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États-Unis : Besoin de mesures fortes quant au racisme, à la pauvreté et au droit de vote

L’incapacité à démanteler le racisme systémique dans le pays freine les progrès en matière de droits humains

Des manifestantes participaient à un rassemblement organisé pour soutenir le droit à l'avortement devant le Centre de conventions d’Austin (Austin Convention Center) à Austin, au Texas, le 14 mai 2022.   © 2022 Jay Janner/Austin American-Statesman via AP

(Washington) – L’administration américaine du Président Joe Biden a fait de lents progrès en matière de droits humains en 2022, mais des politiques plus audacieuses sont nécessaires pour démanteler le racisme systémique, inverser les reculs accusés en matière de droits reproductifs et s’attaquer à d’autres problèmes urgents, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch dans l’édition 2023 de son Rapport mondial.

« Le gouvernement américain doit répondre aux problèmes cruciaux du moment en matière de droits humains », a déclaré Tanya Greene, directrice du programme États-Unis à Human Rights Watch. « Les responsables à tous les niveaux doivent s’attaquer au racisme systémique, aux inégalités économiques, à la suppression du droit de vote et aux restrictions imposées aux droits reproductifs qui exposent à des abus les personnes de couleur et d’autres communautés plus vulnérables que jamais. »

Dans son Rapport mondial 2023, sa 33e édition qui compte 712 pages, Human Rights Watch passe en revue les pratiques en matière de droits dans près de 100 pays. Dans son essai introductif, la directrice exécutive par intérim Tirana Hassan explique que dans un monde où l’équilibre des pouvoirs a changé, il n'est plus possible de compter sur un petit groupe de gouvernements, principalement du Nord, pour défendre les droits humains. La mobilisation mondiale autour de la guerre menée par la Russie en Ukraine nous rappelle le potentiel extraordinaire lorsque les gouvernements s’acquittent de leurs obligations en matière de droits humains à l'échelle internationale. Il incombe à tous les pays, grands et petits, d'appliquer un cadre des droits humains à leurs politiques, puis de conjuguer leurs efforts pour protéger et promouvoir ces droits.

L’administration Biden et le Congrès ont pris une mesure positive pour sauvegarder les droits humains en octobre en adoptant la loi sur la réduction de l’inflation. Ce texte historique, malgré certaines lacunes, fait progresser le droit à la santé et constitue l’action américaine la plus ambitieuse à ce jour pour répondre à la crise climatique.

Pourtant, les dirigeants politiques n’ont pas pris de mesures efficaces pour démanteler le racisme systémique inhérent à la société américaine. La réduction historique de la pauvreté amorcée en 2021 est en train de s’inverser, en raison de l’incapacité du gouvernement fédéral à renouveler les efforts de protection sociale entrepris à la suite de la pandémie de Covid-19, comme le crédit d’impôt pour les enfants, et à adopter des réformes structurelles pour lutter contre les disparités raciales persistantes dans l’accès aux soins de santé adéquats, à l’eau, à l’éducation, à l’emploi et au logement. La concentration des richesses parmi les 1 % les plus riches est en hausse, alors que les ménages noirs, latino-américains et amérindiens sont confrontés à des taux de pauvreté plus de deux fois supérieurs à ceux des ménages blancs.

Alors que le gouvernement doit investir pour résoudre une multitude de problèmes sociétaux, nombre de législateurs ont fait des déclarations infondées ou exagérées sur la montée de la criminalité pour justifier la hausse des dépenses relatives à l’application des lois au détriment des services de soutien. Les données montrent que les minorités ethniques restent largement surreprésentées dans les prisons et que la police tue trois fois plus de Noirs que de Blancs par habitant. Le Congrès n’a même pas adopté les réformes limitées proposées dans la loi fédérale Justice in Policing Act.

