« La meilleure école »

La violence estudiantine, l’impunité et la crise en Côte d’Ivoire

«La meilleure école»

La violence estudiantine, l'impunité et la crise en Côte d'Ivoire

Carte de la Côte d'Ivoire
Glossaire des sigles utilisés
Résumé
Recommandations
À la Présidence
Au Ministère de la Justice
Au Ministère de l'Intérieur
Au Ministère de l'Enseignement Supérieur
À tous les partis politiques
Au Bureau national de la FESCI
Aux organisations locales de défense des droits humains et autres associations de la société civile
Aux États-Unis, à la France, à l'Union européenne et autres bailleurs de fonds internationaux
Méthodologie
Contexte général de la crise politico-militaire en Côte d'Ivoire
La lutte pour la succession
Le coup d'État de 1999 et les élections de 2000
La guerre de 2002
Les accords de paix
Les retombées de la crise sur les droits humains
Le militantisme étudiant dans les années 1990 ;  de la clandestinité au schisme politique
Une naissance tumultueuse
La FESCI poussée à la clandestinité
Affrontements constants au milieu des années 1990
Le schisme interne à la fin des années 1990
La crise éclate, l'université est secouée, 1999-2002
La FESCI et la montée des groupes et milices de jeunes pro-gouvernementaux
La structure et la culture organisationnelle de la FESCI
Pourquoi les étudiants adhèrent à la FESCI aujourd'hui
Activités et violences perpétrées par la FESCI depuis 2002
Activités et violences sur le campus
Meurtre, agressions et actes de torture commis contre d'autres étudiants
Menaces et violences sexuelles
Intimidations et agressions de professeurs et d'enseignants
Effet sur la liberté d'expression et d'association
Contrôle criminel par la FESCI des principaux services et infrastructures universitaires
Activités et violences hors campus
Blocage du processus de paix par la violence et l'intimidation
Attaques à l'encontre de membres de l'opposition politique
Attaque perpétrée en mars 2004 contre l'appareil judiciaire
Intimidations et attaques à l'encontre de la presse
Attaques à l'encontre d'ONG de défense des droits humains
Les groupes estudiantins à Bouaké sous contrôle rebelle
Efforts pour réduire les violences en milieu universitaire
L'impunité et le besoin de justice
Le soutien direct et indirect du gouvernement
Un État dans l'État
Pourquoi si peu est fait pour réclamer des comptes aux membres de la FESCI
Les crimes de la FESCI sont bien connus du gouvernement et du public
Les relations avec la police100
La responsabilité juridique du gouvernement104
«La génération FESCI» : Implications pour l'avenir106
Conclusion109
Remerciements111
«La FESCI est la meilleure école qui soit pour les dirigeants. Vous en sortez aguerri et prêt à faire de la politique. La génération qui est la nôtre devait arriver au pouvoir un jour. Donc si vous voyez des membres de la FESCI monter, à nos yeux c'était inévitable et c'est arrivé plus tard qu'il n'aurait fallu. L'arrivée de cette classe changera la politique.»
-Ex-dirigeant de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire, interrogé par Human Rights Watch, octobre 2007

 

Carte de la Côte d'Ivoire

Courtesy of The General Libraries, Université du Texas à Austin. 

Glossaire des sigles utilisés

AGEECI

Association Générale des Élèves et Étudiants de Côte d'Ivoire.

APDH

Actions pour la Protection des Droits de l'Homme.

CECOS

Centre de Commandement des Opérations de Sécurité, force d'élite de réaction rapide chargée de combattre la criminalité à Abidjan et dont les membres proviennent de l'armée, de la gendarmerie et de la police.

CEDEAO

Communauté Économique Des États de l'Afrique de l'Ouest.

COJEP

Congrès Panafricain des Jeunes Patriotes, plus connu sous le nom de Jeunes Patriotes.

CROU

Centre Régional des Œuvres Universitaires.

FANCI

Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire.

FDS

Forces de Défense et de Sécurité, terme utilisé pour se référer collectivement à l'armée (FANCI), la gendarmerie et la police.

FESCI

Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire.

FN

Forces Nouvelles, alliance de trois mouvements armés différents qui a déclenché la rébellion dans le nord de la Côte d'Ivoire en 2002.

FPI

Front Populaire Ivoirien, parti au pouvoir du Président Laurent Gbagbo.

JFPI

Jeunesse du FPI.

JRDR

Jeunesse du RDR.

LIDHO

Ligue Ivoirienne des Droits de l'Homme.

MEECI

Mouvement des Étudiants et Élèves de Côte d'Ivoire.

MIDH

Mouvement Ivoirien des Droits de l'Homme.

MJP

Mouvement pour la Justice et la Paix, mouvement rebelle armé qui a vu le jour dans l'ouest de la Côte d'Ivoire en 2002, intégré plus tard dans les Forces Nouvelles.

MPCI

Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire, groupe rebelle armé qui s'est emparé du contrôle du nord de la Côte d'Ivoire en 2002, à lui seul la plus grande composante des Forces Nouvelles.

MPIGO

Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest, mouvement rebelle armé qui a vu le jour dans l'ouest de la Côte d'Ivoire en 2002, intégré plus tard dans les Forces Nouvelles.

ODELMU

Observatoire des Droits et des Libertés en Milieu Universitaire.

ONG

Organisation non gouvernementale.

ONU

Organisation des Nations Unies.

ONUCI

Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire.

PCRCI

Parti Communiste Révolutionnaire de Côte d'Ivoire, parti d'opposition dirigé par Ekissi Achy.

PDCI-RDA

Parti Démocratique de Côte d'Ivoire – Rassemblement Démocratique Africain, parti au pouvoir depuis l'indépendance en 1960 jusqu'au coup d'État de 1999. Actuellement parti d'opposition dirigé par l'ex-président Henri Konan Bédié.

RDR

Rassemblement des Républicains, parti d'opposition dirigé par l'ancien premier ministre Alassane Dramane Ouattara.

RHDP

Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix, alliance de partis d'opposition regroupant le PDCI, le RDR et l'UDPCI.

RTI

Radio-Télévision Ivoirienne, la chaîne de télévision nationale.

SOAF

Solidarité Africaine.

UDPCI

Union pour la Démocratie et la Paix en Côte d'Ivoire, parti d'opposition créé par le Général Robert Gueï, ex-dirigeant militaire de la Côte d'Ivoire, et dirigé aujourd'hui par Albert Mabri Toikeusse.

UA

Union Africaine.

UPLTCI

Union pour la Libération Totale de la Côte d'Ivoire.

Résumé

Témoignant d'un esprit partisan, le gouvernement ivoirien a régulièrement omis d'enquêter, de poursuivre ou de punir les délits criminels qui auraient été commis par des membres d'une association d'étudiants appelée Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI). La plupart des membres de la FESCI sont d'ardents partisans du Président Laurent Gbagbo, autrefois professeur d'université, et de son parti au pouvoir, le Front Populaire Ivoirien (FPI). Aujourd'hui, la FESCI est tour à tour qualifiée de «milice pro-gouvernementale» violente ou de «mafia» par les journalistes, les organisations non gouvernementales (ONG), voire par des responsables du gouvernement ivoirien.

Depuis 2002 au moins, la FESCI se livre à des violences à caractère politique et criminel, notamment des agressions, de l'extorsion et des viols, ciblant souvent de supposés opposants au parti au pouvoir. Au cours des dernières années, des membres de la FESCI ont été impliqués dans des attaques commises entre autres contre des ministres de l'opposition, des magistrats, des journalistes et des organisations de défense des droits humains. Des étudiants perçus comme étant associés à la rébellion basée dans le nord ou à l'opposition politique ont été tués, violés ou brutalement passés à tabac. Par ailleurs, la FESCI adopte fréquemment un comportement criminel de type «mafieux»,  pratiquant l'extorsion et le racket auprès de commerçants qui travaillent dans les complexes universitaires et scolaires ou aux abords de ceux-ci. Oeuvrant en tandem avec d'autres groupes de jeunes pro-gouvernementaux tels que les Jeunes Patriotes, les membres de la FESCI ont été mobilisés à plusieurs reprises depuis 2002 pour entraver le processus de paix en Côte d'Ivoire à des moments cruciaux au profit du FPI.

En principe, la FESCI est un syndicat estudiantin non partisan créé pour représenter l'ensemble du corps étudiant et chercher à améliorer les conditions des étudiants dans les universités et écoles secondaires. La FESCI a démarré en tant que groupement estudiantin pro-démocratique, début 1990, dans le but d'inciter à une réforme du système à parti unique. Étiquetée à l'époque comme subversive par le gouvernement, l'organisation a été officiellement interdite et contrainte à la clandestinité peu après sa création, bon nombre de ses dirigeants étant pourchassés et emprisonnés, et elle n'a refait surface qu'en 1997.

L'histoire de la transformation de la FESCI, association de militants de la démocratie multipartite devenus partisans politiques, de victimes de la persécution gouvernementale métamorphosées en criminels violents protégés par le gouvernement, suit intimement le cours tumultueux de l'histoire vécue par la Côte d'Ivoire au fil des deux dernières décennies.

Depuis 2000, la Côte d'Ivoire est rongée par une crise sociale, politique et militaire qui a accéléré le déclin économique, approfondi les clivages politiques et ethniques et conduit à des violations des droits humains d'une ampleur inédite depuis l'indépendance de la nation. Cette crise est, à bien des égards, l'histoire des frustrations et de l'aliénation de la jeunesse ivoirienne. Au cours des huit dernières années, les membres de groupements de jeunesse ont à la fois aidé à fomenter une rébellion armée qui a débouché sur un coup d'État manqué en 2002-divisant le pays entre le nord contrôlé par les rebelles et le sud contrôlé par le gouvernement- et rejoint les milices pro-gouvernementales pour lutter contre la rébellion.  Les groupes de jeunes ont fait à la fois office de pions dans une guerre par procuration menée par des forces politiques et militaires rivales, et d'acteurs de premier plan dans le drame qui se joue et la crise dans laquelle a sombré la nation. La FESCI est le berceau où ont été nourris la plupart de ces mouvements de jeunes.

Le présent rapport décrit les racines et les actions de la FESCI, ainsi que la complaisance, voire parfois la complicité, du gouvernement dans les violences et les crimes perpétrés par les membres de l'association.

Depuis 2002 au moins, en particulier dans le système universitaire d'Abidjan, la FESCI a pris le contrôle de nombreux aspects de la vie sur le campus, décidant de qui peut vivre dans une résidence universitaire ou même quels marchands sont autorisés à vendre de la nourriture aux étudiants. Certains étudiants, surtout ceux appartenant à une organisation estudiantine rivale perçue par la FESCI comme éprouvant de la sympathie pour les rebelles, craignent de mettre le pied sur le campus en raison d'attaques menées précédemment par la FESCI contre leurs membres. Prises dans leur ensemble, les actions de la FESCI sur le campus et en dehors ont un effet réfrigérant sur la liberté d'expression et d'association des autres étudiants et des professeurs. La crainte suscitée par la FESCI jette une ombre sur la transparence des débats et des réunions publiques et force les organisations estudiantines rivales à restreindre drastiquement leurs activités publiques.

Les attaques perpétrées par la FESCI telles que celles décrites dans le présent rapport ont été menées dans une impunité presque totale, souvent sous le regard passif des forces de sécurité gouvernementales, y compris de la police et de la gendarmerie. En quelques occasions, les forces de sécurité ont directement participé aux violations des droits humains aux côtés des membres de la FESCI. Cette impunité a servi à enhardir les membres de l'association, qui semblent se sentir intouchables, et elle a débouché sur la quasi institutionnalisation de la violence en milieu universitaire.

Bon nombre des actes de violence impliquant des membres de la FESCI et décrits dans ce rapport ont été largement rapportés dans la presse ivoirienne et étaient bien connus des policiers, juges et autres fonctionnaires du gouvernement interrogés par Human Rights Watch. Plusieurs des victimes de la FESCI ont déposé plainte officiellement auprès des autorités compétentes. Néanmoins, rares sont les cas où un membre de la FESCI a fait l'objet d'une enquête, et beaucoup plus rares encore ceux où il y a eu jugement et condamnation. Les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus-des étudiants aux professeurs en passant par les policiers et les juges-affirment que la FESCI jouit d'une impunité quasi totale en raison de son soutien fidèle au Président Gbagbo et à son parti au pouvoir, le FPI.

La FESCI est devenue un terrain d'entraînement pour les leaders ivoiriens en herbe. Guillaume Soro, chef des rebelles des Forces Nouvelles et actuel premier ministre au sein d'un gouvernement d'union, a dirigé la FESCI de 1995 à 1998. Charles Blé Goudé, chef des Jeunes Patriotes, un groupement pro-gouvernemental ultranationaliste, a été à la tête de la FESCI de 1999 à 2001. L'aile jeune de plusieurs grands partis politiques est ou a été dirigée par d'anciens leaders de la FESCI.

Le système d'enseignement supérieur ivoirien semble produire une génération de dirigeants qui se sont fait les dents en politique dans un climat d'intimidation, de violence et d'impunité, où le dissentiment et la divergence d'opinion sont brutalement réprimés. Ce système ne constitue pas «la meilleure école» pour la démocratie ivoirienne-et le gouvernement de la Côte d'Ivoire devrait agir sans délai et de manière concertée pour imposer un changement.

 

Au regard du droit international des droits humains, le gouvernement ivoirien a l'obligation de respecter le droit à la vie, à l'intégrité physique, à la liberté et la sécurité de la personne, ainsi que le droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion-notamment en prenant les mesures qui s'imposent pour empêcher des acteurs privés de porter atteinte à ces droits et pour les poursuivre en justice s'ils les bafouent. Pourtant, les membres de la FESCI ont pu commettre des crimes presque en toute impunité.

Le sentiment partagé par beaucoup d'Ivoiriens selon lequel les groupes pro-gouvernementaux comme la FESCI sont effectivement «au-dessus de la loi» en raison de leur allégeance au parti au pouvoir sape le respect envers des institutions qui constituent les fondements essentiels de l'État de droit, notamment des tribunaux impartiaux et indépendants et une police respectueuse des droits, et mine les perspectives à long terme d'instauration d'une société pacifique.

Mettre un terme à la violence dont la vie universitaire est aujourd'hui devenue synonyme en Côte d'Ivoire requerra un engagement soutenu de la part du gouvernement, spécialement des ministères de l'enseignement supérieur, de l'intérieur et de la justice. Une première mesure importante serait de mettre en place un groupe de travail mixte qui se réunirait régulièrement pour observer les violences et autres activités criminelles commises dans les écoles et aux abords de celles-ci, et qui coordonnerait les actions appropriées à mener en réponse à ces actes.

Mettre fin à l'impunité qui permet aux actes de violence de se perpétuer librement supposera une volonté politique de la part des plus hauts dirigeants de l'État, ainsi que des leaders des principaux partis politiques ivoiriens, qui doivent s'engager à appuyer les enquêtes et les poursuites judiciaires pour les crimes perpétrés par les groupes de jeunes tels que la FESCI, à la fois sur les campus et en dehors. Par ailleurs, lors des prochaines élections présidentielles, les partis politiques doivent contribuer à la mise en route d'un dialogue national sur le thème de la violence dans les écoles et les universités en proposant une plateforme visant à atténuer ce problème. Ceci s'avérera crucial pour endiguer les violences qui pourraient survenir à l'occasion des prochaines élections présidentielles, pour l'instant prévues fin novembre 2008.

Recommandations

À la Présidence

  • Dénoncer publiquement les violences estudiantines, en particulier celles commises par les organisations d'étudiants, et appeler les dirigeants étudiants à faire en sorte que leurs organisations et leurs membres respectent la loi et les réglementations de leur établissement.
  • S'engager publiquement à appuyer les enquêtes et les poursuites judiciaires liées aux violations des droits humains et aux activités criminelles auxquelles se livrent des groupes pro-gouvernementaux tels que la FESCI.
  • Mettre sur pied un groupe de travail mixte composé de membres provenant des ministères de l'enseignement supérieur, de l'intérieur et de la justice, se réunissant régulièrement pour examiner les violences perpétrées dans les écoles et aux abords de celles-ci et pour coordonner les actions appropriées à mener en réponse aux activités criminelles et aux menaces contre la liberté de l'enseignement.

Au Ministère de la Justice

·Ouvrir des enquêtes et engager des poursuites à l'encontre des membres de la FESCI impliqués dans des crimes violents, notamment des meurtres, des agressions, des viols et autres pratiques mafieuses telles que l'extorsion et le racket, dans les universités et les écoles secondaires et aux abords de celles-ci.

Au Ministère de l'Intérieur

·Donner clairement et publiquement l'ordre à la police et aux autres forces de sécurité de veiller à ce que la FESCI et les autres groupements estudiantins, indépendamment de leurs affiliations politiques, soient forcés d'opérer dans les limites autorisées par la loi et ne puissent pas agir impunément.

·Mettre sur pied une unité de police spécialement investie du pouvoir et de la responsabilité de patrouiller et de maintenir l'ordre sur les campus et dans les cités universitaires.

Au Ministère de l'Enseignement Supérieur

  • En collaboration avec la société civile (notamment les organisations estudiantines, les organisations d'enseignants et les organisations de défense des droits humains), revoir et étendre le code de conduite à l'intention des étudiants de façon à souligner tout particulièrement l'importance du respect des droits humains dans le contexte éducatif, et y inclure des mesures disciplinaires claires à appliquer en cas de violations du code de conduite.
  • Mener des actions de sensibilisation sur les campus afin de promouvoir le code de conduite révisé à l'intention des étudiants.
  • Prendre les mesures disciplinaires appropriées (notamment exclure temporairement du campus et/ou saisir la police en vue de l'ouverture d'une enquête, s'il y a lieu) à l'encontre des personnes impliquées dans les violences et la criminalité sur les campus.
  • Travailler en étroite collaboration avec les autorités universitaires en vue d'élaborer des mesures visant à mettre fin au contrôle abusif exercé par la FESCI et d'autres organisations d'étudiants dans les complexes universitaires, notamment les cités estudiantines. Instaurer des mesures disciplinaires et s'il y a lieu, engager des poursuites judiciaires à l'encontre des étudiants et des groupes qui se livrent à de telles activités.

À tous les partis politiques

  • Se dissocier publiquement de toute organisation estudiantine qui se livre de façon répétée à des activités illicites.
  • S'engager à saisir la police afin qu'elle ouvre une enquête sur toute activité criminelle qui serait perpétrée par des groupements estudiantins et autres groupes de jeunes.
  • Lors des prochaines élections présidentielles et parlementaires, contribuer à la mise en route d'un dialogue national sur le thème de la violence dans les écoles et les universités en présentant une plateforme visant à atténuer ce problème.

Au Bureau national de la FESCI

  • Prendre des mesures visant à décourager et prévenir les délits commis par les membres de la FESCI, notamment en dénonçant publiquement les pratiques illégales passées, en instituant des mécanismes de contrôle internes et des programmes éducatifs, ainsi qu'en créant des règles de conduite organisationnelles et en les appliquant. Exclure les membres impliqués dans des activités criminelles.
  • En collaboration avec les ministères du gouvernement et les membres de la société civile (notamment d'autres organisations estudiantines, des organisations d'enseignants et des organisations de défense des droits humains), participer à l'élaboration d'un code de conduite révisé à l'intention des étudiants; s'engager publiquement à respecter ses exigences; et coopérer avec les responsables universitaires pour faire appliquer le code à l'encontre des membres de la FESCI.
  • Coopérer aux enquêtes menées par la police sur des crimes qui auraient été commis par des membres de la FESCI, notamment les récentes attaques contre des organisations de défense des droits humains.
  • Apporter publiquement son soutien et participer aux activités de l'Observatoire des Droits et des Libertés en Milieu Universitaire (ODELMU), un centre pour l'éducation au civisme et à la  non-violence situé sur le campus universitaire et administré par la Ligue Ivoirienne des Droits de l'Homme (LIDHO).

Aux organisations locales de défense des droits humains et autres associations de la société civile

·Poursuivre et étendre la campagne de sensibilisation menée dans les écoles et les universités au sujet des droits humains et des méthodes non-violentes de changement social.

·Aider à promouvoir un dialogue national plus poussé sur le problème de la violence dans les écoles et les universités en soulevant la question dans les médias locaux et les forums publics ainsi qu'avec les partis politiques.

Aux États-Unis, à la France, à l'Union européenne et autres bailleurs de fonds internationaux

·Appeler, tant publiquement qu'en privé, le gouvernement ivoirien à ouvrir des enquêtes sur les membres des groupes pro-gouvernementaux responsables de crimes, notamment de meurtres, de viols, d'agressions et d'actes d'extorsion, et s'il y a lieu à les punir conformément aux normes internationales.

·Apporter un soutien aux programmes du gouvernement et de la société civile qui promeuvent la réconciliation sur les campus, les méthodes non-violentes de changement social et une sensibilisation aux droits humains.

Méthodologie

Le présent rapport est basé sur les recherches de terrain effectuées en Côte d'Ivoire, à Abidjan et Bouaké, en août, septembre et octobre 2007. Dans le cadre de ces recherches, Human Rights Watch a interrogé plus de 50 étudiants ou anciens étudiants universitaires, dont les dirigeants de sept différentes fédérations et associations estudiantines. La vaste majorité des étudiants avec lesquels nous nous sommes entretenus se sont identifiés comme étant membres ou ex-membres de la FESCI. Cinq de ces 50 personnes ont été interviewées en petits groupes, les autres l'ont été individuellement.

En dehors des étudiants, Human Rights Watch a eu des entretiens avec des professeurs d'université ivoiriens; des enseignants du secondaire; des policiers; des juges; des fonctionnaires et ex-fonctionnaires des Ministères de l'Enseignement Supérieur, de la Justice et de l'Intérieur; des représentants des rebelles des Forces Nouvelles ;[1] des représentants de la Mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) ; des diplomates ; des fonctionnaires de mairie; des journalistes; des syndicats de transporteurs; et des marchands travaillant aux abords des bâtiments universitaires.

Outre ces recherches datant de 2007, lors de précédentes missions réalisées en Côte d'Ivoire depuis 2000, Human Rights Watch a recherché et recueilli des informations sur les violences perpétrées par des membres de groupes pro-gouvernementaux tels que la FESCI. Lors de ces missions, les chercheurs se sont entretenus avec un large éventail de sources, notamment des victimes d'exactions commises par la FESCI, des diplomates, des fonctionnaires des Nations Unies, des membres d'organisations non gouvernementales (ONG), ainsi que des fonctionnaires du gouvernement ivoirien appartenant à tous les camps. Une partie des résultats de ces recherches a été utilisée dans le présent rapport.

Nous avons pris soin de nous assurer auprès des victimes qu'en racontant leur expérience, elles ne seraient pas davantage traumatisées et qu'elles ne mettraient pas en danger leur intégrité physique. Les entretiens ont eu lieu en français. Nous ne révélons le nom d'aucun des témoins des incidents afin de protéger leur identité, leur vie privée et leur sécurité. À leur demande, les noms des policiers, des juges et de plusieurs autres fonctionnaires du gouvernement ne sont pas mentionnés pour des raisons de sécurité. Human Rights Watch a pu identifier des victimes et des témoins grâce à l'aide de plusieurs organisations locales; toutes ont demandé que leur identité demeure confidentielle.

Contexte général de la crise politico-militaire en Côte d'Ivoire

           

Pendant les 30 premières années qui ont suivi son indépendance en 1960, la Côte d'Ivoire a joui d'une relative stabilité et d'une prospérité économique sous la direction du Président Félix Houphouët-Boigny, un catholique romain de l'ethnie baoulé, originaire du centre géographique du pays. Le programme politique et économique post-indépendance de Houphouët-Boigny reposait sur plusieurs piliers: un accent mis sur une agriculture d'exportation en tant que stratégie de développement, une politique d'ouverture à l'immigration et des liens extrêmement étroits avec l'ancienne puissance coloniale, la France, qui garantissaient la sécurité du gouvernement. Au cours de cette période, la Côte d'Ivoire s'est muée en puissance économique clé de l'Afrique de l'Ouest, en leader mondial de la production de cacao et de café et en force d'attraction pour les travailleurs migrants qui, selon les estimations, ont fini par représenter 26 pour cent de la population du pays.[2]

Certes, la Côte d'Ivoire a peut-être été un moteur économique de la sous-région, mais elle n'a pas été un modèle de gouvernance et de justice. Le Parti Démocratique de la Côte d'Ivoire (PDCI), parti de Houphouët-Boigny, a monopolisé l'activité politique dans le cadre d'un régime autocratique à parti unique. Alors que ses gouvernements PDCI étaient censés refléter la composition ethnique et religieuse du pays, le maintien au pouvoir était basé sur une stratégie de «coalition ethnique» réunissant des groupes du nord et du centre du pays.[3]Sous le règne de Houphouët-Boigny, beaucoup de groupes du sud et de l'ouest se sont sentis exclus et politiquement frustrés.[4]

À la fin des années 1980, le «miracle ivoirien» s'est mis à battre de l'aile, pris entre l'effondrement des prix du cacao et la progression de la dette extérieure, débouchant sur une grave récession économique. Les fondements du Houphouëtisme ont commencé à se déliter. Conjuguée à l'impact des mesures d'ajustement structurel imposées par les institutions financières internationales et les bailleurs de fonds, la récession a non seulement affecté le secteur du cacao et du café mais également le marché de l'emploi en général. En conséquence, un nombre croissant de jeunes urbains ayant un bon niveau d'éducation se sont vus dans l'impossibilité de trouver un emploi.[5] À mesure que le chômage et la frustration progressaient, les pressions émanant des partis d'opposition et de la société civile (notamment des syndicats et des groupements estudiantins) pour réformer et démocratiser le régime à parti unique ivoirien se sont, elles aussi, amplifiées.

La lutte pour la succession

Le décès de Houphouët-Boigny en 1993 a marqué le début officiel d'une lutte ouverte pour la succession politique qui allait mener la Côte d'Ivoire à deux doigts de la catastrophe. Alors que les candidats représentant les principaux blocs ethniques et géographiques commençaient à se disputer le poste présidentiel à l'approche des élections de 1995, les questions d'ethnicité et de nationalité ont été propulsées à l'avant-plan.[6] Afin d'exclure des adversaires, les politiciens ont commencé à utiliser la rhétorique de l'«ivoirité»-un discours politique ultranationaliste et exclusiviste axé sur l'identité ivoirienne et le rôle des immigrés dans la société ivoirienne et marginalisant ceux perçus comme des étrangers.[7]

Le Rassemblement des Républicains (RDR), parti d'opposition qui, depuis sa création, est dominé par des Ivoiriens du nord à majorité musulmane, a boycotté l'élection de 1995, après que la candidature de l'ex-premier ministre Alassane Dramane Ouattara eut été adroitement interdite.[8] Exprimant des inquiétudes au sujet de la transparence, le Front Populaire Ivoirien (FPI), parti d'opposition dirigé par le président actuel Laurent Gbagbo, a également boycotté l'élection, et Henri Konan Bédié du PDCI a remporté le scrutin avec 96 pour cent des voix.

Au cours des six ans de règne de Bédié, les allégations de corruption et de mauvaise gestion se sont multipliées, et Bédié s'est de plus en plus appuyé sur le favoritisme ethnique pour s'assurer un soutien dans un climat économique défavorable. Des groupes d'opposition politique, dont le RDR et le FPI, ont formé une alliance appelée le Front républicain en vue de combattre cette «mauvaise gestion». La coalition s'est par la suite désintégrée suite à des frictions internes.

Le coup d'État de 1999 et les élections de 2000

En décembre 1999, le Général Robert Gueï, un Yacouba originaire de l'ouest et ancien chef d'état-major de l'armée, s'est emparé du pouvoir au cours d'un coup d'État mené suite à une mutinerie de sous-officiers.[9] Surnommé «le Père Noël en treillis», Gueï a au départ été accueilli favorablement par la plupart des groupes d'opposition qui voyaient en lui un changement opportun après le long règne du PDCI et le régime corrompu de Bédié. Néanmoins, les promesses de Gueï d'éliminer la corruption et de former un gouvernement ivoirien non sectaire ont rapidement été éclipsées par ses ambitions politiques personnelles, par les mesures répressives auxquelles il a recouru contre l'opposition réelle et présumée, et par l'impunité quasi totale pour les atteintes aux droits humains commises par les militaires.[10]

Tout au long de l'année 2000, la politique ivoirienne allait connaître des clivages ethniques et religieux de plus en plus profonds. Dans ce climat peu propice, les élections allaient s'avérer  «calamiteuses», pour citer le Président Gbagbo, vainqueur de ce scrutin.[11]

Plusieurs semaines avant l'élection présidentielle d'octobre, le gouvernement a jugé que la majorité des candidats étaient inéligibles, y compris Alassane Ouattara du RDR et l'ex-président Bédié du PDCI, le scrutin électoral devenant alors une lutte entre le FPI de Laurent Gbagbo et le Général Gueï. Lorsqu'il est apparu clairement que Gbagbo avait pris l'avantage le jour de l'élection, Gueï a cherché à passer outre aux résultats du scrutin et à s'emparer du pouvoir, provoquant d'énormes mouvements de protestation populaire et la perte du soutien de l'armée. Le Général Gueï a fui le pays le 25 octobre 2000 et Laurent Gbagbo a été investi président le lendemain.

