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Rapport Mondial 2002 : RDC FREE    Recevez des Nouvelles 
Attaques contre des civils dans les territoires du nord-est du pays occupés par l'Ouganda

Informations générales  13 février 2002
Dans le nord-est du Congo, les civils sont de nouveau confrontés à des attaques conduites par deux groupes congolais appuyés par les forces d'occupation ougandaises. L'armée ougandaise et le gouvernement de Kampala continuent de soutenir le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba et le Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Kisangani (RCD-Kisangani, aussi connu sous le nom de RCD-ML), conduit par Mbusa Nyamwisi. Même si les deux groupes contrôlent une bonne partie du nord-est du pays avec le soutien de l'armée ougandaise, des civils ont été pris pour cibles par les deux factions à mesure que leur rivalité se transformait en conflit ouvert.

Les civils ont aussi été pris dans des feux croisés, lors de combats entre les deux groupes soutenus par l'Ouganda et des combattants traditionnels Mai-Mai.

Début 2001, l'Ouganda a appuyé les efforts de Bemba pour imposer une union entre les différents groupes rebelles qu'il parraine dans la région. Mi-2001, Mbusa, alors Premier Ministre de cette brève union, a tenté de chasser Bemba et a réussi à le faire rentrer à Gbadolite. A la fin 2001, Bemba a repris l'initiative et a lancé une offensive contre les forces de Mbusa. Avec son allié, Roger Lumbala, chef du groupe dissident RCD-National, ils ont pris plusieurs villes clés dont Isiro, mi-décembre, Watsa, mi-janvier et Bafwasende le 26 janvier, suscitant des violences supplémentaires contre les civils et des déplacements de population.

A la suite de ces développements, la tension s'est considérablement accrue à Bunia, capitale de la région Ituri, riche en ressources, déchirée par les conflits et largement considérée comme la prochaine cible des avancées de Bemba. Watsa est connue pour ses mines d'or et de diamants et Bafwasende est riche de mines de diamants.

Les combats entre les factions politiques congolaises ont exacerbé les conflits entre des groupes ethniques locaux qui se disputent le contrôle de certaines terres. Au moins une centaine de civils ont été tués, fin 2001, lors de la reprise des affrontements inter-ethniques dans la région d'Ituri. Les querelles de pouvoir parmi les rebelles ayant produit un vide administratif, une confrontation mineure, mi-décembre entre des Lendu et des Alur a conduit à une mobilisation ethnique et a rallumé des tensions entre d'autres groupes de la région. Les Hema et les Lendu, qui se sont fréquemment opposés au cours des dernières années, ont intensifié, à partir de la mi-janvier, les embuscades et autres attaques qu'ils se livrent mutuellement et ont suscité l'appui d'autres groupes. Les Gegere ont rejoint les Hema et les Ngiti se sont rangés du côté des Lendu. Le bilan humain issu des accrochages qui ont suivi et des attaques associées contre des civils lors des embuscades et des raids est en augmentation à cause de la vaste disponibilité des armes à feu dans la région.

Comme l'ont montré des rapports précédents de Human Rights Watch, (voir L'Ouganda dans l'est de la RDC : une présence qui attise les conflits politiques et ethniques), les forces ougandaises dans la région ont joué un rôle clé dans le déclenchement et l'aggravation du conflit entre les Hema et les Lendu. Le Général James Kazini, alors commandant des forces ougandaises au Congo, a unilatéralement accordé à Ituri, en juin 1999, le statut de province et a nommé une femme d'affaires Hema gouverneur. Cette décision a attisé les conflits fonciers locaux entre les deux peuples jusqu'à aboutir à une guerre ouverte. Le commandant de secteur de l'armée ougandaise, au cours de la première phase du conflit a jeté de l'huile sur le feu en louant, moyennant rétribution financière, ses soldats aux propriétaires terriens hema. Tout en soutenant des chefs rebelles congolais en opposition les uns aux autres, au cours de l'année 2000 - à l'époque les deux adversaires étaient Mbusa Nyamwisi et Wamba dia Wamba - l'armée ougandaise a fourni des instructeurs pour assurer la formation paramilitaire de la jeunesse tant lendu que hema. Nombre de ces recrues ont déserté peu de temps après avoir achevé leur formation, souvent en conservant les armes qui leur avaient été confiées et elles auraient rejoint les milices ethniques de leurs groupes respectifs. Environ quinze mille civils sont morts lors de la première phase des combats en 1999-2000. 150 000 autres personnes ont été contraintes de fuir la violence généralisée et nombre de ces personnes ne sont toujours pas rentrées chez elles.

