« Le jeu est truqué » contre les travailleurs américains
Des violations sapent la position américaine sur les Droits du Travail et le Commerce

« Les cartes sont truquées contre les travailleurs aux Etats-Unis. Le gouvernement américain ne peut pas vraiment faire pression sur un autre pays pour améliorer ses normes du travail s'il les viole lui-même. Il devrait montrer l'exemple. »

Kenneth Roth,
directeur général de Human Rights Watch

(New-York, 31 août 2000) - Les droits fondamentaux des travailleurs sont régulièrement violés aux Etats-Unis du fait que le droit du travail américain est si faiblement appliqué et si plein d'échappatoires, déclare Human Rights Watch dans un nouveau rapport diffusé aujourd'hui.

Le rapport de 217 pages, «Avantage déloyal : Liberté d'association des travailleurs aux Etats-Unis selon les normes internationales des droits de l'homme », est basé sur des enquêtes de terrain en Californie, au Colorado, en Floride, en Illinois, en Louisiane, au Michigan, en Caroline du Nord, dans les états de New York et de Washington et dans d'autres états. Human Rights Watch a examiné les droits des travailleurs à s'organiser, négocier collectivement et faire grève sous l'angle des normes internationales. On a trouvé des violations des droits du travail largement répandues dans les régions, les industries et les statuts de travail. Le rapport est diffusé à la veille du Labor Day, jour annuel férié aux Etats-Unis.

Le gouvernement américain a invoqué des «normes de travail essentielles », y compris la liberté d'association des travailleurs, afin qu'elles soient incluses dans les règlements de l'Organisation Mondiale du Commerce et dans l'Accord de Libre-Echange des Amériques. Mais Human Rights Watch accuse les Etats-Unis de violer eux-mêmes les standards de la liberté d'association en échouant dans la protection du droit des travailleurs à s'organiser.

« Les cartes sont truquées contre les travailleurs aux Etats-Unis », dit Kenneth Roth, directeur général de Human Rights Watch. « Le gouvernement américain ne peut pas vraiment faire pression sur un autre pays pour améliorer ses normes du travail s'il les viole lui-même. Il devrait montrer l'exemple. »

Chaque année, des milliers de travailleurs aux Etats-Unis sont licenciés de leur emploi ou subissent d'autres représailles pour tenter de s'organiser en syndicat. Des millions de

travailleurs sont exclus des lois du travail conçues pour protéger les droits des travailleurs à s'organiser et à négocier, et leur nombre s'accroît, selon le rapport.

Les employeurs peuvent résister à l'organisation syndicale en faisant traîner des procédures judiciaires pendant des années, dit le rapport. Le droit du travail est si faible que les compagnies traitent souvent les pénalités mineures comme un coût routinier dans la gestion de leurs affaires, et non pas comme une dissuasion contre les violations. Quelques travailleurs ont réussi à s'organiser en syndicats ces dernières années, dit le rapport, mais seulement après avoir surmonté des obstacles majeurs.

D'après les statistiques du National Labor Relations Board (NLRB), l'agence fédérale créée pour appliquer les droits des travailleurs à s'organiser et négocier, le problème empire. Dans les années 50, les travailleurs qui subissaient des représailles pour exercer le droit à la liberté d'association se comptaient par centaines chaque année. En 1969, ce nombre dépassait les 6000. Au début des années 90, plus de 20 000 travailleurs chaque année étaient victimes de discriminations suffisamment sérieuses pour que le NLRB ordonne un «paiement rétro actif » ou autre solution. Il y avait près de 24 000 travailleurs dans ce cas en 1998, dernière année pour laquelle des chiffres officiels sont disponibles. Pendant ce temps, le budget et le personnel du NLRB ne sont pas arrivés à suivre cette croissance.

Parmi d'autres conditions citées dans le rapport qui entravent la liberté d'association des travailleurs, on relève :

  • Des travailleurs licenciés pour avoir voulu s'organiser et négocier attendent souvent pendant des années que leur cas soit tranché par des tribunaux et bureaux du travail, tandis que les employeurs ne paient pas pour rechercher délibérément des délais et des appels peu fondés ;
  • Des règlements à sens unique pour l'organisation syndicale favorisent injustement les patrons contre les travailleurs, en permettant des tactiques telles que les «réunions avec auditoire contraint » où les directeurs prédisent les fermetures du lieu de travail si les travailleurs votent pour une représentation syndicale ;
  • Des millions de travailleurs, comprenant les ouvriers agricoles, les employés domestiques, les surveillants de grade inférieur et les travailleurs «indépendants » qui en réalité dépendent d'un seul employeur, sont délibérément exclus de la protection par le droit du travail des droits de s'organiser et de négocier. Ils peuvent être licenciés en toute impunité pour tenter de former un syndicat ;
  • Beaucoup de travailleurs se trouvent pris dans un réseau de sous-traitance de contrats de travail, qui leur dénie en réalité le droit de s'organiser et de négocier avec les employeurs qui ont le pouvoir réel sur leurs emplois et leurs conditions de travail ;
  • Les employeurs ont le pouvoir légal de remplacer de façon permanente les travailleurs qui exercent leur droit de grève ;
  • Des règlements sévères contre les «boycotts secondaires » entravent les tentatives de solidarité des travailleurs.

Human Rights Watch en appelle au Congrès des Etats-Unis pour garantir une réintégration rapide et un paiement rétro actif complet aux travailleurs licenciés pour activité syndicale, ainsi que des élections plus rapides et des procédures d'appel accélérées pour résoudre les pratiques déloyales du travail plus rapidement. Le Congrès américain devrait aussi garantir que la protection du droit de s'organiser soit étendue aux travailleurs agricoles, aux employés domestiques et autres non encore couverts par les lois du travail fédérales.

Human Rights Watch a aussi interpellé le Congrès pour qu'il ratifie les conventions de l'Organisation Internationale du Travail sur l'organisation et la négociation collective des travailleurs, et pour qu'il renforce les lois américaines qui protègent ces droits.

Le rapport complet, ainsi qu'une version abrégée en français, sont disponibles sur le site de Human Rights Watch : www.hrw.org

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