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Iran

Événements de 2018

Rassemblement d’étudiants iraniens devant l’entrée de l'Université de Téhéran, le 30 décembre 2017, lors d'une manifestation contre les autorités suscitée en partie par les problèmes économiques.

© 2017 Getty Images

Des Iraniens ont participé à de nombreuses manifestations à travers le pays pour protester contre la détérioration de la situation économique et la perception d’une corruption systématique au sein du gouvernement, et pour faire part de leur frustration face au manque de libertés politiques et sociales. Les forces de sécurité et les autorités judiciaires ont réagi à ces manifestations en procédant à des arrestations arbitraires massives, accompagnées de graves violations du droit à une procédure régulière. Au moins 30 personnes ont été tuées au cours des manifestations, y compris des membres des forces de sécurité, mais les autorités n’ont pas mené d’enquêtes crédibles sur la mort des manifestants ni sur le recours excessif à la force de la part des services de sécurité dans le cadre de cette répression. Les autorités ont aussi durci leur mainmise sur l’activisme pacifique, en arrêtant des avocats et des défenseurs des droits humains pour des chefs d’accusation qui pourraient résulter dans de longues peines d’emprisonnement.

Droits de réunion pacifique et de libre expression

Depuis les premières manifestations en décembre 2017, les autorités ont systématiquement violé le droit des citoyens de se réunir pacifiquement, en arrêtant arbitrairement des milliers de manifestants. Selon le parlementaire Alireza Rahimi, les autorités ont arrêté 4 900 personnes, dont 150 étudiants, au cours des manifestations de décembre et de janvier. Selon les médias iraniens, au moins 21 personnes ont été tuées au cours des manifestations de décembre et janvier, dont plusieurs agents chargés du maintien de l’ordre.

Les 19 et 20 février, plusieurs médias ont rapporté que des affrontements entre forces de sécurité et manifestants de la communauté derviche, un groupe minoritaire musulman, avaient fait plusieurs dizaines de blessés graves parmi les Derviches et quatre morts parmi les agents chargés du maintien de l’ordre, dont trois ont été renversés par un bus. Le 4 mars, les autorités ont informé la famille de Mohammad Raji, l’une des personnes arrêtées lors de ces manifestations, qu’il était mort en détention. Les autorités ont refusé de fournir des explications sur le décès de M. Raji et ont menacé sa famille de représailles si elle évoquait publiquement sa mort.

Le 18 mars, après un procès qui s’est achevé quelques semaines à peine après son arrestation et des allégations de torture par la police, un tribunal a condamné à mort Mohammad Sallas, un membre de la communauté derviche arrêté lors des affrontements, pour avoir conduit le bus qui a percuté et tué trois policiers. Les autorités ont exécuté Sallas le 18 juin. Depuis mai 2018, des tribunaux révolutionnaires ont condamné au moins 208 membres de la minorité religieuse derviche à des peines de prison et autres dans le cadre de procès menés en violation de leurs droits fondamentaux.

Le 31 juillet, une nouvelle vague de manifestations antigouvernementales a débuté à Ispahan et s’est rapidement étendue à d’autres villes, notamment à Karaj, dans la province d’Alborz, et à Téhéran, la capitale. Depuis le 3 août, les autorités ont arrêté plus de 50 hommes et femmes qui participaient aux manifestations. Ces personnes sont aujourd’hui détenues dans les prisons Fashafuyeh et de Qarchack à Téhéran.

Le 30 avril 2018, le procureur de la deuxième division du Tribunal pour la Culture et les Médias de Téhéran a ordonné à tous les fournisseurs de services Internet de bloquer l’accès à Telegram, une messagerie très populaire qui compte plus de 40 millions d’utilisateurs en Iran. Les autorités avaient déjà bloqué temporairement Telegram lors des manifestations du mois de janvier. Facebook et Twitter restent bloqués, ainsi que des centaines d’autres sites Internet.

Peine de mort

Selon plusieurs groupes de défense des droits, l’Iran avait, en date du 9 novembre, exécuté au moins 225 personnes, contre 507 pour la totalité de l’année 2017.