Peu après la fuite de Gueï, les sympathisants du RDR-appelant à de nouvelles élections «sans exclusion»-se sont heurtés aux partisans du FPI et ont été pris pour cible par les forces de sécurité gouvernementales, faisant de nombreuses victimes. Ces massacres, qui constituent l'épisode le plus sanglant de violence politique de l'histoire de la Côte d'Ivoire depuis l'indépendance, ont choqué tant les Ivoiriens que les membres de la communauté internationale, mettant cruellement en lumière le danger que représente la manipulation des loyalismes ethniques et des préjugés latents à des fins politiques.[12]

Les efforts déployés par le Président Gbagbo pour inclure des membres des partis d'opposition dans son gouvernement ont été considérés comme étant surtout symboliques et, en 2001-2002, les tensions politiques demeuraient fortes.

La guerre de 2002

Le 19 septembre 2002, les rebelles du Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), dont les membres proviennent en grande partie du nord du pays à majorité musulmane, ont attaqué Abidjan, la capitale économique et de fait de la Côte d'Ivoire, ainsi que les villes de Bouaké et de Korhogo dans le nord.[13] Le but avoué des rebelles était de corriger les récentes réformes de l'armée, d'organiser de nouvelles élections, de mettre fin à l'exclusion politique et à la discrimination à l'égard des Ivoiriens du nord et de révoquer le Président Gbagbo, qu'ils considéraient être arrivé illégalement au pouvoir suite aux irrégularités ayant entaché les élections de 2000. Bien qu'ils n'aient pas réussi à s'emparer d'Abidjan, les rebelles ont rencontré très peu de résistance et sont rapidement parvenus à occuper et à contrôler la moitié du pays. Bientôt rejoints par deux autres factions rebelles de l'ouest, ils ont formé une alliance politico-militaire appelée les Forces Nouvelles (FN).[14] 

Le conflit armé entre le gouvernement et les Forces Nouvelles a pris fin en mai 2003 avec la signature d'un accord de cessez-le-feu complet.[15] Depuis 2003, le pays a de fait été divisé en deux, le nord enclavé étant contrôlé par les Forces Nouvelles basées à Bouaké, et le sud, où vit la majorité de la population du pays estimée à 20 millions, étant aux mains du gouvernement.

Les accords de paix

Depuis la fin des hostilités en 2003, la France, la Communauté Économique Des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union Africaine ainsi que les Nations Unies ont toutes été les fers de lance d'initiatives visant à sortir de l'impasse politico-militaire en Côte d'Ivoire. Ces efforts ont débouché sur une kyrielle d'accords de paix non respectés, un niveau record de plus de 11 000 soldats étrangers[16] sur le sol ivoirien pour prévenir une guerre totale et protéger les civils, et l'imposition d'un embargo de l'ONU sur les armes outre des sanctions économiques et des interdictions de se déplacer à l'étranger.[17]

En mars 2007, le Président Gbagbo et le dirigeant rebelle Guillaume Soro ont signé un accord de paix négocié sous l'égide du président burkinabé Blaise Compaoré («L'Accord de Ouagadougou») et approuvé ensuite par l'Union Africaine et le Conseil de sécurité des Nations Unies.[18] L'Accord de Ouagadougou est le premier à avoir été directement négocié par les principaux belligérants, de leur propre initiative, et a débouché sur la nomination de Guillaume Soro au poste de premier ministre d'un gouvernement d'union. Les efforts de mise en œuvre qui ont suivi la signature ont posé d'importants jalons dans le processus de paix, même si les conditions préalables essentielles à la tenue des élections, dont l'inscription sur les listes électorales et le désarmement, sont loin d'être réunies.[19] Les élections présidentielles sont pour l'instant prévues fin novembre 2008, soit environ trois ans après l'expiration du mandat constitutionnel du Président Gbagbo.

Les retombées de la crise sur les droits humains

Pour les civils vivant des deux côtés de la ligne de partage politico-militaire, la crise a été, et continue d'être, dévastatrice sur le plan des droits humains.[20] Les troubles politiques et l'impasse qui ont suivi le conflit armé de 2002-2003 opposant le gouvernement aux rebelles basés dans le nord ont été ponctués d'atrocités et de graves atteintes aux droits humains imputables aux deux camps, notamment des exécutions extrajudiciaires, des massacres, des violences sexuelles, des disparitions forcées et nombre de cas de torture. Ces exactions se sont poursuivies, dans une large mesure en raison de la culture de l'impunité qui prévaut.

En Côte d'Ivoire, les rebelles se sont livrés à des exactions généralisées à l'encontre des civils dans certaines zones sous leur contrôle. Exécutions extrajudiciaires, massacres, torture, cannibalisme, mutilation, recrutement et utilisation d'enfants soldats ainsi que violences sexuelles, dont des viols, viols collectifs et agressions sexuelles effroyables, sont autant d'exactions attribuables aux rebelles. Les combattants libériens opérant aux côtés des groupes rebelles ivoiriens se sont rendus responsables de quelques-uns des pires crimes. Néanmoins, même après leur départ, diverses formes de violence ont subsisté.

En réponse à la rébellion, les forces gouvernementales et les mercenaires libériens recrutés par le gouvernement ont fréquemment attaqué, arrêté et exécuté ceux qu'ils percevaient comme des partisans des forces rebelles en se basant sur leur affiliation ethnique, nationale, religieuse et politique. Même après la cessation des hostilités actives, les forces de sécurité de l'État, aidées par des groupes pro-gouvernementaux tels que  les Jeunes Patriotes (JP), ont régulièrement harcelé et intimidé la population, en particulier les personnes perçues comme ayant des sympathies pour les rebelles des Forces Nouvelles ou l'opposition politique. Dans les zones sous contrôle gouvernemental, les forces de sécurité ont fréquemment extorqué et brutalisé des musulmans, des personnes originaires du nord et des immigrés ouest-africains, souvent sous couvert de banals contrôles de sécurité à des barrages routiers.

Des deux côtés de la ligne de partage politico-militaire, les violations les plus atroces des droits humains ont atteint un niveau record de 2002 à 2004 environ, s'atténuant au cours des dernières années. Des atteintes aux droits humains persistent toutefois et ne sont pas combattues; tout particulièrement lorsque les forces de sécurité gouvernementales et les rebelles des Forces Nouvelles continuent à se livrer à des actes d'extorsion généralisés aux barrages routiers et, dans une moindre mesure, à des violences sexuelles à l'égard des femmes et des filles.

Nation divisée, la Côte d'Ivoire commence seulement à émerger de la crise politique et militaire la plus grave de son histoire de l'après-indépendance. La criminalité généralisée qui a eu lieu, et continue d'avoir lieu, dans le milieu universitaire du fait de groupes estudiantins a pour toile de fond cette situation d'instabilité, de violence et d'impunité.

Le militantisme étudiant dans les années 1990 ;  de la clandestinité au schisme politique

Une naissance tumultueuse

A la fin des années 1980, la société civile ivoirienne et l'opposition politique étaient en ébullition. La frustration engendrée par des années de régime à parti unique, conjuguée à une économie déliquescente et à un horizon professionnel de plus en plus bouché pour les jeunes, a suscité des manifestations visant à pousser le gouvernement à la tenue d'élections multipartites. À la pointe du mouvement de contestation du début des années 1990, on retrouve le parti socialiste de Laurent Gbagbo, le FPI, ainsi que le groupement étudiant qui lui était étroitement associé, la FESCI.

La FESCI a été créée en avril 1990 et, avec les syndicats et les partis politiques de gauche, elle a joué un rôle déterminant dans la mobilisation des manifestations organisées contre le pouvoir du PDCI tout au long des années 1990 et 1991.[21] La FESCI était appuyée sur le plan financier et autre par un certain nombre de partis d'opposition de gauche qui venaient de naître, dont le FPI.[22] Dès le départ, Houphouët-Boigny et son parti, le PDCI, ont considéré la FESCI comme un instrument de l'opposition politique et par conséquent, comme subversive.

Après des mois de pressions intenses, Houphouët-Boigny a accepté de légaliser les partis politiques en mai 1990. Plus tard dans l'année, pour la première fois dans l'histoire de la Côte d'Ivoire, les Ivoiriens ont assisté à une élection présidentielle où Houphouët-Boigny était opposé à un autre candidat, Gbagbo du FPI. Houphouët-Boigny a remporté le scrutin avec 82 pour cent des voix et les partis d'opposition ont critiqué les irrégularités ayant entaché l'élection. Mécontents des réformes proposées, les manifestations étudiantes et la pression des partis de l'opposition se sont poursuivies.[23]

La FESCI poussée à la clandestinité

Au début des années 1990, de violents affrontements entre les membres de la FESCI et les forces de sécurité gouvernementales ont abouti à une interdiction officielle de la FESCI en tant qu'organisation, forçant ses membres à opérer dans la clandestinité.

En mai 1991, le campus de l'université a connu trois journées de tension et de violents affrontements entre les étudiants et la police après que les étudiants eurent affirmé avoir été attaqués par des voyous pro-gouvernementaux alors qu'ils préparaient une conférence de presse sur les conditions de surpopulation à l'université. Les forces de sécurité ont brutalement dispersé les étudiants en colère qui lançaient des pierres et incendiaient des voitures.[24] Plus tard dans la semaine, l'armée, conduite par Robert Gueï, a mené un raid nocturne brutal dans une cité universitaire de Yopougon, un quartier d'Abidjan. Gueï sera promu général peu de temps après.

En juin 1991, des étudiants qui auraient appartenu à la FESCI ont tué à coups de gourdin un autre étudiant soupçonné d'être un indicateur du gouvernement PDCI sur le campus, Thierry Zebié. Huit étudiants ont été arrêtés et le Premier Ministre Alassane Ouattara, dans un discours diffusé dans tout le pays, a annoncé que la FESCI allait immédiatement être dissolue. Le dirigeant du FPI, Gbagbo, professeur d'université, aurait déclaré que la FESCI n'avait pas commis de crime et que le discours de Ouattara était «une grande erreur».[25] Pourchassés par les autorités, la plupart des dirigeants de la FESCI ont rejoint la clandestinité.

En janvier 1992, une commission gouvernementale mise sur pied pour enquêter au sujet de la descente effectuée en mai 1991 par le Général Gueï dans la cité universitaire de Yopougon est arrivée à la conclusion que les soldats avaient violé au moins trois filles et sauvagement passé à tabac des étudiants, et que l'initiative de ce raid sauvage était imputable au «seul» Général Gueï. La commission recommandait que Gueï soit sanctionné.[26] Lorsque Houphouët-Boigny a refusé de suivre les recommandations de la commission, invoquant le fait qu'il ne souhaitait pas diviser l'armée, les étudiants ont organisé de violentes manifestations qui ont duré des semaines, affrontant la police, brûlant des pneus, détruisant des vitres et des portes de bâtiments sur le campus et incendiant des véhicules, conduisant à des centaines d'arrestations.[27] Laurent Gbagbo, le fondateur de la FESCI Martial Ahipeaud, ainsi que le président de la Ligue Ivoirienne des Droits de l'Homme (LIDHO), René Dégni Ségui, ont été arrêtés et condamnés à des peines allant de un à trois ans d'emprisonnement mais ils ont été libérés quelques mois plus tard.[28]

Affrontements constants au milieu des années 1990

Dans les années qui ont suivi la mort de Houphouët-Boigny, les grèves, boycotts et manifestations estudiantins se sont focalisés, du moins en partie, sur les problèmes traditionnels des étudiants, notamment la surpopulation sur le campus et les bourses d'études. En même temps, chez beaucoup d'étudiants, ces actions étaient néanmoins ressenties comme des actes «politiques» ou «anti-PDCI» posés contre un gouvernement corrompu et non démocratique qu'ils jugeaient peu enclin à améliorer leur sort.[29] En 1995, continuant à appliquer la position «dure» du gouvernement, le ministre de la sécurité de l'époque, Marcel Dibonan Koné, a déclaré lors d'une conférence de presse que quiconque affirmerait être membre de la FESCI serait considéré «hors-la-loi».[30] 

À cette époque, les réunions de planification et les conférences de presse de la FESCI étaient souvent brutalement interrompues par des descentes de police. Des centaines de membres et de dirigeants de la FESCI ont été arrêtés, maintenus au secret et, la plupart du temps, libérés sans inculpation. Beaucoup ont été confrontés à des conditions pénibles lors de leur détention, notamment des privations de nourriture, des passages à tabac et des actes de torture.[31] Presque tous les dirigeants de la FESCI pendant les années 1990 ont passé quelque temps en prison[32] et un certain nombre d'entre eux, notamment son fondateur, Martial Ahipeaud, Guillaume Soro et Charles Blé Goudé, ont été considérés par Amnesty International comme des «prisonniers de conscience».[33]

Fin 1997, des vagues continues de grèves, boycotts et manifestations estudiantins ont provoqué la paralysie quasi totale du campus de l'université d'Abidjan, indiquant clairement que la FESCI ne pouvait pas être rayée de la carte par la répression. En septembre de la même année, le président de l'époque, Henri Konan Bédié, annonçait que «L'heure est venue de mettre fin à une crise qui fait du tort à la nation entière», promettant que davantage d'argent serait investi dans le système universitaire délabré et surpeuplé.[34] Une semaine plus tard, l'interdiction frappant la FESCI était levée.

Le schisme interne à la fin des années 1990

Une fois que la FESCI a été en mesure de fonctionner ouvertement, et alors que le paysage politique ivoirien dans son ensemble connaissait une plus grande ouverture, des fissures politiques ont commencé à voir le jour au sein du leadership de l'organisation. En 1998, la FESCI a tenu ses premières élections publiques, le candidat du Secrétaire général sortant Guillaume Soro et numéro deux dans la hiérarchie de l'organisation, Karamoko Yayoro, aujourd'hui président de l'aile jeune du parti d'opposition RDR, se mesurant à Charles Blé Goudé, maintenant chef du groupe pro-gouvernemental, les Jeunes Patriotes. Certains ont vu dans ces élections une lutte pour le contrôle de la FESCI entre deux partis politiques, le RDR et le FPI.[35] Blé Goudé a remporté les élections et depuis lors, l'association a été considérée par beaucoup comme étant l'alliée exclusive du FPI.[36]

La trêve survenue fin 1997 avec le gouvernement allait être de courte durée. Accusant Bédié d'être en défaut de tenir ses promesses d'accroître l'aide financière destinée aux étudiants, la FESCI a, en 1999, pris la tête de violents mouvements de contestation, réclamant une hausse des bourses d'études. Au cours de ces manifestations, les étudiants se sont livrés à des actes généralisés de vandalisme, démolissant entre autres des voitures et pillant des magasins et des entreprises, actes qui ont entraîné des centaines d'arrestations; la fermeture de bon nombre d'institutions éducatives publiques dans tout le pays; la fermeture de résidences universitaires, et une «année blanche» pour les étudiants dans la plupart des disciplines (une année sans examens, forçant les étudiants à redoubler). Le Président Bédié et son cabinet ont dénoncé un «mouvement de déstabilisation, de nature quasi insurrectionnelle» fomenté par la FESCI et «ses manipulateurs locaux et externes», et ont menacé d'arrêter les dirigeants de la FESCI, dont la plupart se sont cachés.[37]

En réponse, la police a pris d'assaut les cités universitaires en mai 1999 dans le cadre d'une répression brutale, faisant couler le sang et endommageant tout sur son passage en pourchassant les étudiants, tabassant et donnant des coups de pied à beaucoup de ces derniers. Plusieurs étudiants ont été transportés d'urgence dans un hôpital voisin avec des membres fracturés et des blessures à la tête.[38] En août, Blé Goudé a été arrêté, inculpé de troubles de l'ordre public et incarcéré à la prison de haute sécurité d'Abidjan, pour être rapidement transporté d'urgence à l'hôpital fin septembre pour des problèmes respiratoires.[39] En octobre, les tensions ont diminué lorsque Bédié a signé un décret accordant l'amnistie aux étudiants reconnus coupables de, ou détenus pour, des actes de violence commis lors des manifestations de l'année et il a libéré Blé Goudé. Quand la FESCI a finalement suspendu sa grève fin novembre 1999, l'année en cours avait été violente et tumultueuse mais elle devait encore connaître son plus grand événement.

La crise éclate, l'université est secouée, 1999-2002

En décembre 1999, près de 40 ans de règne du PDCI ont brutalement pris fin lorsque l'ancien chef de l'armée ivoirienne, le Général Gueï, a évincé le Président Bédié en s'emparant du pouvoir par un coup d'État. Le «Front républicain», une alliance de raison conclue en avril 1995 entre les partis d'opposition, s'est dissout. Reflétant la politique nationale, les divisions qui avaient vu le jour au sein de la FESCI en 1998 se sont rapidement intensifiées dans le nouveau climat politique, et l'organisation a commencé à se fracturer en fonction des tendances politiques. Pendant ce temps, les partis politiques, s'efforçant de bénéficier d'un soutien tactique en cette année électorale, ont cherché à gagner la faveur de la FESCI, en partie à cause du contrôle convoité de la rue qu'elle pouvait offrir ainsi que du nombre de voix qu'elle pouvait drainer parmi les jeunes.[40] 

En mai 2000, la tendance qui allait être connue sous le nom de la «dissidence» de la FESCI, dirigée par Doumbia Major, deuxième dans la hiérarchie de la FESCI et sympathisant du RDR, a accusé Blé Goudé de mal gérer les fonds et a tenté de remettre en question le leadership de ce dernier dans l'organisation. En réponse, Blé Goudé a accusé Major et ses partisans de chercher à prendre le pouvoir au sein de la FESCI au profit du RDR, affirmé qu'Alassane Ouattara finançait les «dissidents» et mis en garde contre le fait que le RDR tenterait d'utiliser la FESCI pour aider le parti à remporter l'élection présidentielle prévue plus tard dans l'année.[41] Des membres du gouvernement Gueï ont également accusé les dissidents d'être manipulés par le RDR.[42]

Cela a marqué le début d'une lutte ouverte, souvent sanglante, pour le contrôle de la FESCI (communément appelée la «guerre des machettes») entre une faction «loyaliste» dirigée par Charles Blé Goudé (qui appuyait en général la junte militaire et le FPI) et une faction «dissidente» conduite par Major (dont beaucoup de membres étaient pro-RDR). En gros, les divisions au sein de la FESCI pendant la «guerre» présentaient le même caractère régional et ethnique que celui pris par la crise ivoirienne jusqu'à aujourd'hui, le FPI trouvant ses sympathisants parmi la population du sud à majorité chrétienne et le RDR recueillant les siens parmi la population du nord à majorité musulmane.[43]

Durant la «guerre», les factions loyalistes et dissidentes de la FESCI au sein de la population étudiante se sont pourchassées avec des machettes et des gourdins, provoquant la mort d'au moins six personnes et faisant des dizaines de blessés graves, des étudiants étant précipités par les fenêtres, frappés et presque battus à mort à coups de machettes.[44] Pour les membres des deux factions, ainsi que pour les étudiants non alignés, cette période restera gravée dans les mémoires comme celle du «règne de la terreur» sur les campus.[45]

Publiquement, Gueï a appelé les étudiants à «laisser la politique à la maison» et a même menacé de conscription les responsables de violences étudiantes. L'armée et d'autres forces de sécurité sont intervenues à plusieurs reprises lors des affrontements entre étudiants, arrêtant souvent ceux qui étaient impliqués dans la bataille. Cependant, selon d'anciens dissidents interrogés par Human Rights Watch, les arrestations étaient souvent sélectives, ciblant plus particulièrement les dissidents, et les loyalistes qui étaient arrêtés étaient souvent relâchés presque immédiatement après.[46] Quelques membres dissidents qui avaient été arrêtés ont confié à Human Rights Watch que lors de leur garde à vue, ils avaient été battus par des soldats et accusés d'accepter de l'argent et des armes d'Alassane Ouattara.[47]

Des violences ont éclaté à l'échelle nationale en 2000, lors de la présidentielle d'octobre et des élections parlementaires de décembre, faisant plus de 200 morts. Les forces de sécurité de l'État ont surtout abattu des manifestants pro-RDR dans les rues d'Abidjan; des centaines de membres de l'opposition, dont beaucoup de gens du nord et de sympathisants du RDR visés sur la base de leur ethnicité et de leur religion, ont été arbitrairement arrêtés, détenus et torturés, et les forces de sécurité de l'État ont commis des viols et d'autres violations des droits humains en collusion avec les groupes de jeunes pro-FPI, notamment la FESCI.[48] Deux victimes interrogées par Human Rights Watch après les élections ont expliqué avoir été battues par des membres de la FESCI travaillant en collaboration avec les gendarmes, qui ont eux-mêmes participé aux passages à tabac.[49]

Après que les violences électorales de la fin 2000 se furent calmées, les deux factions étudiantes ont organisé des congrès parallèles pour élire un nouveau secrétaire général début 2001. Laissant présager la division officielle du pays moins de 18 mois plus tard, les loyalistes ont élu Jean-Yves Dibopieu à Abidjan, tandis que les dissidents élisaient Paul Gueï à Bouaké, une ville du centre du pays devenue le fief de la dissidence.[50]La «guerre» a repris et les campus d'Abidjan et de Bouaké se sont retrouvés rongés par des violences semblables à celle de l'année précédente.[51]

En mai 2001, sous la pression du gouvernement et des associations de la société civile, les représentants des deux factions de la FESCI se sont rencontrés à Bingerville, un quartier d'Abidjan, pour négocier. Aux termes des «Accords de Bingerville» signés par les deux factions, la «guerre des machettes» qui durait depuis un an a pris fin, Jean-Yves Dibopieu devenant secrétaire général et le leader dissident, Paul Gueï, son adjoint.[52]

À ce stade toutefois, bon nombre des principaux dissidents avaient soit déjà fui Abidjan, soit été forcés de s'exiler dans des pays voisins tel que le Mali afin d'échapper à la violence. Certains anciens dissidents avaient fait défection pour rejoindre le camp loyaliste, tandis que d'autres cherchaient à s'effacer de la vie politique et syndicale et à poursuivre leurs études dans une paix et un anonymat relatifs.

Incapables d'accepter une Côte d'Ivoire dirigée par le FPI ou d'y opérer, un nombre important d'anciens dissidents de la FESCI ont rejoint la rébellion des Forces Nouvelles, qui a lancé une tentative de coup d'État en septembre 2002 et contrôle actuellement la moitié nord du pays.[53] La rébellion est dirigée par l'ex-président de la FESCI Guillaume Soro. Aujourd'hui, beaucoup de membres de l'administration des Forces Nouvelles sont d'anciens dissidents de la FESCI. Aux yeux de bon nombre de loyalistes de la FESCI, la rébellion n'était que le prolongement de l'insurrection dissidente qu'ils pensaient avoir vaincue sur le campus universitaire quelque 18 mois auparavant.[54]

La FESCI et la montée des groupes et milices de jeunes pro-gouvernementaux

Le déclenchement de la guerre civile en septembre 2002 a contribué à la naissance d'un certain nombre de groupes de jeunes et de milices armées pro-gouvernementaux, tant urbains que ruraux. Les dirigeants de beaucoup de ces nouvelles organisations ont fait leurs dents en politique à la FESCI, et plusieurs d'entre eux ont conservé de loyaux partisans au sein des membres actuels de la FESCI.[55] Ensemble, ces groupes sont souvent qualifiés de «galaxie patriotique» dans les discours nationaux."[56]

Au centre de la «galaxie patriotique», on retrouve l'ex-dirigeant de la FESCI Charles Blé Goudé et son groupe pro-gouvernemental de Jeunes Patriotes.[57] Blé Goudé a joué un rôle crucial dans la mobilisation des «jeunes patriotes» à Abidjan pendant et après la guerre, organisant des manifestations pro-gouvernementales de 2003 à 2006 qui ont paralysé Abidjan plusieurs jours de suite, souvent sous le regard complaisant, voire complice, des forces de sécurité gouvernementales. Comme nous l'expliquons plus en détail ci-après, la distinction entre les groupes pro-gouvernementaux tels que la FESCI et ceux dirigés par ses anciens leaders, tels que les Jeunes Patriotes de Blé Goudé, est souvent floue, d'une part parce que les personnes sont souvent membres de plus d'un groupe et d'autre part parce que les manifestations «patriotiques» et autres activités impliquant ces groupes attirent souvent des membres appartenant à toute une gamme d'organisations au sein de la «galaxie patriotique».[58]

Au plus fort de la crise, les membres de la «galaxie patriotique» se sont fréquemment réunis en «agoras» ou parlements de rue, où des centaines de personnes se rassemblaient pour écouter des orateurs qui ralliaient la foule avec un discours ultranationaliste, anticolonialiste et pro-FPI.[59] Leurs diatribes étaient dirigées contre ceux qu'ils percevaient comme des ennemis du gouvernement FPI, et qui, au cours de la crise ivoirienne, étaient tantôt les rebelles, tantôt les partis politiques d'opposition tels que le RDR, ou encore les Français, sans oublier les Nations Unies.[60] Beaucoup d'orateurs «patriotiques» qui ont animé les agoras sont ou ont été membres de la FESCI.

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Ex-leader de la FESCI et dirigeant actuel du groupe de jeunes pro-gouvernemental appelé Jeunes Patriotes, Charles Ble Goudé conduit une manifestation le 18 mars 2005 à Abidjan. Il porte un brassard rouge où est inscrit «Licorne dehors» et réclame le départ des troupes françaises de leur ancienne colonie. Dans les années qui ont suivi le début de la guerre, des discours semblables ont souvent été prononcés dans les forums publics connus sous le nom d' «agoras» ou parlements de rue.

© 2005 AFP

Bien qu'ils ne fassent pas officiellement partie de l'appareil de sécurité étatique, surtout dans les années d'immédiate après-guerre, les membres de ces groupes ont joué un rôle actif dans les questions de sécurité nationale, notamment en étant de faction aux contrôles routiers sur les routes principales dans les zones aux mains du gouvernement, en opérant des contrôles d'identité auprès des civils et en accomplissant en général des tâches incombant habituellement aux forces de sécurité gouvernementales en uniforme.[61] Ces groupes ont également été utilisés par les responsables gouvernementaux pour réprimer violemment les manifestations de l'opposition, pour museler la presse et étouffer les dissensions anti-gouvernementales, pour fomenter un violent sentiment anti-étranger et pour attaquer les villages contrôlés par les rebelles dans les régions occidentales productrices de cacao et de café.[62] Dans presque tous les cas, les crimes perpétrés par ces groupes jouissent d'une totale impunité.

Depuis la signature de l'accord de paix de Ouagadougou en mars 2007, les tensions politiques qui touchaient l'ensemble de la Côte d'Ivoire se sont atténuées, incitant les groupes pro-gouvernementaux tels que les Jeunes Patriotes à mettre une sourdine au discours au vitriol qu'ils prononçaient auparavant et à mettre fin à la contestation publique. Néanmoins, si les tensions politiques venaient de nouveau à monter, en particulier à la veille de l'élection présidentielle, beaucoup d'observateurs politiques craignent que ces groupes reprennent immédiatement les activités pour lesquelles ils se sont rendus tristement célèbres.[63]

À la différence des milices armées qui opèrent principalement dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, les groupes de jeunes pro-gouvernementaux ont tendance à être moins ouvertement militarisés dans leur équipement et leur habillement. Bien que certains membres possèdent effectivement des armes, en règle générale ils ne les portent pas ostensiblement ou ne patrouillent pas avec elles. Parce qu'ils ne sont pas officiellement armés, ils ne bénéficieront pas des programmes de Désarmement, de Démobilisation et de Réinsertion (DDR). Toutefois, ils ont en commun avec les milices armées leur forte dévotion au Président Gbagbo et à son FPI au pouvoir et ils partagent avec elles le sentiment qu'ils se sont soulevés pour défendre les institutions de la république contre l'agression armée de la rébellion.

La structure et la culture organisationnelle de la FESCI

La FESCI est une organisation strictement hiérarchique qui consiste en un bureau national, en dessous duquel se trouvent un certain nombre de «sections» de même rang.[64] Les sections sont formées soit par faculté existant au sein d'une université (par exemple, criminologie, lettres modernes, droit), soit par cité universitaire, ou par établissement d'enseignement secondaire. Le bureau national est dirigé par un secrétaire général national choisi par les membres de la FESCI lors d'élections, qui à son tour nomme tous les secrétaires généraux des différentes sections.[65] Les membres de la base qui ne font partie du bureau d'aucune section sont connus sous le nom d' «antichambristes» ou «ATC»."[66] Décrits par les membres de la FESCI avec lesquels nous nous sommes entretenus comme étant des «fantassins», il s'agit des membres envoyés aux mobilisations de masse pour manifester en faveur du gouvernement, ou pour faire le «sale boulot» décrit plus loin.[67]

Au-delà de la hiérarchie stricte, le statut au sein de la FESCI est souvent influencé par un certain nombre de facteurs informels. Dans la FESCI, il existe un système de parrainage en vertu duquel presque chaque membre agit en tant que protecteur de quelqu'un, et est à son tour protégé par quelqu'un d'autre. Les membres subalternes qui sont sous la protection politique d'un supérieur sont qualifiés de «bons petits».[68] Être le «bon petit» d'un dirigeant haut placé est souvent synonyme de possibilité d'accéder à une position dirigeante au sein de l'organisation, et donc synonyme de pouvoir, de statut élevé et souvent de richesse, découlant des opérations d'extorsion et de racket de la FESCI qui vont de pair avec la position. Par ailleurs, les dirigeants cherchent à avoir un nombre maximum de membres sous leur protection afin d'étendre leur influence.

