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Des policiers arrêtent un homme tenant une affiche sur laquelle on peut lire "non à la guerre" lors d'une manifestation non autorisée le 13 mars 2022 sur la place Manezhnaya devant le Kremlin à Moscou, en Russie. © 2022 Contributor/Getty Images

(Berlin, le 12 janvier 2023) – L’invasion à grande échelle de l’Ukraine par le Kremlin a marqué le début d’une nouvelle campagne tous azimuts pour éradiquer la dissidence publique en Russie, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport Mondial 2023.

Les autorités russes ont adopté un large éventail de nouvelles lois introduisant une censure de guerre. Ces lois prévoient de longues peines d’emprisonnement pour diverses formes de « délits », comme le fait de qualifier le conflit armé en Ukraine de « guerre », de critiquer l’invasion ou la conduite des forces armées russes, et de rendre compte des crimes de guerre commis par l’armée russe ou des victimes civiles ukrainiennes.

« Avec la guerre en toile de fond, les autorités russes ont redoublé leurs attaques incessantes contre la dissidence et l’activisme civique », a déclaré Rachel Denber, Directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Le Kremlin cherche clairement à faire taire toute opposition publique à la guerre, toute critique du gouvernement, ou toute expression de non-conformisme social. »

Dans son Rapport mondial 2023, sa 33e édition qui compte 712 pages, Human Rights Watch passe en revue les pratiques en matière de droits dans près de 100 pays. Dans son essai introductif, la directrice exécutive par intérim Tirana Hassan explique que dans un monde où l’équilibre des pouvoirs a changé, il n'est plus possible de compter sur un petit groupe de gouvernements, principalement du Nord, pour défendre les droits humains. La mobilisation mondiale autour de la guerre menée par la Russie en Ukraine nous rappelle le potentiel extraordinaire lorsque les gouvernements s’acquittent de leurs obligations en matière de droits humains à l'échelle internationale. Il incombe à tous les pays, grands et petits, d'appliquer un cadre des droits humains à leurs politiques, puis de conjuguer leurs efforts pour protéger et promouvoir ces droits. La Russie a été suspendue du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, a été expulsée de plusieurs autres organismes internationaux et a quitté le Conseil de l’Europe. À l’intérieur du pays, les autorités ont adopté une mentalité de « forteresse assiégée », amplifié leur rhétorique faisant état d’une influence étrangère malveillante, et adopté des lois dont les dispositions s’apparentent à l’interdiction de contact avec l’étranger pendant l’ère soviétique.

De nouvelles lois ont encore élargi le champ d’application d’une législation pernicieuse qui désigne des individus ou des organisations avec l’étiquette toxique d’« agents de l’étranger », ont introduit des dispositions pénales sur la « coopération confidentielle » avec des organisations internationales et étrangères, qui les situe presque à égalité avec les peines pour haute trahison, et ont donné aux autorités des motifs encore plus larges pour mettre les activistes derrière les barreaux.

Un homme politique de l’opposition, Vladimir Kara-Murza, est devenu la première personne à être accusée de trahison uniquement pour avoir critiqué le Kremlin et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Kara-Murza est en détention depuis avril 2022.

Les forces de l’ordre ont répondu aux manifestations pacifiques organisées dans tout le pays contre la guerre par la violence, des arrestations massives et des poursuites administratives et pénales. Les autorités ont engagé des centaines de poursuites pénales sur la base de fausses accusations allant de la diffusion de « fausses informations » au « discrédit » des forces armées russes. Des milliers de personnes ont purgé des peines administratives ou ont été condamnées à payer des amendes pour de tels motifs. Alexeï Gorinov, membre du Conseil municipal de Moscou, a été condamné à sept ans de prison. L’homme politique de l’opposition Ilia Iachine, et l’activiste Alexandra Skochilenko, sont détenus depuis juin et avril respectivement, pour diffusion de « fausses informations ».

Les médias russes et étrangers indépendants, qui avaient commencé à quitter la Russie peu après l’invasion, ont accéléré le rythme de leurs départs après l’adoption de ces lois, en raison des risques pour la sécurité des journalistes. Les autorités russes ont continué à censurer les critiques en ligne en abusant de l’autorité du gouvernement pour bloquer les contenus sur Internet.

Les autorités russes ont par ailleurs continué à ajouter des organisations sur la liste noire des « indésirables » et ont pour la première fois condamné des activistes à des peines de prison pour leur appartenance présumée à ces organisations. En mai, un tribunal a condamné Mikhail Iosilevich à 20 mois d’emprisonnement, et en juillet, Andreï Pivovarov, l’ancien Directeur exécutif du Mouvement civique Russie ouverte, a été condamné à 4 ans de prison.

Les autorités russes ont également proposé une nouvelle législation qui renforcerait la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et ont intensifié leur rhétorique homophobe et anti-migrants.

En avril, les autorités russes ont révoqué l’enregistrement de 15 organisations non gouvernementales et fondations étrangères, dont Human Rights Watch et Amnesty International, les obligeant à fermer leurs bureaux en Russie.

Les autorités ont abusé de lois russes antiterroristes et anti-extrémistes de portée excessive pour exercer des représailles contre l’opposition politique, les voix dissidentes et les minorités religieuses. Des responsables ont ouvert des poursuites pénales pour « extrémisme » contre le leader de l’opposition emprisonné Alexeï Navalny et plusieurs de ses collaborateurs et sympathisants. Lilia Tchanycheva, l’ancienne responsable de l’équipe de Navalny à Oufa, est en détention provisoire depuis novembre 2021.

En mars 2022, les autorités ont inscrit Meta, la société mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, sur la liste noire des organisations « extrémistes ». Les autorités ont en outre continué à poursuivre des personnes accusées d’affiliation à des organisations religieuses désignées comme « terroristes » ou « extrémistes », même si ni ces groupes, ni les accusés, n’avaient embrassé ou été liés à une quelconque violence.

Les autorités tchétchènes ont brutalement réprimé toute dissidence sur leur territoire, tandis que le leader tchétchène, Ramzan Kadyrov, a ouvertement appelé la Russie à commettre des abus qui relèveraient de crimes de guerre.

La Russie a continué à figurer parmi les 10 premiers émetteurs de gaz à effet de serre au monde, contribuant ainsi à la crise climatique mondiale. Des incendies de forêt massifs ont à nouveau touché diverses régions de Russie en 2022. Un groupe d’activistes environnementaux a intenté le premier procès climatique contre le gouvernement, exigeant une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre de la Russie.

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