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Rapport Mondial 2002 : Soudan FREE    Recevez des Nouvelles 
Soudan : Mettre un terme aux mesures de répression sur la presse
Lettre au Président al-Béchir
Lieutenant Général Omar Hassan al-Béchir
Président de la République du Soudan
Palais du peuple
C.P. 281
Khartoum
Soudan

Votre Excellence,

Human Rights Watch déplore les actes de répression commis récemment contre la liberté de presse au Soudan. Au cours de la dernière semaine, suite au retrait du gouvernement des pourparlers de paix de Nairobi avec les forces rebelles, le Conseil National de la Presse, organe gouvernemental, a confisqué plusieurs journaux pour avoir publié des articles prétendument subversifs. Concomitamment, les forces de sécurité ont détenu, harcelé et interrogé des rédacteurs en chef et des journalistes.

Le matin du 4 septembre, les autorités gouvernementales auraient confisqué l'édition du mercredi des journaux Khartoum Monitor et Al-Horiyah, en réaction à la publication d'articles critiques à l'égard de la décision du gouvernement de se retirer des négociations de paix, subventionnées par la communauté internationale, avec le Mouvement-Armée de libération des peuples du Soudan (SPLM-A). Les forces de sécurité du gouvernement auraient convoqué plusieurs rédacteurs de Al-Horiyah et du Khartoum Monitor pour des interrogatoires, au cours desquels elles les auraient accusés de déloyauté face au gouvernement et à l'unité nationale du Soudan. Selon les rédacteurs, les officiers gouvernementaux ont cité des articles sur le retrait des pourparlers, ainsi qu'une contribution du Monitor sur Abyei, comme constituant les éléments offensants. L'article du Monitor reflétait la volonté des membres de l'ethnie Dinka de voir leur ville, Abyei, incorporée au Sud-Soudan. Le gouvernement avait désigné Abyei comme étant incluse dans la partie Nord du pays, bien qu'il s'agisse historiquement de la ville des Dinka Ngok.

Le jour suivant, les mêmes forces de sécurité auraient confisqué 1800 éditions d'un autre quotidien, Al Sahafa, au motif que celui-ci avait également critiqué le retrait du gouvernement des pourparlers de paix.

Human Rights Watch déplore ces confiscations ainsi que la détention arbitraire de Osman Mergani, journaliste au Al-Ra'i Al-A'am de Khartoum. Le 3 septembre, les forces de sécurité avaient arrêté Mergani peu après son apparition sur la chaîne de télévision internationale Al Jazeera, au cours de laquelle il critiquait la décision du gouvernement soudanais de se retirer des négociations de paix avec le SPLM-A. Mergani a été relâché le 5 septembre, au terme de deux jours de détention et d'interrogatoires.

Le gouvernement du Soudan aurait d'ailleurs restreint la liberté d'expression des journaux susmentionnés à plusieurs reprises au cours des derniers mois. En mars 2002, le gouvernement infligeait une amende de 8 millions de dinars soudanais (l'équivalent de 30.923,85 $US) au rédacteur en chef du Al-Horiyah, Saad Al din Ibrahim, ainsi qu'au caricaturiste du journal, Salah Salim, pour avoir émis des critiques à l'endroit du système de taxation gouvernemental. Puis, en juillet 2002, le gouvernement s'en prenait une fois de plus à la liberté d'expression des deux mêmes publications en confisquant des pages de l'édition du 13 juillet 2002 du Al-Horiyah et en administrant une amende de 500 000 dinars soudanais (1.932,74 $US) à Alfred Taban, rédacteur en chef du Monitor, suite à son article portant sur les violations des droits de l'homme perpétrées contre des Sud-Soudanais de la ville orientale de Kassala.

Les droits de la femme semblent également faire les frais d'une politique répressive. Le 24 août dernier, Le Conseil National de la Presse a suspendu pour une journée la publication d'un autre journal de Khartoum, Al Ayam, après que celui-ci avait publié un article sur la mutilation génitale féminine, apparemment toujours exercée au Soudan bien qu'elle y ait été proscrite. Il semble incompréhensible que cette édition ait pu être saisie, étant donné la position officielle du gouvernement d'opposition à la mutilation génitale féminine. Le 1er septembre 2002, les forces de sécurité mettaient en détention à l'aéroport de Khartoum madame Rehab Abdel Bagi Mohamed Ali, activiste, alors que celle-ci revenait d'un mois de vacances en Érythrée. Le même sort a été réservé à un de ses parents, monsieur Farid Abbas, qui venait ce jour-là la chercher. Leur situation actuelle reste inconnue.

Human Rights Watch s'inquiète de ce que la récente tendance à la multiplication des actes coercitifs - tels que le harcèlement de rédacteurs, la détention de journalistes, l'administration d'amendes, la confiscation de journaux et la détention de femmes activistes - représente une régression significative dans le respect des droits de l'hommedroits humains prescrits par le droit soudanais et international.

Nous vous exhortons, par conséquent, à mettre un terme aux mesures gouvernementales de répression sur la presse et les droits de la femme au Soudan, de même qu'à promouvoir la liberté d'expression et le respect des normes d'un jugement équitable, en concordance avec le contenu de la loi soudanaise et des standards internationaux.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de ma plus haute considération ainsi que de celle de Human Rights Watch.


Peter Takirambudde
Directeur exécutif, division Afrique