En dehors de la structure officielle de la FESCI se trouvent d'anciens membres influents connus sous le nom de «doyens» ou d' «observateurs», dont certains continuent à vivre dans les résidences universitaires des années après l'obtention de leur diplôme.[69] Un doyen en particulier, connu sous le nom de «KB», abréviation de Kacou Brou, a été qualifié par les anciens membres de la FESCI interrogés par Human Rights Watch de «dirigeant militaire» de la FESCI et de «pouvoir derrière le trône» du leadership suprême de la FESCI. KB est également décrit par les anciens membres de la FESCI comme étant l'un des principaux agents de liaison entre le leadership de la FESCI et le FPI.[70] KB est diplômé de la prestigieuse École Nationale d'Administration (ENA), une institution de l'État destinée à produire de hauts fonctionnaires.

Les divisions au sein du FPI au pouvoir se reflètent dans les divisions et les rapports de force au sein de la FESCI. Selon des membres de la FESCI interrogés par Human Rights Watch, il existe deux factions principales au sein du FPI, la première influencée par Pascal Affi N'Guessan, secrétaire général du parti, à qui «KB» et les tout derniers secrétaires généraux de la FESCI sont restés fidèles. Une seconde faction serait fidèle à la Première Dame Simone Gbagbo et à Charles Blé Goudé. Les violences intestines survenues fin 2006 au sein de la FESCI ont été attribuées à une tentative de ceux qui se trouvent dans le camp de Blé Goudé de prendre le contrôle de la FESCI, bien que Blé Goudé ait démenti ces accusations.[71]

Outre la politique intra-FESCI, les rapports de force au sein de la FESCI sont souvent motivés par les bénéfices financiers qui accompagnent la fonction. En raison de l'extorsion et du racket qui sont pratiqués par la FESCI (décrits en détail plus loin), être secrétaire général d'une section peut être extrêmement lucratif et est par conséquent très prisé. Résultat: les violences intestines, les putschs et les tentatives de putsch sont fréquents.[72] La violence intra-FESCI lors des élections pour le bureau national, notamment des batailles à la machette entre factions rivales, est monnaie courante.[73]

Depuis le début de la crise, mais probablement déjà auparavant, la FESCI connaît une militarisation croissante de sa culture organisationnelle. Les secrétaires généraux, tant au niveau du bureau national que dans les sections individuelles, sont salués par les membres de la FESCI (et même par certains étudiants non membres de l'association qui vivent dans les résidences) avec ce qui s'apparente à un salut militaire et avec la formule «Mon Général,je suis à vos ordres !».[74] Les membres ne sont souvent connus que sous leurs noms de guerre, comme par exemple «Che», «Foday Sankoh» ou «Kabila». À l'entrée du siège de facto de la FESCI, l'une des cités universitaires connues sous le nom de Cité Rouge, l'emblème de la FESCI, un poing levé, est peint en rouge au-dessus des mots «commandement supérieur».

Augustin Mian, élu nouveau secrétaire général de la FESCI lors des élections de décembre 2007 remportées sans opposition, pose devant la Cité Rouge à Cocody, un quartier d'Abidjan. © 2007 AFP

Pourquoi les étudiants adhèrent à la FESCI aujourd'hui

Les étudiants interrogés par Human Rights Watch citent un éventail de raisons pour expliquer l'affiliation à la FESCI. Les anciens membres évoquent le plus fréquemment les incitations financières, notamment l'accès gratuit à un logement universitaire, la gratuité des repas et la gratuité des transports que garantit souvent l'affiliation à la FESCI, autant d'aspects essentiels à la survie et pour l'obtention desquels les autres étudiants doivent se donner beaucoup de peine.[75] Dans une société déjà paupérisée et ravagée par les conflits, où un diplôme universitaire ne garantit plus des moyens d'existence privilégiés ou un emploi de fonctionnaire, un professeur a relevé que:

Lorsque j'ai étudié dans cette université il y a quelques dizaines d'années, il y avait du travail. Donc vous vouliez terminer l'école le plus vite possible pour avoir un emploi rémunéré. Mais aujourd'hui, il n'y a pas d'emplois, donc rien ne presse de finir. En fait, les étudiants peuvent se faire plus d'argent en restant ici. Ou ils peuvent se faire de l'argent ici pendant un petit temps et puis peut-être penser à un emploi dans le futur. S'il y avait un espoir économique pour les jeunes, cela affaiblirait la FESCI.[76]

Outre les incitations économiques, d'autres anciens membres de la FESCI ont évoqué le respect et le pouvoir accordés aux membres: «Lorsque je me suis affilié en 1998, la FESCI était un moyen de m'exprimer. Venant d'une famille pauvre de cultivateurs, cela m'a donné un moyen de m'organiser, d'être respecté et d'essayer de résoudre les problèmes.»[77] Comme il a été dit dans le contexte d'un autre groupe pro-gouvernemental, les Jeunes Patriotes, pour beaucoup d'étudiants, la FESCI constitue une sorte de «contre-société où des étudiants en échec scolaire pourront être appelés 'professeurs', où des jeunes chômeurs, voire des petits voyous, deviendront 'député' ou 'général' – et seront reconnus comme tels par leurs

pairs ».[78]

Quelques étudiants interrogés par Human Rights Watch ont déclaré franchement qu'ils avaient adhéré à la FESCI parce qu'ils la percevaient comme un tremplin vers la politique: «Je me suis affilié à la FESCI parce qu'elle convenait à mes ambitions politiques. On dit que les groupements étudiants sont l'antichambre de la politique. Et le temps que j'ai passé à la FESCI m'a fait mûrir politiquement, mais j'en suis venu à déplorer la barbarie et la violence qui ont fini par faire partie de la FESCI.»[79]

Activités et violences perpétrées par la FESCI depuis 2002

Après le déclenchement de la rébellion armée en septembre 2002, les changements qui étaient apparus au sein de la FESCI lors de la «guerre des machettes»  se sont accélérés, à tel point que des membres de la FESCI du début des années 1990 ont confié à Human Rights Watch qu'ils reconnaissaient à peine l'organisation qu'ils avaient créée.[80] Plutôt que pour des grèves d'étudiants en faveur de causes étudiantes, la FESCI est souvent connue aujourd'hui pour sa violence à caractère tant politique que criminel, dirigée principalement contre d'autres étudiants perçus comme des partisans des partis politiques d'opposition ou des rebelles basés dans le nord, pour les actions menées en vue de paralyser le processus de paix à des moments cruciaux au profit du FPI au pouvoir, et pour l'impunité qui va presque toujours de pair avec les crimes qu'elle perpètre. Par ailleurs, les membres de la FESCI sont couramment associés à des comportements «mafieux» tels que l'extorsion et le racket. Prises  dans leur ensemble, les actions que la FESCI mène tant sur les campus qu'à l'extérieur ont un effet réfrigérant sur la liberté d'expression et d'association des autres étudiants et des professeurs.  

Activités et violences sur le campus

Meurtre, agressions et actes de torture commis contre d'autres étudiants 

Depuis 2002, les membres de la FESCI ont, en de multiples occasions, attaqué d'autres étudiants, en particulier ceux originaires du nord ou qui présentent des caractéristiques permettant d'imaginer des sympathies à l'égard des rebelles ou un soutien à l'opposition politique. Bon nombre des attaques les plus brutales ont été perpétrées à l'encontre de membres d'un groupement estudiantin rival. Lors de ces attaques, au mois un étudiant a été tué, et d'autres ont été violemment passés à tabac et torturés dans les cités universitaires.

Beaucoup d'incidents sur lesquels Human Rights Watch a enquêté avaient été fortement médiatisés au niveau local, fait l'objet de conférences de presse organisées par des associations locales de défense des droits humains, figuré dans les rapports de la Mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) et été dénoncés par des organisations internationales de défense des droits humains.[81] Dans plusieurs cas, les victimes ont déposé plainte à la police mais il est très rare qu'un membre de la FESCI ait été arrêté pour des délits pénaux perpétrés contre d'autres étudiants. Les dirigeants étudiants ont expliqué à Human Rights Watch que dans la plupart des cas où ils ont dénoncé la violence à la police, celle-ci leur a répondu que, «puisque la FESCI est impliquée, vous feriez mieux de régler cela entre vous».[82] En quelques occasions, dont certaines sont décrites plus loin, les policiers eux-mêmes étaient en fait témoins des délits perpétrés par la FESCI et pourtant, ils ne sont pas intervenus ni n'ont réagi en professionnels de quelque façon que ce soit.

La plupart des exactions les plus graves ont été subies par des membres d'un groupement estudiantin rival, l'Association Générale des Élèves et Étudiants de Côte d'Ivoire (AGEECI), que la FESCI a accusée d'appuyer les rebelles des Forces Nouvelles.[83] Depuis la création de l'AGEECI en 2004, un de ses dirigeants a été assassiné, une de ses membres a subi un viol collectif et un certain nombre de ses membres ont été sauvagement battus par des étudiants affirmant être membres de la FESCI. Bien que les violences perpétrées par la FESCI contre l'AGEECI se soient atténuées au cours des dernières années, des membres de l'AGEECI ont déclaré à Human Rights Watch que le calme relatif était principalement dû au fait qu'ils avaient arrêté ou restreint presque toutes leurs activités publiques. Aujourd'hui, beaucoup de membres de l'AGEECI craignent de poser le pied sur le campus.[84]

Une des attaques les plus tristement célèbres menées par la FESCI s'est soldée par la mort d'un des membres fondateurs de l'AGEECI, Habib Dodo, également leader de l'aile jeune du parti communiste. Selon des témoins, le 23 juin 2004, Habib Dodo a été enlevé au domicile d'Ekissi Achy, le secrétaire général du Parti Communiste Révolutionnaire de Côte d'Ivoire (PCRCI). Selon les témoins, aux alentours de 13 heures, un étudiant présent dans la maison a reçu un appel téléphonique l'avertissant qu'un groupe important d'étudiants se dirigeait vers la maison, quelques minutes seulement avant leur arrivée.[85] Un témoin présent dans la maison ce jour-là a décrit l'arrivée de la FESCI:

Il y en avait une quarantaine qui ont fait irruption dans la maison. J'en ai reconnu entre un tiers et la moitié d'entre eux comme étant des membres de la FESCI. Certains portaient des t-shirts qui disaient «FESCI Criminologie», parce que c'est la section à laquelle ils appartenaient. Ils étaient armés de bâtons et criaient, «Où est-il? Où se cache-t-il?» [parlant de Habib Dodo] Ils ont cassé des choses un peu partout dans la maison, notamment la télévision, des fenêtres, le lavabo de la salle de bains, tout. Ils ont aussi volé des vêtements, des chaussures et de l'argent. Quand je me suis précipité dans ma chambre pour m'assurer qu'ils n'avaient pas volé l'argent de ma bourse d'études, j'en ai vu trois qui fouillaient mes affaires. C'étaient des ATC [Antichambristes], les fantassins de la FESCI.[86]  Ce sont eux qui sont réquisitionnés pour ce genre d'actions. Il y avait des cris et du fracas partout dans la maison. J'ai décidé de courir avec un ami jusqu'au commissariat de police du 16e arrondissement. Quand je suis arrivé là, j'étais tellement paniqué que j'avais du mal à m'expliquer. Cela m'a pris environ cinq minutes pour me calmer. Finalement, j'ai dit, «la FESCI est en train d'attaquer notre maison!» Mais ils m'ont répondu qu'ils n'avaient personne de disponible à envoyer.[87]

Entre-temps, un autre témoin présent dans la maison au moment de l'attaque, le secrétaire général du PCRCI, a également cherché à contacter la police :

Après que la FESCI est partie avec Habib, j'ai appelé la police mais personne n'est venu. Finalement, j'ai pris un taxi jusque là. C'était à environ un kilomètre. Quand je suis arrivé, je leur ai dit, «Nous n'avons pas arrêté d'appeler!» Mais le policier m'a simplement demandé de partir. J'ai dit, «Je parle d'un enlèvement. Ils vont le tuer!» Mais je me suis rendu compte qu'il n'allait rien faire, j'ai donc pris un autre taxi jusqu'à la préfecture de police du Plateau.[88] J'ai vu l'adjoint qui a appelé le directeur, qui m'a dit qu'il allait s'en occuper. Ce n'est qu'à ce moment-là que quelqu'un du 16e arrondissement est arrivé à la maison pour examiner les dégâts. Le lendemain, j'ai appris qu'ils avaient tué Habib sur le campus en le pendant.
Le jour de l'enlèvement de Habib, un autre étudiant communiste, Richard Kouadio, a presque été battu à mort à Bassam.[89] Il a été abandonné près de la route de Bassam. Nous lui avons porté secours après que j'ai reçu un appel anonyme disant que la FESCI l'avait emmené. L'ONUCI est allée le chercher et l'a emmené à l'hôpital principal de Treichville.[90]

Dans une interview réalisée en juillet 2005, le dirigeant de la FESCI Serge Koffi a justifié les attaques contre l'AGEECI en disant que «l'AGEECI n'est pas une organisation étudiante et nous ne pouvons pas les laisser se réunir sur le campus. Il s'agit d'une organisation rebelle créée dans la zone rebelle et cherchant à étendre ses tentacules à l'université.»[91]

Le secrétaire général du PCRCI a décrit les efforts qu'il a déployés pour obtenir justice dans l'affaire Habib Dodo :

J'ai immédiatement déposé plainte à la police contre la FESCI et ses dirigeants pour enlèvement, torture, meurtre et vandalisme. Au départ nous avions engagé un avocat qui a laissé tomber dès qu'il a compris la nature délicate de l'affaire, mais le MIDH nous a aidés.[92] Depuis lors, nous avons essayé de mettre la pression tant au niveau politique que juridique pour faire avancer l'affaire. Nous sommes allés voir le Ministre de la Sécurité de l'époque, Martin Bléo, et il a ordonné à la police de monter la garde devant ma maison pendant un an. Il aurait donné des instructions pour faire suivre le dossier. Puis nous sommes allés voir Henriette Diabaté, qui était Ministre de la Justice à l'époque, et nous lui avons remis une copie de la plainte. Nous avons également vu la Ministre des Droits de l'Homme de l'époque, Madame Wodié. Nous avons même donné les noms des personnes impliquées à la police judiciaire. La police a interrogé  Richard Kouadio et des membres de l'AGEECI, mais nous n'avons jamais entendu dire qu'un seul membre de la FESCI avait été interrogé. Plus de trois ans après, nous avons finalement appris que le dossier avait été envoyé par la police à un magistrat. En définitive, nous ne pensons pas qu'il aboutira quelque part à cause de la politique qui est en jeu, mais nous devons poursuivre nos efforts.[93]

Les violences perpétrées par la FESCI à l'encontre de membres de l'AGEECI ont atteint un niveau record en 2005, lorsqu'un certain nombre de membres de l'association ont été sauvagement passés à tabac. L'une des victimes a expliqué avoir été tabassée en juillet 2005 après avoir essayé de distribuer des tracts à un arrêt de bus invitant les étudiants à une conférence de presse de l'AGEECI:

Nous étions à la gare du nord à Adjamé lorsqu'un bus rempli de membres de la FESCI est arrivé, il y en avait bien une centaine.[94] Ils en ont attrapé deux de notre groupe qui distribuaient des tracts mais il y en a trois qui ont réussi à s'échapper. Tout est arrivé en plein milieu de la gare routière avec des gens tout autour. Ils nous ont déshabillés sur place devant tout le monde. Il y avait des policiers à la gare que j'ai vus en train de regarder. Un policier a dit à la FESCI, «Laissez-les tranquilles.» Mais un membre de la FESCI a répondu, «Ça ne se passera pas comme ça. C'est la FESCI et eux, ce sont des rebelles!» Après cela, le policier qui regardait-il y en avait deux ou trois-n'a rien fait. Quelqu'un dans la foule a crié, «Si ce sont des rebelles, tuez-les!» À ce moment-là, ils nous ont mis dans un taxi pour nous emmener à la Cité Rouge à Cocody.[95] Dans le taxi, ils étaient assis sur nous comme si on était des sièges. Il y en avait trois au-dessus de nous et deux à l'avant du taxi. Mon compagnon a perdu connaissance. Dans le taxi ils disaient, «On va les tuer». Quand on est arrivés à la Cité Rouge, ils nous ont emmenés à l'arrière de la cité et nous ont battus. Puis le Maréchal KB est arrivé avec son personnel de sécurité. Il nous a posé des questions du genre, «Est-ce que vous avez accepté de l'argent des rebelles?» et «Pour qui travaillez-vous?» Puis il a dit, «On va vous tuer si vous n'avouez pas que vous avez accepté de l'argent des rebelles.» Pendant ce temps, nos camarades avaient appelé l'ONUCI, la LIDHO, le MIDH, et quelqu'un a contacté le Ministre de la Sécurité, Martin Bléo, qui a fait pression et nous avons été libérés aux alentours de 17h30.[96] Une semaine plus tard, nous avons déposé plainte au palais de justice d'Abidjan mais cela n'a mené nulle part. Les autorités n'ont interrogé personne et n'ont rien fait. Mais l'ONUCI nous a photographiés et nous a donné des soins médicaux, et le MIDH a fait une conférence de presse.[97]

Dans plusieurs cas de violences perpétrées par la FESCI à l'encontre de membres de l'AGEECI, la police est manifestement restée sans intervenir ou sans réagir de façon responsable, comme l'illustre le témoignage suivant décrivant une attaque de la FESCI survenue en décembre 2005 :

Je travaillais avec des élèves de secondaire à leur école pour créer un comité de l'AGEECI. Ce jour-là aux alentours de 13 heures, un certain nombre de voitures se sont arrêtées à l'extérieur de l'école. À ce moment-là, nous étions à cinq membres de l'AGEECI dans la classe. Trois d'entre nous sont allés voir pourquoi il y avait tout ce vacarme et ils ne sont jamais revenus. Et tout à coup, un groupe de membres de la FESCI a fait irruption dans la classe. Ils ont commencé à nous frapper, les deux qui étions restés, avec des gourdins et le côté non tranchant de machettes. Puis ils nous ont mis dans un taxi. Avant que nous démarrions, quatre policiers sont arrivés en camion. Nous pensions qu'ils interviendraient pour nous sauver mais la FESCI a dit à la police que nous étions des rebelles et des assaillants. Les policiers ont dit que si c'était le cas, ils devaient y aller et nous tuer. Les policiers sont partis et nous avons démarré.
Alors qu'on passait près du port, on s'est arrêtés à un contrôle routier tenu par deux policiers. Les gens dans la voiture se sont identifiés comme étant des membres de la FESCI et puis ils sont sortis pour parler aux policiers. Ils sont remontés dans la voiture et on a pu passer le contrôle. On a commencé à rouler en direction d'une zone abandonnée. J'avais peur que si c'était là qu'ils nous emmenaient, cela voulait dire la mort mais finalement ils nous ont plutôt emmenés à la Cité à Port-Bouët.[98] D'abord ils nous ont emmenés dans un bâtiment et ils m'ont mis dans une petite pièce, où quelques-uns d'entre eux m'ont battu avec des gourdins et des lance-pierres. Puis j'ai perdu connaissance. Quand je me suis réveillé, ils ont commencé à me demander si je travaillais pour la rébellion, pour Ouattara ou pour Soro. Puis ils ont dit qu'ils allaient nous emmener à la plage pour nous tuer en nous noyant. La plage n'était pas loin et ils nous ont fait marcher jusque là, ce qui a commencé à attirer l'attention. Ils nous ont jetés à l'eau. Un sauveteur est arrivé et la FESCI a commencé à le menacer. Une foule a commencé à se rassembler et les gens à poser des questions. En fin de compte, la foule était si nombreuse que les membres de la FESCI sont partis. Le sauveteur a appelé une ambulance et on nous a emmenés à l'hôpital.
Depuis lors, j'ai été menacé tellement de fois sur mon téléphone portable que j'ai dû changer de numéro. Pendant un petit temps, j'ai dû aller à l'extérieur d'Abidjan pour me protéger. Si j'essaie de déposer plainte contre un membre de la FESCI, cela ne mènera nulle part. Ce sont eux qui ont amené le président au pouvoir. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent.[99]

Bien que ce soient les membres de l'AGEECI qui aient subi les plus graves violences perpétrées par la FESCI, d'autres étudiants et groupes d'étudiants interrogés par Human Rights Watch ont confié que des membres de la FESCI les avaient à l'occasion passés à tabac, en particulier lorsque les activités économiques de la FESCI sur le campus étaient mises en question.[100] Un étudiant universitaire a raconté à Human Rights Watch :

 

En novembre 2006, environ quatre-vingts étudiants de notre classe ont donné chacun 2 500 francs [francs CFA ouest-africains, soit environ 5$US] à notre délégué de classe pour faire des copies d'un document dont nous avions besoin pour nos examens d'économie. Lorsqu'il ne nous a pas remis les copies comme promis, nous ne savions pas quand ni si nous allions en voir un jour la couleur. Alors nous avons rédigé une pétition au bureau national de la FESCI pour protester mais avant de l'envoyer, six d'entre nous sont allés voir le chef de tous les délégués de classe qui est membre de la FESCI. Il nous a dit de le retrouver à l'amphithéâtre H3 pour discuter de l'affaire. Quand on est arrivés à leur troisième étage, il y avait plein d'étudiants de la FESCI sur les marches et puis une vingtaine dans la salle, attendant tous là. Nous savions qu'ils étaient de la FESCI parce que nous nous connaissons tous et ils n'essaient pas de cacher leur affiliation. Ils ont obligé cinq d'entre nous à s'agenouiller mais ils ont pris le délégué de classe adjoint dans une autre salle à part. Ils avaient des fers à repasser allumés et ont dit qu'ils allaient nous repasser avec. Ils avaient aussi des ceinturons et des gourdins. Puis ils ont commencé à nous tabasser un par un. Quand on essayait de se relever, ils frappaient à nouveau. L'un de nous a commencé à saigner beaucoup et ils lui ont dit de nettoyer le sang. Ils ont dit, «Vous voulez saboter notre gumbo?[101] Vous voulez saboter notre business?» Entre-temps, le délégué adjoint était dans une salle à côté et se faisait battre encore plus brutalement. Il avait les yeux fermés tellement ils étaient gonflés et ils l'ont obligé à se laver le visage avec de l'eau pimentée. Par la suite, il y a eu une réunion entre l'administration de l'université et ceux qui avaient été battus. Ils nous ont dit qu'ils écouteraient la FESCI et puis qu'ils feraient une médiation et une réconciliation mais ils ne nous ont jamais rappelés après ça. Nous n'avons pas déposé plainte à la police parce que si vous faites ça, vous avez intérêt à avoir un garde du corps. Ils peuvent même vous tuer. Vous devriez fuir le pays. Vous pourriez peut-être déposer plainte contre un autre mouvement, mais pas contre eux.[102]

Menaces et violences sexuelles

Human Rights Watch a recueilli des informations sur plusieurs cas d'abus et d'exploitation sexuels perpétrés par des membres de la FESCI depuis 2002 et l'organisation estime que le nombre et l'incidence des abus sexuels déclarés risquent d'être considérablement en dessous de la réalité.[103]

Les étudiants interrogés par Human Rights Watch disent que les membres de la FESCI réclament et extorquent des actes sexuels auprès d'étudiantes sur le campus, parfois en menaçant d'expulser une étudiante de sa chambre à la résidence si elle refuse de dormir avec un membre de la FESCI.[104] Un journaliste a cité un étudiant en droit qui lui aurait dit, «Dès qu'une fille plaît [à un membre de la FESCI], il envoie ses gars pour l'avoir. Si elle refuse de se soumettre, elle est expulsée de la résidence et on l'empêche de venir sur le campus pour assister à ses cours.»[105]

Lors d'un entretien avec un groupe de femmes, Human Rights Watch leur a demandé comment on pouvait prendre contact avec l'administration de l'école pour demander une protection ou comment on pouvait dénoncer un tel comportement. Les femmes ont toutes ri et l'une d'elles a répondu, «Vous rêvez! L'université ne fera rien.»[106]

Les recherches effectuées par Human Rights Watch révèlent que des membres de la FESCI ont été impliqués dans au moins deux cas de viol. Le cas le plus tristement célèbre est celui du viol collectif brutal d'une dirigeante étudiante de l'AGEECI en juin 2005 sur le campus de Cocody à Abidjan, précisément parce qu'elle militait au sein de l'AGEECI. Elle a confié à Human Rights Watch :

J'ai été kidnappée par les mêmes membres de cette FESCI qui avaient torturé à mort Habib Dodo. Après m'avoir traînée sur tout le campus, à la recherche d'un «général» qui était censé leur dire quoi faire, ils sont finalement allés sur le vieux campus. Peu après, ils m'ont fait subir un interrogatoire. Avec leurs questions, ils essayaient de me faire avouer que l'AGEECI collaborait avec les rebelles et d'obtenir des informations sur les dirigeants. J'ai essayé de dire que je ne savais rien… Ils m'ont dit que j'étais foutue. Ils m'ont aussi donné des informations sur ma maison, ma vie privée, pour me montrer qu'ils savaient beaucoup de choses sur moi et que je ne pouvais pas leur échapper. Quand ils ont parlé des  [membres de ma famille]… ça m'a donné froid dans le dos…Puis mon interrogateur leur a demandé d'être «efficaces» quand il m'a enfermée avec quatre d'entre eux et il leur a dit de «faire un boulot sans bavures…» Ils m'ont battue. Ils m'ont dit qu'on leur avait appris à tuer et qu'ils me tueraient si je ne parlais pas. Ils m'ont montré des tâches de sang sur le sol… et m'ont dit que c'était le sang de mes camarades qui avaient été torturés là il n'y avait pas longtemps. Puis…l'un d'eux a insisté pour qu'ils me déshabillent de force et m'obligent à me coucher, ce qui fut fait. J'ai tout de suite compris que c'était pour accomplir un mauvais plan. L'un d'eux m'a cogné la tête contre un mur, les autres me frappaient et abusaient de moi sexuellement. J'ai crié à en perdre la voix mais c'était inutile… Mon violeur a pris sa place, me serrant la gorge de ses deux mains. Il m'étranglait… Il m'a couvert le visage avec un morceau de drap grossier et m'a pénétrée. Pendant qu'il me violait, j'ai essayé de me débattre et de crier mais les autres me tenaient les pieds… Mon violeur me faisait mal. J'étais dégoûtée, je souffrais et j'étais impuissante… [Après m'avoir laissée partir] ils m'ont interdit de retourner sur le campus et m'ont dit que mes études étaient terminées… sous peine de mort.[107]

Une importante ONG locale de défense des droits humains qui suivait le cas de cette femme a confirmé qu'aucune enquête n'avait été ouverte par la police suite à la plainte que l'étudiante avait déposée et que ses requêtes pour que l'université et le Ministère de la Justice agissent étaient restées sans réponse.[108] La même organisation a recueilli des informations sur le viol collectif d'une autre étudiante active au sein du parti d'opposition (PDCI), commis par deux membres de la FESCI (dont l'un a pu être identifié par la victime) près de chez elle à Abidjan, peu après qu'elle eut participé à une manifestation anti-gouvernementale le 25 mars 2004. Cette étudiante a remis à l'organisation une déposition écrite et circonstanciée, examinée par Human Rights Watch. L'ONG a confirmé que ni la police, ni l'appareil judiciaire n'avaient donné suite à l'affaire.[109]

Intimidations et agressions de professeurs et d'enseignants

Depuis 2002 au moins, la FESCI s'est livrée à des intimidations, et à l'occasion à des violences physiques, sur plusieurs professeurs et enseignants en raison de leurs convictions politiques ou parce qu'ils militaient en faveur de meilleures conditions de travail. En novembre 2007, des membres de la FESCI auraient battu à coups de ceinturons et de gourdins deux professeurs du secondaire qui avaient participé à une grève du corps enseignant.[110]

Un enseignant du secondaire a confié à Human Rights Watch qu'en novembre 2006, des étudiants de la FESCI lui avaient fracassé une pierre sur la tête au cours d'une bagarre qui avait éclaté dans un restaurant après que des étudiants se furent enivrés.[111] Selon l'enseignant, bien que ses collègues se soient mis en grève pour protester, les étudiants impliqués n'ont pas été sanctionnés.

D'autres enseignants ont expliqué à Human Rights Watch qu'ils avaient peur d'infliger de mauvaises notes à un membre de la FESCI vu les conséquences imprévisibles et peut-être violentes:

À notre école, nous avons environ 4 000 étudiants. Tous les professeurs savent qui sont les membres de la FESCI parce que si vous avez un dirigeant de la FESCI dans votre classe, il peut aller et venir comme bon lui semble et parler quand il veut. Si vous ne laissez pas l'étudiant faire ce qu'il veut, on vous regardera d'un air méfiant et vous pourriez finir par vous faire attaquer dans la rue. Vous ne saurez même jamais qui a fait cela parce qu'il y a beaucoup de chance qu'ils enverront des gens que vous ne connaissez pas. Donc les professeurs ont peur d'eux parce que c'est votre vie qui est en jeu. Vous avez peur de leur donner une mauvaise note.[112]

Bien que beaucoup d'enseignants, en particulier au niveau secondaire, continuent à avoir peur de la violence perpétrée par la FESCI, le dirigeant d'une association de professeurs d'université a expliqué à Human Rights Watch en quoi la présence d'anciens membres de la FESCI au sein des professeurs d'université commençait à modifier les relations professeurs-étudiants :

L'année dernière [2006], la FESCI a perturbé l'assemblée générale que nous tenions alors que nous étions en grève. Quelques étudiants de la FESCI sont arrivés avec des machettes. Nous leur avons dit que s'ils s'avisaient de toucher ne fût-ce qu'à un professeur, il y aurait deux «années blanches».[113] Aujourd'hui, les relations avec la FESCI ont changé un peu parce que… de nouveaux professeurs ont eux-mêmes dans le temps été membres de la FESCI et ils sont devenus plus fermes dans la défense de nos intérêts. Ils savent comment opère la FESCI et ils ne les laisseront pas nous intimider.[114]

Effet sur la liberté d'expression et d'association

Lors d'entretiens avec Human Rights Watch, des professeurs d'université et du secondaire ainsi que des étudiants ont décrit l'effet réfrigérant qu'exercent les actions de la FESCI sur la liberté d'expression et d'association tant dans les établissements secondaires qu'au niveau universitaire.

