(Lagos, 21 juin 2002) L'état d'Ebonyi, dans le sud est du Nigeria ne
devrait pas approuver les activités des groupes d'autodéfense, ont
déclaré aujourd'hui Human Rights Watch et le Centre for Law Enforcement
Education (CLEEN).
Le bilan des actions violentes commises par les Bakassi Boys et leur
complet mépris pour la loi sont bien connus. S'ils ont tué et torturé
en toute impunité dans les états d'Anambra, Abia et Imo, pourquoi se
comporteraient-ils différemment dans l'état d'Ebonyi, en particulier
s'ils y sont bien accueillis par le gouverneur lui-même ?
Carina
Tertsakian, chercheuse sur le Nigéria à Human Rights Watch
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Les groupes de défense des droits humains répondaient ainsi aux récents
récits selon lesquels le gouverneur d'Ebonyi, Sam Egwu, projetait
d'introduire dans son état, le groupe d'autodéfense connu sous le nom de
Bakassi Boys et de signer une loi permettant leur établissement dans cet
état. Les Bakassi Boys sont responsables de nombreuses atteintes aux
droits humains dans les états voisins du sud est du Nigeria où ils
opèrent, notamment de meurtres extrajudiciaires, d'incendies de
bâtiments publics, de mutilations, d'actes de torture et de détentions
illégales.
"Le bilan des actions violentes commises par les Bakassi Boys et leur
complet mépris pour la loi sont bien connus," a affirmé Carina
Tertsakian, chercheuse à Human Rights Watch. "S'ils ont tué et torturé
en toute impunité dans les états d'Anambra, Abia et Imo, pourquoi se
comporteraient-ils différemment dans l'état d'Ebonyi, en particulier
s'ils y sont bien accueillis par le gouverneur lui-même ?"
Ces abus ainsi que le déploiement des Bakassi Boys contre des opposants
présumés aux gouvernements des états ont été étudiés en détail dans un
rapport publié par Human Rights Watch (basé à New York) et CLEEN (basé à
Lagos) le 20 mai 2002, intitulé "Les Bakassi Boys : la légitimation du
meurtre et de la torture" ("The Bakassi Boys: The Legitimization of
Murder and Torture").
Au cours des dernières semaines, d'autres tueries perpétrées par les
Bakassi Boys ont été rapportées, en particulier dans l'état d'Anambra :
plus de vingt personnes, y compris plusieurs femmes, auraient été tuées
par les Bakassi Boys à Onitsha, au cours de la dernière semaine de mai
et d'autres tueries se seraient produites à Onitsha, pas plus tard que
mi-juin.
Les deux organisations de défense des droits humains ont déclaré que les
gouverneurs d'état avaient la responsabilité de prévenir et non
d'encourager la multiplication des actes de violence commis par les
groupes d'autodéfense. Les deux organisations ont fait appel au
gouverneur Sam Egwu afin qu'il reconsidère sa décision et résiste aux
pressions publiques favorables à l'introduction des Bakassi Boys à
Ebonyi.
"Nous sommes conscients que les taux élevés de crimes violents posent un
grave problème dans de nombreuses régions du Nigeria," a déclaré
Innocent Chukwuma, directeur exécutif de CLEEN. "Mais la solution ne
consiste pas à continuer à recourir à des moyens extrajudiciaires, ni à
soutenir la violence des groupes d'autodéfense."
Les deux organisations de défense des droits humains ont également
qualifié de regrettables les déclarations récentes de Orji Uzor Kalu, le
gouverneur de l'état d'Abia - l'état dans lequel les Bakassi Boys se
sont initialement constitués et où ils sont encore actifs. S'adressant à
des journalistes, début juin 2002, le gouverneur Kalu a annoncé qu'il
s'opposerait à toute tentative visant à empêcher les activités des
Bakassi Boys dans son état. Le journal The Vanguard du 1er juin citait
l'un des ses propos : "Aucune loi ne peut nous empêcher d'avoir des
groupes d'autodéfense à Abia. Même si l'Assemblée Nationale adoptait la
loi, celle-ci ne fonctionnerait pas à Abia. J'ai reçu un mandat du
peuple pour gouverner cet état et toute personne en poste ici qui ne
coopérerait pas avec le peuple devra partir." Faisant référence à un
incident récent au cours duquel les Bakassi Boys avaient affronté la
police, il a déclaré : "Nous ne sommes pas prêts à tolérer qu'un
commissaire de police arrête un membre des Bakassi comme un voleur." Le
11 juin, le journal The Daily Champion le citait encore affirmant :
"Tout plan du gouvernement fédéral pour interdire les Bakassi, quel que
soit le prétexte, équivaudrait à une ingérence non justifiée."
"De telles déclarations équivalent à approuver explicitement les
méthodes violentes et arbitraires utilisées par les Bakassi Boys sous
prétexte de 'lutter contre le crime'", a déclaré Tertsakian. "Si les
gouverneurs d'états veulent montrer qu'ils s'engagent à assurer la
sécurité de la population, ils devraient condamner ces atteintes aux
droits humains, dissoudre les Bakassi Boys et appuyer l'introduction de
mécanismes d'application des lois protégeant véritablement les gens et
permettant de traduire les criminels en justice, dans le cadre du
droit."
Les deux organisations ont également réitéré leur appel au gouvernement
fédéral afin qu'il apporte des solutions efficaces et durables au double
problème du crime généralisé et de l'augmentation de la violence des
groupes d'autodéfense. Le rapport HRW/CLEEN publié en mai incluait un
ensemble de recommandations pour une réforme de la police nationale qui
assurerait une application efficace de l'état de droit ainsi que la
protection et la sécurité de la population.
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