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ONU : Pour en finir avec les « disparitions » à travers le monde

La Convention internationale contre les disparitions forcées est entrée en vigueur

(New York, le 22 décembre 2010) - La Convention contre les disparitions forcées, qui entre en vigueur le 23 décembre 2010, devrait renforcer les efforts internationaux visant à mettre fin à cette effroyable pratique, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Ce  traité devrait permettre de faire progresser la justice pour les victimes et d'exiger des comptes aux personnes responsables, a ajouté Human Rights Watch.

La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées entre en vigueur un mois après sa ratification par 20 pays. Le 23 novembre, l'Irak est devenu le 20e pays à ratifier le traité, et le Brésil l'a également ratifié depuis. La convention définit la « disparition forcée » d'un individu comme la « privation de liberté par des agents de l'État » ou autres autorités, suivie de la « dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve ».

« Les disparitions forcées infligent une souffrance d'une cruauté insoutenable, non seulement aux victimes mais aussi à leurs familles qui doivent souvent attendre des années, voire des dizaines d'années, avant d'apprendre le sort de leurs proches disparus », a déclaré Aisling Reidy, conseillère juridique senior auprès de Human Rights Watch. « L'entrée en vigueur de ce traité historique est extrêmement importante, mais pour que la pratique des disparitions forcées soit éradiquée une fois pour toutes, chaque pays devra se soumettre à l'interdiction d'enlever les gens et les détenir dans un lieu secret. »

Les proches des disparus ont fait campagne sans relâche pour l'adoption de cette Convention contre les disparitions forcées qui précise à la fois la portée de l'interdiction contre les disparitions et reconnaît les droits des familles des victimes à la vérité et à un recours en justice. Les efforts diplomatiques des gouvernements français et argentin ont été cruciaux pour mobiliser le soutien apporté par d'autres pays à cette convention, a souligné Human Rights Watch.

Les disparitions forcées constituent un crime international, interdit en toutes circonstances, et pouvant engendrer des poursuites pour crimes de guerre ou crimes contre l'humanité. Une disparition déclenche l'obligation d'ouvrir une enquête et d'engager des poursuites judiciaires. Bien que le droit international reconnaisse depuis longtemps leur illégalité, les disparitions forcées continuent d'avoir lieu dans de nombreux pays. Trop souvent, les gouvernements n'enquêtent pas sérieusement et ne donnent aucune information sur le sort des personnes disparues, ce qui constitue en soi une violation du droit.

Les disparitions forcées ont fait partie de l'arsenal de violence des conflits civils armés de la fin du XXe siècle ; cette pratique s'est poursuivie dans la dernière décennie, notamment au cours des opérations de lutte contre le terrorisme depuis les attaques du 11 septembre 2001. Outre les milliers d'affaires non résolues depuis les années 1990, faute d'avoir fait l'objet d'enquêtes suffisantes, de nouveaux cas ont été signalés en Tchétchénie et dans d'autres républiques de la région du Nord-Caucase en Russie.  

Depuis 2001, des centaines de personnes ont disparu au Pakistan, tandis qu'aux États-Unis, sous la présidence de George W. Bush, le gouvernement a fait disparaître des dizaines de personnes, les « prisonniers fantômes » présumés détenus dans les centres de détention secrets, notamment en Europe. On estime à au moins 30 000 le nombre des disparus au Sri Lanka depuis la fin des années 1980, et des centaines de disparitions ont été signalées aux Philippines ainsi qu'en Thaïlande. Les forces de sécurité indiennes ont été quant à elles impliquées dans 4 000 à 10 000 disparitions au Cachemire dans les années 1990.

Au Moyen-Orient, de nombreuses disparitions ont eu lieu au cours des dernières décennies en Algérie, en Libye, en Syrie, au Liban, en Irak et au Yémen. En Amérique latine, où plusieurs pays sont parties à la convention, des milliers de familles attendent toujours des informations sur le sort d'êtres chers qui ont disparu, et la traduction en justice des responsables de ces disparitions.  

« La persistance du phénomène des disparitions forcées est un rappel brutal de l'envergure du travail qui reste à accomplir, d'une part dans le cadre du nouveau traité, et d'autre part en tant que priorité relative aux droits humains dans les pays où ce problème est le plus grave », a déclaré Aisling Reidy.

Contexte
La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées a été adoptée le 20 décembre 2006.

Quand il a été ouvert à la signature, le 6 février 2007, 57 pays ont immédiatement signé. Les 21 pays qui ont ratifié la Convention à ce jour sont les suivants: l'Albanie, l'Allemagne, l'Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Burkina Faso, le Chili, Cuba, l'Équateur, l'Espagne, la France, le Honduras, l'Iraq, le Japon, le Kazakhstan, le Mali, le Mexique, le Nigeria, le Paraguay, le Sénégal et l'Uruguay.

La convention, qui comble un vide juridique important - il n'existait encore aucun traité permettant de répondre aux multiples violations des droits humains constituées par les disparitions forcées - est aussi construite sur des normes fermes du droit international coutumier. La convention établit le droit de ne pas être soumis à une disparition forcée et exige que les pays interdisent et criminalisent cette pratique dans leur législation nationale. Le traité, dans ses dispositions, précise la responsabilité pénale des subordonnés et des supérieurs, prévoit des mesures de prévention nationales et internationales et instaure les conditions d'extradition et de coopération internationale.

La convention s'appuie sur un corpus d'obligations juridiques propre à empêcher les disparitions, notamment l'interdiction de détention secrète et le droit, pour toute personne, à être détenue dans un établissement contrôlé, ayant une existence officielle, et garantissant le respect absolu de l'habeas corpus.

En outre, la Convention reconnaît pour les victimes et leurs familles le droit à la vérité et à réparation. Il contient également des dispositions pour protéger les enfants des victimes de disparition forcée et empêcher qu'ils soient illégalement soustraits par les autorités, dotés de fausses identités, et adoptés.

La convention prévoit la création d'un comité chargé de suivre les dispositions de la Convention et de recevoir les pétitions individuelles et interétatiques. Ce comité devrait également pouvoir être saisi en urgence si nécessaire, procéder à des enquêtes sur le terrain et porter à l'attention de l'Assemblée générale des Nations Unies des affaires de disparition répandues et systématiques.

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