Conseil de l’Europe: Exiger que la Serbie livre les fugitifs

Conseil de l’Europe: Exiger que la Serbie livre les fugitifs

Lettre au Comité des Ministres au sujet de la présidence imminente de la Serbie

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communiqués de presse

le 2 mai 2007

Conseil de l’Europe
Comité des Ministres
Avenue de l’Europe
67075 Strasbourg Cedex
France

Réf.: La Présidence serbe du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

Messieurs les Ministres,

Les 10 et 11 mai 2007, il est prévu que la Serbie assume la Présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Le Conseil de l’Europe est la principale organisation européenne des droits humains dont l’ « objectif primordial » déclaré  est la « préservation et la promotion des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du droit. »1 Pour que ces mots aient réellement un sens, il est impératif que la Serbie, en tant que président de l’organe de décision politique le plus important de cette institution, soit en pleine conformité avec ses engagements de membre et avec ses obligations légales de coopérer pleinement avec le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). De manière plus immédiate, la Serbie doit remettre les inculpés du TPIY en fuite, qui résident toujours en Serbie, y compris le général bosniaque à l’époque de la guerre, Ratko Mladic.

Le 26 février 2007, la Cour internationale de Justice (CIJ) a décrété que la Serbie violait ses obligations au titre de la Convention sur la Prévention et la Répression du Crime de Génocide, par son échec à prévenir ou à punir le génocide de  Srebrenica. Cette décision correspond à la première fois où la CIJ a constaté qu’un pays violait la Convention sur le Génocide. La Cour a estimé en particulier que l’échec de la Serbie à transférer Ratko Mladic au TPIY constituait une violation continue de ses obligations au titre de la Convention sur le Génocide. La Cour a ordonné à la Serbie de transférer au TPIY les personnes inculpées de génocide et de coopérer pleinement avec le Tribunal.

Les organismes du Conseil de l’Europe chargés de surveiller la conformité du comportement de la Serbie aux engagements et obligations auxquels elle a souscrit lors de son adhésion, ont tous remarqué de façon récurrente son échec à coopérer pleinement sur la question de l’arrestation et de la remise des  inculpés au TPIY. Le plus récent rapport du Secrétaire Général souligne qu’ « une coopération intégrale avec le TPIY reste le critère le plus fondamental d’évaluation du progrès de la Serbie, non seulement à l’égard des conditions d’adhésion mais aussi à l’égard des autres grandes organisations internationales », et déplore son manque de détermination à arrêter Ratko Mladic.2 Malgré la présentation par la Serbie d’un plan d’action pour appréhender Mladic, en juillet 2006, il n’y a pas eu de progrès tangible ou de preuve d’un quelconque véritable engagement de le mettre en œuvre.

La décision récente de la CIJ souligne le fait que, presque 12 ans après le massacre de Srebrenica, ses artisans, inculpés, Ratko Mladic, et le président serbo-bosniaque à l’époque de la guerre, Radovan Karadzic, restent en liberté. En plus de Mladic, on pense que quatre autres suspects de crimes de guerre inculpés par le TPIY sont en Serbie.

C’est extrêmement important pour le Conseil de l’Europe, aux plus hauts niveaux, de réaffirmer que l’impunité pour crimes de guerre et génocide est incompatible avec les valeurs de l’institution. Ignorer l’échec de la Serbie à se conformer à ses obligations de remettre les personnes en fuite, à ce moment critique, risquerait de saper les efforts pour la faire avancer vers un avenir stable et démocratique fondé sur le respect des droits humains et de l’autorité de la loi. Cela signalerait aussi un abandon inimaginable des victimes de génocide et de crimes contre l’humanité dans l’ex-Yougoslavie, et mettrait en question le statut du Conseil de l’Europe en tant que premier champion institutionnel des droits humains en Europe.

Les états-membres du Conseil de l’Europe ont tous “décidé de s’assurer de la pleine conformité avec nos engagements de membre au sein du Conseil de l’Europe.”3 A cet égard, le dossier de la Serbie ne répond évidemment pas à ces conditions. La place de la Serbie comme président du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe l’oblige à montrer un engagement authentique en faveur des droits humains et de l’autorité de la loi, en ne cachant plus des criminels de guerre à l’intérieur de ses frontières. Le Conseil de l’Europe et chacun de ses états-membres ont un rôle déterminant à jouer en donnant une direction respectueuse des principes et cohérente, dans ces domaines.

En vous remerciant de porter attention à cet important sujet, veuillez agréer, Messieurs les Ministres, l’assurance de nos sentiments distingués.

Holly Cartner
Directrice
Division Europe et Asie centrale

Richard Dicker
D irecteur
Programme Justice Internationale                           

CC:

Terry Davis, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

René van der Linden, Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

Thomas Hammarberg, Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe

Charles Goerens et Andreas Gross, Rapporteurs pour la Serbie du Comité de suivi de l’Assemblée parlementaire



1 Conseil de l’Europe, “ Déclaration de Varsovie,” 17 mai 2005, http://www.coe.int/t/dcr/summit/

20050517_decl_varsovie_en.asp (disponible le 27 avril 2007), par. 1.

2 Rapport du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, 18 décembre 2006, par. 42-43.

3 Déclaration de Varsovie, par. 5.