Des enseignants du secondaire ont expliqué qu'ils hésitaient à discuter des résultats engrangés par le gouvernement actuel, à laisser entendre que l'économie est mal en point ou à aborder en classe un certain nombre de sujets sensibles sur le plan politique :

Nous sommes obligés de limiter ce que nous disons en classe par crainte des conséquences. Par exemple, vous ne pouvez pas critiquer la gestion du pays et en dépit de vos convictions, vous devez au contraire dire que les choses s'améliorent. Vous ne pouvez pas parler de la corruption. Vous ne pouvez pas dénoncer les violations des droits humains. Et si vous donnez une mauvaise note, ils peuvent vous intimider jusqu'à ce que vous la changiez. Mais la FESCI est un faux problème. La FESCI est là simplement parce qu'elle est soutenue par un système politique. On la maintient comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de quiconque songe à s'opposer au pouvoir.[115]

Les professeurs d'université interrogés par Human Rights Watch semblaient avoir moins peur d'aborder en classe des sujets sensibles du point de vue politique, mais ils ont tous fait remarquer que critiquer la FESCI ou s'engager dans une controverse politique autour de ses actions était hors de question :

En ce qui concerne la liberté d'expression, nous les professeurs faisons attention à tout ce que nous disons et faisons à propos de la FESCI. Ils bénéficient de l'impunité. Les politiciens, la police et l'armée ne vous aideront pas si vous êtes menacés par la FESCI. La FESCI peut assassiner et l'enquête ne mènera jamais nulle part. Mais les politiciens préfèrent fermer les yeux sur certaines pratiques car en fin de compte, ils ont besoin de la FESCI pour arriver à leurs fins politiques.[116]

L'ombre projetée par la réputation violente de la FESCI a eu un effet profond sur les activités d'autres organisations estudiantines, des syndicats estudiantins rivals aux associations religieuses d'étudiants, qui ont signalé à Human Rights Watch qu'après les exactions perpétrées contre l'AGEECI,[117] elles avaient restreint ou cessé leurs campagnes ouvertes de recrutement, la distribution de tracts et autres activités qui pourraient être interprétées comme une remise en question de la domination de la FESCI sur les campus.[118] Ainsi, à bien des égards, les tentatives d'exclusion des éventuels rivaux de l'espace politique par la violence et l'intimidation, si courantes dans le pays depuis le début de la crise, se sont reflétées au niveau universitaire et ont servi à miner fortement la liberté d'association et d'expression sur les campus.

Outre le fait de s'abstenir de tout acte public au nom d'une organisation rivale, les partisans de l'opposition qui vivent dans les cités étudiantes ont confié à Human Rights Watch qu'ils devaient être discrets au sujet de leur affiliation politique, allant même jusqu'à s'assurer qu'ils ne détenaient pas dans leurs chambres des livres ou des documents qui pourraient les associer à l'opposition, afin d'éviter d'être expulsés de force de leurs chambres par la FESCI: «Dans les résidences, si vous n'êtes pas pro-FPI, vous ne pouvez pas vous exprimer. Ce que vous pensez, vous devez le garder pour vous, pas l'exprimer. C'est l'une des pires choses à ce niveau-là. Vous devez cacher qui vous êtes pour votre sécurité et votre survie».[119]

Plusieurs étudiants et professeurs interrogés par Human Rights Watch ont épinglé le rôle que la FESCI a joué dans la «pacification» de l'université et les avantages que cela offre pour le parti au pouvoir.[120] Tout au long des années 1990, le milieu universitaire a été un foyer d'activités de l'opposition et les manifestations d'étudiants universitaires organisées par la FESCI constituaient une source d'irritation constante pour le gouvernement.[121] Au contraire, depuis l'arrivée au pouvoir du Président Gbagbo, très rares ont été les occasions où la FESCI a fait grève ou a manifesté contre le gouvernement en faveur du bien-être des étudiants ou pour quelque autre raison, alors qu'objectivement, peu d'améliorations, si tant est qu'il y en ait eu, ont été opérées sur le plan des conditions vécues par les étudiants. Parallèlement, comme il est expliqué plus loin, certains membres de la FESCI ont fait usage de leur pouvoir pour engranger des profits financiers personnels énormes, souvent au détriment des étudiants économiquement défavorisés. Interrogé au sujet de l'absence relative de grèves en lien avec la surpopulation et autres problèmes qui dominaient l'agenda de la FESCI dans les années 1990, un dirigeant de l'association a expliqué:

Certains disent que nous ne faisons plus grève mais nous devons communiquer différemment et reconnaître les réalités auxquelles les gens au pouvoir doivent faire face. Gbagbo vient sur le campus et mange avec nous, il partage notre réalité. Nous constatons des petits gestes pour améliorer notre sort, et nous savons qu'il donnerait plus s'il avait plus. Il ne nous fuit pas, donc nous n'insistons pas pour avoir plus.[122]

Des dirigeants étudiants d'autres organisations interrogés par Human Rights Watch ont exprimé le désir profond de s'organiser ouvertement et publiquement et de faire pression pour obtenir de meilleures conditions pour les étudiants, mais ils ont tous déclaré qu'ils craignaient une réaction violente de la FESCI.[123] Des étudiants et des professeurs ont relevé que le comble de l'ironie dans l'histoire de la FESCI, c'est que cette organisation née du combat pour une démocratie multipartite était devenue intolérante face à toute remise en question non seulement de sa propre autorité, mais également de celle du gouvernement.[124]

Contrôle criminel par la FESCI des principaux services et infrastructures universitaires

Bien que les racines de certaines pratiques datent d'avant le début de la guerre civile en 2002, depuis que la crise a éclaté, les membres de la FESCI ont affiché une tendance croissante à s'approprier par des moyens criminels les principaux services et infrastructures universitaires et à décider de leur affectation. Les activités auxquelles ils se livrent sont le racket des marchands et chauffeurs de minibus à proximité des complexes universitaires, l'extorsion d'une partie de leurs bourses d'études aux autres étudiants, ainsi que la saisie illégale et la sous-location de chambres dans les résidences universitaires.

Un comportement mafieux

Des marchands, des membres d'un syndicat de transporteurs représentant les chauffeurs de taxi et de minibus ainsi que des fonctionnaires de mairie travaillant à proximité des bâtiments universitaires ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils faisaient régulièrement l'objet d'extorsion et de racket pratiqués par des membres de la FESCI, comparant souvent l'organisation à une «mafia».

Des marchands exerçant leur activité sur le campus universitaire, dans les cités universitaires et même dans les écoles secondaires ou à proximité, ont confié à Human Rights Watch qu'ils étaient obligés de payer des «impôts» à la FESCI pour avoir le privilège de travailler. Ces «impôts» incluent des droits d'établissement initiaux de 15 000 à 25 000 francs (francs CFA ouest-africains, soit environ 30 à 50$US), suivis de paiements périodiques fixés en fonction de la taille de l'activité en question. Alors qu'une marchande de marché vendant de la garba, un repas populaire à base de manioc servi à midi, peut payer 3 000 francs par mois (environ 6$), un marchand opérant une plus grande échoppe de boissons non alcoolisées peut payer 25 000 francs par mois (environ 50$). Selon les marchands interrogés par Human Rights Watch, quiconque refuse de payer risque d'être passé à tabac ou expulsé:

Je gère une cabine téléphonique à proximité de l'une des résidences universitaires. Des membres de la FECI viennent souvent téléphoner et puis, ils refusent de payer. Parfois, ils viennent collecter leurs impôts chaque jour, parfois une fois par semaine. Cela dépend de leur humeur. En général ils prennent 200-300 francs par jour [environ 0,40$-0,60$], 1 000 francs par semaine [environ 2$] ou plus ou moins 5 000 francs par mois [environ 10$]. Ils viennent simplement et disent, «Nous sommes venus chercher le quota.» Si vous ne payez pas, vous risquez d'être passés à tabac, chassés de votre emplacement ou que votre magasin soit cassé.[125]    

Les marchands interrogés par Human Rights Watch qui ont un plus grand commerce semblent ne pas devoir payer d' «impôts» à la FESCI. Toutefois, les petits colporteurs et vendeurs de nourriture peuvent difficilement résister aux exigences de l'organisation.

Human Rights Watch a interrogé deux anciens membres de la FESCI qui ont été un jour responsables de percevoir l'argent auprès des marchands autour d'une cité universitaire. Tous deux ont décrit un système de collecte bien organisé où le «secrétaire aux finances» d'une section individuelle de la FESCI dresse une liste des marchands qui se trouvent sous le contrôle de la FESCI sur leur territoire et des «impôts» qui sont dus. Le secrétaire financier collecte alors l'argent chaque mois ou chaque semaine, mais ceci n'exclut pas la possibilité de collecter de l'argent à l'improviste en dehors des jours prévus si besoin est.[126]

Outre les «impôts» réguliers qui sont prélevés par intervalles, les marchands ont signalé à Human Rights Watch que les membres de la FESCI exigeaient souvent que les restaurants et taxis leur accordent des services gratuits, allant souvent manger et boire en grand groupe et refusant ensuite de payer.

Selon des étudiants, des marchands et des fonctionnaires travaillant pour une mairie, la FESCI refuse d'autoriser les percepteurs d'impôts communaux à collecter les impôts officiels du gouvernement sur leur «territoire». Un percepteur d'impôts communal a expliqué à Human Rights Watch :

Cela a commencé lentement, même avant 2002, mais ça a vraiment pris de l'ampleur depuis lors. Aujourd'hui, les zones situées autour des différentes cités universitaires sont un vrai no man's land. Vous ne pouvez pas y pénétrer. En 2004, en tant que chef des opérations de perception, je suis allé dans leur zone pour mener une enquête. Il n'a pas fallu longtemps avant que la FESCI ne m'encercle. J'ai demandé, «Qui êtes-vous?» L'un d'eux a répondu, «Ah, je vois. Tu n'es donc pas au courant». Puis, ils nous ont chassés de là en nous frappant et nous donnant des coups de pied. Et ceci n'est pas un cas isolé. Nous avons essayé plusieurs fois de percevoir l'argent et d'autres agents ont été carrément passés à tabac. Je dirais que nous perdons environ dix millions de francs [francs CFA ouest-africains, soit environ 20 000$] par an au profit de la FESCI en raison des «impôts» qu'elle lève autour des deux cités étudiantes situées sur notre commune.[127]

 

Les représentants d'une mairie ont dit que la police ne veut pas intervenir dans ces questions et les autres affaires impliquant la FESCI parce que l'organisation est «protégée par le pouvoir»:

Ils sont armés et nous ne pouvons certainement pas envoyer des gens pour percevoir les impôts dans leur zone. Notre seule force est la police nationale, mais les policiers nous disent qu'ils ne veulent pas de problèmes avec la FESCI, donc nous ne pouvons pas compter sur eux pour nous aider. Tout policier y réfléchira à deux fois avant d'agir contre la FESCI ou ses intérêts parce qu'il sait que la FESCI est protégée par le pouvoir. En fait, vous priez juste Dieu pour ne pas avoir de problèmes avec eux parce qu'il n'y a aucune force de sécurité qui les arrêtera.[128]

En échange des «impôts» payés, la FESCI «protège» les marchands en s'occupant des voleurs et autres fauteurs de troubles. À l'une des cités universitaires, un membre de la FESCI a décrit un système mis au point pour juger et condamner de présumés voleurs:

Si un marchand que nous protégeons a un problème avec un voleur, il nous en parlera. Il viendra voir celui qui est de permanence ce jour-là, qui écoutera le voleur et le marchand et puis décidera de ce qu'il faut faire. Généralement, il décide combien le voleur doit au marchand et prend une commission au voleur également. Souvent le voleur est battu. Les marchands préfèrent s'adresser à la FESCI parce que nous sommes plus efficaces que la police où les choses risquent de n'aboutir à rien. Les policiers n'ont pas le droit de venir sur notre territoire. S'ils viennent, nous les chassons. En général, ils ont de toute façon peur de nous. Donc même si un citoyen va au poste du 8e arrondissement pour dire qu'il a un problème avec la FESCI, la police lui dira qu'elle ne peut rien y faire. C'est pourquoi les cités sont un État dans l'État.[129]

Des chauffeurs de minibus qui passent à proximité de deux principaux points de ramassage et de descente situés près des infrastructures universitaires ont expliqué à Human Rights Watch qu'ils devaient payer à la FESCI 200 francs (francs CFA ouest-africains, soit environ 0,40$) chaque fois qu'ils chargeaient un nouveau passager et ils estimaient que l'argent obtenu par la FESCI des 100 minibus qui parcouraient la ligne pouvait s'élever à 160 000 francs (environ 320$) par jour.[130] Une association de transporteurs a signalé à Human Rights Watch que dans bien des cas, la police ne se trouve pas à plus de 100 mètres de là, rackettant souvent d'autres conducteurs et elle ne fait rien pour arrêter la FESCI.[131]

Des policiers et des étudiants ont dit à Human Rights Watch que dans leur communauté, les personnes louent de plus en plus les services de membres de la FESCI pour garantir leur sécurité ainsi que pour perpétrer des actes violents. Une femme qui avait décidé de payer la FESCI pour aider à assurer la sécurité de sa maison a été citée dans la presse locale déclarant, «Avec [la FESCI], je suis en sécurité. J'étais menacée et j'ai appelé la police. Elle n'a pas réagi. J'ai donc choisi de confier ma sécurité à des étudiants.»[132] Un policier a expliqué ce qui arrivait lorsque des éléments de la FESCI étaient engagés pour percevoir une dette privée:

Si vous avez un problème, si quelqu'un vous doit de l'argent par exemple, vous allez louer les services de la FESCI qui ira casser les choses pour vous et récupérer votre argent. C'est arrivé il y a tout juste un mois. Nous sommes arrivés et avons vu la FESCI qui encerclait une maison avec des gourdins. Un gars à l'intérieur devait 900 000 francs [environ 1 800$].  Ce qu'ils font principalement, c'est prendre la maison en otage. J'ai dit au gars à l'intérieur qui devait de l'argent d'essayer de proposer quelque chose. Je lui ai dit, «Si tu as 100 000 francs [environ 200$], donne-les parce que ce sont eux qui contrôlent les choses dans ce pays maintenant.» Maintenant j'entends des citoyens qui disent des choses dans le genre, «Je vais aller déposer plainte à la FESCI». Aujourd'hui c'est ainsi que certains veulent régler leurs problèmes![133]

 

Vol de l'argent des bourses

Des étudiants interrogés par Human Rights Watch affirment qu'en dehors de toute considération politique, la FESCI prend à tous les étudiants boursiers une partie de l'argent qui leur est octroyé, au vu et au su des responsables de l'université. Les étudiants ont raconté à Human Rights Watch que des représentants de la FESCI s'assoient juste à côté de l'endroit où l'argent est distribué par l'université afin de collecter «leur part», souvent environ 5 pour cent.[134] Si quelqu'un tente de résister, les étudiants interrogés par Human Rights Watch ont indiqué que la FESCI leur prend tout par la force.

Contrôle par la FESCI de l'attribution des chambres dans les résidences

La zone d'Abidjan compte plus de 60 000 étudiants universitaires mais un peu moins de 10 000 lits dans les résidences universitaires.[135] Résultat: les résidences universitaires de toute la zone d'Abidjan sont surpeuplées.[136] La rareté des lits, conjuguée au fait que bon nombre d'étudiants ne peuvent se permettre de faire la navette, veut donc dire qu'une chambre dans une résidence est une commodité extrêmement prisée.[137]

Dans ce contexte de pénurie, l'administration de l'université, une division du Ministère de l'Enseignement Supérieur, attribue près de 4 000 lits à différentes organisations estudiantines sur la base d'un système de quota.[138] Bien qu'à l'origine le système ait été destiné à assurer un logement au leadership relativement restreint des associations étudiantes, les représentants du Ministère de l'Enseignement ont précisé à Human Rights Watch que le système de quota s'était considérablement étendu depuis 2000.[139] En vertu de la distribution actuelle, les groupes pro-FPI tels que la FESCI, l'aile jeune du FPI (JFPI) et Solidarité Africaine (SOAF) reçoivent officiellement plus de la moitié des lits répartis dans le cadre du système de quota. Par contre, les groupes associés à l'opposition politique, tels que l'AGEECI et l'aile jeune du parti de l'opposition RDR (JRDR), ne reçoivent aucun lit dans le cadre du système de quota car, selon le ministère, «la FESCI a refusé».[140]

Hormis les chambres attribuées en vertu du système de quota, selon le ministère, la FESCI a pris illégalement le contrôle d'au moins 611 autres lits en expulsant les étudiants par la force.[141]

Le contrôle exercé par la FESCI sur les résidences lui confère un énorme pouvoir politique et financier. Les étudiants interrogés par Human Rights Watch ont signalé que la FESCI expulse souvent de leurs chambres par la force des étudiants non-FESCI et qu'ensuite, elle loue la chambre à quelqu'un d'autre pour un montant oscillant entre 10 000 et 20 000 francs (francs CFA ouest-africains, soit environ 20 à 40$) par lit par mois, toutes les recettes étant empochées par le membre de la FESCI qui contrôle la chambre.[142] Beaucoup d'autres étudiants obtiennent une chambre dans une résidence par l'intermédiaire de l'université, pour découvrir ensuite qu'elle est sous le contrôle de la FESCI. Bon nombre de ces chambres sont louées à des personnes qui ne sont plus étudiants, ou ne l'ont carrément jamais été.[143] Dans ces circonstances, les étudiants ont expliqué à Human Rights Watch que plutôt que de chercher à traiter eux-mêmes directement avec la FESCI, les responsables de l'université chargeaient les étudiants de s'adresser à la FESCI pour résoudre leurs problèmes de logement.[144]

En ce qui concerne le contrôle politique, de nombreux étudiants interrogés par Human Rights Watch ont rapporté que depuis 2002, beaucoup d'étudiants du nord ou soupçonnés de soutenir l'opposition politique ont été expulsés par la FESCI de manière sélective.[145] Selon bon nombre d'étudiants interrogés, le risque permanent d'être expulsés par la force instille un climat de peur et assure la soumission des non membres.[146] Pour sa part, la FESCI se sert de sa mainmise sur les cités universitaires pour embrigader des étudiants en vue de grands mouvements de protestation pro-gouvernementaux et autres mobilisations.[147] Par exemple, se référant aux émeutes anti-ONU de janvier 2006, un étudiant a expliqué:

Avant les manifestations de ce mois de janvier, l'un des dirigeants de la FESCI dans notre résidence a organisé une réunion et a dit à tous ceux qui vivaient là, «La FESCI descend dans la rue. Si vous ne vous mobilisez pas, vous n'aurez plus de chambre quand nous rentrerons». Donc je peux vous assurer que même si je suis un partisan du RDR, je me suis retrouvé dans la rue à un poste de contrôle comme tous les autres dits «patriotes». Autrement, j'aurais perdu ma chambre. Essayer d'aller à l'encontre de la FESCI, c'est comme essayer d'aller à l'encontre du gouvernement lui-même. Vous ne pouvez pas faire ça.[148]

En février 2007, le secrétaire général nouvellement élu de la FESCI, Augustin Mian, a participé à une cérémonie au cours de laquelle il a remis une clef symbolique de 530 chambres occupées illégalement aux responsables de l'administration de l'université.[149] Il a toutefois rejeté l'affirmation selon laquelle toutes les chambres avaient été occupées par des membres de la FESCI, pointant plutôt du doigt des anciens étudiants universitaires qui ont terminé leurs études mais refusent de quitter leur chambre. Bien qu'il s'agisse d'un fait prometteur, au moment où ont été écrites ces lignes, on ne savait pas encore très bien ce que cela signifiera dans la pratique et si cela préviendra à l'avenir les occupations illégales.[150]

Activités et violences hors campus

Depuis 2002, la violence et les activités criminelles des membres de la FESCI ont souvent débordé des limites de l'université et ont pris la forme de mobilisations de masse et d'attaques à l'encontre de personnes perçues comme des opposants au gouvernement, notamment des politiciens de l'opposition, des juges, des médias et des employés des Nations Unies. Ces activités, qui ont souvent directement promu les intérêts du FPI au pouvoir, n'ont en règle générale suscité que peu de réaction de la part des autorités policières et judiciaires.

Blocage du processus de paix par la violence et l'intimidation

Depuis le déclenchement de la crise politique en 2002, les membres de la FESCI, avec d'autres groupes ouvertement pro-gouvernementaux tels que les Jeunes Patriotes, ont organisé de nombreuses manifestations politiques violentes en faveur du gouvernement. Dans certains cas, ces mouvements de protestation ont été le fruit d'un appel à l'action lancé directement et publiquement par les hauts dirigeants du FPI à tous les partisans de leur parti. En plusieurs occasions, les jeunes manifestants qui se livraient à une activité illégale telle que monter la garde à des postes de contrôle non autorisés ont reçu un soutien logistique direct ou autre des membres des forces de sécurité gouvernementales.

Ces mobilisations de masse incluent par exemple les manifestations violentes de 2003 organisées en réaction à l'accord de paix conclu sous l'égide de la France et jugé trop «pro-rebelles» par la «galaxie patriotique», où Charles Blé Goudé et Jean-Yves Dibopieu ont joué un rôle crucial en mobilisant à la fois les Jeunes Patriotes et les membres de la FESCI.[151] Le mouvement de contestation a paralysé Abidjan pendant des jours, les manifestants s'attaquant à plusieurs bâtiments français et lançant des pierres et des insultes sur des citoyens français qui essayaient de quitter le pays depuis l'aéroport d'Abidjan, tout ceci sans réaction, ou à peine, des forces de sécurité gouvernementales.[152]

En janvier 2006, le Groupe de travail international, un organe composé de plusieurs représentants du gouvernement et d'organisations internationales et régionales, et chargé par le Conseil de sécurité de l'ONU de superviser la mise en œuvre de ses résolutions sur la Côte d'Ivoire, a émis une décision controversée perçue comme préjudiciable pour le FPI.[153] En réponse, les Jeunes Patriotes, accompagnés des membres de la FESCI et d'autres groupes pro-gouvernementaux, sont descendus dans la rue et ont lancé des pierres, brûlé des pneus, pris le contrôle de la chaîne de télévision nationale[154] et attaqué des véhicules et des bâtiments des agences de l'ONU et des agences internationales humanitaires, provoquant de lourdes pertes matérielles. La violence et l'incitation à la violence ont obligé quelque 400 membres de l'ONU et du personnel humanitaire à opérer un retrait temporaire de certaines zones de l'ouest de la Côte d'Ivoire.[155]

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Des jeunes pro-gouvernementaux dressent une barricade le 17 janvier 2006. Des centaines de barrages routiers de ce type ont été érigés dans toute la ville d'Abidjan. © 2006 AFP

Human Rights Watch ne connaît aucun cas où les autorités ont arrêté un membre de la FESCI ou des Jeunes Patriotes pour les actions menées en janvier 2006, alors qu'ils ont paralysé la circulation pendant des jours entiers, ouvertement extorqué de l'argent à des passants et porté des gourdins et autres armes.[156] Au contraire, selon les témoignages recueillis par Human Rights Watch, les forces de sécurité ont manifestement fermé les yeux, si pas carrément autorisé les actes violents perpétrés par les groupes de jeunes tels que la FESCI et les Jeunes Patriotes.[157] Des témoins, dont un policier, ont déclaré à Human Rights Watch que les forces de sécurité procuraient un soutien logistique aux contestataires impliqués dans les violences, notamment de la nourriture, de l'eau et des transports.[158] Au cours du mouvement de contestation, les groupes de jeunes ont dressé des centaines de postes de contrôle, parfois à l'endroit même où les forces de sécurité ivoiriennes avaient installé un poste de contrôle la veille.[159] Évaluant les manifestations, le dirigeant de la FESCI de l'époque, Serge Koffi, a été cité dans un journal pro-FPI disant, «Nous sommes très satisfaits . . . La jeunesse a montré qu'elle est toujours prête, toujours mobilisée [pour défendre la république].»[160]

En juillet 2006, les membres de la FESCI, les Jeunes Patriotes et d'autres groupes de jeunes pro-gouvernementaux ont à nouveau causé de gros troubles à Abidjan et d'autres villes à travers le pays, érigeant des barricades, brûlant des voitures et interrompant par la force les «audiences foraines» - des audiences publiques pour les résidents, en majorité du nord, qui ne disposent pas de documents d'identification – qui constituaient une composante cruciale du processus de paix.[161] Les manifestations ont débuté après que le chef du parti de Gbagbo, Pascal Affi N'Guessan, eut déclaré lors d'une conférence de presse que les audiences devraient être bloquées:  «nous appelons nos militants à s'opposer, par tous les moyens, à ce processus ».[162] Les membres de la «galaxie patriotique», notamment les membres de la FESCI et les Jeunes Patriotes, ont reçu le message cinq sur cinq. Les actions menées par les groupes de jeunes pro-gouvernementaux en réponse à cet appel aux armes ont paralysé un programme national destiné à identifier les Ivoiriens sans documents et à leur fournir des papiers officiels.[163]

En réponse à l'appel lancé par le dirigeant du FPI, Pascal Affi N'Guessan, le leader de l'opposition Mady Djédjé du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), une alliance de tous les principaux partis d'opposition, a appelé ses sympathisants à «débloquer [le processus d'identification] par tous les moyens», provoquant des affrontements entre jeunes pro-gouvernement et jeunes pro-opposition.[164] Selon un rapport de l'ONU, au moins huit personnes ont perdu la vie et des dizaines ont été blessées.[165] Fin juillet, les leaders des groupes de jeunes des deux camps ont appelé à une fin immédiate de la violence afin d'éviter «un Rwanda bis».[166]

Après les événements de juillet 2006, le processus d'identification n'a pas repris avant septembre 2007, mais cette fois avec la bénédiction du Président Gbagbo et de son parti, le FPI. Contrairement à juillet 2006 où un appel aux armes lancé par les dirigeants politiques avait débouché sur d'énormes troubles et des affrontements de rue entre partisans de partis rivaux, ici aucune contestation publique n'a été organisée par les groupements de jeunes pro-gouvernementaux tels que la FESCI ou les Jeunes Patriotes.

Le pouvoir qu'ont la FESCI et d'autres associations «patriotiques» de jeunes de mobiliser les jeunes dans la rue depuis que la crise a éclaté a été l'un des éléments clés à la base de leur influence nationale. C'est grâce aux mobilisations de masse telles que celles décrites plus haut que les membres de la FESCI et d'autres groupes «patriotiques» pensent qu'ils ont «sauvé la république» et «maintenu Gbagbo au pouvoir»[167]Un membre de la FESCI interrogé par Human Rights Watch a expliqué:

En échange de ses privilèges, la FESCI donne au gouvernement le pouvoir de la mobilisation. Quand il y a un mouvement, c'est la FESCI qui le fait ou qui l'organise. La galaxie patriotique repose sur nous pour organiser les choses. Bien sûr, aujourd'hui les Jeunes Patriotes ont moins besoin de la FESCI parce qu'ils ont une grande capacité personnelle. Mais il reste vrai que parce que nous sommes tous concentrés dans quelques endroits autour de l'université, nous pouvons tous être facilement mobilisés à partir de là. D'autres patriotes sont à la maison ici et là mais nous, nous sommes concentrés en un endroit. C'est quand les autres patriotes voient la FESCI envahir les rues qu'ils savent qu'ils peuvent sortir aussi sans danger. Chaque fois que nous nous mobilisons, les forces de sécurité envoient de l'eau et des provisions pour que nous puissions continuer. Certains nous procurent indirectement les provisions par l'intermédiaire des épouses et de la famille.[168]

Attaques à l'encontre de membres de l'opposition politique

À plusieurs reprises depuis que la crise politico-militaire a éclaté en 2002, les membres de la FESCI se sont rendus responsables d'attaques commises contre des dirigeants de l'opposition, des membres de l'opposition politique et des dirigeants rebelles occupant des postes ministériels dans le cadre d'un accord politique. À la connaissance de Human Rights Watch, aucune de ces attaques n'a débouché sur une enquête officielle ou sur une arrestation.