En réponse à la reprise des affrontements inter-ethniques en janvier 2001, l'armée ougandaise a retiré des compagnies de soldats de certains avant-postes dans Ituri pour les déployer à Bunia, mi-janvier. Ceci a laissé le champ libre à des soldats rebelles mal organisés, fidèles à Mbusa, beaucoup d'entre eux non payés et bien connus pour abuser des populations. Les habitants de la région, effrayés, ont alors fui vers Bunia. L'armée ougandaise a ensuite commencé à redéployer ses troupes vers leurs anciens postes, le 7 février.

Dans le numéro du Kampala Monitor du 29 janvier, le commandant Shaban Bantariza, porte-parole de l'armée ougandaise, aurait déclaré à propos des groupes rebelles rivaux, "Laissons-les se battre. On va attendre quiconque viendra dans nos régions de Beni et Bunia. C'est à ce moment-là qu'on répliquera." Des représentants des factions rivales ont régulièrement rencontré à Kampala de hauts responsables de l'armée ougandaise et du gouvernement, notamment le Président Yoweri Museveni, afin de discuter de leurs différences de vue sur le contrôle de la région. Tous sont ensuite retournés dans les zones qu'ils prétendent contrôler, avec l'appui des troupes ougandaises.

Les troupes ougandaises auraient aidé les forces de Mbusa à repousser une attaque des miliciens lendu sur Bunia, dans la première semaine de janvier. Au cours de cette bataille, plusieurs attaquants ont trouvé la mort. Les troupes ougandaises se sont précipitées sur Butembo pour soutenir les forces de Mbusa après que les Mai-Mai les eurent chassées de cette ville, le 12 janvier. De très nombreux civils auraient alors trouvé la mort dans cette bataille et des centaines d'autres ont fui la ville. Plusieurs douzaines de soldats ougandais ont également aidé Mbusa à prendre Isiro, alors aux mains des forces de Bemba, en novembre 2001. Le commandement de l'armée ougandaise a annoncé une enquête sur cet incident mais les résultats n'ont pas encore été rendus publics.

Solide partisan de Bemba et de son MLC, l'Ouganda a réagi aux signes d'un possible rapprochement de ce dernier avec le RCD-Goma en novembre 2001, en stoppant le retrait des forces ougandaises de Gbadolite, Buta et Banalia, des régions contrôlées par Bemba. Le RCD-Goma est soutenu par le Rwanda et l'Ouganda aurait apparemment cherché à s'assurer que son partisan ne soit pas entraîné dans la sphère d'influence de son rival au Congo, à savoir le Rwanda. Cette décision de maintien de troupes dans la région s'est produite deux semaines après qu'un représentant de la MONUC eut loué l'Ouganda pour la politique de retrait de ses troupes du Congo.

Les porte-parole du RCD-Kisangani ont accusé les troupes ougandaises de Buta d'avoir aidé Bemba dans son avancée contre leurs propres forces. Ces porte-parole ont également accusé Bemba et le MLC d'avoir profité de l'appui rwandais pour mener à bien leur actuelle offensive. En réponse, le 17 janvier, Bemba a déclaré au journal semi-officiel ougandais, New Vision, "l'Ouganda a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Mes soldats ont été formés par l'Ouganda. Seul un imbécile se retournerait contre cette générosité."

Pour plus d'information, merci de visiter le site de Human Rights Watch à l'adresse suivante : www.hrw.org/french