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République centrafricaine : Visite d’une délégation du Conseil de sécurité de l’ONU

Il faut saisir cette occasion pour dénoncer les attaques contre les civils

(Nairobi) – Les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, dont une délégation entamera sa première visite en République centrafricaine le 9 mars, devraient dénoncer publiquement les attaques persistantes perpétrées contre les civils, notamment contre les musulmans pris au piège dans des enclaves, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le Conseil de sécurité devrait rappeler à toutes les parties au conflit que les personnes responsables de ces crimes devront rendre compte de leurs actes.

« Cette visite est l’occasion pour les membres du Conseil de sécurité de l’ONU d’intervenir et d’affirmer à ceux qui commettent des atrocités en République centrafricaine que le temps de l’impunité est révolu », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « L’amélioration de la protection des civils et la garantie de la justice pour les meurtres brutaux qui ont ravagé le pays devraient figurer en priorité de leur agenda. »  

La délégation du Conseil de sécurité de l’ONU passera près de 36 heures en République centrafricaine, où elle rencontrera des autorités du gouvernement de transition, des hauts responsables de la mission de l’ONU pour la consolidation de la paix (MINUSCA), ainsi que des représentants d’organisations non gouvernementales. Les forces de maintien de la paix de l’ONU ont pris la suite des forces de maintien de la paix de l’Union africaine le 15 septembre 2014, avec pour mandat de protéger les civils et de faciliter la transition politique dans le pays.

La République centrafricaine traverse une crise profonde depuis que les rebelles de la Séléka, musulmans pour la plupart, se sont emparés du pouvoir en 2013, lors d’une campagne marquée par des violations des droits humains généralisées. À la mi-2013, des groupes se désignant eux-mêmes sous le nom d’anti-balaka se sont soulevés pour combattre la Séléka. Les anti-balaka, qui nourrissent une haine contre les musulmans, ont d’abord commis des attaques à grande échelle en représailles contre des civils musulmans et plus tard contre d’autres personnes. Un gouvernement de transition a été mis en place, mais les attaques contre les civils demeurent alarmantes et largement répandues.

Le cycle meurtrier de violence sectaire a dévasté des régions situées dans l’ouest du pays en 2013 et 2014. Cela a provoqué l’exode massif d’environ 415 000 personnes, musulmanes pour la plupart, vers les pays voisins. Depuis juin 2014, la violence sectaire s’est étendue à des régions du centre et de l’est du pays. Au sein et aux alentours de la ville de Bambari ainsi que dans d’autres parties des préfectures d’Ouaka et de Nana-Gribizi, des attaques contre des civils sont signalées presque quotidiennement. Un cessez-le-feu entre les parties au conflit, signé en juillet 2014 à Brazzaville, République du Congo, est resté largement ignoré.

En septembre 2014, Human Rights Watch a documenté  le meurtre d’au moins 146 personnes depuis juin au sein et autour des villes de Bambari, Bakala, Mbres et Dekoa. Ce chiffre ne représente qu’une fraction du nombre total de meurtres rapportés étant donné que de nombreux massacres ont eu lieu dans des zones reculées, difficiles d’accès. Si les forces de maintien de la paix de l’ONU ont amélioré la protection des civils à Bangui, la capitale, ainsi que dans des parties de l’ouest du pays, elles ont eu du mal à remplir leur mandat dans les zones centrales et orientales du pays.

Le rétablissement de l’État de droit représente un défi immense pour les autorités du gouvernement de transition et pour les forces de maintien de la paix de l’ONU. Le système judiciaire national a été ravagé par les conflits successifs, ainsi que par le manque de ressources et d’expertise pour traiter des crimes graves. En septembre, suite à un saisine de la  Cour pénale internationale (CPI) par le gouvernement de transition centrafricain, la Procureure de CPI a ouvert une enquête sur les crimes commis depuis janvier 2012.

Le Conseil national de transition – le parlement intérimaire de la République centrafricaine – devrait entamer des discussions dans la semaine du 8 mars sur un projet de loi visant à créer une Cour pénale spéciale au sein du système judiciaire national qui comprendrait des juges et du personnel nationaux et internationaux. Cette cour spéciale complèterait le travail de la CPI et jugerait les auteurs de crimes graves.  

« Il est crucial de s’attaquer à l’impunité endémique régnant en République centrafricaine afin d’obtenir une paix à long terme », a déclaré Daniel Bekele. « Les membres du Conseil de sécurité devraient non seulement exprimer tout leur soutien à la CPI, mais ils devraient également garantir un soutien financier aux efforts innovants de la part du gouvernement de transition pour s’assurer que justice soit rendue aux victimes. »

Les membres du Conseil de sécurité devraient également profiter de leur visite pour évoquer le calvaire de centaines de résidents musulmans pris au piège dans des enclaves dans l’ouest de la République centrafricaine.

Dans l’enclave de Yaloké, environ 500 bergers peuls musulmans vivent dans des conditions déplorables, et le nombre de décès évitables va croissant. Depuis février 2014, au moins 44 Peuls musulmans, des enfants pour la plupart, sont morts de malnutrition, de maladies respiratoires et autres maladies. Depuis décembre, les distributions de denrées alimentaires dans cette enclave ont augmenté et quelques enfants ont pu être réunis avec leurs familles. Mais il n’y a toujours aucune solution pour la majorité des autres. 

Des agences humanitaires de l’ONU et Human Rights Watch ont appelé à maintes reprises à l’évacuation des musulmans pris au piège, qui ont clairement exprimé le souhait de partir. Le gouvernement s’oppose à toute nouvelle évacuation de musulmans sans son consentement, craignant d’être considéré comme contribuant à un nettoyage ethnique.

 Les autorités du gouvernement de transition et les forces de maintien de la paix de l’ONU empêchent les musulmans de fuir à l’étranger, ou ne fournissent aucune aide sécuritaire lorsqu’ils tentent de partir. La police viole le droit des citoyens musulmans à la liberté de mouvement dans leur propre pays et à chercher asile à l’étranger.

« Les forces de maintien de la paix ne devraient pas se rendre complices de mesures empêchant les musulmans de quitter Yaloké ou tout autre enclave, et elles devraient plutôt les aider à partir dans la dignité et en toute sécurité », a indiqué Daniel Bekele. « Les membres du Conseil de sécurité doivent signifier aux autorités gouvernementales de revoir des politiques qui violent les droits des musulmans à rechercher la sécurité à l’étranger. »

Les membres du Conseil de sécurité devraient également se pencher sur l’obligation de rendre des comptes pour les exactions commises par des forces du maintien de la paix de l’UA. Le Conseil de sécurité devrait insister pour que soient conclues rapidement les enquêtes sur les exécutions sommaires de 11 à 18 personnes perpétrées à Boali en mars 2014, et sur la mort de deux combattants anti-balaka qui ont été torturés à Bossangoa en décembre 2013 par des militaires de la République du Congo déployés dans le cadre de la mission de maintien de la paix de l’Union africaine, avant que l’ONU ne prenne la suite.

« Garantir que justice soit rendue pour tous les crimes commis en République centrafricaine, que ce soit par les groupes armés ou par les forces de maintien de la paix, est crucial pour une stabilité future », a conclu Daniel Bekele.

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