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Somalie : Les forces de l’UA liées à des meurtres présumés lors d’un mariage

Il faut enquêter sur les troupes ougandaises qui auraient abattu six personnes

(Nairobi) – Les forces de la Mission de l’Union africaine (UA) en Somalie (AMISOM) devraient mener une enquête impartiale sur le meurtre présumé de six hommes, commis par des soldats de l’armée ougandaise lors d’un mariage le 31 juillet 2015 dans la ville portuaire somalienne de Merka, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Cette enquête devrait être conduite tout en assurant une protection maximale des témoins, et le gouvernement ougandais devrait engager des poursuites équitables contre tout membre de son armée responsable d’actes criminels.

Des soldats ougandais des Forces de l'Union africaine en Somalie (AMISOM) au cours d'une opération dans le port maritime d'El Maan, près de Mogadiscio, en Somalie, le 4 septembre 2012. © 2012 Reuters


Des témoins ont expliqué à Human Rights Watch qu’à la suite d’un attentat à la bombe perpétré contre un convoi de l’AMISOM, des forces ougandaises sont entrées dans plusieurs maisons à proximité  duquartier de Rusiya dans la ville de Merka. C’est dans l’une de ces maisons, où la famille Moalim Iidey célébrait alors un mariage, que les soldats ont séparé les hommes des femmes et ont abattu les six hommes adultes – quatre frères, leur père et un oncle. Quatre des hommes sont morts sur le coup. L’un des frères, qui s’est caché sous un lit après avoir été touché, est décédé plus tard à la suite de ses blessures.  Le père est quant à lui mort pendant la nuit après que sa famille ait essuyé le refus des soldats de se faire conduire  à l’hôpital.  

« Les forces de l’Union africaine en Somalie sont confrontées à de sérieuses difficultés, mais il est d’autant plus important  qu’elles respectent les lois de la guerre », a déclaré Maria Burnett, chercheuse senior de la division Afrique à Human Rights Watch. « Abattre des gens dans un mariage ou tout autre personne de sang froid pour les punir des attaques lancées par les insurgés ne fera que rendre les choses encore plus difficiles dans le futur pour les forces de l’Union africaine. »

Selon le droit humanitaire international applicable au conflit armé en Somalie, les parties au conflit, y compris les pays qui fournissent des troupes à la force de maintien de la paix, ont une obligation de mener des enquêtes sur les allégations de crimes de guerre commis par leurs forces ou les forces sous leur juridiction, et de mener des poursuites appropriées contre les individus responsables de ces crimes.

Les forces de l’Union africaine en Somalie sont confrontées à de sérieuses difficultés, mais il est d’autant plus important qu’elles respectent les lois de la guerre.
Maria Burnett

chercheuse senior de la division Afrique à Human Rights Watch


Un témoin a déclaré à Human Rights Watch : « Après l’explosion, toutes les personnes  qui se trouvaient dans cette zone se sont enfuies en courant, parce que les gens ont très peur de l’AMISOM. Je crois que les membres de la famille ont  pensé qu’ils seraient protégés parce qu’ils étaient en train de célébrer un mariage et que cela empêcherait l’AMISOM de les tuer. Mais au lieu de cela, l’AMISOM a fait du mariage un événement sanglant. »

Les hommes tués étaient Moalim Iidey Heyle, Omar Moalim Iidey, Yusuf Moalim Iidey appelé « Bikole », Hussein Moalim Iidey, Siid-Ali Moalim Iidey et Aweys Hassan Hussein appelé « Hamarow ».

En 2012, les troupes de l’AMISOM  qui soutiennent l’armée somalienne ont aidé à reprendre la ville de Merka au groupe armé islamiste Al Shabaab. Malgré la présence des forces de l’AMISOM, Al Shabaab maintient son contrôle sur de larges portions des zones rurales environnantes de la région du Bas-Chébéli. Les forces de l’AMISOM basées actuellement à Merka sont issues des Forces de défense du peuple ougandais (Ugandan People’s Defence Forces, UPDF).

L’AMISOM a publié un communiqué de presse le 4 août indiquant que ses convois de ravitaillement avaient fait l’objet d’attaques répétées de la part d’Al Shabaab à Merka et que ses forces ont répondu « proportionnellement » et en « légitime défense ». La déclaration indiquait également que l’AMISOM réspondrait aux allégations de décès de civils et que l’officier responsable du détachement des troupes à Marka a été rappelé pour un interrogatoire.

