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Côte d'Ivoire : le gouvernement prend les civils pour cibles
(New York, 28 novembre 2002) Le gouvernement de Côte d'Ivoire a répondu à une rébellion de l'armée en commettant des abus contre des civils innocents, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Les forces du gouvernement ont tué et arrêté des individus pour la seule raison de leur appartenance ethnique, de leur religion ou de leur soutien au parti d'opposition.

Sur le même thème

En français :
Côte d'Ivoire : Abus commis par le gouvernement en répponse à la révolte de l'armée
Rapport, novembre 2002

Le nouveau racisme : La manipulation politique de l'ethnicité en Côte d'Ivoire
Rapport, aôut 2001

HRW documents sur l'Afrique de l'Ouest

En anglais :
Côte d’Ivoire: Government Abuses in Response to Army Revolt
HRW Report, November 2002

Election Violence in Abidjan: October 24-26, 2000
HRW Background Briefing, December 2000



" Des mesures légitimes de sécurité sont une chose mais prendre pour cibles des individus pour la seule raison de leur groupe ethnique ou de leur religion est totalement inacceptable. Les droits humains fondamentaux doivent être respectés, même en situation d'urgence. "

Peter Takirambudde, directeur exécutif de la Division Afrique de Human Rights Watch


 
Le rapport de 16 pages intitulé " Côte d'Ivoire : abus commis par le gouvernement en réponse à la révolte de l'armée " apporte des informations sur les raids des forces de sécurité suite à la tentative de coup qui a débuté le 19 septembre 2002. Les raids ont visé des quartiers entiers dans lesquels des Ivoiriens du Nord ou des non-Ivoiriens ont été arbitrairement arrêtés et leurs maisons rasées. D'autres ont été pris pour cibles, de la même manière, à cause de leur affiliation politique ou de leur statut présumé " d'assaillant ", un mot utilisé par le gouvernement pour décrire toute personne qu'il perçoit comme favorable à la mutinerie de l'armée. Le terme de " terroriste " a également été largement utilisé. Des défenseurs locaux des droits humains vivent également dans la peur et beaucoup ont choisi de vivre cachés.

" Des mesures légitimes de sécurité sont une chose mais prendre pour cibles des individus pour la seule raison de leur groupe ethnique ou de leur religion est totalement inacceptable, " a déclaré Peter Takirambudde, directeur exécutif de la division Afrique à Human Rights Watch. " Les droits humains fondamentaux doivent être respectés, même en situation d'urgence. "

Les chercheurs de Human Rights Watch se sont rendus en Côte d'Ivoire fin octobre après les attaques lancées par des soldats dissidents, le 19 septembre.

Human Rights Watch a également exprimé son inquiétude suite à des rapports d'abus commis par les soldats dissidents - qui se font appeler le Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) - qui ont lancé les attaques et conservent le contrôle de plusieurs villes. Bien que les chercheurs n'aient pu se rendre dans les zones tenues par les rebelles, pour des raisons de sécurité, des rapports dignes de foi font état, dans ces zones, de tueries illégales et de détentions.

Au cours des dernières années, la politique du gouvernement a délibérément exacerbé les tensions entre les Ivoiriens d'origines ethniques et de pratiques religieuses différentes. Cette politique a également échoué à traiter la question de la violence et des intimidations qui a entaché les élections présidentielles et législatives de la fin 2000.

" La poursuite de cette spirale infernale pour les droits humains n'est pas inévitable, " a déclaré Takirambudde. " La façon de stopper cette spirale, c'est de traduire en justice les personnes responsables de ces abus. Sans une action de ce type, la Côte d'Ivoire pourrait plonger dans l'une de ces guerres brutales, bien connues des pays voisins que sont le Libéria et la Sierra Leone. "

A la mi-octobre, des gens habillés d'uniformes militaires ont tué plusieurs douzaines de civils - des musulmans ivoiriens, des Maliens, des Burkinabés - à Daloa, peu de temps après la prise de la ville par le gouvernement. Face aux critiques internationales, le gouvernement a ordonné une enquête sur ces nombreuses tueries.

Human Rights Watch a appelé le gouvernement de Côte d'Ivoire à prendre immédiatement des mesures pour faire cesser les abus. Le gouvernement ivoirien devrait en particulier :
  • Reconnaître publiquement et condamner les meurtres illégaux d'" assaillants " présumés et de sympathisants de l'opposition, fournir une information publique très complète sur ces meurtres et des compensations aux familles des victimes et faciliter l'accès des familles au système de justice pénale. Déclarer publiquement que personne ne devrait être arrêté ou attaqué sur la base de son identité ethnique, religieuse ou nationale.
  • Suspendre de tout service actif tous les membres des forces de sécurité accusés de meurtres illégaux, d'arrestations illégales ou d'extorsion, enquêter sur ces actes et traduire leurs auteurs en justice le cas échéant.
  • S'assurer que le système de justice pénale répond effectivement aux allégations selon lesquelles des violations des droits humains ont été commises, en portant une attention particulière à la traduction en justice des personnes responsables d'agressions ayant agi parce qu'elles soupçonnaient leurs victimes d'être des étrangers, des musulmans ou des habitants du Nord du pays.
Human Rights Watch a également appelé les forces rebelles à veiller à ce que tous leurs combattants reçoivent des instructions quant au respect des droits humains de tous les civils et au traitement de tous les prisonniers selon le droit humanitaire international.

Un cessez-le-feu est officiellement entré en vigueur le 18 octobre 2002 et semble être respecté même si les deux parties ont renforcé leurs positions militaires. Des espoirs existent que les négociations de paix grâce à la médiation de la Communauté économique des états de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) puissent conduire à la fin des hostilités et à la résolution des principales questions sous jacentes à cette crise. Human Rights Watch a pressé la CEDEAO de veiller à ce tout accord de paix considère comme capital de mettre un terme à l'impunité dont bénéficient les atteintes aux droits humains.