En juillet 2005, le siège du PDCI a été pris d'assaut par une meute de membres de la FESCI associés aux Jeunes patriotes qui cherchaient à empêcher un groupe de jeunes du PDCI de tenir une conférence de presse. Deux personnes ont été grièvement blessées et une douzaine d'autres plus légèrement lorsque les assaillants ont attaqué les jeunes du PDCI avec des gourdins et des barres de fer.[169] Un étudiant qui participait à l'attaque a décrit comment la police présente sur les lieux observait les exactions sans toutefois réagir :

Le RHDP voulait faire une réunion au siège du PDCI à Cocody mais Blé Goudé avait demandé à la FESCI d'arrêter ça. Donc Semibi, qui à l'époque était le numéro deux dans la hiérarchie après Serge Kuyo, est arrivé à la Cité Mermoz pour nous dire d'arrêter la conférence de presse.[170] Nous étions environ 60 à avoir répondu à l'appel et nous nous sommes rendus devant le siège du PDCI pour tabasser tous les jeunes qui essayaient de rentrer, à coups de poings et de gourdins. J'ai dû sortir avec tous les autres, sinon j'aurais été accusé d'être aussi un rebelle. Il y avait trois camions de CRS [Compagnie Républicaine de Sécurité] qui étaient là et qui ne faisaient rien.[171]

En septembre 2005, des membres de la FESCI ont attaqué le Ministre de l'Administration du territoire et officier supérieur des rebelles des Forces Nouvelles, Issa Diakité, alors qu'il se rendait dans le quartier abidjanais de Cocody pour assister à des funérailles.[172] Lorsque Diakité a été séparé de son détachement de sécurité, des membres de la FESCI ont barricadé les entrées de la maison dans laquelle il avait trouvé refuge, occasionnant un face à face tendu entre d'une part la FESCI, et d'autre part les gardes du corps de Diakité appartenant à l'ONUCI et les membres du Centre de Commandement des Opérations de Sécurité (CECOS) qui arrivaient pour intervenir.[173] Quelques heures plus tard, le chef d'état-major de l'armée Philippe Mangou est arrivé et après une brève discussion avec les membres de la FESCI, ces derniers ont rapidement quitté les lieux.[174]

Un membre de la FESCI a expliqué à Human Rights Watch qu'après l'attaque, Damana Pickas, ancien dirigeant de la FESCI, ancien dirigeant de la JFPI et conseiller actuel d'Affi N'Guessan, le chef de file du FPI, est arrivé à la Cité Mermoz[175] pour sermonner les dirigeants de la FESCI pour ces actions :

Lorsque Diakité est arrivé dans une maison près de la Cité Mermoz, deux membres [de la FESCI] l'ont vu et ont alerté tous les étudiants de Mermoz. J'étais assis dehors à l'entrée de la cité lorsque c'est arrivé. Ils sont sortis en courant et ont cassé toutes les voitures qui se trouvaient devant la maison pour assister aux funérailles. Mais je ne pense pas que le FPI ait ordonné l'attaque. Je le sais parce que [Damana] Pickas est venu à la Cité Mermoz peu de temps après pour dire que ce que nous avions fait était inacceptable et que la prochaine fois, la FESCI serait punie. Il a dit que de tous les ministres rebelles, Diakité était celui qui était le plus proche du président. C'est ainsi que j'ai su que le FPI n'avait pas ordonné de faire ça.[176]

Dans une déclaration publiée dans le journal pro-FPI Notre Voie, le dirigeant de la FESCI à l'époque, Serge Koffi, a décliné toute responsabilité dans l'incident, affirmant que l'attaque avait été organisée par des partisans des Forces Nouvelles.[177]

En février 2006, une foule d'étudiants jetant des pierres, parmi lesquels se seraient trouvés des membres de la FESCI, a attaqué le Ministre des Infrastructures économiques, Patrick Achi, sur le campus universitaire, forçant ses gardes du corps à tirer en l'air pour se frayer une issue.[178] Le dirigeant de la FESCI Serge Koffi a décliné toute responsabilité pour l'attaque.[179]

Attaque perpétrée en mars 2004 contre l'appareil judiciaire

En février 2004, trois membres de la FESCI ont été arrêtés, jugés et condamnés à quatre mois d'emprisonnement pour coups et blessures sur une personne soupçonnée de vol qu'ils avaient attrapée sur le campus. Ces arrestations ont provoqué de violents mouvements de protestation organisés par la FESCI. Les trois étudiants ont rapidement été libérés sur décision du procureur de la république, Sékou Goba, qui a par la suite été suspendu de ses fonctions par la Ministre de la Justice de l'époque, Henriette Diabaté, actuellement dirigeante de l'opposition RDR.[180] En représailles, le mois suivant, des centaines de membres de la FESCI et les milices des Jeunes Patriotes ont encerclé le Palais de Justice dans le centre d'Abidjan afin de protester contre la prestation de serment de deux juges, dont le président de la Cour d'Appel d'Abidjan, qui venaient d'être nommés par la Ministre de la Justice, Mme Diabaté.[181]

Des Jeunes Patriotes et des membres de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI) manifestent devant le palais de justice d'Abidjan le 9 mars 2004 pour protester contre la nomination de nouvelles autorités judiciaires. © 2004 AFP

Bien que la police ait été postée autour du bâtiment en prévision du mouvement de contestation, les manifestants ont fait irruption dans le bâtiment, passant à tabac plusieurs magistrats. Human Rights Watch a interrogé l'un des juges brutalisés ce jour-là, lequel a expliqué que tandis que quelques policiers tentaient d'arrêter les assaillants, d'autres restaient là à ne rien faire, certains allant même jusqu'à collaborer avec la FESCI et les Jeunes Patriotes:

Il y avait beaucoup de policiers qui gardaient le bâtiment ce jour-là. On nous avait donc dit qu'on pouvait venir à la cérémonie sans danger. Nous sommes rentrés par la porte de derrière et avons vu des tas de jeunes gens en train de vociférer et de discourir à l'extérieur. Nous étions dans nos bureaux lorsqu'ils ont commencé à envahir les lieux. Nous étions six environ dans un bureau. Un policier est arrivé et a frappé à notre porte en disant, «Eh, que faites-vous là-dedans? Ouvrez!» J'ai ouvert la porte et le policier s'est écarté pour laisser une masse de jeunes entrer dans la pièce. Ils n'étaient pas armés. J'ai vu que certains d'entre eux étaient des membres de la FESCI. L'un d'eux a crié, «Vous menez ce pays à la ruine! C'est vous qui voulez vous débarrasser du procureur de la république parce qu'il a libéré quelques-uns de nos hommes.» Ils m'ont frappé au visage et j'étais tâché de sang. Ils voulaient me jeter dans les escaliers mais j'ai résisté. Un autre juge a été jeté dans les escaliers. Puis quelques policiers ont essayé de calmer le jeu et ont réussi à les faire partir. Nous avons donc vu qu'au sein de la police, il existait la même division politique qu'ailleurs.[182]

Suite à l'incident, un syndicat de la magistrature s'est mis en grève et a réclamé l'ouverture d'une enquête officielle, ce qu'a également demandé le président de l'association du barreau. L'ambassade des Etats-Unis a publié une déclaration dénonçant «le manque de respect pour la loi [et l'] impunité dont jouissent certains groupes».[183] Bien que le magistrat qui s'est entretenu avec Human Rights Watch ait déposé plainte et que la police ait interrogé plusieurs personnes à propos de l'affaire, personne n'a jamais été arrêté. Selon le magistrat passé à tabac ce jour-là, aujourd'hui la plainte est «presque oubliée».[184]

On pourrait difficilement exagérer l'impression qu'a produite sur les Ivoiriens le passage à tabac de juges, en public, par des membres de la FESCI et des Jeunes Patriotes. Des dizaines de personnes interrogées par Human Rights Watch, de la police aux professeurs et étudiants, en passant par les victimes de la FESCI, se posaient toutes plus ou moins la même question: «Si la FESCI peut même passer à tabac des juges sans crainte d'un châtiment, quel espoir ai-je d'obtenir justice?»[185] Revenant sur l'incident, l'ex-Ministre Diabaté a confié à Human Rights Watch :

Je n'ai jamais vu ni entendu pareille chose ailleurs dans le monde: des juges battus et exhibés par des groupes de jeunes, juste parce qu'ils prétendaient que les juges étaient RDR! Il n'y a eu aucune enquête sérieuse après cet incident. L'impunité est devenue la règle.[186]

 

Intimidations et attaques à l'encontre de la presse

À plusieurs reprises en 2006 et 2007, des membres de la FESCI ont assiégé et envahi des bâtiments appartenant à la presse écrite et parlée ivoirienne, laissant souvent dans leur sillage des dégâts matériels impressionnants.

À deux reprises en 2006, des membres de la FESCI ont pris d'assaut la Radio-Télévision Ivoirienne (RTI) car ils voulaient lire une déclaration à l'antenne. Un témoin oculaire qui travaille à la télévision a expliqué à Human Rights Watch qu'en janvier 2006, des membres de la FESCI ont été escortés à la chaîne de télévision par le chef des forces armées ivoiriennes en personne, le Général Philippe Mangou.[187] La FESCI a alors entrepris d'interrompre un bulletin d'informations en direct pour essayer de prononcer une déclaration contre les Nations Unies:

Ce jour-là, les informations de 13 heures étaient censées passer à l'antenne. Un groupe de ministres, notamment de la sécurité, des communications et de la défense, étaient là pour lire un communiqué gouvernemental officiel appelant au calme. Mais juste avant le début de la diffusion, une dizaine de 4x4 sont arrivés dans la cour. Ils étaient remplis de membres de la FESCI, dont [le leader de la FESCI] Serge Koffi, et de Jeunes Patriotes. Le Général Mangou est également arrivé, revêtu de l'uniforme militaire et flanqué de ses gardes du corps. Un membre de la FESCI a dit, «Nous avons une annonce à faire.» Je leur ai demandé de me laisser voir ce qu'ils voulaient lire et ils ont dit qu'ils n'avaient pas de texte. Alors nous avons refusé. Notre politique était que tout ce qui était dit en direct devait être vu à l'avance. Il y avait beaucoup de tension. Finalement, ils ont fait irruption dans le studio. Le présentateur était en train de lire les nouvelles quand ils sont entrés et ont pris le contrôle du studio. À ce stade, des centaines d'autres [membres de la FESCI] étaient arrivés de la Cité Rouge à côté et nous étions véritablement pris en otages.[188]

La RTI a accepté de diffuser une déclaration préenregistrée plus tard dans la soirée. Néanmoins, le lendemain, des membres des Jeunes Patriotes et de la FESCI ont à nouveau fait irruption à la RTI et exigé de faire une nouvelle déclaration. Dans son message, le dirigeant de la FESCI Serge Koffi a annoncé qu'il avait «pris» la chaîne de télévision et a demandé aux jeunes de descendre dans la rue pour exiger le départ des troupes étrangères.[189] Des membres de la FESCI et des Jeunes Patriotes ont poursuivi leur occupation de la RTI ce soir-là, lançant des appels à l'action, notamment un appel aux manifestants pour «prendre l'aéroport».[190]

En juillet 2006, furieux parce que la RTI avait diffusé des déclarations de représentants d'un syndicat des professeurs en grève, des membres de la FESCI ont fait irruption dans les bâtiments de la chaîne pour tenter de faire à leur tour une déclaration :

Ils étaient fâchés parce que nous avions diffusé un reportage sur la grève des professeurs dans lequel certains des grévistes étaient interviewés. Dans le passé, lorsque la FESCI ou les Jeunes Patriotes venaient, les soldats qui se trouvaient là en permanence pour garder les lieux, ne montraient aucune résistance. Mais cette fois, certains soldats ont essayé de les empêcher d'entrer. Dans la confusion, un membre de la FESCI a frappé un soldat qui a tiré par terre et la balle a ricoché et a touché un autre membre de la FESCI [à la jambe]. Après avoir passé les grilles, ils ont réussi à briser les vitres de la plupart des voitures garées à l'intérieur du parking de la RTI. Un des soldats qui gardent la chaîne de télévision m'a dit plus tard, «Ces gars de la FESCI me font chier. S'ils sont toujours là, c'est parce que nous n'avons pas reçu d'ordres pour mettre fin à ça.»[191]

 

En août 2007, des membres de la FESCI ont pris d'assaut les bureaux d'un journal, L'Intelligent d'Abidjan, pour protester contre le soi-disant refus du quotidien de publier un droit de réponse de la FESCI suite à un article affirmant que l'association estudiantine avait changé d'alliés politiques, passant du FPI à l'UDPCI, le parti d'opposition. Selon les témoignages, la police est arrivée sur les lieux et a négocié avec les assaillants jusqu'à obtenir leur départ des locaux du journal.[192] Personne n'a été arrêté.

Attaques à l'encontre d'ONG de défense des droits humains

En mai 2007, des membres de la FESCI ont attaqué et saccagé le siège de deux des principales organisations ivoiriennes de défense des droits humains, la Ligue Ivoirienne des Droits de l'Homme (LIDHO) et Actions pour la Protection des Droits de l'Homme (APDH), occasionnant des dégâts à hauteur de 40 millions de francs  (francs CFA ouest-africains, soit environ 80 000$US).[193] Le motif de l'attaque semble être le soutien que, d'après la FESCI, les organisations apportaient à l'association des professeurs qui faisaient grève pour obtenir de meilleures conditions de travail. Néanmoins, certains membres des deux associations de défense des droits humains émettent l'hypothèse que la grève des professeurs n'était qu'un prétexte et que le véritable objectif de la FESCI était d'une part éliminer les fichiers et dossiers contenant des informations relatives à ses méfaits, et d'autre part les punir pour avoir dénoncé publiquement des actions menées par la FESCI dans le passé.[194]

Les militants des droits humains ont expliqué à Human Rights Watch que lors de l'une des attaques, qui a duré plus de deux heures, la police locale était restée là à regarder alors que la destruction avait lieu, ne faisant rien pour intervenir ou essayer d'une manière ou l'autre d'arrêter les membres de la FESCI. Si des renforts de police ont été appelés, ils ne sont pas arrivés. Un témoin oculaire de l'attaque perpétrée contre la LIDHO a décrit les événements:

J'étais près de l'entrée de notre enceinte lorsque nous avons vu un énorme groupe d'étudiants venir vers nous à pied. Certains portaient des t-shirts de la FESCI. Ils n'essayaient pas de cacher qui ils étaient. Ils criaient, «C'est la FESCI!» Je dirais qu'il y en avait environ trois cents qui sont arrivés à nos locaux. La route à l'extérieur était bondée de monde. Ils avaient des pierres et des gourdins. L'un d'eux a hurlé, «Nous n'allons pas à l'école. Vous dites que vous êtes des défenseurs des droits de l'homme et pourtant vous protégez les professeurs qui ne veulent pas nous donner cours!» Ils avaient deux façons de manifester leur colère: casser et voler. Ils ont pris tous nos disques durs et ont cassé les écrans d'ordinateur. Ils ont volé les téléphones des gens, l'argent, tout ce qui avait de la valeur. Il y avait neuf membres du personnel ici, mais nous n'avons pas opposé de résistance pour sauver notre peau. Nous les avons simplement regardés faire ce qu'ils voulaient avec notre bureau. Trois policiers sont arrivés mais ils ne sont pas intervenus.
Nous avons entendu dire qu'avant de venir ici, ils avaient tenu une réunion sur le campus au cours de laquelle ils avaient décidé de faire un «sit-in» à la LIDHO. Pour ce qui est de leur réaction après les faits, Serge Koffi [Secrétaire général de la FESCI] a d'abord reconnu avoir eu une réunion où ils avaient décidé d'organiser un sit-in, puis il a accusé des «éléments incontrôlés» et ensuite il a dit, «Nous ne regrettons pas de l'avoir fait» et a précisé qu'il s'agissait d' «un avertissement». En même temps, il a même dit qu'il déposerait plainte contre nous pour avoir diffamé son organisation parce que selon lui, ce sont des voyous qui ont cassé nos affaires, pas des membres de la FESCI.[195]

 

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Vue générale des locaux de la Ligue Ivoirienne des Droits de l'Homme (LIDHO) mis sens dessus dessous par des membres de la FESCI. © 2007 AFP

Dans les jours qui ont suivi l'attaque, les deux ONG ont reçu la visite du Ministre de la Justice et du Président Gbagbo, qui leur ont donné approximativement cinq millions de francs chacun (francs CFA ouest-africains, soit environ 10 000$) pour les aider à couvrir les pertes subies.[196]

Les deux organisations ont exprimé leur surprise au sujet des attaques. La LIDHO en particulier avait été un ardent défenseur de la FESCI tout au long des années 1990 lorsqu'elle était persécutée par le gouvernement. Les deux associations avaient participé aux efforts de promotion d'une résolution pacifique des conflits sur les campus et avaient pris des initiatives visant à réduire la fréquence des violences sur les campus.[197]

La LIDHO et l'APDH ont intenté des procès contre la FESCI, bien qu'au moment de la rédaction du présent rapport, aucun fait nouveau d'importance n'ait eu lieu en lien avec l'affaire. Un avocat en charge du dossier pour la LIDHO a fait part de son espoir mais a reconnu que de sérieux défis risquaient de se poser :

La FESCI n'a pas été punie dans le passé mais nous pensons que cela pourrait être différent cette fois car nous suivons l'affaire avec détermination et le dossier est passé dans les mains d'un juge d'instruction qui est obligé, en vertu de la loi ivoirienne, d'ouvrir une enquête et d'entendre les gens. Il est difficile de dire si le passage à tabac de juges qui fait partie des antécédents de la FESCI jouera dans l'esprit des juges mais nous ne pouvons pas cacher le fait qu'il s'agit d'une affaire délicate et que jusqu'à présent, la FESCI n'a pas encore perdu le sommeil pour toutes les choses qu'elle a faites dans le passé. Nous sommes tous témoins du fait que les choses n'avancent jamais contre elle par le canal judiciaire. Elle jouit d'une impunité totale.[198]

Un autre défenseur des droits humains a expliqué qu'il était important que le dossier avance là où d'autres avaient échoué dans le passé :

Le Ministre de la Justice et le Président Gbagbo ont tous deux condamné oralement ce qui est arrivé lorsqu'ils sont venus. Mais nous avons besoin de faits concrets, pas juste d'une condamnation. Nous ne voulons pas d'argent. Nous avons intenté un procès contre la FESCI pour lui montrer qu'elle n'est pas au-dessus de la loi. Juste une fois les autorités judiciaires doivent envoyer le signal que personne n'est au-dessus de la loi en Côte d'Ivoire.[199]

Les groupes estudiantins à Bouaké sous contrôle rebelle

Depuis le déclenchement de la guerre civile en septembre 2002 jusqu'en mars 2006, l'université de Bouaké, la capitale des rebelles, était officiellement fermée. Bien que la plupart des étudiants aient fui pour trouver une relative sécurité à Abidjan, le campus de Bouaké était surveillé par un petit groupe d'étudiants vivant sur place, dont certains s'étaient autoproclamés «Comité des étudiants».[200] Les étudiants parvenaient à survivre avec le produit de la vente de glaces et quelques dons des soldats français, et cherchaient à empêcher que la petite bibliothèque du campus soit la proie de pillards.[201]

Étudiant tenant une chemise devant l'université de Bouaké en mars 2006. © 2006 AFP

Lorsque le campus a officiellement rouvert ses portes en mars 2006, l'AGEECI, le groupement étudiant rival persécuté par la FESCI dans la partie sud du pays pour ses supposés liens avec la rébellion,[202] a entrepris de recruter et de mener d'autres activités associatives sur le campus de Bouaké. Des frictions ont vu le jour entre l'AGEECI et le Comité des étudiants, débouchant sur une confrontation particulièrement violente en août 2006, lorsqu'un membre du Comité étudiant a été touché d'une balle dans la poitrine mais a survécu à ses blessures, et que plusieurs autres membres du Comité ont été blessés à coups de machette.[203] Les membres de l'AGEECI appréhendés suite à l'incident d'août 2006 prétendent avoir été accusés d'être des «espions de Gbagbo» sur la chaîne de télévision des Forces Nouvelles.[204]

L'affrontement survenu en mai 2007 entre les membres du Comité d'étudiants et d'autres étudiants, notamment quelques membres de l'AGEECI, était dû au fait que les membres du Comité d'étudiants avaient tenté d'établir une liste des étudiants remplissant les conditions pour bénéficier d'un programme d'aide financière.[205]

Les versions des deux camps étant contradictoires, il est difficile de déterminer sur cette base qui est responsable des incidents violents de 2006 et 2007. Il est toutefois clair que dans les deux épisodes où les Forces Nouvelles sont intervenus, ils n'ont arrêté que des membres de l'AGEECI et d'autres étudiants n'appartenant pas au Comité, en dépit du fait que des membres du Comité des étudiants étaient également impliqués dans les violences.[206]

Les membres de l'AGEECI interrogés par Human Rights Watch affirment que les difficultés qu'ils rencontrent avec les Forces Nouvelles proviennent de leur refus de prendre des positions publiques en faveur des rebelles. L'un des membres a relevé que, «Les Forces Nouvelles veulent des jeunes qui répondent à leurs besoins juste comme la FESCI le fait pour Gbagbo dans le sud».[207] Bien que le président du Comité des étudiants soutienne que son organisation est apolitique, un administrateur des Forces Nouvelles interrogé par Human Rights Watch a reconnu que ce Comité était « en phase» avec les rebelles des Forces Nouvelles.[208] Lors d'un entretien avec Human Rights Watch, un fonctionnaire de la division droits de l'homme de l'ONUCI a dénoncé ce qu'il a qualifié de «discrimination flagrante» en faveur du Comité des étudiants et a accusé les Forces Nouvelles de chercher à créer une sorte de «FESCI-FN» pour appuyer leur politique.[209]

Personne ne sait vraiment ce qui arrivera au Comité des étudiants lorsque le pays sera uni et que des groupes tels que la FESCI et l'AGEECI chercheront à restaurer une présence officielle et organiseront des activités associatives. Un étudiant interrogé par Human Rights Watch a exprimé des craintes quant à l'avenir du campus de Bouaké une fois que le pays sera réuni:

Je suis inquiet du sort de l'université ici. Il y a plusieurs groupes d'étudiants qui veulent exister en même temps mais je ne pense pas qu'ils veulent ou savent comment exister ensemble. Chaque association veut le contrôle total du campus et leur méthode est de s'imposer par la violence. Il m'est difficile d'imaginer deux associations coexistant pacifiquement sur le même campus en Côte d'Ivoire. Et les syndicats estudiantins en Afrique ne sont jamais libres. À un certain niveau, elles sont toujours contrôlés par des partis politiques qui les utilisent pour arriver à leurs fins.[210]

Efforts pour réduire les violences en milieu universitaire

Au cours des dernières années, des efforts de plus en plus importants ont été déployés par le Ministère de l'Enseignement Supérieur, par la société civile ivoirienne, voire à l'occasion par le leadership même de la FESCI, pour réduire les  actes de violence en milieu universitaire.

Le directeur de cabinet du ministre de l'enseignement supérieur a expliqué à Human Rights Watch que la lutte contre la violence universitaire constituait l'une des priorités absolues du ministère et que ce dernier voulait générer un dialogue plus large sur ce sujet dans le monde universitaire.[211] En décembre 2007, le ministère a organisé un atelier rassemblant des membres des principales organisations estudiantines afin de débattre des problèmes liés aux conditions régnant dans les cités universitaires, notamment la violence étudiante.[212] Bien que ces efforts et d'autres initiatives pour lancer un dialogue soient louables, les étudiants et professeurs interrogés par Human Rights Watch se plaignent du fait que lorsqu'il s'agit de la violence perpétrée par la FESCI, les responsables de l'université se sont souvent montrés peu disposés à intervenir, disant souvent aux étudiants que puisqu'ils ne peuvent pas faire grand-chose à propos de la FESCI, les étudiants devraient régler les problèmes entre eux.[213] Afin de résoudre bon nombre des problèmes exposés dans le présent rapport, il faudra que le ministère fasse preuve d'une volonté plus ferme d'imposer des mesures disciplinaires telles que la suspension ou la demande d'intervention de la police en cas d'activité criminelle.

Les principales associations ivoiriennes de défense des droits humains s'emploient depuis longtemps à prodiguer une éducation aux droits humains sur les campus et à faire office de médiateurs dans le conflit étudiant. En janvier 2007, la Ligue ivoirienne des Droits de l'Homme (LIDHO) a créé un centre pour l'éducation au civisme et à la non-violence sur le campus qui porte le nom d'Observatoire des Droits et des Libertés en Milieu Universitaire (ODELMU). L'Observatoire mène des campagnes de sensibilisation visant à accroître «le dialogue, la paix et la tolérance» sur le campus. Des membres de la LIDHO interrogés par Human Rights Watch ont expliqué que jusqu'à présent, pratiquement toutes les organisations estudiantines présentes sur le campus-à l'exception de la FESCI-ont accepté de devenir membres de l'Observatoire.[214] Les défenseurs des droits humains interrogés par Human Rights Watch ont fait part de leur frustration devant le fait que même après toutes ces initiatives, les locaux de la LIDHO et de l'APDH ont été saccagés par des membres de la FESCI, mais elles ont juré de poursuivre résolument leurs campagnes d'éducation et de médiation.[215]

Bien que l'éducation à la non-violence et les ateliers parrainés par le gouvernement soient des initiatives aussi heureuses que nécessaires, certains défenseurs des droits humains avec lesquels nous nous sommes entretenus ont souligné qu'elles devaient s'accompagner d'efforts destinés à s'attaquer à l'impunité ainsi que d'un signal fort des dirigeants du FPI faisant comprendre que la violence et les activités criminelles commises par les membres de la FESCI ne seront plus tolérées.[216]

Quelques efforts de réforme sont à constater du côté de la FESCI elle-même, comme le reflète l'un des chants de l'association :

Nous on veut plus casser, hé, hé !
STT[217] a parlé, nous on veut plus machetter, ho !
Nous on veut plus mélanger, hé, hé !
KB[218]couma nous on veut plus brûler,  ho !
STT a parlé, nous on veut plus tuer, ho![219]

Dans une interview accordée peu après son élection à la tête de la FESCI en mai 2005, Serge Koffi a annoncé qu'il voulait faire de la FESCI un «syndicat responsable» et que «l'introduction de machettes à l'université [avait] terni l'image de l'étudiant».[220] Après son élection en décembre 2007, le successeur de Serge Koffi, Augustin Mian, a lui aussi déclaré qu'il s'engageait à mettre fin à la violence.[221] Lors d'un entretien avec Human Rights Watch, M. Mian a relevé que :

Objectivement, il est vrai qu'il y a eu de la violence et d'autres problèmes. Nous le reconnaissons, mais je dis aujourd'hui que ceci est une nouvelle FESCI. C'est ma mission. Cependant ce n'est pas avec une baguette magique que je peux me débarrasser de dix-huit ans de mauvaises habitudes. Il faut que la communauté internationale nous aide. Je veux une nouvelle FESCI, mûre, qui tourne le dos à la violence.[222]

En 2007, la FESCI a livré à la police plusieurs membres accusés de crime, notamment de meurtre et d'agression. Certes, ces paroles et ces actions sont les bienvenues mais les délits criminels perpétrés par les membres de la FESCI de 2005 à ce jour semblent indiquer que beaucoup reste à faire.

L'impunité et le besoin de justice

Bien que les activités illégales des membres de la FESCI ne soient un secret pour personne en Côte d'Ivoire, les autorités gouvernementales n'ont que rarement ouvert une enquête, arrêté et poursuivi les auteurs de ces actes illicites.[223] Dans de nombreux cas, les victimes de violences perpétrées par la FESCI ont déposé plainte officiellement. Néanmoins, selon des victimes interrogées par Human Rights Watch, ces plaintes n'aboutissent presque jamais ne fût-ce qu'à l'interrogatoire d'un membre de la FESCI par la police, et encore moins à son inculpation.[224]

Depuis l'année 2000 au moins, la Côte d'Ivoire est marquée par un climat d'impunité bien ancrée, les forces de sécurité gouvernementales ainsi que les groupes et les milices pro-gouvernementaux pouvant apparemment tuer, violer, agresser, harceler et extorquer de l'argent aux supposés partisans de l'opposition politique (et, depuis 2002, à ceux des rebelles) sans conséquences.[225] En ce sens, les exactions perpétrées par les membres de la FESCI et décrites plus haut, ainsi que le fait que le gouvernement s'abstienne d'enquêter et, si les faits l'imposent, de poursuivre les auteurs de ces actes, ne sont que le reflet d'un problème beaucoup plus vaste.

Le soutien direct et indirect du gouvernement

Lors des recherches effectuées par Human Rights Watch sur les violences perpétrées par la FESCI, les personnes interrogées, qu'il s'agisse d'étudiants, de professeurs, de policiers ou encore de juges, ont fréquemment affirmé qu'une grande partie du pouvoir politique et du comportement criminel de la FESCI découlait du fait qu'elle était «protégée par le pouvoir» et «soutenue par le FPI».[226] Ces personnes prétendent que la protection et le soutien apportés par le FPI à la FESCI sont à la fois directs et indirects et qu'étant donné l'implication de la FESCI dans une longue série de délits criminels graves, l'appui du gouvernement s'avère particulièrement inopportun sous quelque forme que ce soit.

En ce qui concerne le soutien direct, bien que l'on entende souvent dire que le Bureau national de la FESCI reçoit des contributions financières soit de la présidence, soit de membres haut placés du FPI, aucune des personnes interrogées par Human Rights Watch n'a été en mesure de présenter des preuves tangibles permettant d'étayer cette affirmation.

Hormis le soutien purement financier, il existe toutefois plusieurs exemples notables d'un soutien gouvernemental direct qui sont décrits ailleurs dans le présent rapport, notamment l'aide fournie à la FESCI et d'autres membres de la «galaxie patriotique» par le chef de l'armée ivoirienne lorsqu'ils ont pris d'assaut la chaîne de télévision nationale en janvier 2006, ainsi que le soutien logistique procuré à la FESCI et d'autres «patriotes» lors des émeutes anti-ONU de janvier 2006.[227]

Cependant, s'il est une manière beaucoup plus insinuante d'encourager les activités de la FESCI, tant celles qui semblent être motivées politiquement que celles davantage mues par des considérations criminelles ou pécuniaires, c'est bien par l'impunité associée à presque tous les délits perpétrés par les membres de cette association.[228] Sans cette impunité, a fait remarquer un professeur, la FESCI ne pourrait pas exister sous sa forme hégémonique et violente actuelle.[229] Un certain nombre de professeurs et d'étudiants avec lesquels nous nous sommes entretenus affirment que la réticence affichée par le gouvernement à poursuivre en justice les membres de la FESCI est, en réalité, une forme de soutien gouvernemental indirect à cette association.

