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L'avocate des victimes de Hissène Habré rentre au Tchad
Jacqueline Moudeïna avait quitté le Tchad il y plus d'un an après avoir été violemment agressée par l'un des complices de Hissène Habré
(N'Djaména, Tchad, 26 août 2002). Après plus d'un an d'exil, Maître Jacqueline Moudeïna, militante des droits de l'Homme et avocate au barreau du Tchad rentre à N'Djaména aujourd'hui pour y reprendre ses activités tant militantes que professionnelles. Jacqueline Moudeïna est l'un des avocats des victimes de la répression du régime de Hissène Habré dans les poursuites engagées au Sénégal, en Belgique et au Tchad contre l'ex-dictateur et les membres de sa sinistre police politique, la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS).


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Le 11 juin 2001, alors que Jacqueline Moudeïna participait à N'Djaména à un rassemblement pacifique organisé par un groupe de femmes tchadiennes en protestation contre les irrégularités qui auraient été constatées lors des élections présidentielles, les forces de sécurité ont lancé une grenade sur elle. Ces forces de sécurité étaient commandées par Mahamat Wakaye, l'un des ex-responsables de la DDS toujours en activité et poursuivi en justice notamment pour crimes de torture, de meurtre et "disparition", précisément par Maître Moudeïna au nom des victimes du régime de Hissène Habré. Jacqueline Moudeïna, ainsi que d'autres manifestantes, a été grièvement blessée par les éclats et a dû être évacuée vers la France où elle est restée plus d'un an pour y recevoir des soins. Elle est toujours très handicapée par ses blessures et des dizaines d'éclats de grenade n'ont pu être extraits de ses jambes. Son état nécessitera plusieurs années de soins continus et de futures opérations chirurgicales ne sont pas à exclure.

Le Comité International pour le jugement de Hissène Habré a demandé expressément et à plusieurs reprises à ce que le gouvernement tchadien veille strictement à ce que les anciens agents de l'ex-DDS travaillant toujours au sein de l'appareil sécuritaire tchadien ne puissent pas user de leur pouvoir ou de leur influence pour entraver la marche de la justice. La Commission d'enquête sur les crimes et détournements de l'ex-Président Habré recommandait d'ailleurs dès 1992 d'"écarter de leurs fonctions, dès la publication de ce rapport, tous les anciens agents de la DDS réhabilités et engagés" dans le nouvel appareil sécuritaire de l'Etat.

Des plaintes avec constitution de partie civile ont été déposées devant la justice tchadienne au nom de Jacqueline Moudeïna et des autres manifestantes blessées le 11 juin 2001. L'instruction n'a toujours pas sérieusement commencé. Les Associations de Défense des droits de l'Homme tchadiennes et internationales ont appelé le gouvernement du Tchad à procéder à une enquête sérieuse de ces faits et à en identifier les responsables.

Jacqueline Moudeïna revient au Tchad accompagnée de Jean-Pierre Dubois, Secrétaire général adjoint de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme (FIDH) co-mandaté par l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme et d'Olivier Bercault de Human Rights Watch (HRW) pour continuer son combat dans l'affaire Habré et au nom des droits de l'Homme. Au mois d'avril dernier, en hommage à son courage et à son travail exceptionnel, elle recevait à Genève le prestigieux prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l'Homme.

Le Comité International pour le Jugement de Hissène Habré demande instamment au gouvernement tchadien d'assurer la sécurité de Maître Jacqueline Moudeïna après son retour au Tchad.

Le régime de Hissène Habré (1982-1990), largement soutenu par les Etats-Unis et la France, fut marqué par une terreur permanente, de constantes violations des droits de l'homme et des libertés individuelles et de vastes campagnes de violences ethniques à l'encontre de son propre peuple. Hissène Habré qui vit en exil au Sénégal depuis sa chute en 1990, avait été inculpé, en février 2000, par un juge d'instruction du tribunal de Dakar, de complicité de crimes contre l'humanité, d'actes de torture et de barbarie. Le 20 mars 2001, la Cour de Cassation du Sénégal s'est déclarée incompétente pour juger au Sénégal les crimes perpétrés au Tchad par l'ancien dictateur. Loin de se décourager, les victimes de l'ex-dictateur ont déposé des plaintes en Belgique et ont précisé qu'elles chercheraient à obtenir l'extradition de Habré du Sénégal vers la Belgique. Ces plaintes sont instruites activement depuis lors par Monsieur Daniel Fransen, juge d'instruction près le tribunal de première instance de Bruxelles qui s'est rendu au Tchad du 26 février au 7 mars 2002 dans le cadre d'une commission rogatoire internationale, accompagné d'un procureur et de quatre officiers de police judiciaire.

Dans le même temps, le 26 octobre 2000, dix-sept victimes ont porté plainte au Tchad pour torture, meurtre et "disparition" contre les anciens directeurs, chefs de service et membres de la DDS. A la suite d'une déclaration d'incompétence par le juge d'instruction en charge du dossier, la Cour Constitutionnelle du Tchad a décidé que les tribunaux de droit commun était bien compétents pour entendre ces plaintes. L'instruction de ces plaintes a commencé au mois de mai 2001 devant Monsieur Dimnanbengarti Ngardjimti le premier juge d'instruction près le tribunal de première instance de N'Djaména et continue depuis cette date.

L'affaire Habré peut être consultée sur le site suivant: http://www.hrw.org/french/themes/habre.htm