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Human Rights Watch rend hommage à l'une des victimes de Hissène Habré
Souleymane Guengueng est récompensé pour sa lutte contre l'impunité
(New York, 12 novembre 2002) Le 13 novembre, l'organisation américaine de défense des droits humains Human Rights Watch décernera sa plus haute distinction à Souleymane Guengueng, un activiste tchadien, qui s'est engagé dans la lutte pour que l'ancien dictateur du Tchad, Hissène Habré, soit enfin jugé. Le travail de Souleymane Guengueng s'inscrit définitivement dans le combat contre l'impunité en Afrique.


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" Souleymane Guengueng aura consacré sa vie pour que justice soit rendue tant aux victimes de Habré qu'à toutes celles d'atrocités commises de par le monde. Son action exceptionnelle a créé un précédent, non seulement pour le Tchad et l'Afrique mais aussi pour le reste du monde ".

Reed Brody, directeur adjoint de Human Rights Watch


 
Avec d'autres victimes de la dictature de Hissène Habré, Guengueng a fondé, en 1991, au Tchad, l'Association des Victimes des Crimes et Répressions Politiques (AVCRP) et a travaillé sans relâche à mettre en évidence et faire connaître au monde les crimes du régime Habré (1982-1990). Hissène Habré qui vit en exil au Sénégal depuis sa chute en 1990, a été inculpé, en février 2000, par un juge d'instruction du tribunal de Dakar, de complicité de crimes contre l'humanité, après que Guengueng, l'AVCRP et d'autre victimes, aidés par une coalition d'organisations nationales et internationales, eurent porté plainte contre l'ex-dictateur. Après la décision d'incompétence des juridictions sénégalaises, les victimes ont précisé qu'elles chercheraient à obtenir l'extradition de Habré du Sénégal vers la Belgique, puisque la loi belge le permet.

" Souleymane Guengueng aura consacré sa vie pour que justice soit rendue tant aux victimes de Habré qu'à toutes celles d'atrocités commises de par le monde " a déclaré Reed Brody, directeur adjoint de Human Rights Watch. " Son action exceptionnelle a créé un précédent, non seulement pour le Tchad et l'Afrique mais aussi pour le reste du monde ".

Guengueng a été arrêté le 3 août 1988, accusé faussement d'opposition au régime de Habré et emprisonné. Après plusieurs mois de traitement inhumain dans les prisons de Habré, son état de santé s'est fortement dégradé au point de perdre connaissance et d'être laissé pour mort par ses co-détenus. Pendant ses deux années de détention, Guengueng a vu des gens torturés et des centaines mourirurir lentement dans d'atroces souffrances, de maladie ou affaiblis par le manque de nourriture.

Dans les mois qui ont suivi sa libération le 1er décembre 1990, à la suite de l'effondrement du régime d'Hissène Habré, Guengueng et l'AVCRP ont réuni 792 témoignages de victimes, de veuves et d'orphelins, dans l'espoir de les utiliser lors d'éventuelles poursuites pénales. Ces témoignages essentiels furent utilisés tant au Sénégal qu'en Belgique.

" C'est un grand jour pour les victimes de la dictature Habré " a déclaré Ismaël Hachim Abdallah, président de l'AVCRP. " C'est la reconnaissance de la lutte difficile que nous menons depuis plus de dix ans pour que justice nous soit rendue. Je félicite sincèrement Souleymane Guengueng pour ce prix. "

Cependant, les victimes prennent de sérieux risques dans leur quête de justice. L'avocate tchadienne de Guengueng et des victimes du régime Habré, Maître Jacqueline Moudeïna, a été l'objet d'une agression à la grenade au mois de juin 2001 et sévèrement blessé. Guengueng fut lui-même suspendu de son travail avec retenue sur son salaire en raison de ses activités au sein de l'AVCRP et accusé de s'engager dans des activités politiques incompatibles avec son emploi de fonctionnaire. A plusieurs reprises, à pied ou en voiture, il a été suivi par des hommes en uniforme.