Un État dans l'État

Lors d'entretiens avec Human Rights Watch, des policiers, des fonctionnaires d'une mairie, des professeurs et des étudiants ont tour à tour qualifié les cités universitaires d' «État dans l'État», d' «ambassade étrangère» et de «no man's land» en raison du contrôle absolu exercé par la FESCI et de l'incapacité ou du manque de volonté dont font preuve les forces de sécurité de l'État pour intervenir face à la conduite criminelle des membres de la FESCI.[230] Un policier interrogé par Human Rights Watch a reconnu que la police est incapable de mettre un pied dans ces endroits (ou sur le campus universitaire) pour faire respecter la loi sans demander la permission du dirigeant de la FESCI.[231]

Certains policiers interrogés par Human Rights Watch ont fait part de leur énorme frustration face à ce qu'ils perçoivent comme leur incapacité à agir contre les exactions commises par la FESCI:

Aujourd'hui, la FESCI fait ce qu'elle veut et il ne se passe rien. Elle jouit d'une impunité totale. Les membres de la FESCI ne sont jamais punis et ils ne le seront jamais parce que les gens au pouvoir les soutiennent. Il y a eu des cas où des membres de la FESCI ont été arrêtés mais ils ont été libérés peu après. Dans le cas de Habib Dodo, nous savons qui l'a fait, mais il ne se passe rien.[232] Nous connaissons ceux d'entre eux qui ont tué, volé et tabassé mais nous ne pouvons rien faire contre eux dans le système actuel. Il ne se passe rien parce que les gens ont peur d'eux et des gens du gouvernement qui les soutiennent. Vous savez, ils ont même tabassé des juges en 2004 et rien n'est arrivé. Pourquoi? Parce qu'ils sont protégés en haut lieu.
Lorsque les gens téléphonent et disent, «La FESCI est en train de causer des problèmes ici», un policier y regarde à deux fois avant d'agir. C'est comme si vous aviez affaire au diable. Si quelque chose paraît dans la presse, alors la police est appelée à mener une enquête mais ça veut juste dire que l'on interroge une ou deux personnes et on en reste là. Le chef de notre arrondissement dira, «Je vous envoie mais ne vous créez pas de problème». Aujourd'hui, il y a même des policiers qui sont des ex-membres de la FESCI, donc vous êtes aussi aux prises avec eux quand ils disent, «Du calme, ne faites rien». Nos dirigeants essaieront de faire croire que qu'ils font quelque chose à propos du problème mais c'est de la poudre aux yeux et nous les policiers en dessous d'eux, nous savons qu'ils ne font rien. Il y a beaucoup de policiers qui sont fatigués du système et de l'impunité mais ceux de l'autre côté sont plus nombreux et ils contrôlent les plus hauts postes.[233]

D'autres policiers et juges interrogés par Human Rights Watch ont apporté des témoignages similaires. Un policier haut gradé a relevé que, «Si on nous donnait le feu vert pour nous occuper des choses, nous pourrions régler le problème, mais nous ne pouvons pas agir parce que nous savons qu'ils sont protégés par le  pouvoir.»[234]

Pourquoi si peu est fait pour réclamer des comptes aux membres de la FESCI

Des juges et des policiers interrogés par Human Rights Watch ont expliqué que, pour toutes sortes de raisons, les autorités s'abstiennent systématiquement d'agir contre les crimes commis par les membres de la FESCI. Certains ont exprimé une crainte pour leur carrière, d'autres pour leur sécurité personnelle et celle de leur famille, et d'autres ont simplement évoqué les conséquences imprévisibles d'une action contre ceux qui, à leurs yeux, bénéficient d'une énorme protection politique.[235] Un juge d'instruction a expliqué ce qui suit:

Si je commençais à interroger des membres de la FESCI, je mettrais ma carrière en danger. Quelqu'un du ministère [de la justice] viendrait probablement dire que c'en est fini pour moi. Ce n'est pas que les juges reçoivent des instructions précises leur intimant de ne pas toucher aux membres des milices comme la FESCI, mais chacun pense à sa sécurité et à sa carrière. En tant que petits juges, nous savons que si nous nous attaquons à eux, ils viendront nous chercher la nuit si nous creusons trop profond ou si nous les dérangeons. Et personne n'ouvrira d'enquête pour découvrir qui vous a fait ça.[236]

Se démarquant en partie des autres personnes interrogées, le Directeur Général de la Police Nationale (DGPN) de l'époque, Yapo Kouassi, a reconnu qu'il y avait eu des problèmes avec les membres de la FESCI mais il a démenti l'accusation selon laquelle la FESCI jouissait d'une impunité:

Nous devons admettre qu'il est difficile pour les autorités de les contrôler. Mais j'insiste sur le fait que les autorités n'ont jamais approuvé officiellement les actes de destruction de la FESCI et que j'ai ordonné leur dispersion lorsque cela s'avérait nécessaire. Par exemple, en 2003, j'étais directeur de la sécurité publique. La FESCI voulait la révocation du directeur de la RTI et nous les avons dispersés avec des gaz lacrymogènes. Cela a stupéfié les gens parce qu'on disait qu'ils étaient proches du pouvoir. Chacun s'attendait à ce que je sois renvoyé. Mais au lieu de cela, j'ai été promu au poste de Directeur Général de la Police Nationale peu de temps après. Les plus hautes autorités s'inquiètent donc bien des actions menées par la FESCI. Cela les expose à la communauté internationale et ne donne pas une bonne image du pays. La FESCI donne l'impression d'être un second pouvoir mais ils n'ont pas carte blanche dans le pays, même s'ils ont aidé à sauver les institutions républicaines après la crise.[237]

Comme il y est fait allusion dans le témoignage ci-dessus, les membres de la FESCI et d'autres personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont la conviction qu'en organisant des manifestations à des moments clés depuis le début de la crise en 2002, la FESCI et d'autres membres de la «galaxie patriotique» ont « sauvé les institutions de la république» en général, et le gouvernement Gbagbo en particulier. Le Directeur Général de la Police Nationale a expliqué que:

Il est vrai que la FESCI a le pouvoir de s'immiscer dans le fonctionnement de certaines institutions de l'État. Mais elle a également utilisé son pouvoir pour soutenir le gouvernement. Par exemple, suite à la crise du 19 septembre 2002, il y a eu des tas de grandes mobilisations organisées par les mouvements patriotiques. À ce moment-là, la FESCI a agi en fer de lance pour soutenir les institutions de la république.[238]

Bien entendu, peu de membres de la FESCI, si tant est qu'il y en ait eu, ont littéralement pris les armes pour juguler l'avancée imminente des rebelles. Néanmoins, un sentiment général semble prévaloir parmi les anciens membres de la FESCI interrogés selon lequel les énormes manifestations et mobilisations ont malgré tout porté un coup à la rébellion dans une bataille morale et médiatique. Par ailleurs, comme il est expliqué dans le présent rapport, la FESCI et d'autres membres de la galaxie patriotique ont organisé des mobilisations afin de paralyser le processus de paix à des moments clés, souvent de façon à aider le FPI à reprendre du souffle lorsque la conjoncture politique était précaire.

C'est pour cette raison que bon nombre des personnes interrogées, qu'ils s'agisse de policiers ou d'étudiants, affirment que le gouvernement est réticent à l'idée d'engager des procédures judiciaires contre des membres de la FESCI, d'une part parce qu'il entend en quelque sorte la récompenser pour les actions menées dans le passé en faveur du gouvernement, et d'autre part parce que la capacité de la FESCI à mobiliser les jeunes pourrait encore s'avérer utile à l'avenir. Comme l'a expliqué un juge:

Le plus important est de mettre fin à l'impunité. Aussi longtemps qu'ils ne devront pas payer les conséquences de leurs actes, rien ne changera. Il s'agit en grande partie d'une question de volonté politique. Mais le FPI pense qu'il a besoin des jeunes pour la «résistance patriotique». Et la FESCI et les autres patriotes ont organisé d'impressionnantes manifestations. Donc quelque part, le régime leur doit sa survie. Nous devons reconnaître que des groupes comme la FESCI ont un poids politique énorme. Ils ont une capacité de mobiliser les jeunes que les partis politiques eux-mêmes n'ont pas.[239]

D'autres observateurs politiques interrogés par Human Rights Watch, notamment des professeurs et des diplomates, ont déclaré qu'il était peu probable que le FPI traduise en justice des membres de la FESCI maintenant car il peut avoir besoin de faire appel à la capacité et au pouvoir de mobilisation de l'organisation lors des prochaines élections, pour l'instant prévues fin novembre 2008.[240] Plusieurs personnes interrogées estimaient qu'il était important de comprendre le sens de la loyauté réciproque née d'une part de la lutte commune menée dans les années 1990 par la FESCI et le FPI en faveur de la démocratie multipartite et d'autre part de la persécution subie par les deux groupes.[241] Par exemple, un ancien haut fonctionnaire du ministère de la sécurité a confié à Human Rights Watch, «La raison pour laquelle la FESCI n'est pas jugée et punie est que le FPI l'a créée lorsqu'il était dans l'opposition et que maintenant, il ne peut pas se retourner contre sa propre création.»[242] Un défenseur des droits humains a exprimé une idée similaire: «Jusqu'à ce que la guerre prenne fin, ce serait difficile pour le gouvernement d'arrêter des membres de la FESCI. La FESCI verrait cela comme une trahison puisqu'elle a amené le FPI au pouvoir.»[243]

Les crimes de la FESCI sont bien connus du gouvernement et du public

Les divers crimes exposés par Human Rights Watch dans le présent rapport ne surprendront personne en Côte d'Ivoire. En effet, bon nombre des activités de la FESCI ont été rapportées par les médias locaux et étaient bien connues des autorités judiciaires et policières interrogées par Human Rights Watch.[244] Les plus hautes sphères gouvernementales n'ignorent rien des crimes perpétrés par la FESCI. Dans un éditorial publié dans la presse locale en août 2006, le Ministre de la Sécurité de l'époque, Dja Blé, a dénoncé la «culture [générale] de violence entretenue par une quasi-impunité» en Côte d'Ivoire et cité comme exemple «les nombreux actes de vandalisme, d'agressions physiques allant jusqu'aux meurtres commis par des élèves et étudiants de la FESCI [qui] sont et demeurent toujours impunis».[245]

Pour leur part, les membres de la FESCI semblent se délecter de l'impunité dont ils jouissent. Comme l'ont confié des dizaines d'étudiants, des professeurs et autres personnes interrogés par Human Rights Watch, ils disent fréquemment d'un ton sarcastique: «Nous pouvons vous tabasser et il n'arrivera rien. Nous pouvons vous tuer et il n'arrivera rien.»[246] Un étudiant s'est vanté du fait qu'un seul coup de fil suffit dans bien des cas pour libérer un membre de la FESCI qui a des problèmes avec la police:

Si quelqu'un se fait arrêter, disons pour avoir tabassé un chauffeur de taxi, nous allons en masse au poste de police et annonçons que nous sommes de la FESCI et nous libérons la personne. Le 8e arrondissement coopère généralement, donc la plupart du temps, le secrétaire général peut juste les appeler. Par exemple, une fois j'ai été envoyé par le secrétaire général au 8e. Un étudiant refusait de payer son taxi, alors le chauffeur l'a emmené au poste de police. Mais en fait, dès que j'ai confirmé son identité de membre de la FESCI, ils l'ont libéré.[247]

Il faut noter qu'au moins en deux circonstances en 2007, le Secrétaire général de la FESCI, à l'époque Serge Koffi, a volontairement livré à la police des membres de la FESCI accusés de crimes. Dans le premier cas, ils étaient impliqués dans le meurtre, en juin 2007, d'une personne accusée de vol sur le campus; dans le second, ils étaient accusés du passage à tabac, en octobre 2007, de deux chauffeurs de bus de la Société des transports abidjanais (SOTRA). Même si l'on peut se réjouir de ces actions, elles n'en restent pas moins l'exception plutôt que la règle.

Les relations avec la police

Depuis le début de la crise en 2002, la FESCI entretient parfois des relations contradictoires avec la police et avec les autorités qui, dans un nombre limité de circonstances, cherchent à réfréner les activités les plus viles de la FESCI, mais plus souvent ferment les yeux devant la réalité. En d'autres occasions encore, des frictions entre policiers et membres de la FESCI ont dégénéré en attaques et échauffourées. Les événements d'août 2006 et d'août 2007 illustrent bien cette dynamique.

En août 2007, des membres de la FESCI ont attaqué et saccagé un commissariat de police d'Abidjan, brisant les vitres des voitures et des bâtiments du voisinage, afin de libérer deux de leurs camarades qui venaient d'être appréhendés pour n'avoir pas arrêté leur voiture à un contrôle de police. Un policier qui se trouvait au commissariat cette nuit-là a déclaré à Human Rights Watch que quelques heures après que les deux membres de la FESCI eurent été amenés au commissariat, des centaines d'autres membres de l'association ont pris d'assaut le commissariat, accompagnés d'un député de l'Assemblée Nationale membre du parti au pouvoir, William Attéby :

Tout a commencé lorsqu'un poste de contrôle de l'UIR [Unité d'Intervention et de Recherche] a sifflé une voiture pour qu'elle s'arrête. Le véhicule a refusé de s'arrêter et la police l'a poursuivi jusqu'à la Cité Rouge. Les policiers ont réussi à arrêter deux personnes et les ont emmenées au poste du 8e arrondissement. À leur arrivée, les étudiants ont dû s'asseoir sur un banc et on leur a demandé d'expliquer la situation. Entre-temps, ils avaient passé des coups de fil à la FESCI. Aux alentours de 2h30 du matin, au moins trois cents membres de la FESCI et le Député Attéby en personne sont arrivés au poste. Ils sont entrés de force et ont cassé la porte. L'un d'eux a pris une Kalash [fusil d'assaut Kalashnikov AK-47] du commissariat. Attéby était en short et en t-shirt. Il a dit, «Libérez ces gosses immédiatement. Sinon, il y aura des suites.» Nous avons répondu, «On ne peut pas les libérer juste comme ça.» Alors il a dit, «Vous les forces de sécurité 'n'avez pas gagné la guerre.' C'est le président lui-même qui l'a dit.[248] Ce sont ces gosses là dehors qui ont mis le gouvernement en place.»
Nous nous sommes branchés sur la radio de la police et avons dit que nous étions attaqués par la FESCI et que certains d'entre eux étaient même armés. Notre chef est venu à la radio et a dit, «Ne touchez pas à un seul cheveu d'un étudiant. Laissez-les partir.» Cela m'a vraiment dérangé. Alors que les gens partaient, un étudiant nous a dit, «Vous verrez. Vous n'êtes rien. Nous sommes le gouvernement. Nous cassons des trucs et il ne nous arrivera rien.»[249]

Personne n'a été interrogé ou arrêté en lien avec l'attaque. Dans un entretien avec Human Rights Watch, le Directeur Général de la Police Nationale de l'époque, Yapo Kouassi, a déclaré qu'il avait donné l'ordre de libérer les étudiants car «il y a des extrémistes à la FESCI qui pourraient déchaîner la violence partout dans Abidjan, ce qui mettrait en danger notre paix fragile.»[250] Au cours d'une interview accordée à un journal local, le Secrétaire général de la FESCI à l'époque, Serge Koffi, a décliné toute responsabilité pour l'attaque: «Je suis donc étonné que l'on m'accuse d'être celui qui a incité à la violence.  Si je l'avais voulu vraiment, les choses auraient été beaucoup plus terribles.»[251]

En d'autres occasions, les frictions entre la FESCI et la police ont dégénéré en batailles sanglantes. Fin août 2006, des membres de la FESCI ont passé à tabac un élève policier à un arrêt de bus après qu'il eut apparemment essayé de resquiller dans la file d'attente.[252] En représailles, un groupe d'élèves policiers, dont l'académie est toute proche de l'université, a pris d'assaut le campus de l'université de Cocody, abattant au moins un étudiant et en blessant grièvement jusqu'à 20 autres.[253] Certains policiers affirment qu'il y a eu un échange de tirs entre la FESCI et la police.[254] Au cours d'un entretien avec le Président Gbagbo après les incidents, selon ce qu'a rapporté un journal pro-FPI, Serge Koffi de la FESCI aurait exigé le licenciement de plusieurs hauts responsables de la police, ainsi que du ministre de la sécurité, qu'il accusait d'en vouloir à la FESCI parce qu'il avait dénoncé publiquement l'impunité dont elle jouissait.[255] Peu de temps après, le directeur de l'académie de police a été suspendu et sept policiers auraient été accusés de coups et blessures et de viol.[256]

La responsabilité juridique du gouvernement

Aux termes du droit international des droits humains, le gouvernement ivoirien a l'obligation de respecter le droit à la vie, le droit à l'intégrité physique, le droit à la liberté et la sécurité de la personne, ainsi que le droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion.[257] Ces protections sont garanties dans un certain nombre de traités ratifiés par la Côte d'Ivoire, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. La Côte d'Ivoire est également un État partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui stipule que «l'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés».[258]

Dans certaines circonstances, les forces de sécurité de l'État ont agi en tandem avec la FESCI et d'autres groupements non-gouvernementaux pour commettre des violations des droits humains. Parfois, les membres de la FESCI ont bénéficié de la complicité de policiers ou d'autres autorités, impliquant aussi le gouvernement dans des atteintes aux droits humains.

Mais des organisations telles que la FESCI, même si elles appuient le gouvernement, ne sont pas des acteurs étatiques et par conséquent, aux termes du droit international, elles ne sont pas directement responsables de l'application et de la violation des traités internationaux. Plus exactement, les membres de la FESCI responsables d'actes tels que le meurtre, le viol, les coups et blessures et l'extorsion devraient être forcés par l'État de répondre de ces actes aux termes du droit pénal ivoirien.

Comme il est expliqué dans le présent rapport, depuis 2002 au moins, le gouvernement ivoirien fait preuve d'un esprit partisan en se mettant constamment en défaut d'ouvrir des enquêtes, de poursuivre ou de punir les délits criminels qu'auraient perpétrés des membres de la FESCI. Ceci est particulièrement vrai lorsque ces crimes sont dirigés contre des citoyens originaires du nord, des musulmans et d'autres personnes perçues comme des opposants au parti au pouvoir, le FPI.

Le droit international reconnaît la responsabilité de l'État lorsque celui-ci omet de protéger les personnes contre les violations de leurs droits et les violences commises par des acteurs privés. Selon le Comité des droits de l'homme de l'ONU, organe international spécialisé qui supervise le respect du PIDCP, les États ont l'obligation «de respecter et de garantir» les droits reconnus dans le pacte. Afin d'honorer cette obligation, un État ne doit pas seulement protéger les personnes contre les violations de ces droits par ses agents, mais «aussi contre des actes commis par des personnes privées, physiques ou morales, qui entraveraient l'exercice des droits énoncés dans le Pacte». Un État peut violer les droits humains en ne protégeant pas la population, notamment s'il «tolère de tels actes ou s'abstient de prendre des mesures appropriées ou d'exercer la diligence nécessaire pour prévenir et punir de tels actes commis par des personnes privées, physiques ou morales».[259]

En définitive, le sentiment partagé par beaucoup d'Ivoiriens selon lequel les groupes pro-gouvernementaux tels que la FESCI sont effectivement «au-dessus de la loi» en raison de leur allégeance au parti au pouvoir sape le respect envers des institutions qui constituent les fondements essentiels de l'État de droit, notamment des tribunaux indépendants et impartiaux et une police respectueuse des droits. Cette situation fait également naître le sentiment que les droits que le gouvernement ivoirien est tenu de respecter au regard du droit international ne sont en fait pas des droits garantis à tous, mais uniquement à une classe politique privilégiée.

«La génération FESCI» : Implications pour l'avenir

Bon nombre des personnes interrogées par Human Rights Watch, notamment des policiers, des juges, des professeurs, des étudiants et des fonctionnaires des ministères de l'enseignement supérieur et de la justice, ont relevé que la FESCI, sous sa forme violente et hégémonique actuelle, ne pourrait pas survivre longtemps sans l'impunité dont jouissent ses membres, qui leur permet d'échapper aux mesures disciplinaires de l'université et aux poursuites criminelles.[260] Néanmoins, même si l'on mettait fin à l'impunité demain, beaucoup de personnes interrogées s'inquiètent de l'effet que la «génération FESCI» aura sur la vie politique future de la Côte d'Ivoire.[261]

La FESCI semble être devenue un terrain d'entraînement pour les leaders ivoiriens en herbe. Guillaume Soro, chef des rebelles des Forces Nouvelles et actuel premier ministre au sein d'un gouvernement d'union, a dirigé la FESCI de 1995 à 1998. Charles Blé Goudé-chef des Jeunes Patriotes, un groupement pro-gouvernemental ultranationaliste, et l'un des trois Ivoiriens faisant actuellement l'objet de sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU-a été à la tête de la FESCI de 1999 à 2001. L'aile jeune de plusieurs grands partis politiques est ou a été dirigée par d'anciens leaders de la FESCI. Et récemment, des ex-dirigeants de la FESCI, dont Martial Ahipeaud, premier secrétaire général de la FESCI, et Doumbia Major, dirigeant de la dissidence en 2000-2001, ont formé leurs propres partis politiques.

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Le Premier Ministre ivoirien Guillaume Soro (droite) parle avec le dirigeant des Jeunes Patriotes, Charles Blé Goudé (gauche), lors d'une visite à Gagnoa, une ville située à l'ouest du pays, le 20 octobre 2007. Les deux dirigeants ont jadis occupé la fonction de secrétaire général de la FESCI. © 2007 AFP

Outre ces «vedettes», les anciens membres de la FESCI sont de plus en plus présents au sein de l'administration des différents ministères du gouvernement et au sein des forces de sécurité telles que la police et la gendarmerie. Bon nombre des personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus, des policiers aux professeurs en passant par les étudiants, se sont plaintes du favoritisme dont, selon elles, les membres de la FESCI profitent depuis 2000 pour avoir accès aux écoles de formation de la police et de la gendarmerie, ainsi qu'à la prestigieuse École Nationale d'Administration (ENA), une institution d'élite destinée à former les hauts fonctionnaires.[262] Un policier haut gradé a confié à Human Rights Watch :

Aujourd'hui dans la police, beaucoup de recrues sont d'anciens membres de la FESCI et vous pouvez le voir dans la façon de réagir aux choses. Ils ne sont pas entrés ici sur base de leur mérite. Et ils sont trop violents. J'ai des amis soldats qui se plaignent tout le temps de ces gars de la FESCI qui entrent dans les rangs. Ils disent qu'ils n'avaient pas les qualifications pour entrer.[263]

Le système d'enseignement supérieur de la Côte d'Ivoire semble donc produire une génération de dirigeants qui se sont fait les dents en politique dans un climat d'intimidation, de violence et d'impunité, où le dissentiment et la divergence d'opinion sont brutalement réprimés. Il reste à voir si ces jeunes leaders pourront prendre leurs distances par rapport à cette «formation» lorsqu'ils entreront dans la vie professionnelle.

Conclusion

Le problème de la FESCI ne peut être attribué au seul FPI. Le PDCI a également contribué à en faire ce qu'elle est devenue aujourd'hui. Par conséquent, il s'agit bien d'un problème national qui sort du cadre d'un seul parti ou d'un seul ministère du gouvernement. Les gens doivent reconnaître que la FESCI est devenue un problème et que la faute incombe à tous les partis qui l'ont à la fois utilisée et persécutée. La guerre avec les rebelles était une crise ouverte alors que la FESCI est une guerre clandestine, interne, qui consume lentement. À cause de la guerre et des prochaines élections, certains ne voient pas la pente glissante sur laquelle nous nous trouvons, mais c'est un problème auquel nous devrons faire face dans le futur.[264]

Au cours des vingt dernières années, aucun gouvernement ivoirien n'est parvenu à trouver le moyen de gérer de façon responsable le militantisme étudiant légitime ni la violence estudiantine déplacée motivée par des considérations politiques et criminelles. Qualifiée de «terroriste» et de bande de «loups» dans les années 1990 par le parti au pouvoir, le PDCI, la FESCI a été interdite d'existence, ses dirigeants ont été emprisonnés et la police a été dépêchée pour effectuer des descentes dans les cités universitaires. Lorsque le FPI a pris le pouvoir en 2000, le gouvernement est passé d'un extrême à l'autre, fermant les yeux sur les activités les plus viles de la FESCI, se faisant parfois même son complice. Alors que la Côte d'Ivoire se rapproche de la paix, d'une relative normalité et des élections présidentielles, il est crucial que la FESCI soit tenue responsable de ses actes en vertu de la loi – et soit traitée conformément à la loi.

En vue de créer «la meilleure école» de démocratie et une culture de respect des droits humains, le gouvernement ivoirien, la société civile et les associations étudiantes doivent oeuvrer ensemble pour trouver un moyen d'octroyer aux groupements estudiantins, pro-gouvernementaux et autres, un espace où ils peuvent jouir du droit à la liberté d'expression et d'association, tout en sanctionnant de manière appropriée tout acte violent ou criminel dans lequel leurs membres sont impliqués.

Certes, l'impunité dont la FESCI est une illustration depuis le début de la crise de 2002 reflète un problème national beaucoup plus vaste. Néanmoins, des mesures visant à combattre l'impunité dans le cadre relativement restreint du système universitaire administré par l'État pourraient dispenser certains enseignements susceptibles d'aider à trouver des solutions dans d'autres domaines à l'échelle nationale. Mettre fin à cette impunité sera déterminant pour garantir une plus grande liberté d'expression, une meilleure tolérance des divergences et une acceptation plus large des groupes rivaux et des intérêts contradictoires sur les campus, autant d'éléments importants non seulement pour l'avenir des universités ivoiriennes, mais également pour la santé à long terme de la démocratie ivoirienne.

Remerciements

Human Rights Watch aimerait remercier toutes les organisations et personnes interrogées en vue du présent rapport pour l'aide précieuse et l'éclairage avisé qu'elles nous ont apportés, en particulier les principales associations ivoiriennes de défense des droits humains, à savoir l'APDH, la LIDHO et le MIDH. Beaucoup de ceux qui ont rendu possibles les recherches à la base de ce rapport, tout spécialement les étudiants assistants de recherche, ne peuvent être nommés pour des raisons de sécurité mais nous saluons leur courage et leur détermination face aux grands risques auxquels ils s'exposent. Human Rights Watch voudrait tout spécialement exprimer sa reconnaissance aux victimes et aux témoins de violences et de brutalités, qui ont surmonté leur peur et ont accepté de partager leur histoire dans l'espoir d'améliorer les conditions des futures générations d'étudiants – et de la population en général – en Côte d'Ivoire.

[1]Depuis le coup d'État manqué perpétré fin 2002, la Côte d'Ivoire est divisée entre le nord contrôlé par les rebelles et le sud contrôlé par le gouvernement. En raison de la participation des rebelles (connus sous le nom de «Forces Nouvelles») au processus de paix actuel et au gouvernement d'union, la presse locale ivoirienne et plusieurs autres institutions ont commencé à utiliser le terme «ex-rebelles» lorsqu'elles se réfèrent aux membres des Forces Nouvelles. Pour des raisons de cohérence historique, et vu que les Forces Nouvelles n'ont pas encore totalement déposé les armes, nous continuons à utiliser le terme «rebelles» dans le présent rapport.

[2]Les principales communautés immigrées proviennent des pays frontaliers tels que la Guinée, le Mali et le Burkina Faso. Au moins 52 pour cent sont d'origine burkinabée. Nordiska Afrikainstitutet, «The Roots of the Military-Political Crises in Côte d'Ivoire», Rapport No. 128, 2004.

[3]La Côte d'Ivoire est une mosaïque ethnique de plus de 60 groupes  ayant migré des pays voisins au fil des siècles. Le pays reste grosso modo divisé en blocs régionaux. Le centre et l'est sont principalement occupés par les Baoulés et les Agnis, provenant tous deux de la migration des Akans du Ghana. Le nord abrite en grande partie deux principaux groupes ethniques: les Malinkés (appartenant au groupe mande du nord) qui ont migré de Guinée et du Mali, ainsi que les peuples sénoufo et lobi (appartenant au groupe gour) qui ont migré du Burkina Faso et du Mali. L'ouest est peuplé par le groupe mande du sud-majoritairement les groupes ethniques dan ou yacouba et gouro, qui ont migré de zones situées à l'ouest de la Côte d'Ivoire actuelle. Enfin, le sud-ouest abrite les peuples krous, notamment les Bétés, qui seraient parmi les premiers migrants originaires de la côte sud-ouest. En dépit de ces divisions générales, un brassage important de ces populations existe en milieu urbain, par exemple à Abidjan, et dans les zones de culture de cacao à l'ouest et au sud-ouest.

[4] Sous le régime de Houphouët-Boigny, plusieurs épisodes de répression ont eu lieu contre les Ivoiriens «du Sud», notamment en 1970 contre les Bétés. Voir Tiemoko Coulibaly, «Lente décomposition en Côte d'Ivoire», Le Monde diplomatique, novembre 2002 ; Jean-Pierre Dozon, «La Côte d'Ivoire entre Démocratie, Nationalisme et Ethnonationalisme», Politique Africaine, No. 78 (juin 2000), pp. 45-62.