Les institutions démocratiques américaines n’ont pas réussi à protéger systématiquement l’exercice des principaux droits fondamentaux, notamment le droit de vote, menacé par la discrimination raciale. Près de la moitié des États américains ont adopté plus d’une trentaine de lois en 2021 et 2022 qui rendent plus difficile de voter. De même, l’incapacité des autorités judiciaires ou législatives à contrôler le recours de certains responsables politiques à la rhétorique suprémaciste blanche et aux politiques racistes a encore affaibli les institutions démocratiques américaines.

« Les dangers posés par l’incapacité du gouvernement américain à s’attaquer à l’héritage omniprésent du colonialisme et de l’esclavage, et à prendre des mesures réelles pour remédier aux structures qui perpétuent le racisme dans toute la société américaine sont alarmants et ne cessent de s’aggraver », a déclaré Tanya Greene. « L’injustice raciale viole les droits de millions de personnes vivant aux États-Unis et constitue une menace existentielle pour la démocratie américaine. »

Malgré la reconnaissance publique accrue que de nombreuses disparités raciales profondément enracinées sont issues de l’esclavage, et avec le soutien sans précédent du Congrès et des initiatives de réparation aux niveaux local et étatique, l’administration et le Congrès n’ont même pas réussi à créer une commission chargée d’étudier l’héritage de l’esclavage et de mettre au point des propositions de réparation, a déclaré Human Rights Watch.

Le racisme systémique est également lié à des politiques d’immigration draconiennes, a constaté Human Rights Watch. L’administration Biden a finalement mis fin au programme « Rester au Mexique » après avoir contraint des non-Mexicains à patienter leurs audiences de demande d’asile dans des villes mexicaines dangereuses, mais a continué à expulser des milliers de migrants à la frontière sud des États-Unis par le biais des restrictions abusives en appliquant le Titre 42, au mépris de leur droit à demander l’asile. Au Texas, le gouverneur Greg Abbott a pris pour cible les migrants présumés pour les arrêter et les incarcérer dans le cadre de l’opération Lone Star, une politique frontalière discriminatoire et abusive d’un montant de quatre milliards de dollars.

Bien que les grâces annoncées par Biden pour les citoyens condamnés pour simple possession de marijuana dans le système fédéral constituent un progrès, les non-citoyens par ailleurs éligibles n’en ont pas bénéficié.

La Cour suprême des États-Unis a démontré à plusieurs reprises son mépris pour la protection des droits fondamentaux. En juin, la juridiction a annulé la garantie constitutionnelle d’accès à l’avortement qui existait depuis près de 50 ans ; plus de la moitié des États américains ont depuis lors interdit l’avortement ou sont sur le point de le faire. Le racisme structurel dans les soins de santé et d’autres facteurs font de l’avortement une forme de soins de santé génésique dont les femmes de couleur ont davantage besoin que leurs homologues blanches. Le racisme dans le système juridique pénal signifie qu’elles sont les plus exposées aux interdictions d’avorter et à la criminalisation de la grossesse – des actions interprétées comme nuisibles à la grossesse d’une personne.

Outre qu’elle fragilise le droit constitutionnel à la vie privée, l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade a également menacé les droits parentaux des personnes LGBT, le mariage homosexuel et les comportements homosexuels consensuels. Les législateurs des États ont introduit plus de 150 projets de loi qui menacent les droits et la santé des personnes transgenres, en particulier des enfants transgenres.

Le Covid-19 a fait des milliers de victimes, en particulier des personnes appartenant à des groupes marginalisés, et plus de 230 000 sont mortes de cette maladie aux États-Unis en 2022. Les déclarations de M. Biden, qui a notamment affirmé en septembre que la pandémie était « terminée », reflètent l’incohérence permanente de la réponse américaine à la pandémie.

Privé du contrôle des deux chambres du Congrès par le parti démocrate, M. Biden devra prendre des mesures plus vigoureuses pour lutter contre les inégalités raciales et économiques exacerbées par l’inflation et le changement climatique et créer une commission fédérale de réparations, a recommandé Human Rights Watch. Les autorités à tous les niveaux devraient mettre fin aux politiques abusives d’application des lois et de contrôle aux frontières, protéger les droits reproductifs et sauvegarder les droits individuels.

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