sanza Pombo, il n'y a ni centre de soin ni autres servicse. Mon mari y est allé et me l'a dit.

A Bengo II, il y avait environ douze familles de Sanza Pombo qui ne voulaient pas rentrer. Jorge S., 33 ans a expliqué à Human Rights Watch pourquoi elles voulaient rester:

Nous sommes ici depuis septembre 1999. Ici, nous avons une maison et une terre à travailler. "Rentrer" signifie aller quelque part où même les routes ne vont pas. Dans d'autres cas, les déplacés ont été empêchés de se rendre là où ils voulaient aller, notamment à Luanda, la capitale. Helena S., 29 ans, une déplacée interrogée par Human Rights Watch à Uíge, où elle vivait depuis des années, nous a raconté que les autorités locales l'avaient empêchée d'aller à Luanda où vivaient cinq de ses enfants et d'autres membres de sa famille. Elle a déclaré à un chercheur de Human Rights Watch:

Je n'ai pas vu ma mère depuis sept ans. Nous avons été séparées pendant la guerre. Je suis de Mbanza Kongo. Ici (à Negage) je n'ai pas de terre. Je n'ai rien. J'ai cinq enfants à Luanda et deux ici avec moi. Je voulais aller à Luanda où j'ai de la famille mais ils m'ont dit d'attendre. J'ai attendu dix mois. Je ne fais qu'attendre depuis que la paix a été finalement déclarée.