Ils [les policiers] … vous retiennent là-bas et vous posent la même série de questions: Où allez-vous ? Pourquoi ? Que pensez-vous du wahhabisme ? Une fois, un agent de police me pressait sans cesse: ‘Alors, comment se fait-il que vous ne soyez pas encore dans les bois ? ... Pourquoi ne les rejoignez-vous pas [les insurgés]?’ On dirait qu'ils essayent de m'y pousser, de me faire fuir dans la forêt. Ils ne me laissent pas avoir une vie normale. Et c'est pareil pour beaucoup d'autres.
Human Rights Watch a également détaillé plusieurs opérations de contre-insurrection lors desquelles des biens civils ont été détruits ou endommagés et pour lesquels les propriétaires n'ont pas reçu une compensation adéquate – voire même aucune dans certains cas.
En 2013, des responsables de la sécurité ont pillé et détruit un certain nombre de maisons et d'entreprises dans le village de Gimry, au cours d'une période de 10 jours lors de laquelle les forces de sécurité ont forcé la plupart des habitants à évacuer le village. Après cela, les autorités ont empêché les journalistes et les défenseurs des droits humains d'entrer dans le village pendant des semaines.
Lors d'une opération prolongée dans le village de Vremenny en 2014, les forces de sécurité ont rassemblé des centaines de personnes pour vérification d'identité et interrogatoire, ont ensuite forcé la totalité de la population à quitter le village et ont détruit ou gravement endommagé des dizaines d'habitations.
« Les opérations de contre-insurrection sont peut-être nécessaires pour protéger le public mais ce qui n'est jamais justifié, c'est que les forces de sécurité effectuent ces opérations sans considération pour les normes relatives aux droits humains », a affirmé Tanya Lokshina.
Human Rights Watch a constaté que dans certains cas, les autorités avaient eu recours à une force excessive en arrêtant des suspects, en faisant disparaître de force certaines personnes, ou en les détenant au secret dans des lieux inconnus, sans accès à leur famille ou à des avocats. Dans certains de ces cas, la police a battu les suspects pour les contraindre à faire des aveux ou à donner des informations. Les responsables locaux et les forces de sécurité mettent fréquemment d'importants obstacles sur les pas des avocats et des défenseurs des droits humains qui défendent les personnes visées dans les opérations de contre-insurrection et des journalistes qui enquêtent sur ces affaires, et dans certains cas ont proféré des menaces contre leur vie ou leur bien-être.
Les tactiques des insurgés au Daguestan ont inclus des attaques contre des militaires et des policiers, ainsi que des assassinats de responsables et des attentats commis sans discernement contre des civils. Human Rights Watch a documenté deux cas d'attentat-suicide lors desquels des civils ont été blessés et des secouristes ont été pris pour cible, ainsi que les meurtres, vraisemblablement par les insurgés, de deux imams qui avaient critiqué le mouvement militant islamiste clandestin.
Le gouvernement russe devrait cesser immédiatement de recourir à des tactiques abusives au Daguestan. Les autorités devraient promouvoir un climat favorable pour que les journalistes, les avocats et les défenseurs des droits humains puissent faire leur travail dans cette région, a déclaré Human Rights Watch.
« Les attentats commis par les insurgés contre des civils, des responsables gouvernementaux et des policiers sont des crimes graves et leurs auteurs devraient être traduits en justice », a conclu Tanya Lokshina. « Mais le gouvernement russe ne peut invoquer la responsabilité qui lui incombe d'empêcher les attaques des insurgés et de punir leurs auteurs pour justifier la violation des droits des personnes. »