Cette baisse est due en grande partie à un amendement à la loi iranienne relative aux drogues, entrée en vigueur en novembre 2017. Depuis novembre 2017, le pouvoir judiciaire a mis fin à la plupart des exécutions de personnes condamnées pour des infractions liées au trafic de stupéfiants afin de procéder au réexamen de ces affaires, conformément à un amendement à la loi iranienne relative aux drogues, qui a multiplié les conditions nécessaires à l’application de la peine de mort obligatoire. Le 15 janvier, le porte-parole des affaires judiciaires au Parlement, Hassan Norouzi, a déclaré aux médias iraniens qu’environ 15 000 affaires étaient réexaminées par les autorités dans le cadre de ce processus. Depuis cette date, les organisations de défense des droits humains ont néanmoins documenté quatre exécutions pour des infractions relatives aux drogues ou à des vols à main armée.

Les autorités judiciaires ont également procédé à l’exécution d’au moins cinq personnes condamnées à mort pour des crimes qu’ils auraient commis alors qu’ils étaient mineurs. En vertu de l’actuel Code pénal iranien, entré en vigueur en 2013, les juges peuvent exercer leur pouvoir discrétionnaire de ne pas condamner à mort les auteurs présumés de crimes commis quand ils étaient mineurs. Mais plusieurs personnes rejugées en vertu du nouveau code pour des crimes qu’ils auraient commis en tant que mineurs ont de nouveau été condamnées à mort.

Le 8 septembre, les autorités ont exécuté Zanyar Moradi et Loghman Moradi, ainsi que Ramin Hossein Panahi, trois hommes kurdes condamnés lors de procès inéquitables pour avoir participé à une lutte armée contre le gouvernement. Ces exécutions ont eu lieu en dépit d’allégations graves de torture et de violations du droit de ces personnes à une procédure régulière, le jour même où les forces iraniennes ont lancé une attaque contre les sièges de deux groupes d’opposition, le Parti démocratique du Kurdistan-Iran et le Parti démocratique du Kurdistan iranien, dans la ville de Koya, dans le nord de l’Irak.

La loi iranienne considère qu’« insulter le prophète », l’« apostasie », les relations entre personnes du même sexe, l’adultère et certaines infractions non violentes relatives aux drogues sont des crimes passibles de la peine de mort. La loi prévoit également la peine inhumaine de flagellation pour plus de 100 infractions, notamment la consommation de boissons alcoolisées et les relations sexuelles extraconjugales, qui sont interdites en Iran.

Défenseurs des droits humains et prisonniers politiques

Alors même que des dizaines de défenseurs des droits humains et d’activistes politiques sont toujours derrière les barreaux pour leur activisme pacifique, les services de renseignement du Ministère iranien du Renseignement et du Corps de la Garde révolutionnaire islamique (CGRI) ont accru leurs attaques contre les défenseurs et activistes des droits humains. 

Depuis le 24 janvier, les services de renseignements des Gardiens de la révolution ont arrêté Taher Ghadirian, Niloufar Bayani, Amirhossein Khaleghi, Houman Jokar, Sam Rajabi, Sepideh Kashani, Morad Tahbaz et Abdolreza Kouhpayeh, huit défenseurs de l’environnement accusés d’avoir utilisé des projets environnementaux comme couverture pour récupérer des informations stratégiques classifiées, sans que ces services n’aient fourni la preuve qu’aucun acte répréhensible n’ait été commis.

Le 10 février, la famille de l’Irano-canadien Kavous Seyed Emami, un professeur et défenseur bien connu de la cause environnementale qui avait lui aussi été arrêté, a déclaré qu’il était mort en détention dans des circonstances inconnues. Les autorités ont affirmé que Seyed Emami s’était suicidé, mais elles n’ont pas mené d’enquête impartiale sur son décès. Ils ont également interdit à la femme de Seyed Emami, Maryam Mombeini, de voyager.

Depuis 2014, les services du renseignement de la CGRI ont arrêté au moins 14 personnes étrangères ou ayant la double nationalité pour leurs liens présumés avec des institutions universitaires, économiques et culturelles occidentales. Sous le coup d’accusations vagues telles que « coopération avec un État hostile »et privées d’accès à toute procédure régulière, ces personnes sont toujours derrière les barreaux et font constamment l’objet de campagnes de diffamation pro-gouvernementales dans les médias.