« L’AMISOM doit mener des enquêtes crédibles sur les événements de Merka et d’ailleurs, montrant ainsi aux Somaliens qu’elle s’engage à exiger des comptes aux troupes qui commettent des exactions », a déclaré Maria Burnett. « L’enquête ne doit pas se contenter d’interroger les propres soldats de l’AMISOM. Elle doit aussi s’accompagner d’une protection aux témoins de sorte que tous les récits puissent être entendus. »

Les autres allégations récentes de meurtres de civils par les forces de l’AMISOM à Merka devraient également faire l’objet d’enquêtes, selon Human Rights Watch.

Six témoins ont affirmé à Human Rights Watch que le 21 juillet 2015, des forces présumées de l’AMISOM ont tué au moins onze civils, dont une femme, deux adolescents, et deux hommes âgés, lors d’incidents distincts dans les quartiers de Jujuuma, Aw Balle et Rusiya à Merka. L’AMISOM a d’abord réfuté les rapports de décès de civils et a déclaré que ses forces avaient tué cinq combattants d’Al Shabaab lors d’une opération de patrouille.

L’AMISOM a mené une enquête préliminaire sur les meurtres du 21 juillet, et elle a créé depuis une commission d’enquête pour examiner ces incidents ainsi que ceux du 31 juillet à Merka. Aucun des survivants de tous ces incidents interrogés par Human Rights Watch n’a encore été entendu par des enquêteurs de l’AMISOM. 

Des témoins des incidents du 21 et du 31 juillet ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils craignaient de subir des représailles tant de la part d’Al Shabaab que de l’AMISOM. Al Shabaab a exécuté des civils soupçonnés d’avoir aidé les forces de l’AMISOM. Les dirigeants de l’AMISOM et les pays qui lui fournissent des troupes devront agir avec prudence pour garantir que les témoins interrogés bénéficient de la confidentialité et de la sécurité nécessaire, selon Human Rights Watch. Pour cela, il faudra peut-être conduire les témoins à Mogadiscio et les interroger dans des lieux sûrs.

En plus de l’enquête de l’AMISOM, le porte-parole de l’AMISOM a indiqué à Human Rights Watch qu’un comité conjoint de supervision constitué de représentantes de l’AMISOM et du gouvernement somalien sera également mis en place pour enquêter sur les décès de civils à Merka. Une enquête conjointe menée en 2013 sur les exactions commises par des forces de l’AMISOM à Mogadiscio avait été entachée de graves lacunes de procédure. Pour que le comité conjoint puisse assurer une supervision efficace, le gouvernement somalien devrait garantir que le travail du comité sera transparent, qu’il mobilisera du personnel compétent et qu’il accordera une priorité à la protection des témoins, a déclaré Human Rights Watch.

En 2007, le Conseil de paix et de sécurité de l'UA a déployé en Somalie les troupes de soutien de la paix connues sous le nom d’AMISOM, sous mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies. Depuis lors, le mandat, la taille et la présence géographique de l’AMISOM ont régulièrement augmenté. L’AMISOM mène actuellement une nouvelle offensive contre Al Shabaab dans plusieurs régions dans la partie sud-centrale de la Somalie.  

Le 28 juillet 2015, le Conseil de sécurité de l’ONU a renouvelé le mandat de l’AMISOM jusqu’en mai 2016, dans une résolution omettant largement de souligner l’importance de l’obligation de rendre des comptes pour les exactions commises par les forces de l’AMISOM. La résolution du Conseil de sécurité, toutefois, a précisé que l’UA devrait partager avec les parties prenantes concernées, notamment l’ONU, les informations recueillies par le biais de sa Cellule de suivi, d’analyse et d’intervention nouvellement mise en place, concernant les victimes civiles.

« Les opérations militaires dans la partie sud-centrale de la Somalie rendent de plus en plus urgentes les informations et les rapports exacts sur les exactions commises contre les civils », a conclu Maria Burnett. « La volonté de l’AMISOM et des pays qui lui fournissent des troupes à autoriser l’examen de leur conduite constituera une bonne indication de leur engagement dans la lutte contre l’impunité. »

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Article:

Operationspaix.net 15.08.15

 

 

 

 

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