HRW News
  FREE    Recevez des Nouvelles 
Nouvel obstacle à l'application de la loi belge sur la compétence universelle
(New York - Paris - Bruxelles, 17 avril 2002) La FIDH, Human Rights Watch et la Ligue des droits de l'Homme (Belgique) déplorent la décision rendue hier par la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Bruxelles dans l'affaire Yérodia, qui limite considérablement le champ d'application de la loi belge sur la compétence universelle.


Sur le même thème

L'affaire Habré



Alors que nos organisations considéraient cette loi comme un mécanisme essentiel et efficace de la lutte contre l'impunité et avaient appelé d'autres pays à adopter des lois similaires, cet arrêt risque malheureusement d'en réduire la portée en limitant son application aux accusés se trouvant en Belgique. Les poursuites basées sur la compétence universelle sont un élément incontournable dans la construction nouvelle d'une justice universelle. Elles sont importantes pour en finir définitivement avec l'impunité qu'organisent eux-mêmes les tyrans et les tortionnaires dans leur propre pays et empêcher que ces responsables de graves crimes de droit international échappent à la justice.

En application de cette loi de compétence universelle, les juridictions belges s'estimaient, d'une façon continue depuis presque dix ans, compétentes pour poursuivre toute personne accusée de génocide, de crime contre l'humanité ou de crime de guerre, indépendamment d'un quelconque élément de rattachement du crime avec la Belgique. Ainsi, les auteurs présumés de ces graves violations du droit international pouvaient être poursuivis en Belgique, quelle que soit leur nationalité ou celle de leurs victimes, et indépendamment de leur présence sur le territoire belge.

De nombreuses plaintes ont été déposées en Belgique sur la base de cette loi, notamment à l'encontre de l'ancien dictateur Augusto Pinochet, contre Ariel Sharon ou encore contre l'ex-dictateur tchadien Hissène Habré.

L'arrêt rendu hier précise que " les poursuites ne peuvent avoir lieu que si l'inculpé est trouvé en Belgique ". La Cour d'appel considère en effet que la loi de 1993 sur la compétence universelle, à défaut de précision, ne déroge pas au régime de droit commun, lequel impose cette condition à la recevabilité des poursuites.

Les victimes de Yérodia se sont immédiatement pourvues en cassation contre cet arrêt. Nos organisations sont convaincues que la Cour de cassation infirmera cette décision et rétablira le droit en respectant la volonté affichée du législateur de 1993 de ne pas appliquer le droit commun à la compétence universelle. La FIDH, Human Rights Watch et la Ligue des Droits de l'Homme invitent d'ailleurs le législateur belge à réaffirmer clairement ses intentions initiales en précisant le champ d'application de la loi de 1993 sur ce point.

La FIDH, Human Rights Watch et la Ligue des droits de l'Homme regrettent ce recul dans la lutte contre l'impunité et espèrent que cette décision ne fera pas jurisprudence. En effet si cette interprétation nouvelle était confirmée, les plaintes introduites par certaines victimes devant les juridictions belges seraient vouées à l'échec, anéantissant leur espoir légitime de justice.