" Cette récompense démonstre avec éclat que la lutte de la société civile tchadienne pour en finir définitivement avec les années Habré est connue et respectée dans le monde entier " a estimé Dobian Assingar, président de la LTDH, la Ligue Tchadienne des Droits de l'Homme. " C'est un avertissement lancé à tous ceux qui nous menacent et qui veulent empêcher que ce procès ait lieu. Ils auront des comptes à rendre devant la communauté internationale ".

Comme l'a écrit le New York Times dans son émouvant portrait de Guengueng et de son travail, " sur un continent où les gens sont régulièrement torturés, tués et oubliés sans autre forme de procès, Monsieur Guengueng a fait quelque chose d'extraordinaire: il ne s'est pas laissé faire et a contre-attaqué ". Le journal français Libération a également expliqué qu'" un étonnant bras de fer oppose ainsi un modeste fonctionnaire de N'Djamena à l'ex-dictateur qui ensanglanta son pays" et a salué " l'acharnement de cet humble comptable de formation, chaussé d'énormes loupes, héritage des années passées dans un cachot obscur (qui) a poursuivi Habré jusque dans son refuge du Sénégal".

Human Rights Watch honneuroreore chaque année pour leur travail courageux dans la défense des droits humains, des activistes qui viennent du monde entier. Cette année, outre Guengueng, Human Rights Watch a remis son prix à Meena Seshu qui s'est engagée courageusement en Inde, son pays d'origine, à aider les victimes du SIDA et également à Sanar Yurdatapan, un journaliste turc, emprisonné à plusieurs reprises et qui défend la liberté d'expression en Turquie.

Historique

Hissène Habré a dirigé l'ancienne colonie française du Tchad de 1982 à 1990 jusqu'à son renversement par l'actuel président Idriss Déby et sa fuite vers le Sénégal. Son régime de parti unique fut marqué par de graves et constantes violations des droits humains et des libertés individuelles et de vastes campagnes de violence à l'encontre de son propre peuple. Habré a persécuté, par périodes et en procédant à des arrestations collectives et des meurtres en masse, différents groupes ethniques dont il percevait les chefsleaders comme des menaces à son régime, notamment les Sara et d'autres groupes sudistes en 1984, les Hadjaraï en 1987 et les Zaghawa en 1989. Le nombre exacte des victimes de Habré reste à ce jour inconnu. Une Commission d'Enquête du Ministère Tchadien de la Justice, établie par son successeur, a accusé en 1992le gouvernement Habré en 1992 le gouvernement Habré en le gouvernement Habré de 40 000 assassinats politiques et de torture systématique.

Hissène Habré a été inculpé, en février 2000, par un juge d'instruction du tribunal de Dakar au Sénégal, de complicité de crimes contre l'humanité, d'actes de torture et de barbarie et placé en résidence surveillée. Le 20 mars 2001, la Cour de Cassation du Sénégal s'est déclarée incompétente pour juger au Sénégal les crimes perpétrés au Tchad par l'ancien dictateur. Loin de se décourager, les victimes ont déposé des plaintes en Belgique et ellesils ont précisé qu'elles chercheraient à obtenir l'extradition de Habré du Sénégal vers la Belgique. Ces plaintes sont instruites activement depuis lors par Monsieur Daniel Fransen, juge d'instruction près le tribunal de première instance de Bruxelles qui s'est rendu au Tchad du 26 février au 7 mars 2002 dans le cadre d'une commission rogatoire internationale, accompagné d'un procureur et de quatre officiers de police judiciaire. Guengueng et les victimes ont également déposé des plaintes devant le tribunal de N'Djaména au Tchad contre les complices de Hissène Habré, leurs tortionnaires directs.

L'action des victimes de la dictature Habré est soutenue par une coalition qui comprend notamment, outre Human Rights Watch, la Fédération Internationale des Ligues de Droits de l'Homme (FIDH), l'Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits humains (ATPDH) la Ligue Tchadienne des Droits de l'Homme (LTDH), l'Association pour la Promotion des Libertés Fondamentales au Tchad (APLFT), l'Organisation Nationale Sénégalaise des Droits de l'Homme (ONDH), la Rencontre Africaine pour les Droits de l'Homme (RADDHO) au Sénégal, et les organisations françaises Association pour les Victimes de la Répression en Exil (AVRE) et Agir Ensemble pour les droits de l'homme.