Depuis le mois de juin, les services du ministère du Renseignement ont intensifié leur répression contre les défenseurs des droits humains. Parmi les personnes arrêtées figurent Nasrin Sotoudeh, avocate spécialisée dans les droits humains, et son mari, Reza Khandan, ainsi que Farhard Meysami, un autre défenseur des droits humains, pour leur militantisme pacifique contre les lois sur le port obligatoire du hijab. Le ministère du Renseignement a également arrêté quatre autres avocats des droits humains, Qasem Sholehsadi, Arash Keykhosravi, Farokh Forouzan et Payam Derafshan. Le 6 septembre, les autorités ont libéré sous caution Payam Derafshan et Farokh Forouzan.

Au début du mois de septembre, les autorités ont également arrêté chez elles, à Téhéran, Hoda Amid et Najmeh Vahedi, deux défenseuses des droits des femmes qui animaient chez elles à Téhéran des ateliers pour les femmes consacrés aux moyens de réaliser l’égalité des droits dans le mariage.

Droit à une procédure régulière et traitement des prisonniers

Les tribunaux iraniens, et en particulier les tribunaux révolutionnaires, n’étaient généralement pas en mesure de conduire des procès équitables et utilisaient comme preuves des aveux obtenus sous la torture. Les autorités limitent régulièrement l’accès des détenus à un avocat, notamment en cours d’enquête. En juin, le pouvoir judiciaire aurait limité le droit des accusés à être représentés pendant leur procès lorsqu’ils sont poursuivis pour des crimes concernant la sécurité nationale en les autorisant à choisir le représentant légal susceptible de les représenter pendant la phase d’enquête à Téhéran dans une liste approuvée par le pouvoir judiciaire qui ne compte que 20 avocats. Aucune avocate, ni aucun avocat spécialisé dans les droits humains ne figure sur cette liste.

Plusieurs personnes accusées de crimes contre la sécurité nationale ont été privées d’accès à des soins de santé appropriés pendant leur détention. Le 31 août, la famille d’Arash Sadeghi, un défenseur des droits humains âgé de 30 ans, a déclaré qu’on avait diagnostiqué chez lui une forme rare de cancer et qu’il avait un besoin urgent de soins spécialisés. Les autorités auraient autorisé Sadeghi à se faire opérer dans un hôpital le 13 septembre, mais l’auraient renvoyé en prison contre les conseils de son médecin.

Les tribunaux révolutionnaires ont infligé de longues peines de prison à au moins 17 activistes étudiants arrêtés lors des manifestations de décembre et de janvier.

Droits des femmes

Les femmes iraniennes se heurtent à des discriminations en ce qui concerne leur statut personnel dans les affaires de mariage, de divorce, d’héritage et de garde des enfants. Contrairement aux hommes, les femmes iraniennes ne peuvent pas transmettre leur nationalité à leur conjoint ou à leurs enfants nés à l’étranger. Une femme mariée ne peut obtenir un passeport ni voyager à l’étranger sans l’autorisation écrite de son mari. En vertu du code civil, le mari a le droit de choisir le lieu de vie et peut empêcher sa femme d’exercer certaines occupations s’il les estime contraires aux « valeurs familiales ».

En décembre 2017 et en janvier 2018, plusieurs femmes à travers tout le pays ont enlevé leur voile dans la rue alors qu’elles étaient juchées sur des armoires électriques pour protester contre la loi iranienne sur le hijab. Les tribunaux ont condamné plusieurs de ces femmes à des peines de prison allant de quelques mois à 20 ans (dont 18 ans avec sursis). Les autorités ont aussi porté plainte contre Nasrin Sotoudeh pour son travail de défense de Shaparak Shajarizadeh, une femme arrêtée pour avoir protesté contre ces lois discriminatoires.

En juin, les autorités ont ouvert les portes du stade Azadi aux femmes et aux hommes pour assister à la projection en direct des deux derniers matchs de l’équipe nationale de football iranienne à la Coupe du monde 2018. Malgré la promesse des autorités de permettre aux femmes de regarder les matchs, ces dernières ne sont toujours pas autorisées à assister à un certain nombre de tournois sportifs masculins, tels que les matchs du Championnat de football d’Iran.