[5]Voir Richard Banégas, «Côte d'Ivoire: Patriotism, Ethnonationalism and Other African Modes of Self-writing», African Affairs, 105/421 (2006), p. 539 ; Jean Pierre Chaveau, «Question foncière et construction nationale en Côte d'Ivoire», Politique Africaine, No. 78 (juin 2000), p. 112.

[6]Les principaux candidats étaient le successeur baoulé de Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, du centre géographique de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, le dirigeant bété du Front Populaire Ivoirien (FPI) du sud, et Alassane Dramane Ouattara du Rassemblement des Républicains (RDR), dont l'électorat est composé majoritairement de nordistes.

[7]Voir de manière générale Ruth Marshall-Fratani, «The War of 'Who is Who': Autochthony, Nationalism, and Citizenship in the Ivorian Crisis», African Studies Review, Vol. 49, No 2 (Septembre 2006), pp. 9-43.

[8]Avant les élections de 1995, l'Assemblée nationale a adopté un nouveau code électoral qui a privé les résidents africains non ivoiriens du droit de vote et a interdit les candidats présidentiels dont l'un des deux parents était de nationalité étrangère et qui n'avaient pas vécu en Côte d'Ivoire pendant les cinq années précédentes. Nombreux sont ceux qui pensent que l'adoption de la loi avait pour objectif non avoué l'exclusion de la candidature de Ouattara.

[9]Le Général Gueï avait été chef d'état-major de l'armée sous Bédié jusqu'aux élections présidentielles de 1995 où il avait été démis de ses fonctions pour avoir refusé d'utiliser l'armée contre des contestataires.

[10]Amnesty International, «Côte d'Ivoire: Some military personnel believe they have impunity above the law», AI Index: AFR 31/003/2000, 18 septembre 2000.

[11]Thomas Hofnung, La Crise ivoirienne: Dix clés pour comprendre (Paris: La Découverte, 2005), p. 43.

[12]Plus de 200 personnes ont perdu la vie et des centaines ont été blessées lors des violences qui ont entouré l'élection présidentielle d'octobre et les élections parlementaires de décembre. Les exactions perpétrées par les forces de sécurité de l'État, notamment des massacres, des viols, des actes de torture et des arrestations arbitraires, sont examinées en détail dans Human Rights Watch, Côte d'Ivoire – Le nouveau racisme: La manipulation politique de l'ethnicité en Côte d'Ivoire, vol. 13, no.6 (A), août 2001,http://www.hrw.org/french/reports/ivorycoast/

[13]Le coup d'État manqué a été mené par un certain nombre d'officiers subalternes de l'armée qui avaient été au premier plan lors du coup d'État de 1999 mais avaient fui après que plusieurs d'entre eux eurent été arrêtés et torturés sous Gueï. Fin 1999, ils s'étaient réfugiés au Burkina Faso, où ils auraient reçu un entraînement et peut-être d'autres formes de soutien pendant les deux années écoulées entre leur exil hors de Côte d'Ivoire et leur retour le 19 septembre 2002.

[14]Le MPCI a été rejoint par deux groupes de l'ouest: le Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP) et le Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO). Le MJP et le MPIGO étaient composés de centaines de combattants libériens, dont beaucoup avaient combattu autrefois avec des groupes armés liés à Charles Taylor, alors président du Libéria. Dans une moindre mesure, ces groupes comptaient également en leurs rangs des combattants sierra-léonais qui avaient été membres du groupe rebelle sierra-léonais, le Front révolutionnaire uni (Revolutionary United Front, RUF).

[15]Le cessez-le-feu a volé en éclats le 4 novembre 2004, lorsque le gouvernement a lancé des raids aériens contre les rebelles dans le nord. Les troupes françaises ont répondu aux attaques après que neuf casques bleus français eurent été tués au cours d'une attaque aérienne menée à Bouaké le 6 novembre 2004. L'aviation française a immédiatement détruit deux chasseurs bombardiers Sukhoï 25 ivoiriens, noyau de la minuscule force aérienne du pays, au sol à Yamoussoukro. L'attaque française contre la Force aérienne ivoirienne a déclenché un flot d'invectives à l'encontre de la France et des étrangers sur les chaînes de radio et télévision publiques ivoiriennes ainsi que dans les journaux pro-gouvernementaux qui ont vivement conseillé aux «patriotes» de descendre dans la rue pour défendre la nation. Des habitations, entreprises et institutions françaises ont été pillées et incendiées, provoquant la plus grande opération d'évacuation d'étrangers de l'histoire post-coloniale du pays. Quelque 8 000 personnes originaires de 63 pays ont quitté la Côte d'Ivoire en novembre 2004. Amnesty International estime que des dizaines de manifestants civils ont été tués ou blessés dans des affrontements avec les casques bleus français. Amnesty International, «Côte d'Ivoire : Affrontements entre forces de maintien de la paix et civils: Leçons à tirer», AI Index: AFR 31/005/2006, 19 septembre 2006, http://www.amnesty.org/fr/library/info/AFR31/005/2006 (consulté le 12 novembre  2007).

[16]Soldats de maintien de la paix de l'ONU ("casques bleus") et soldats français plus lourdement armés appartenant à l'Opération Licorne.

[17]Linas-Marcoussis négocié sous l'égide du gouvernement français en janvier 2003 ; Accra III négocié sous l'égide des pays d'Afrique de l'Ouest et de Kofi Annan, alors Secrétaire général de l'ONU, en juillet 2004 ; et l'Accord de Pretoria négocié sous l'égide du Président sud-africain Thabo Mbeki au nom de l'Union Africaine et signé en Afrique du Sud en avril 2005.

[18]Conseil de sécurité des Nations Unies, «Déclaration du Président du Conseil de sécurité; La situation en Côte d'Ivoire», S/PRST/2007/8, 28 mars 2007.

[19] L'Accord de Ouagadougou prévoyait à l'origine un calendrier ambitieux s'étalant sur 10 mois qui, s'il avait été suivi, aurait conduit à l'identification des citoyens, à l'inscription sur les listes électorales, au désarmement et à des élections présidentielles début 2008. Néanmoins, depuis sa signature, les dates butoirs pour l'achèvement du désarmement et le processus d'identification n'ont cessé d'être repoussées, aboutissant à la signature d'un nouveau calendrier fin novembre 2007.

[20]Pour un tour d'horizon des violations des droits humains fréquemment commises par les deux parties au conflit ivoirien depuis le début des combats en septembre 2002 jusqu'à 2007, voir Human Rights Watch, Pris entre deux guerres: Violence contre les civils dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire, vol. 15, no. 14 (A), août 2003, http://hrw.org/french/reports/2003/cotedivoire0803/; Côte d'Ivoire: Le coût de l'impasse politique pour les droits humains, décembre 2005, http://hrw.org/french/backgrounder/2005/cote1205/; Côte d'Ivoire – Un pays au bord du gouffre: la précarité des droits humains et de la protection civile en Côte d'Ivoire, vol. 17, no. 6 (A), mai 2005, http://hrw.org/french/reports/2005/cdi0505/; «Parce qu'ils ont des fusils… il ne me reste rien.» Le prix de l'impunité persistante en Côte d'Ivoire, vol. 18, no. 4(A), mai 2006, http://hrw.org/french/reports/2006/cotedivoire0506/; Côte d'Ivoire: «Mon cœur est coupé» Violences sexuelles commises par les forces rebelles et pro-gouvernementales en Côte d'Ivoire, vol. 19, no. 11(A), août 2007, http://hrw.org/french/reports/2007/cdi0807/.

[21]Au moment où la FESCI a été créée, la seule association estudiantine légalement reconnue était le Mouvement des Étudiants et Élèves de Côte d'Ivoire (MEECI), qui était une branche de facto du parti au pouvoir, le PDCI.

[22]Entretien de Human Rights Watch avec Ekissi Achy, Secrétaire général du PCRCI, Abidjan, 26 août 2007.

[23] L'un des premiers dirigeants de la FESCI a expliqué à Human Rights Watch: «Notre but était simple. C'était de nous débarrasser du PDCI. À nos yeux, il n'y avait aucun moyen d'améliorer l'école sans démocratie et pour nous, cela voulait dire se débarrasser du PDCI une fois pour toutes». Entretien de Human Rights Watch avec l'un des premiers dirigeants de la FESCI , Abidjan, 2 octobre 2007.

[24]Gill Tudor, «Ivory Coast Frees Students but Brutality Allegations Linger», Reuters, 18 mai 1991.

[25]Nicholas Kotch, «Ivory Coast Premier Heads for Showdown with Opposition», Reuters, 21 juin 1991.

[26]Alain Bommenel, «Students fight with police over presidential announcement», Agence France-Presse, 30 janvier 1992.

[27] Beaucoup d'anciens membres de la FESCI ont justifié le vandalisme des années 1990 en expliquant que vu que le parti au pouvoir, le PDCI, ne comprenait que le langage de la violence, la violence était le langage qu'ils avaient utilisé.Entretiens de Human Rights Watch avec d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, 5 août et 2-3 octobre 2007. En mars 1994, peu après avoir accédé à la présidence de la Côte d'Ivoire, Henri Konan Bédié est connu pour avoir dit aux étudiants qu'ils devraient être raisonnables lorsqu'ils présentent des revendications au gouvernement, les avertissant: «Je ne vise pas le Prix Nobel de la Paix». Melvis Dzisah, «Côte d'Ivoire : Students Feel the Weight of Strong Government Arm», Inter Press Service, 25 mars 1994.

[28]Une vague initiale d'arrestations d'étudiants à la mi-février 1992 n'est parvenue qu'à provoquer de nouvelles vagues de contestation, conduisant à l'arrestation de Laurent Gbagbo, de son épouse Simone Gbagbo, de son fils Michel Gbagbo, et d'autres sympathisants du FPI. Le dirigeant de la FESCI, Martial Ahipeaud, et trois autres leaders étudiants ont été reconnus coupables au pénal d'actes de vandalisme perpétrés lors des manifestations et de «reconstitution d'une association dissoute». Ils ont été condamnés à trois ans d'emprisonnement. Laurent Gbagbo et huit autres dirigeants politiques et syndicaux ont été reconnus coupables d'incitation à l'émeute et condamnés à deux ans d'emprisonnement. Voir Amnesty International, «Côte d'Ivoire : l'opposition réduite au silence. Condamnation de 77 prisonniers d'opinion», Index AI: AFR 21/08/92, 2 juillet 1992.

[29]Comme il est indiqué plus loin dans le présent rapport, ces protestations ont en grande partie cessé lorsque le FPI est arrivé au pouvoir en 2000, en dépit du fait que les conditions et les avantages accordés aux étudiants n'avaient connu aucun réel changement.

[30]Amnesty International, «Côte d'Ivoire : Les opposants sont la cible d'une répression systématique», AI Index: AFR 21/01/96, 28 mai 1996.

[31]Ibid.

[32]En fait, presque tous les secrétaires généraux de la FESCI avant la prise de pouvoir de Gbagbo lors des élections d'octobre 2000 ont passé un certain temps en détention, notamment Martial Ahipeaud (qui a dirigé la FESCI de 1990 à 1993), Eugene Djué (1994-1995), Guillaume Soro (1995-1998) et Charles Blé Goudé (1998-2001).

[33] Amnesty International, «Côte d'Ivoire: l'opposition réduite au silence. Condamnation de 77 prisonniers d'opinion», Index AI: AFR 21/08/92, 2 juillet 1992; Amnesty International, «Côte d'Ivoire : Les opposants sont la cible d'une répression systématique», AI Index: AFR 21/01/96, 28 mai 1996.

[34]Arthur Malu-Malu, «Ivorian president offers students olive branch», Reuters, 30 septembre 1997.

[35]En 2002, Charles Blé Goudé a expliqué que les élections de 1998 étaient une lutte entre Gbagbo et Ouattara et que sa victoire contre Karamoko Yayoro et Doumbia Major était la victoire de Gbagbo sur Ouattara. Cité dans Yacouba Konaté, «Les Enfants de la Balle: de la FESCI aux Mouvements de Patriotes», Politique Africaine, No. 89 (mars 2003), p. 60.

[36] Il est à noter qu'aux yeux de bon nombre des professeurs et des étudiants avec lesquels nous nous sommes entretenus, la FESCI a toujours été étroitement associée au FPI. Cependant, d'anciens membres de l'organisation interrogés par Human Rights Watch affirment que dans les années 1990, contrairement à aujourd'hui, il y avait des membres de la FESCI d'autres tendances politiques, notamment du FPI, du RDR, du PCRCI et autres. Les anciens membres de la FESCI interrogés soutiennent que cette inclusivité politique a commencé à diminuer avec les élections de 1998 à la FESCI.  Entretiens de Human Rights Watch avec des professeurs et d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, 5 août et 4 octobre 2007.

[37]«Government closes schools, halts grant payments after student violence», Agence France-Presse, 6 mai 1999.

[38]«Police in Ivory Coast disperse demonstrating students», Associated Press, 28 mai 1999.

[39]Les journaux de l'opposition ont publié des photos de Blé Goudé menotté à un lit d'hôpital. Cette image emblématique s'est retrouvée par la suite sur la couverture d'un album d'Alpha Blondy, un chanteur de reggae au succès international et l'une des plus grandes stars de la musique en Côte d'Ivoire.

[40]Selon les étudiants, les professeurs et les hommes politiques interrogés par Human Rights Watch, tous les principaux partis politiques ont fait des dons à la FESCI en 2000, en nature ou en espèces. Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, 5, 23, 24, 26 août et 2 octobre 2007.

[41]«Ivorian student leader accuses RDR party of sowing division», Agence France-Presse, 17 mai 2000. Les ex-dissidents interrogés par Human Rights étaient divisés sur la question de savoir si la dissidence était en fait pro-RDR. Certains étudiants ont reconnu que Doumbia Major avait cherché à rallier la FESCI à la cause RDR tandis que d'autres ont insisté sur le fait que leur décision de rejoindre la dissidence avait été prise parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec ce qu'ils considéraient être la décision de Blé Goudé de rallier la FESCI au FPI, ou à tout autre parti politique, car ils estimaient que la FESCI devait être apolitique et indépendante. En dépit de ces deux tendances, il est clair que dans la presse et dans l'imagination du public, la bataille entre factions étudiantes a fini par être perçue comme une bataille entre le FPI et le RDR pour le contrôle de la FESCI. Entretiens de Human Rights Watch avec d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, 25 août et 29 septembre 2007.

[42]Catherine Simon, «La 'culture de la haine' gangrène les campus de la Côte d'Ivoire», Le Monde, 7 novembre 2000. De leur côté, les membres de la dissidence ont accusé la faction de Blé Goudé d'avoir reçu de l'argent de la junte militaire. Entretiens de Human Rights Watch avec d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, 24 août et 30 septembre 2007.

[43] Il convient néanmoins de noter qu'il existe de nombreuses exceptions à cette ligne de partage nord/sud, chrétiens/musulmans et Human Rights Watch a interrogé un certain nombre de dissidents issus de groupes ethniques du sud et de l'ouest et des loyalistes qui étaient des musulmans du nord.

[44]Human Rights Watch a recueilli les témoignages de plus d'une douzaine de témoins oculaires au sujet des événements survenus pendant la «guerre», notamment les violences perpétrées par les deux camps. En général, les anciens membres de chaque camp continuent d'accuser les autres d'être les premiers instigateurs des violences. Entretiens de Human Rights avec d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

[45]Entretiens de Human Rights Watch avec d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

[46] De leur côté, les loyalistes prétendent que la junte a aidé les dissidents de manière sélective, plutôt que le contraire. Entretien de Human Rights Watch avec Augustin Mian, Secrétaire général de la FESCI, Abidjan, 26 mars 2008.

[47] Entretien de groupe de Human Rights Watch avec d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, 25 août 2007.

[48]Human Rights Watch, Côte d'Ivoire – Le nouveau racisme: La manipulation politique de l'ethnicité en Côte d'Ivoire, vol. 13, no.6 (A), août 2001,http://www.hrw.org/french/reports/ivorycoast/

[49]Entretiens de Human Rights Watch avec des victimes, Abidjan, 6 et 8 février 2001. D'autres victimes interrogées par Human Rights Watch ont décrit une collaboration similaire entre les forces de sécurité de l'État et les groupes de jeunes lors de la perpétration de violations des droits humains dans la foulée des élections, notamment des viols, mais elles ont qualifié les jeunes d' «étudiants» ou de «jeunes du FPI».

[50]Les dissidents affirment que, contrairement à ce que prescrivent les règles de l'organisation, le congrès qui a élu Dibopieu a eu lieu à l'improviste à Abidjan avec une participation limitée, ce qui a permis à Blé Goudé d'installer le successeur qu'il s'était choisi au poste de secrétaire général. Les dissidents ont par conséquent refusé de reconnaître les résultats de l'élection et ont décidé d'organiser un congrès parallèle à Bouaké, au cours duquel Paul Gueï, un Guéré de l'ouest de la Côte d'Ivoire, a été élu.

[51]Certains anciens membres de la FESCI interrogés par Human Rights Watch se réfèrent aux événements de 2001 en utilisant le terme de «seconde dissidence» afin de les distinguer des luttes estudiantines de 2000.

[52]«Rival Ivorian student factions sign agreement», Panafrican News Agency, 18 mai 2001.

[53]Entretiens de Human Rights Watch avec d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, 23, 24 et 25 août 2007.

[54] Entretiens de Human Rights Watch avec d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, 2 octobre 2007.

[55]Hormis la FESCI, les groupes de jeunes pro-gouvernementaux qui ont acquis une importance spéciale après le déclenchement de la guerre civile sont notamment les Jeunes Patriotes (Congrès Panafricain des Jeunes Patriotes, COJEP) ; l'aile jeune du FPI au pouvoir (JFPI) ; l'Union pour la Libération Totale de la Côte d'Ivoire (UPLTCI) ; et Solidarité Africaine (SOAF). Les Jeunes Patriotes sont dirigés par Charles Blé Goudé, dirigeant de la FESCI de 1998 à 2001. Eugène Djué de l'UPLTCI a été à la tête de la FESCI en 1994-1995. Navigué Konaté, leader de la JFPI a également été membre de la FESCI. SOAF est dirigée par Jean-Yves Dibopieu, qui a été à la tête de la FESCI de 2001 à 2003.

[56]Pour une analyse du langage et du phénomène de «patriotisme», signe distinctif d'auto-identité le plus souvent utilisé par les membres des groupes de jeunes pro-gouvernementaux en Côte d'Ivoire,  voir Richard Banégas, «Côte d'Ivoire: Patriotism, Ethnonationalism and Other African Modes of Self-writing», African Affairs, 105/421 (2006).

[57] En dépit de son nom, le mot «jeune» est utilisé assez librement. Human Rights Watch a interrogé des «jeunes patriotes» qui approchaient de la quarantaine ou qui avaient un peu plus de 40 ans.

[58]Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants et d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

[59]La plus célèbre agora, que toutes les autres prennent pour modèle, est connue sous le nom de «Sorbonne», d'après la célèbre université parisienne. Située dans le centre d'Abidjan, elle opère comme une sorte de «Speaker's Corner» du discours patriotique. Pour de plus amples détails sur la Sorbonne et d'autres agoras, voir Aghi Bahi, «La 'Sorbonne d'Abidjan : rêve de démocratie ou naissance d'un espace public?», Revue africaine de sociologie (Abidjan), Vol. 7, No. 1 (2003).

[60]Pour des exemples textuels de ces harangues, voir Richard Banégas, «La France et l'ONU devant le 'parlement' de Yopougon. Paroles de 'jeunes patriotes' et régimes de vérité à Abidjan», Politique africaine, No. 104 (décembre 2006).

[61]Ceci est particulièrement vrai pour les milices armées qui opèrent dans les régions occidentales instables de la Côte d'Ivoire où est produit le cacao. La plus importante milice pro-gouvernementale opérant dans l'ouest et le sud-ouest est connue sous le nom de Forces de Libération du Grand Ouest  (FLGO). Les autres milices de l'ouest sont le Mouvement pour la libération de l'ouest de la Côte d'Ivoire, (MILOCI) ; l'Alliance Patriotique Wê (AP-Wê) ; et l'Union des Patriotes Pour la Résistance du Grand Ouest  (UPRGO). La plupart des recrues sont des partisans du FPI du Président Gbagbo. Beaucoup sont également issues du groupe ethnique du président, les Bétés, des groupes apparentés attié, abey et dida, ou des tribus wê et krou. Tant les diplomates occidentaux que les responsables du gouvernement ivoirien qualifient souvent ces groupes et d'autres milices de «forces de sécurité parallèles».

[62]Human Rights Watch a analysé la prolifération des milices pro-gouvernementales ainsi que leur rôle et leur pouvoir dans des travaux précédents. Voir Human Rights Watch, «Côte d'Ivoire – Les milices commettent des abus en toute impunité», 27 novembre 2003, http://hrw.org/french/docs/2003/11/27/cotedi6852.htm; Côte d'Ivoire – Un pays au bord du gouffre: la précarité des droits humains et de la protection civile en Côte d'Ivoire; Côte d'Ivoire: «Mon cœur est coupé» Violences sexuelles commises par les forces rebelles et pro-gouvernementales en Côte d'Ivoire.

[63]Entretiens de Human Rights Watch avec des fonctionnaires des Nations Unies et des représentants d'une organisation locale de défense des droits humains, Abidjan, 26 et 27 mars 2008.

[64]Chaque section a, à son tour, son propre bureau exécutif.

[65]Les élections ont lieu en théorie tous les deux ans. Dans la pratique, pour diverses raisons, plusieurs dirigeants ont eu un mandat de plus de deux ans.

[66] Dans ce contexte, le mot «antichambriste» se réfère aux «soldats» de la FESCI qui se trouvent à l'extérieur du cercle du pouvoir et attendent d'être appelés pour entrer en action. Le statut d'antichambriste d'un membre n'est pas nécessairement fonction de son âge ou de son niveau scolaire mais il donne souvent à penser que la personne n'a pas eu suffisamment d'intérêt ou de poids politique pour obtenir un poste de membre du bureau d'une section. Entretiens de Human Rights Watch avec d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, 24 et 26 août et 28 septembre 2007.

[67]Ibid.

[68]«Bon petit» prend donc ici le sens de «protégé».

[69]Entretiens de Human Rights Watch avec d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, 23 août et 2 octobre 2007.

[70]Selon d'anciens membres de la FESCI interrogés par Human Rights Watch, KB assurerait la liaison avec Damana Pickas, ancien leader de la JFPI, qui travaille actuellement comme conseiller pour Pascal Affi N'Guessan, le dirigeant du FPI au pouvoir. Pickas a été membre du Bureau national de la FESCI sous Guillaume Soro.

[71]Fin décembre 2006, des heurts intra-FESCI sur les campus ont conduit à une série d'attaques à la machette et à un mort. Serge Koffi, alors secrétaire général de la FESCI, a accusé des anciens dirigeants de l'association, Charles Blé Goudé et Jean-Yves Dibopieu, d'avoir soutenu les «dissidents». «Crise au sein de la Fesci: Serge Koffi, secrétaire général: ' Le mal c'est Blé Goudé'», L'inter (Abidjan), 17 janvier 2007.

[72] Des membres de la FESCI interrogés par Human Rights Watch ont toutefois souligné que tout «putsch» réussi pour s'assurer le contrôle d'une section requiert l'approbation d'un doyen comme KB. Entretiens de Human Rights Watch avec d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, 30 septembre et 4 octobre 2007.

[73]Les élections de décembre 2007 qui ont amené au pouvoir Augustin Mian en tant que nouveau secrétaire général de la FESCI constituent une exception notable. Certains articles de la presse locale ont attribué ce fait à la maturité croissante de la FESCI en tant qu'organisation. «Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI) - La paix retrouvée», Notre Voie (Abidjan), 27 décembre 2007. Il convient toutefois de noter que Mian s'est présenté sans opposition et que les rivalités claniques et autres problèmes de succession avaient peut-être été réglés antérieurement lors d'une vague de violences sur les campus en décembre 2006. Voir note de bas de page 71, infra.

[74]Entretiens de Human Rights Watch avec d'anciens membres de la FESCI, Abidjan, 20 et 23 octobre 2007.

[75]Voir Contrôle criminel de la FESCI sur les principaux services et infrastructures universitaires, infra.

[76]Entretien de Human Rights Watch avec un professeur, Abidjan, 4 octobre 2007.

[77]Entretien de Human Rights Watch avec un ancien membre de la FESCI, Abidjan, 23 août 2007.

[78]Richard Banégas, «Côte d'Ivoire : les jeunes 'se lèvent en hommes': anticolonialisme et ultranationalismechez les Jeunes patriotes d'Abidjan», Les études du CERI-Sciences Po, 2007.

[79]Entretien de Human Rights Watch avec un ancien membre de la FESCI, Abidjan, 20 octobre 2007.

[80] Entretiens de Human Rights Watch avec d'anciens membres et dirigeants de la FESCI, Abidjan, septembre et octobre 2007.

[81] L'un des plus célèbres exemples, discuté plus loin, est celui de l'assassinat d'un dirigeant d'une association estudiantine rivale, Habib Dodo. Les détails concernant l'assassinat de Habib Dodo ont été publiés dans des dizaines d'articles de la presse locale ainsi que dans des médias internationaux tels que l'Agence France-Presse, Libération et la Voix de l'Amérique. Son assassinat a été dénoncé publiquement par les ONG locales de défense des droits humains et a été soulevé dans les rapports sur les droits humains de l'ONUCI, du Département d'État américain et de Human Rights Watch.

[82]Entretiens de Human Rights Watch avec des dirigeants d'associations étudiantes, Abidjan, 24 octobre 2007.

[83] Parmi les personnes qui ont créé l'AGEECI, beaucoup se sont associées à la «dissidence» lors de la «guerre des machettes» qui a ébranlé le campus en 2000-2001. Voir La crise éclate, l'université est secouée, 1999-2002, infra.

[84]Entretiens de Human Rights Watch avec de nombreux membres et des dirigeants de l'AGEECI , Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

[85]Entretien de Human Rights Watch avec Ekissi Achy, Secrétaire général du Parti Communiste Révolutionnaire de Côte d'Ivoire, Abidjan, 26 août 2007.

[86]Voir La structure et la culture organisationnelle de la FESCI, infra.

[87] Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire et ancien membre de la FESCI, Abidjan, 24 août 2007.

[88]Plateau est le quartier des affaires situé dans le centre d'Abidjan.

[89]Bassam se situe sur la côte, non loin de la périphérie d'Abidjan.

[90]Entretien de Human Rights Watch avec Ekissi Achy, Secrétaire général du Parti Communiste Révolutionnaire de Côte d'Ivoire, Abidjan, 26 août 2007. Treichville est un quartier populaire d'Abidjan.

[91]«Côte d'Ivoire: University Campus Polarized by Political Violence», IRIN, 29 juillet 2005.

[92]Mouvement Ivoirien des Droits de l'Homme (MIDH).

[93]Entretien de Human Rights Watch avec Achy Ekissi, Secrétaire général du Parti Communiste Révolutionnaire de Côte d'Ivoire, Abidjan, 26 août 2007.

[94]Adjamé est l'un des quartiers d'Abidjan.

[95]Les cités universitaires sont éparpillées dans tout Abidjan. La Cité Rouge est un complexe universitaire résidentiel situé dans le quartier abidjanais de Cocody. Elle abrite presque tous les hauts dirigeants de la FESCI.

[96]La Ligue Ivoirienne des Droits de l'Homme (LIDHO) et le Mouvement Ivoirien des Droits de l'Homme (MIDH) sont deux des principales associations de défense des droits humains de Côte d'Ivoire.

[97] Entretien de Human Rights Watch avec un membre de l'AGEECI, Abidjan, 21 août 2007.

[98]Port-Bouët est un quartier d'Abidjan situé au bord de l'océan.

[99]Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 4 mars 2006.

[100]Pour de plus amples détails sur ces activités, voir Un comportement mafieux, infra.

[101]«Gumbo» désigne un procédé visant à détourner de l'argent ou à frauder d'une autre manière.

[102]Entretien de Human Rights Watch avec un étudiant universitaire, Abidjan, 29 septembre 2007.

[103]Plusieurs organisations locales de défense des droits humains ont confié à Human Rights Watch qu'elles avaient peur de donner suite aux dénonciations de violences sexuelles et autres agressions perpétrées sur le campus par la FESCI et de les rendre publiques car elles craignaient pour leur sécurité. Entretien de Human Rights Watch avec des organisations ivoiriennes de défense des droits humains, Abidjan, septembre 2006.

[104]Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 30 septembre 2007. Entretiens individuels de Human Rights Watch avec trois étudiants et entretien de groupe avec sept étudiantes, Abidjan, septembre 2006.

[105]«Côte d'Ivoire: Violence in University Campus», IRIN, 23 février 2007.

[106]Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d'Ivoire, septembre 2006.

[107]Ibid.

[108] Entretien de Human Rights Watch avec des représentants d'une organisation locale de défense des droits humains, Abidjan, septembre 2006.

[109]Ibid.

[110]«Des miliciens et la FESCI bastonnent des enseignants», Le Nouveau Réveil (Abidjan), 20 novembre 2007.

[111]Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 30 septembre 2007.

[112]Ibid.

[113]Deux ans sans cours ni examens, plongeant les étudiants dans une situation incertaine.

[114]Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 1er octobre 2007.

[115]Entretien de Human Rights Watch avec le dirigeant d'une association d'enseignants, Abidjan, 3 octobre 2007.

[116]Entretien de groupe de Human Rights Watch avec des membres d'une association de professeurs d'université, Abidjan, 1er octobre 2007.

[117] Voir Meurtre, agressions et actes de torture commis contre d'autres étudiants, infra.

[118]Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, 24 octobre 2007.

[119]Entretien de Human Rights Watch avec un étudiant, Abidjan, 4 octobre 2007.

[120]Entretien de Human Rights Watch avec des étudiants et des professeurs, Abidjan, 24 août et 29 septembre 2007.

[121]Voir Le militantisme étudiant dans les années 1990, infra.

[122]Entretien de Human Rights Watch avec un haut dirigeant de la FESCI, Abidjan, 2 octobre 2007.

[123] Entretiens de Human Rights Watch avec des dirigeants étudiants, Abidjan, 22 août et 24 octobre 2007.

[124] Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants et des professeurs, Abidjan, 5 et 24 août 2007.

[125] Entretien de Human Rights Watch avec un marchand, 20 octobre 2007.

[126]Entretien de Human Rights Watch avec d'anciens membres de la FESCI, 30 septembre et 1er octobre 2007.

[127]Entretien de Human Rights Watch avec un percepteur communal, Abidjan, 24 octobre 2007. Le chiffre de 20 000$ mentionné par le percepteur correspond aux déclarations d'anciens membres de la FESCI responsables de la perception d' «impôts», qui ont dit à Human Rights Watch qu'une section de la FESCI responsable d'une cité universitaire individuelle pouvait percevoir entre 1 000 et 2 000$ par mois. Entretien de Human Rights Watch avec d'anciens étudiants de la FESCI, 30 septembre et 1er octobre 2007.

[128]Entretien de Human Rights Watch avec le représentant d'une mairie, Abidjan, 24 octobre 2007.

[129]Entretien de Human Rights Watch avec un membre de la FESCI, Abidjan, 4 octobre 2007.

[130]Entretien de Human Rights Watch avec des chauffeurs de minibus, Abidjan, 25 août et 2 octobre 2007.

[131]Entretien de Human Rights Watch avec un syndicat de transporteurs, Abidjan, 25 août 2007.

[132]«Affrontement Policiers – FESCI: La responsabilité des autorités, la police en colère», Soir Info (Abidjan), 5 septembre 2007.

[133]Entretien de Human Rights Watch avec un policier, Abidjan, 21 octobre 2007.

[134]Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants, Abidjan, 23 août, 29 septembre, 1er et 25 octobre 2007.

[135]Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire du Ministère de l'Enseignement Supérieur, Abidjan, 25 octobre 2007.

[136] Les étudiants qui ont la chance d'obtenir une chambre la partagent souvent avec parfois jusqu'à huit autres personnes, qui sont souvent appelées des « Cambodgiens» en argot estudiantin. D'autres étudiants, parfois appelés «Kosovars», sont incapables de trouver un seul espace où dormir dans une résidence et ils se résignent alors à dormir dans des classes, ou des bâtiments inachevés sur le campus. Entretien de Human Rights Watch avec un étudiant universitaire, Abidjan, 20 octobre 2007.

[137] Certains étudiants interrogés ont comparé le fait de disposer d'une chambre dans l'une des résidences étudiantes au fait d'avoir une « pierre précieuse ou une mine d'or». Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants, Abidjan, août, septembre et octobre 2007. Dans les années 1990, les étudiants se sont plaints avec véhémence de la situation de surpopulation sur le campus qui, avec d'autres griefs, était l'une des causes fréquentes des grèves organisées par la FESCI. Depuis 2000, ce type de mouvement de protestation est devenu extrêmement rare.

[138]Les résidences universitaires sont administrées par le Centre Régional des Œuvres Universitaires (CROU).

[139]Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire du Ministère de l'Enseignement Supérieur, Abidjan,  25 octobre 2007.

[140]Ibid. Lors d'un entretien avec Human Rights Watch, un représentant du Ministère de l'Enseignement Supérieur a regretté la nature discriminatoire du système actuel de quota mais a déclaré qu'attribuer des lits à des groupes tels que l'AGEECI ou la JRDR serait dépourvu de sens car la FESCI expulserait tout simplement les occupants par la force et prendrait le contrôle des chambres. Ibid.

[141]Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire du Ministère de l'Enseignement Supérieur, Abidjan, 25 octobre 2007.

[142]Il est difficile de calculer les revenus totaux engendrés par le contrôle de la FESCI sur les cités bien qu'ils semblent être considérables. Si les 611 lits que le Ministère de l'Enseignement Supérieur reconnaît être illégalement occupés par la FESCI sont loués au tarif courant, les revenus pourraient osciller entre 12 000 et 24 000$US par mois. De plus, des étudiants ont dit que pour emménager dans une chambre, la FESCI réclame des frais d'installation à verser une fois, qui peuvent aller jusqu'à 150 000 francs (francs CFA ouest-africains, soit environ 300$). Néanmoins, Human Rights Watch n'a pas été en mesure de déterminer le nombre de chambres occupées illégalement qui sont louées pour faire du profit ni le nombre de chambres qui sont utilisées gratuitement pour héberger des membres de la FESCI. Entretien de Human Rights Watch avec des étudiants, septembre et octobre 2007.

[143] Entretiens de Human Rights Watch avec un fonctionnaire du Ministère de l'Enseignement Supérieur, Abidjan, 25 octobre 2007, et avec de nombreux étudiants vivant dans les cités universitaires, Abidjan, août septembre et octobre 2007.

[144]Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, 22 août, 29 septembre et 24 octobre 2007.

[145]Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 4 octobre 2007.

[146]Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, 29 septembre, et 20, 22, et 24 octobre 2007.

[147] Voir Blocage du processus de paix par la violence et l'intimidation, infra.

[148]Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 2 octobre 2007.

[149]«Résidences universitaires d'Abidjan-530 chambres illégalement occupées rétrocédées au Crou-A», Notre Voie (Abidjan), 18 février 2008.

[150] Des étudiants ont exprimé leur scepticisme quant au fait que dans la pratique toutes les chambres concernées seraient rendues et ils se demandaient si beaucoup ne seraient pas simplement réoccupées par des membres de la FESCI à l'avenir. Entretiens téléphoniques de Human Rights Watch avec des étudiants universitaires, Abidjan, 23 et 24 février 2008.

[151]En particulier, les groupes de jeunes pro-gouvernementaux ont protesté contre l'attribution de deux ministères clés, ceux de la Défense et de l'Intérieur, à des groupes rebelles aux termes de l'accord de Linas-Marcoussis.

[152]Voir Human Rights Watch, Pris entre deux guerres: Violence contre les civils dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire.

[153] La non tenue des élections présidentielles et législatives en 2005 a soulevé des questions quant au statut des personnes occupant leur poste après l'expiration de leur mandat constitutionnel. Alors que la résolution 1633 du Conseil de sécurité des Nations Unies a expressément prolongé d'un an le mandat du Président Gbagbo, elle n'a pas prolongé celui de l'Assemblée Nationale mais a plutôt demandé au GTI de consulter les parties ivoiriennes «en vue de faire en sorte que les institutions ivoiriennes fonctionnent normalement jusqu'à la tenue des élections en Côte d'Ivoire.» Résolution 1633 du Conseil de sécurité de l'ONU, S/RES/1633 (2005).  Le GTI a publié un communiqué le 15 janvier 2006 notant que le mandat de l'Assemblée Nationale ivoirienne, devant expirer le 16 décembre 2005, n'avait pas été prolongé. Ceci a été interprété par les groupes de jeunes pro-gouvernementaux et autres partisans du Président Gbagbo comme une tentative injustifiée de pousser à la dissolution de l'assemblée et de miner le parti au pouvoir.

[154]Le Secrétaire général de laFESCI, à l'époque Serge Koffi, a joué un rôle clé en appelant à des manifestations à la télévision nationale. Voir Intimidations et attaques à l'encontre de la presse, infra.

[155]Le retrait faisait suite à une confrontation survenue dans la ville de Guiglo, à l'ouest, entre des jeunes manifestants et des casques bleus de l'ONU qui protégeaient la base de l'ONUCI, se soldant par la mort de cinq contestataires et faisant jusqu'à 39 blessés parmi les manifestants, dont des membres de la FESCI et des Jeunes Patriotes. Entretiens de Human Rights Watch avec des dirigeants des Jeunes Patriotes, des élus et des participants aux manifestations, Guiglo, mars 2006. Un rapport officiel du Comité de crise de la Mairie de Guiglo a expliqué que les manifestations étaient conduites «par des dirigeants du FPI et ceux de mouvements patriotiques», notamment la FESCI, le COJEP et SOAF.

[156] Le Conseil de sécurité des Nations Unies a été moins indulgent. Le 7 février 2007, il a activé une interdiction de voyager à l'encontre de trois personnes et gelé leurs avoirs : Charles Blé Goudé et Eugène Djué des Jeunes Patriotes, ainsi que Fofié Kouakou, un commandant des Forces Nouvelles à Korhogo. Les sanctions ont été imposées conformément à la résolution 1572 (2004), qui stipule que les personnes qui font notamment peser «une menace sur le processus de paix et de réconciliation nationale en Côte d'Ivoire», ou «toute autre personne qui seraitreconnue responsable de violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire en Côte d'Ivoire» peuvent être désignées par le Comité des sanctions.Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies 1572, S/RES/1572 (2004).

[157]Entretiens de Human Rights Watch avec des sources de l'ONU et des organisations locales de la société civile, Abidjan, mars 2006.

[158]Ibid ; entretien avec un policier, Abidjan, 21 octobre 2007 ; entretien avec un membre de la FESCI, Abidjan, 4 octobre 2007.

[159] Entretiens de Human Rights Watch avec des sources de l'ONU et des organisations locales de la société civile, Abidjan, mars 2006.

[160]«Serge Koffi: 'Nous ne voulons plus revoir Kébé à la RTI'», Notre Voie (Abidjan), 20 janvier 2006.

[161]Les audiences étaient destinées à reconnaître d'un point de vue légal les centaines de milliers d'habitants de Côte d'Ivoire qui ne disposent pas d'un certificat de naissance et d'autres formes d'identification par l'État. La majorité des personnes sans documents d'identité sont originaires du nord de la Côte d'Ivoire à majorité musulmane, considéré comme un bastion du pouvoir RDR. L' «identification» a constitué une composante essentielle de tous les accords de paix et est citée par beaucoup de dirigeants rebelles comme un casus belli.

[162]« Audiences foraines perturbées, élections d'octobre compromises davantage », Inter Press Service, 24 juillet 2006. L'appel de N'Guessan a été réitéré quelques jours plus tard lors d'un rassemblement de jeunes par Mamadou Coulibaly, qui à l'époque était le numéro trois du FPI. En expliquant leur opposition aux audiences d'identification, les partisans du FPI invoquaient généralement des préoccupations au niveau des fraudes et insistaient sur le fait que l'identification ne devrait pas avoir lieu avant le désarmement rebelle.

[163]Par exemple, le journal pro-FPI Notre Voie a rapporté qu'un groupe de membres de la FESCI avait bloqué avec succès les audiences dans le quartier de Yopougon à Abidjan. «Audiences foraines à Abidjan : La mobilisation des Ivoiriens fait échec au déroulement de l'opération», Notre Voie (Abidjan), 19 juillet 2006.

[164]«Boycott des Audiences Foraines, Affrontements sanglants à Bassam», Soir Info (Abidjan), 26 juillet 2006.

[165] Conseil de sécurité des Nations Unies, «Dixième rapport du Secrétaire général sur l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire», S/2006/821, 17 octobre 2006.

[166]«Boycott actif des audiences foraines: L'Alliance 'patriotique' et le RJDP appellent à la cessation immédiate des violences», Le Patriote (Abidjan), 27 juillet 2006.

[167] Par exemple, suite à de violents mouvements de protestation contre l'accord de paix de Linas-Marcoussis conclu sous l'égide de la France, le Secrétaire général de la FESCI de l'époque, Jean-Yves Dibopieu, a déclaré que «Gbagbo écoute beaucoup les jeunes car il sait qu'ils l'ont mis là où il est… Notre rôle est de mobiliser chaque jour la population, les jeunes, pour descendre dans la rue…». Cité dans, Lane Hartill, «Ivorian youths show clout; Violent protests last weekend against French peace plan highlight young people's influence on government», Christian Science Monitor, 4 février 2003.

[168]Entretien de Human Rights Watch avec un membre de la FESCI, Abidjan, 4 octobre 2007.

[169] Département d'État américain, Bureau de la démocratie, des droits humains et du travail, «Country Reports on Human Rights Practices – 2005: Côte d'Ivoire», 8 mars 2006, http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2005/61565.htm (consulté le 4 décembre 2007).

[170]Serge Kuyo a été secrétaire général national de la FESCI de 2003 à 2005. Il a été tué dans un accident de voiture en septembre 2007.

[171]Entretien de Human Rights Watch avec un témoin oculaire, Abidjan, 20 octobre 2007.

[172]Département d'État américain, Bureau de la démocratie, des droits humains et du travail, «Country Reports on Human Rights Practices – 2005: Côte d'Ivoire», 8 mars 2006, http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2005/61565.htm (consulté le 4 décembre 2007).

[173]Le CECOS est une force d'élite de réaction rapide chargée de lutter contre la criminalité à Abidjan et dont les membres proviennent de l'armée, de la gendarmerie et de la police.

[174]Christopher Melville, «Opposition Minister Escapes 'Assassination Attempt' in Ivorian Capital», Global Insight Daily Analysis, 7 septembre 2005.

[175] Les cités universitaires sont éparpillées dans Abidjan. La Cité Mermoz ainsi que la Cité Rouge sont situéesà Cocody, un quartier relativement cossu d'Abidjan, non loin de l'université.

[176]Entretien de Human Rights Watch avec un membre de la FESCI, Abidjan, 20 octobre 2007.

[177]«Déclaration de la Fesci suite à l'agression du Ministre Issa Diakité près de Mermoz», Notre Voie (Abidjan), 8 septembre 2005.

[178] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 3 mars 2006. Voir également «Un ministre de l'opposition pris à partie par des étudiants pro-régime», Agence France-Presse, 18 février 2006.

[179]«Accusée par plusieurs journaux de la place : La FESCI rejette toute responsabilité dans l'agression du ministre Patrick Achi», Notre Voie (Abidjan), 22 février 2006.

[180]Entretien de Human Rights Watch avec Henriette Diabaté, secrétaire générale du RDR, Abidjan, 4 octobre 2007. «Affaire 3étudiants condamnés puis libérés : Henriette Diabaté décide de sanctionner le procureur», Notre Voie (Abidjan), 4 mars 2004.

[181]Un membre de la FESCI a été cité dans la presse locale disant, «Nous avons assiégé le palais de justice pour réparer l'injustice que Mme Diabaté vient de créer au nom de son parti politique . . .  par la condamnation injuste des trois étudiants de la Fesci . . . Nous refusons aussi que Mme Diabaté se serve de cette affaire pour régler des comptes au Procureur de la République . . . qui a courageusement pris la décision de faire libérer les trois étudiants.» «Palais de justice - La Fesci et les Jeunes Patriotes attaquent: deux magistrats blessés», Fraternité Matin (Abidjan),10 mars 2004.

[182] Entretien de Human Rights Watch avec un ancien magistrat, Abidjan, 6 août 2007.

[183]«Ivory Coast pro-Gbagbo youth movement threatens to disrupt demo», Agence France-Presse, 18 mars 2004.

[184]Entretien de Human Rights Watch avec un ancien magistrat, Abidjan, 6 août 2007.

[185] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

[186]Entretien de Human Rights Watch avec Henriette Diabaté, secrétaire générale du RDR, Abidjan, 4 octobre 2007.

[187] Pour de plus amples détails sur les émeutes anti-ONU de janvier 2006, voir Blocage du processus de paix, infra. Voir également Human Rights Watch, «Parce qu'ils ont des fusils… il ne me reste rien.» Le prix de l'impunité persistante en Côte d'Ivoire.

[188]Entretien de Human Rights Watch avec un employé de la RTI, Abidjan, 24 août 2007.

[189] Reporters sans frontières, «Une semaine de terreur pour la presse sous la loi des Jeunes Patriotes» 24 janvier 2006.

[190] Reporters sans frontières, «Le siège de la radiotélévision a été levé», 20 janvier 2006. Selon un journal local de l'opposition, en janvier 2006, le Secrétaire général de la FESCI à l'époque, Serge Koffi, aurait déclaré: «Je me considère vice-directeur de la RTI. Je peux y aller quand je veux et être entendu». Cité dans «Manifestation de rue: La FESCI menace à nouveau», Le Patriote (Abidjan), 23 janvier 2006.

[191]Entretien de Human Rights Watch avec un employé de la RTI, Abidjan, 24 août 2007.

[192]«La FIJ condamne le pillage d'un journal privé par des étudiants », communiqué de presse de la Fédération Internationale des Journalistes, 31 août 2007.

[193]Entretiens de Human Rights Watch avec des défenseurs des droits humains, Abidjan, 23 et 24 octobre 2007.

[194]Entretiens de Human Rights Watch avec des défenseurs des droits humains, Abidjan, 23 et 24 octobre 2007.

[195]Entretien de Human Rights Watch avec un défenseur des droits humains, Abidjan, 24 octobre 2007.

[196]Entretiens de Human Rights Watch avec des défenseurs des droits humains, Abidjan, 23 et 24 octobre 2007.

[197]Ibid.

[198] Entretien de Human Rights Watch avec un défenseur des droits humains, Abidjan, 24 octobre 2007.

[199] Entretien de Human Rights Watch avec un défenseur des droits humains, Abidjan, 23 octobre 2007.

[200]Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants, Bouaké, 28 et 29 août 2007.

[201]Ibid.

[202] Voir Meurtre, agressions et actes de torture commis contre d'autres étudiants, infra.

[203]Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants et un fonctionnaire de l'ONUCI, Bouaké, 27, 28 et 29 août 2007.

[204]Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants, Bouaké, 28 et 29 août 2007.

[205]Après que le ministre de l'enseignement supérieur eut annoncé des bourses d'études pour les étudiants de Bouaké, les membres du Comité des étudiants ont dressé une liste de 500 étudiants qui, selon eux, remplissaient les conditions d'octroi de cette aide, et ont présenté ladite liste au Centre Régional des Œuvres Universitaires(CROU), laissant quelque 1 500 étudiants sans assistance. Selon les étudiants interrogés par Human Rights Watch, la liste comprenait tous les membres du Comité et leurs proches amis. Le 21 mai 2007, un groupe d'étudiants a défilé devant le Centre Régional des Œuvres Universitaires en guise de protestation, ce qui a provoqué un violent affrontement avec les membres du Comité. Dix-sept contestataires, mais aucun membre du Comité, ont été arrêtés par les Forces Nouvelles. Ils ont été libérés peu de temps après. Suite aux pressions des autorités des Forces Nouvelles, les membres du Comité sont revenus sur leur décision et ont accepté que l'argent soit partagé équitablement entre tous les étudiants de Bouaké. Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants, un fonctionnaire de l'ONUCI et André Ouattara, administrateur des Forces Nouvelles, Bouaké, 27, 28 et 29 août 2007.

[206]Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants et un fonctionnaire de l'ONUCI, Bouaké, 27, 28 et 29 août 2007.

[207]Entretien de Human Rights Watch avec un membre de l'AGEECI, Bouaké, 28 août 2007. En ce qui concerne l'AGEECI, les responsables des Forces Nouvelles interrogés par Human Rights Watch soulignent que toute activité syndicale, étudiante ou autre est interdite sur leur territoire depuis mai 2006. Entretiens de Human Rights Watch, Bouaké, 28 et 29 août 2007. Les étudiants détracteurs soulignent toutefois que cette interdiction est purement et simplement un outil utilisé par les Forces Nouvelles pour restreindre les activités des groupes qui ne soutiennent pas ouvertement leurs intérêts (comme l'AGEECI) tout en permettant à d'autres de continuer à fonctionner (comme le Comité des étudiants). Contrairement à l'AGEECI qui est officiellement reconnue comme syndicat par le Ministère de l'Intérieur dans le sud, le Comité des étudiants ne dispose pas du statut officiel d'association.

[208]Entretien de Human Rights Watch avec Moussa Konaté, président du Comité des étudiants, et André Ouattara, administrateur des Forces Nouvelles, Bouaké, 29 août 2007.

[209]Entretien de Human Rights Watch, Bouaké, 27 août 2007.

[210] Entretien de Human Rights Watch, Bouaké, 29 août 2007.

[211] Entretien de Human Rights Watch avec Alexis Ogou, Abidjan, 23 août 2007.

[212]«Cissé Bacongo, ministre de l'Enseignement supérieur: 'Nos Étudiants sont en Train de Grandir'», Fraternité Matin (Abidjan), 6 décembre 2007.

[213]Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

[214]Entretien de Human Rights Watch avec un défenseur des droits humains, 24 octobre 2007.

[215]Entretiens de Human Rights Watch avec un défenseur des droits humains, 23 octobre 2007.

[216]Entretiens de Human Rights Watch, 23 et 24 octobre 2007.

[217]«STT» est le nom de guerre de Serge Koffi, qui a occupé la fonction de Secrétaire général de la FESCI de mai 2005 à décembre 2007.

[218]«KB» fait référence à Kacou Brou, principal doyen de la FESCI. Voir La structure et la culture organisationnelle de la FESCI, infra.

[219]Chant de la FESCI retranscrit par un membre de la FESCI et un étudiant assistant de recherche pour Human Rights Watch.

[220]«Yao Koffi Serge (Secrétaire général de la FESCI) : 'Je ferai de la FESCI un syndicat responsable'», Le Patriote (Abidjan), 27 mai 2005.

[221]«FESCI : Mian Augustin à la présentation de son équipe, plaide: 'Que ce bureau ne fasse pas l'objet de querelles'», Le Nouveau Réveil (Abidjan), 23 janvier 2007.

[222] Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 26 Mars 2008.

[223] Une exception fréquemment citée est celle d'un groupe de cinq étudiants de la FESCI en détention depuis fin 2005 parce qu'ils auraient tué le neveu d'un proche conseiller du président, Kadet Bertin. Les étudiants, qui clament leur innocence, auraient été dénoncés par le Secrétaire général de la FESCI, Serge Koffi. «Détenus depuis 2 ans à la Maca ; Des étudiants réclament une grâce», Le Jour (Abidjan), 3 août 2007.

[224]Entretiens de Human Rights Watch avec des victimes de la violence perpétrée par la FESCI, août, septembre et octobre 2007.

[225]Le problème de l'impunité en Côte d'Ivoire a été analysé dans un certain nombre de rapports antérieurs de Human Rights Watch. Voir, par exemple, Human Rights Watch, «Parce qu'ils ont des fusils… il ne me reste rien.» Le prix de l'impunité persistante en Côte d'Ivoire; Côte d'Ivoire: «Mon cœur est coupé» Violences sexuelles commises par les forces rebelles et pro-gouvernementales en Côte d'Ivoire.

[226]Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

[227] Voir Blocage du processus de paix ainsi qu'Intimidations et attaques à l'encontre de la presse, infra.

[228]Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants, des professeurs, des policiers, des juges et des défenseurs des droits humains, août, septembre et octobre 2007.

[229]Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 5 août 2007.

[230]Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

[231]Aux termes de la loi ivoirienne, la police a besoin d'obtenir la permission du président de l'université avant d'intervenir sur un campus. C'est le principe de la «franchise universitaire». Néanmoins, comme l'a expliqué un policier: «Si nous entendons des tirs sur le campus, nous appelons Serge Koffi pour avoir la permission d'y aller, pas le président de l'université. Cette affaire de la franchise universitaire, c'est terminé». Entretien de Human Rights Watch avec un policier, Abidjan, 21 octobre 2007.

[232] Voir Meurtre, agressions et actes de torture commis contre d'autres étudiants, infra.

[233]Entretien de Human Rights Watch avec un membre de la police judiciaire, Abidjan, 21 octobre 2007.

[234]Entretien de Human Rights Watch avec un policier haut gradé, Abidjan, 26 octobre 2007.

[235]Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

[236]Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 9 août 2007.

[237]Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 25 octobre 2007.

[238]Ibid.

[239]Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 26 octobre 2007.

[240]Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, 1er et 25 octobre 2007.

[241] Par exemple, lors d'une interview récente accordée à un journal, Charles Blé Goudé a expliqué que: «Pendant qu'on nous mettait en prison, il y avait un monsieur qui était à la tête d'une formation politique. Il s'appelle Laurent Gbagbo. Il a été en prison pour nous. Il a organisé une marche en 1992 pour nous soutenir. Pour nous, sa voiture a été incendiée ; pour nous, sa femme a été battue ; pour nous, il a été emprisonné ; pour nous, son fils l'a été également parce qu'il a exigé la libération des étudiants… A partir de là, un lien fort s'est tissé entre notre génération et ce monsieur.» «Charles Blé Goudé, leader des jeunes patriotes: 'Les problèmes de désarmement avant élection ne sont que de l'animation politique'», Sidwaya (Ouagadougou), 1er avril 2008.

[242]Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 22 octobre 2007.

[243]Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 3 août 2007.

[244]Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

[245]«Mes deux premières propositions pour une sortie de crise apaisée», Fraternité Matin (Abidjan), 20 août 2006.

[246]Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

[247]Entretien de Human Rights Watch avec un membre de la FESCI, Abidjan, 4 octobre 2007.

[248] En août 2007, le Président Gbagbo s'est entretenu avec des soldats qui réclamaient des primes de guerre. Lors des discussions, il aurait dit aux soldats que parce qu'ils n'avaient pas gagné la guerre, ils ne recevraient même pas cinq francs. «Rencontre entrele Chef de l'Etat et les FDS, mardi - Gbagbo refuse de récompenser des soldats qui n'ont pas gagné la guerre», Le Nouveau Réveil (Abidjan), 16 août 2007.

[249]Entretien de Human Rights Watch avec un policier, Abidjan, 21 octobre 2007.

[250]Entretien de Human Rights Watch avec Yapo Kouassi, alors Directeur Général de la Police Nationale, Abidjan, 25 octobre 2007.

[251]Cité dans «Un Commissariat de police attaqué», Soir Info (Abidjan), 27 août 2007. Serge Koffi soutient que le commissariat de police a été pris d'assaut parce que des étudiants avaient été passés à tabac par la police et que lui et son adjoint Attéby se sont rendus au commissariat pour calmer le jeu.

[252] Dans plusieurs gares routières d'Abidjan, les membres de la FESCI s'octroient le rôle de gardiens de l'ordre, organisant les files d'attente et punissant les éventuels fraudeurs. Eux-mêmes ne doivent pas faire la file. Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants, septembre et octobre 2007.

[253]«Ivory Coast police academy director suspended after clashes», Agence France-Presse, 2 septembre 2006.

[254]Entretien de Human Rights Watch avec un officier de police haut gradé, Abidjan, 24 octobre 2007.

[255]«Reçue hier par le chef de l'État, la FESCI exige le départ de Dja Blé et des responsables de la Police», Notre Voie (Abidjan), 4 septembre 2006. Serge Koffi faisait probablement allusion à un article du Ministre de la Sécurité de l'époque, Dja Blé, paru le 20 août 2006 et dans lequel il dénonçait «une culture de la violence entretenue par une quasi-impunité» et citait comme exemple «les nombreux actes de vandalisme, d'agressions physiques allant jusqu'aux meurtres commis par des élèves et étudiants de la FESCI [qui] sont et demeurent toujours impunis. «Mes deux premières propositions pour une sortie de crise apaisée», Fraternité Matin (Abidjan), 20 août 2006.

[256]«Sept agents inculpés dans l'affaire 'affrontements policiers-étudiants'», Fraternité Matin (Abidjan), 17 novembre 2006. En mai 2007, la police a dispersé une tentative de sit-in organisée au Ministère de l'Intérieur par des étudiants réclamant des indemnités de 300 millions de francs (environ 600 000$US) en lien avec les violences d'août 2006 . «FESCI : La responsabilité des autorités, la police en colère», Soir Info (Abidjan), 9 mai 2007.

[257]Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), adopté le 16 décembre 1966, Rés. AG 2200A (XXI), 999 U.N.T.S. 171 (entré en vigueur le 23 mars 1976 ; ratifié par la Côte d'Ivoire in 1992) ; Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, adoptée le 27 juin 1981, Doc. OUA CAB/LEG/67/3 rev. 5, 21 I.L.M. 58 (1982), (entrée en vigueur le 21 octobre 1986 ; ratifiée par la Côte d'Ivoire en 1992).

[258]Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), adopté le 16 décembre 1966, Rés. AG 2200A (XXI), 993 U.N.T.S. 3 (entré en vigueur le 3 janvier 1976 ; ratifié par la Côte d'Ivoire en 1992), Art. 13(2)(c).

[259]Comité des droits de l'homme, Observation générale No. 31, La nature de l'obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, Doc. ONU CCPR/C/21/Rev.1/Add.13 (2004), para. 8. Voir également  la Recommandation générale No.19 du Comité CEDAW : «Les États peuvent être également responsables d'actes privés s'ils n'agissent pas avec la diligence voulue pour prévenir la violation de droits ou pour enquêter sur des actes de violence, les punir et les réparer.» Recommandation générale No. 19, Violence à l'égard des femmes, Doc. ONU A/47/38 (1992) para. 9.

[260]Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

[261] Ibid.

[262] Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, 1er et 26 octobre 2007.

[263]Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 26 octobre 2007.

[264] Entretien de Human Rights Watch avec un dirigeant d'une association de professeurs, 1er octobre 2007.

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