La législation iranienne définit de manière vague ce qui constitue un acte contraire à la morale. Les autorités ont longtemps censuré l’art, la musique et d’autres formes d’expression culturelle, et poursuivi des centaines de personnes pour avoir commis de tels actes. Ces lois visent souvent de manière disproportionnée les femmes et les minorités sexuelles. Le 9 juillet, la télévision iranienne a diffusé les excuses de plusieurs femmes qui avaient été brièvement détenues au mois de mai pour avoir publié sur leur compte Instagram des vidéos devenues très populaires où elle se filmaient en train de danser.

Traitement des minorités religieuses

La loi iranienne refuse aux Bahaïs la liberté de religion et pratique la discrimination contre les membres de cette communauté religieuse. Au mois de novembre 2018, au moins 79 Bahaïs étaient détenus dans les prisons iraniennes. Les autorités iraniennes refusent aussi systématiquement aux Bahaïs le droit de s’inscrire dans les universités publiques du fait de leur religion.

Le gouvernement pratique également la discrimination contre d’autres minorités religieuses, notamment les musulmans sunnites, et restreint les activités culturelles et politiques des minorités ethniques azérie, kurde, arabe et baloutche du pays.

Selon l’ONG iranienne Article 18, au 30 septembre, l’Iran avait condamné 37 chrétiens convertis d’origine musulmane à des peines de prison pour « travail missionnaire ».

Le 21 juillet, après une longue bataille judiciaire et législative entre le Conseil des gardiens de la Constitution et le Parlement iraniens, Sepanta Niknam, un membre zoroastrien du conseil municipal de la ville de Yazd qui avait été suspendu en raison de sa religion, a pu réintégrer ses fonctions de conseiller municipal.

Droits des personnes handicapées

En 2018, Human Rights Watch et le Centre pour les droits de l’homme en Iran ont documenté la stigmatisation des personnes handicapées et la discrimination à leur égard, ainsi que le manque d’accessibilité de ces personnes aux services sociaux, aux soins de santé et aux transports en commun. Les personnes handicapées font parfois l’objet de traitements médicaux, notamment des traitements par électrochocs, sans leur consentement formulé en connaissance de cause. En mars, le Parlement a adopté une loi sur l’invalidité qui augmente les pensions d’invalidité et la couverture d’assurance pour les services de santé liés à l’invalidité, mais qui n’interdit pas explicitement la discrimination à l’égard des personnes handicapées. En vertu de la loi électorale, les aveugles ou les sourds ne peuvent être candidats aux élections au Parlement.

Principaux acteurs internationaux

L’Iran continue à fournir une assistance militaire au gouvernement syrien et joue un rôle influent aux côtés de la Russie et de la Turquie dans les négociations sur la Syrie actuellement en cours à Astana, au Kazakhstan.

Le 8 mai, le président Donald Trump a annoncé le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire signé en 2015 entre l’Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que l’Allemagne et l’Union européenne. Les États-Unis ont réintroduit plusieurs sanctions qui avaient été levées à la suite de l’accord. Le président Trump a vivement critiqué l’Iran et l’accord sur le nucléaire lors du sommet du Conseil de sécurité des Nations unies sur la non-prolifération qui s’est tenu en septembre. D’autres membres du Conseil ont défendu l’accord, notamment la France, la Grande-Bretagne, la Russie, la Chine et les Pays-Bas.

Le 3 octobre, la Cour internationale de Justice a ordonné l’adoption d’une mesure provisoire suite à une plainte déposée par l’Iran, selon laquelle les États-Unis doivent supprimer toute entrave résultant de leurs sanctions économiques à « la libre exportation vers le territoire de l’Iran de médicaments et de matériel médical ; de denrées alimentaires et de produits agricoles ; et les pièces détachées, les équipements et les services connexes nécessaires à la sécurité de l’aviation civile ». Suite à cette décision, les États-Unis ont annoncé qu’ils se retireraient du Traité d’amitié, de relations économiques et de droits consulaires de 1955, dont l’Iran s’était servi pour déposer sa plainte.

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